Mokhtar El Amraoui, Nos morts et autres poèmes
Nos morts aussi ont leurs caprices,
Quand ils explosent les miroirs
Et circulent dans les veines
De nos eaux et feux !
Leur air emprunte sa musique
A la composition d’un ciel porté
Par leurs épaules qui tracent encore
Une géométrie d’herbes et de rencontres.
A certaines heures calcinées,
La mémoire sait aussi taire
Ses inutiles clameurs pour leur ouvrir,
En douce discrétion, d’autres portes.
Et débute, à rebours, le cri des pas
Dansant le feu et les coeurs
De leurs photos offertes à nos soirées !
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II/ Ailes de fantômes
Comment encore la dire, elle,
L’absente lettre
Ou danse des lèvres
Des mots suspendus
A tes yeux sonores ?
Ils culbutent ma transe.
Un silex, oui, de déroute,
C’est-à-dire de retrouvailles !
Je n’attendais de toi
Que cette main tendue
Regardée en nos éveils !
Ton hier, quand tu étais vêtue d’étoiles vertes.
Tes yeux me rêvaient, dans mon silence,
Comme des feuilles de citronnier
L’or d’un ciel visage
Te disant sur le rivage d’autres quais.
Cri de précipices !
Tu rends hommage à l’hirondelle
Qui t’a poinçonnée le sein en masques d’adieux.
Prendre juste un mot
Puis descendre, avec, dans le puits
De chaque lettre et venir
A l’ombre de ses fugues, tes fulgurances !
Les sourires de ton regard,
Quand tu m’aimes, mort bleue !
Comme le rire de cette impossibilité,
Note distance calculée en caresses
Chaussée de souvenirs
Et ailes de fantômes !
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III/ Images sans contes
Le pollen électrique
Charme la musique stellaire de mon sang.
Il offre ses portées
Aux artères mortes de la ville.
Le cadavre du chat
Et les deux bras de la poupée
Pourrissent dans la canicule du port.
Les plus vieux des pêcheurs
N’ont plus rien à raconter.
Ils regardent la télé.
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IV/ Sur le parchemin d’une route
J’irai, au zénith,
Redonner mes cendres aux mots,
Lorsque la fleur sautera
Sur la fosse aux cris morts.
J’irai déplier le ciel de ma voix,
Pour la faire trembler
A l’étendard encore glissant
De la lumière assoiffée,
Sur le parchemin d’une route
S’ouvrant en épines
Brûlant de questions,
Entre naissances et agonies,
Entre regards et déroutes.
J’irai, sur la rive,
Regarder ma tombée
Qui t’a effleurée de mes nuits,
Qui m’a dit en attentes
Baignant dans les yeux d’encres
De mes rêves déchirés !
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V/ Aux mâts des silences
Assourdissants cris de la feuille
comme un aboiement d’errance
dans les veines de l’oubli
Rives d’échos et d’appels vains
Le géomètre a la soif de l’arbre
son sein
et des jours d’attentes trompeuses
Le phare gris rêvera encore
le salut d’un retour
ou le rire d’un éclair suspendu
aux mâts des silences
Mokhtar El Amraoui lisant son poème Sur le parchemin d'une route.