pour Elliot.
« Il fait une petite chaleur »
vient-il de dire,
comme s’il tenait
à n’offenser
ni le ciel, ni personne,
à nous rassurer un peu
sur les suites
de l’entreprise.
Bouchée franche
des regards,
sans périphrase
autour des sandwiches,
il fait bleu de sourire
ductile
dans l’éclair
de ce pique-nique
en bordure de pluie.
Des voisins
Avec eux parlant
de la pluie et de l’herbe
tondue ou à tondre ;
avec eux c’est simple
comme bouger un pied
spontanément après l’autre -
et ainsi de suite,
allant son train bonhomme,
le moindre échange
sans arrière-pensée
au balcon ou bien devant
nos garages respectifs -
Avec eux il y a comme
l’effet d’une pierre
de sucre candide
qui volontiers vient fondre
au milieu quelquefois
d’une amertume passagère.
Acquiescement
pour Olivier.
Alors que nous courons,
une parole entraînant l’autre,
tu en viens à évoquer
des tranches de vie,
ce que nous ne rattraperons plus,
ce qui nous brûle,
étape après étape,
et revient là,
en coup de sang, dans nos cœurs,
par petits tas de cendres.
Pour toi, comme pour moi,
le plus âpre dans tout ça,
c’est d’accepter ce train
qu’impose le temps
avec toutes ces gares,
ces incendies de parcours,
ces aiguillages humains
au goût d’amitié ou d’amour parfois
amers.
De tout notre souffle,
nous tranchons, en dépit
d’un ciel pesant de pluie et de larmes,
dans le vif des regrets,
et repoussons impuissamment la fin,
au gré des paysages traversés
d’images en nous.
Plongeon
Rideau à peine
baissé du soir,
nous traversons
sa douceur et la rue
piétonne.
Rideau à peine,
baiser du soir -
les terrasses
y fourmillent
de langues, d’alcools,
de fumets divers,
baignés d’une sorte
de légèreté commune.
Rideau à peine -
oublieux de savoir
nager et des regards
qui me sont terre
ferme,
voilà que je plonge
avec le jour,
lourd de tous mes sens,
au large d’une pensée
fugace,
dans la houle
des récits possibles.
Rideau, sur ce,
troué d’étoiles…
Bis
Ici, ça ne dure pas,
toujours ça tourne à l’orage,
et y r’pleut
comme on dit par chez nous.
Un cri de mouette,
pour nous rappeler l’été,
zèbre soudain ce tonnerre
d’abattement grisâtre.
(Toboggan, balançoire,
rêvant de cigales,
ont depuis belle lurette
enjambé le mur du jardin.)
Et c’est ainsi que tombe
de nos mains moites,
comme le poids maussade
d’une vache sur nos tongs,
la faible perspective
d’un château de sable.