© Jacques Cauda
Trois chevreuils noirs
sortent du bois du sommeil
L’alouette rouge fuse
dans la plaine intérieure
L’espoir allume
sur ses miroirs de plume
les ailes de l’ailleurs
avant la brume
aux naseaux des aumailles
avant
l’endormissement
de la sève au bord du sevrage
hivernal
L’hiver amorphe rêvera-t-il ?
Qui fera feu de tout bois
dans l’âtre veilleur
couché comme un chien prêt de s’ébattre
sur le seuil aux abois
Quand,
l’affût
marquera-t-il l’arrêt ?
Quand ,
s’activera
l’instinct prédateur ?
La montée de sève débourre déjà
ses velours mauves éclos en écailles
Passée, l’hibernation automnale
Levé, le philtre des bois dormants
Réveillée, la respiration endormie
Le sommeil tente ses premiers pas
à la descente du nid
De quelles forces d’être
de quel rougeoiement d’altitude
le printemps explosera ?
Le chien bleu rieur, la chienne rouanne
mon épagneul picard,
flairent avant l’heure
les odeurs
printanières
La buse miaule
le chevreuil aboie
mon petit chat crève
Je feule, je crache, je meurs
de mon petit chat mort
comme une Bête
Tandis que l’aube lève
s’impatiente
sort les griffes
de ne trouver parole
l’affût rêve
par l’ombre féline
un peu de lumière
Petit chat
mon petit chat mort
je te ressuscite, te hèle, et je te ronronne
te cheville
à cœur-caresse
Je te parle
Tu renais
dans ce qui respire
de ce qu’il me reste
de ce qui me traîne
Je hurle
derrière mes yeux de Bête
ton cri fauve de chat sauvage
La nuit se dilate
upilles désailées
Je plante mes canines
peine sourde, cri des larmes
rentré,
dans les plumes de ton sommeil
La vipère du désir s’active
ensorcelle la broussaille du soir
jusqu’à son nid d’étoiles
où les oiseaux de l’aube
reviendront boire
bientôt le jour
les langues de venin
noueront le sang
suffoqué sous l’épiderme
La fatigue dégonde
une fenêtre dans le crâne
dormante sur l’épaule
Plein vent un pic-vert ricane
envol ondulé sous le velum
des idées qui s’écharpent
La volière des pensées est vide
La tenaille du soleil retire
une écharde
rire rouge flamboyant
entre les dents
de ta migraine qui cogne
Derrière le rideau qui gondole
un oiseau est rentré
dans le ciel éventé de ta tête
il tisonne l’alerte
dans le feu fané des décombres
où dorment fleurs de cendre
les arachnides du temps
que la mort tisserande déchire
La cage est ouverte
Sous le manteau des coups de lames
feux sanglants de la veille
s’activent
esquivent dans le foyer décomposé
les gestes courts
les paroles torves paradoxales
celles qui font mal
Reposée la fatigue
déposera
sa mue dans l’âtre
jusqu’à
la prochaine attaque
de quelle nouvelle créature hybride
de quel nouveau monstre du Langage ?
© Jacques Cauda