Carlo Sarrabezolles — statue de la victoire à Hell-bourg, Hauts de la Réunion.
INTERVALLE
Ce nègre de l’après,
le nègre sans souillure
Avec ce petit air mélancolique creusant son sourire
il sillonne les alentours mordant dans le vide
on dit qu’il est atteint du mystérieux
ce mal du pays lointain
Dans mon pays à l’intérieur de ces terres
intranquilles et sans maître
les fous portent le mal de cet ailleurs lointain
quand ils se donnent d’interroger
leur toute première errance
in “Je suis tout Un peuple Labyrinthe”, Inédits
DÉESSE
Que devrais-je répondre si on me demandait
comment je me porte
à toute réponse les mots s’enlisent
et parfois ne viennent pas
Que devrais-je répondre si on me demandait
ce qui donc m’habite
devrais-je leur dire que le murmure inlassable
d’un pays perdu m’agite
Que devrais-je dire si on me demandait pourquoi
tant d’intranquillité vogue dans mon âme
l’amertume accompagne l’aurore et laisse tant de chaos
je suis fille de ce chaos, fille des terres initiées
mais le vide est insalubre
Ô Déesse, remplis moi de vents
in ” Je suis tout Un Peuple Labyrinthe” , Inédits
INTEMPÉRIE
Et nos rêves ont été toujours différents
vers le lointain nous portons nos gémissements
vers le lointain nous destinons nos joies
l’île, dans sa toile d’araignée
rêve de la grande mer
elle rêve de retour
sa solitude si profonde fait écho
et le peuple abimé dans son gémissement
s’agenouille devant un dieu agonisant
Et nos rêves seront différents
nous rêvons de rêves difficiles
de rêves humains, de rêves banals
Vers le lointain nous portons l’avenir
et face à la mer, moi
j’aurais aimé naître ailleurs
in ” Je suis tout Un peuple Labyrinthe ” Inédits
ENTRE DEUX MONDES, CET AIGLE
Je finirai éparpillée aux quatre vents
livrée à l’errance
Dans l’ombre inhabitable, au bout de ma fatigue
tout ce vide en moi
Mes pieds ont marchés contre des vents inconnus
Et à présent je préfère l’errance aux nuits sans âmes
de ces mondes
Ici prend fin une grande descendance
en recueillant le pollen de mes semelles
je me souviens de leurs pères, ces demi dieux
qui dansaient dans le bégaiement du vent
jusqu’à transpercer l’obscurité.
in ” Je suis tout un Peuple Labyrinthe”, Inédits
Mario Benjamin.