Morgan Riet, Toi, moi, miroir etc.

Par |2024-06-06T12:41:37+02:00 6 juin 2024|Catégories : Critiques, Morgan Riet|

Quand on suit le par­cours d’un poète depuis ain­si dire tou­jours, depuis ses débuts, met­tons, on peut s’émouvoir de sa per­ma­nence, ou se réjouir de ses évo­lu­tions, ou bien encore être per­cuté par ses révolutions.

Pour cer­tains, et tel est le cas de Mor­gan Riet, c’est l’ensemble de ces trois pos­si­bil­ités, de ces trois voies qui nous sont offertes. L’auteur suit sa voix, écoute la pro­gres­sion de son tim­bre, et par­fois crie presque.

Crier, non, élever le ton, comme pour mieux répon­dre à l’exigence du poème, qui n’est pas d’atteindre la vérité de l’existence, mais de ne pas se laiss­er endormir par la pré­ten­tion des mots.

Sourde oreille

Depuis leur silence infini,

les étoiles qui brillent

sou­vent me font

des réflex­ions.

Par exem­ple, jamais

elles ne manquent

de me remet­tre à ma place

dans mon espace-temps,

quand, les yeux cloués aux cieux,

gon­flé, ébloui d’orgueil, je

décolle du linoléum,

plus léger qu’un bal­lon d’hélium,

comme toutes les fois

où, brûlant des mots qu’on rumine,

on s’imagine

qu’une brassée de vers suffit

pour con­tenir tous les par­fums du monde.

Sans aucun doute est-ce là la meilleure façon de vivre, nous sug­gère-t-il, ensuite, pour­rions-nous croire, dans un mélange tout per­son­nel d’implication et de dis­tan­ci­a­tion, en restant l’acteur et le spec­ta­teur du monde, du vivant, et donc de l’amour – amour de son Autre, autant que de tous les Autres… et de soi. Parce que le réel est un con­te, une fic­tion, une pro­jec­tion ? 

Théâtre

Les lumières s’éteignent,

et la rumeur aussi.

Le rideau se lève.

Applaud­isse­ments nourris.

Deux comé­di­ens sur la scène.

Un homme, une femme.

Un cou­ple qui va

avancer dans la pièce,

de tableau en tableau,

avec qu’il aurait

mieux valu taire,

avec son lot jumeau,

con­jugué à tous les temps,

de tra­vers, de mau­vais­es fois,

de malen­ten­dus divers.

Mais le tout

sur un fond de ciel couleur tendre

rehaussé d’humour.

Bref, une femme, un homme,

qui pour­raient nous ressembler

et qui, ce soir, jouent avec nous

cette comédie de l’amour.

« Toi, moi, miroir, etc. », sim­ple titre du recueil, ou leit­mo­tiv, ou évi­dence ? Ce que l’on est, ce que l’Autre est, ce que nous sommes : une pro­jec­tion, une fic­tion, ou la réal­ité ? Le poète se garde bien de répon­dre. Et d’ailleurs, se pose-t-il la ques­tion, ou la pose-t-il à son binôme pho­tographe, Cédric Cahu, qui l’accompagne, ou qu’il l’accompagne… à l’origine le pho­tographe a écrit, puis le poète a imagé des mots… mais du poème à la pho­to, de l’œuf à la poule ?! Et nous la pose-t-il, cette ques­tion de savoir quelle est la réal­ité de soi, de l’image de soi comme de l’Autre, de nous, ou bien est-ce nous qui la lui posons ?!

Mor­gan Riet, Toi, moi, miroir etc., Chrisophe Chomant édi­teur 16,50 €. 16, rue Louis Poter­at – 76100 Rouen.

Présentation de l’auteur

Morgan Riet

Mor­gan Riet est né en 1974, à Bayeux, où il réside tou­jours. Il est l’auteur de : Lieu cher­ché, chemins bat­tus (éd. Clapàs – 2007), En pays dis­parate (même édi­teur – 2010),  Midi juste env­i­ron (auto-édi­­tion – 2011), Du côté de Vésanie, illus­tré par Matt Mahlen (éd. Gros textes – 2012), Ça brûle (-36° édi­tion – 2012), Quelque chose, pho­tos de David Lemaresquier (éd. Les Tas de mots – 2013), Vu de l’intérieur, illus­tré par Hervé Gouzerh (éd. Don­ner à voir –  2013), A fleur de poème1, illus­tré par Matt Mahlen (même édi­teur – 2016), Sous la cognée (éd. Voix tis­sées – 2017) et Chute de fiel / Sang & Diesel (éd. Gros textes – 2018).  Il a col­laboré aus­si à de nom­breuses revues (Décharge, Frich­es, Ver­so, Cairns, Poésie/Première, Comme en poésie, Trac­­tion-bra­bant, Paysages écrits, 17 sec­on­des, les Cahiers de la rue Ven­tu­ra, Inédit Nou­veau, Recours au poème, Spered Gouez, Ce qui reste …) ain­si qu’à quelques recueils col­lec­tifs : L’insurrection poé­tique – col­lec­tion Po&vie (Ed. Corps Puce – 2015), Arbre(s) (Ed. Don­ner à voir – 2016), Dehors, recueil sans abri (Ed. Janus –  2016), Duos – 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à par­tir de 1970 – Antholo­gie dirigée par Lydia Padel­lec – Bac­cha­nales  N° 59 (Mai­son de la poésie Rhône-Alpes – 2018).

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Vincent Motard-Avargues

Vin­cent Motard-Avar­gues, né le 15 juin 1975, à Bor­deaux ; pho­tographe & musi­cien, a pub­lié quelques livres. Poésie : — “Car­nets d’un plongeur sec”, édi­tions Gros Textes, 2019 — “La chair de la pierre”, édi­tions Incli­nai­son, 2018 — “(im)permanence”, édi­tions Encres Vives, 2015 — “Je de l’Ego”, édi­tions du Cygne, 2015 — “Recul du trait de côte”, édi­tions de la Crypte, 2014 — “À ce qui est de ce qui n’a”, édi­tions Encres Vives, 2013 — “Leurs mains gan­tées de ciels”, édi­tions Encres Vives, 2012 — “Le vil­lage retrou­vé”, édi­tions Encres Vives, 2012 — “Si peu, tout”, Éclats d’en­cre édi­teur, 2012 — “l’Al­pha est l’Omé­ga”, ‑36° édi­tions, 2011 — “Un écho de nuit”, édi­tions du Cygne, 2011 Pho­to : — “Radi­celles”, duo poèmes/ pho­tos avec Murièle Mod­é­ly, édi­tions Tar­mac, 2019 — cou­ver­ture du livre « Je te vois », de Murièle Mod­é­ly, édi­tons du Cygne, 2017”

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