Morgan Riet, Toi, moi, miroir etc.

Quand on suit le parcours d’un poète depuis ainsi dire toujours, depuis ses débuts, mettons, on peut s’émouvoir de sa permanence, ou se réjouir de ses évolutions, ou bien encore être percuté par ses révolutions.

Pour certains, et tel est le cas de Morgan Riet, c’est l’ensemble de ces trois possibilités, de ces trois voies qui nous sont offertes. L’auteur suit sa voix, écoute la progression de son timbre, et parfois crie presque.

Crier, non, élever le ton, comme pour mieux répondre à l’exigence du poème, qui n’est pas d’atteindre la vérité de l’existence, mais de ne pas se laisser endormir par la prétention des mots.

Sourde oreille

Depuis leur silence infini,

les étoiles qui brillent

souvent me font

des réflexions.

Par exemple, jamais

elles ne manquent

de me remettre à ma place

dans mon espace-temps,

quand, les yeux cloués aux cieux,

gonflé, ébloui d’orgueil, je

décolle du linoléum,

plus léger qu’un ballon d’hélium,

comme toutes les fois

où, brûlant des mots qu’on rumine,

on s’imagine

qu’une brassée de vers suffit

pour contenir tous les parfums du monde.

Sans aucun doute est-ce là la meilleure façon de vivre, nous suggère-t-il, ensuite, pourrions-nous croire, dans un mélange tout personnel d’implication et de distanciation, en restant l’acteur et le spectateur du monde, du vivant, et donc de l’amour – amour de son Autre, autant que de tous les Autres… et de soi. Parce que le réel est un conte, une fiction, une projection ? 

Théâtre

Les lumières s’éteignent,

et la rumeur aussi.

Le rideau se lève.

Applaudissements nourris.

Deux comédiens sur la scène.

Un homme, une femme.

Un couple qui va

avancer dans la pièce,

de tableau en tableau,

avec qu’il aurait

mieux valu taire,

avec son lot jumeau,

conjugué à tous les temps,

de travers, de mauvaises fois,

de malentendus divers.

Mais le tout

sur un fond de ciel couleur tendre

rehaussé d’humour.

Bref, une femme, un homme,

qui pourraient nous ressembler

et qui, ce soir, jouent avec nous

cette comédie de l’amour.

« Toi, moi, miroir, etc. », simple titre du recueil, ou leitmotiv, ou évidence ? Ce que l’on est, ce que l’Autre est, ce que nous sommes : une projection, une fiction, ou la réalité ? Le poète se garde bien de répondre. Et d’ailleurs, se pose-t-il la question, ou la pose-t-il à son binôme photographe, Cédric Cahu, qui l’accompagne, ou qu’il l’accompagne… à l’origine le photographe a écrit, puis le poète a imagé des mots… mais du poème à la photo, de l’œuf à la poule ?! Et nous la pose-t-il, cette question de savoir quelle est la réalité de soi, de l’image de soi comme de l’Autre, de nous, ou bien est-ce nous qui la lui posons ?!

Morgan Riet, Toi, moi, miroir etc., Chrisophe Chomant éditeur 16,50 €. 16, rue Louis Poterat – 76100 Rouen.

Présentation de l’auteur

Morgan Riet

Morgan Riet est né en 1974, à Bayeux, où il réside toujours. Il est l’auteur de : Lieu cherché, chemins battus (éd. Clapàs – 2007), En pays disparate (même éditeur – 2010),  Midi juste environ (auto-édition – 2011), Du côté de Vésanie, illustré par Matt Mahlen (éd. Gros textes – 2012), Ça brûle (-36° édition – 2012), Quelque chose, photos de David Lemaresquier (éd. Les Tas de mots – 2013), Vu de l’intérieur, illustré par Hervé Gouzerh (éd. Donner à voir –  2013), A fleur de poème1, illustré par Matt Mahlen (même éditeur – 2016), Sous la cognée (éd. Voix tissées – 2017) et Chute de fiel / Sang & Diesel (éd. Gros textes – 2018).  Il a collaboré aussi à de nombreuses revues (Décharge, Friches, Verso, Cairns, Poésie/Première, Comme en poésie, Traction-brabant, Paysages écrits, 17 secondes, les Cahiers de la rue Ventura, Inédit Nouveau, Recours au poème, Spered Gouez, Ce qui reste …) ainsi qu'à quelques recueils collectifs : L’insurrection poétique – collection Po&vie (Ed. Corps Puce – 2015), Arbre(s) (Ed. Donner à voir – 2016), Dehors, recueil sans abri (Ed. Janus –  2016), Duos – 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à partir de 1970 – Anthologie dirigée par Lydia Padellec – Bacchanales  N° 59 (Maison de la poésie Rhône-Alpes – 2018).

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