Nicolás Corraliza Tejeda (Madrid, 1970) arrive à définir, avec son dernier recueil Abril en los inviernos (Chamán ediciones), cent parcelles de réalité qui oscillent entre l’espoir lumineux et un pessimisme clairvoyant.
Il sait synthétiser et suggérer, en établissant à travers les mots un lien subtil entre le monde, les formes des choses et le temps qui passe.
Ses vers peuvent être les témoins d’un excès de lumière aveuglant, en faisant appel aux rêves d’enfance — très fréquents — mais aussi de la vieillesse qui nous remplit de fureur. On constate dans son écriture un va-et-vient d’émotions qui englobent tout, avec une capacité exquise pour distiller des idées essentielles dans cent courts poèmes sans excès mais où rien ne nous manque. Il s’agit, pour Beatriz Pérez Sánchez, de « véritables architectures de beauté brève ».
Il s’agit d’un écrivain qui transmet dans ses écrits une grande émotion vitale, si on considère la vie comme une somme de clarté et de silence ;
Nicolás Corraliza, Abril en los inviernos.
si le temps est la source de la jouissance et de la peur, Nicolás Corraliza est un alchimiste remarquable pour trouver l’alliage précis entre ces sentiments contradictoires, ou peut-être complémentaires, et ne tombe jamais dans le piège du sentimentalisme suranné, s’éloignant constamment de tout pathétisme. Javier Gallego Dueñas pour sa part définit bien l’écriture de Corraliza quand il dit qu’il s’agit d’une « poésie intimiste, de grand lirisme et très contemplative ».
En somme, « Abril en los inviernos » est un recueil précis et en même temps très évocateur ; un livre qui nous rappelle souvent la vitalité et la concision du poète espagnol Jorge Guillén, qui savait si bien accentuer la valeur de l’être.
Nicolá Corraliza a publié les livres La belleza alcanzable (Norbanova 2012), La huella de los días (Norbanoba 2014), Viático (La Isla De Siltolá 2015) et El estro de los locos (Ravenswoood Books Editorial 2018). Ses poèmes sont parus dans de nombreuses revues comme Norbania, Estación Poesia, Ágora y Cuadernos de Humo.
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NICOLÁS CORRALIZA
Traduction par Miguel Ángel Real
Mortaja de sílabas.
Versos de un poema en pena
fuera de tomo.
A veces regresan.
Se presentan limpios y desnudos,
como si acabaran de nacer
del silencio de un limbo
Linceul de syllabes.
Vers d’un poème en peine
hors sujet.
Parfois ils reviennent.
Ils se présentent limpides et nus,
comme s’ils venaient de naître
du silence d’un limbe.
En la hora del espejo,
no permitas que tu boca se llene de palabras asustadas.
Los secretarios de la tristeza buscan adeptos.
À l’heure du miroir,
ne permets pas que ta bouche se remplisse de mots effrayés.
Les secrétaires de la tristesse cherchent des adeptes.
Todo es tan desapacible. Apenas queda verano,
y el invierno ya es un vientre a punto.
Por encima de la duda, resistid :
la ceguera es un exceso de luz o un poema.
Tout est si maussade. L’été est presque fini,
et l’hiver est déjà un ventre fin prêt.
Par dessus le doute, résistez :
l’aveuglement est un excès de lumière ou un poème.
La misma orilla
nos escogió
para ponernos
frente a frente.
Nos toca narrar el horizonte.
La même rive
nous a choisi
pour nous mettre
face à face.
C’est à nous de raconter l’horizon.
Los que están de pie
odian a los sentados.
Con la felicidad ocurre lo mismo.
A ser posible no la muestres.
Ceux qui sont debout
détestent ceux qui sont assis.
Avec le bonheur, il se passe la même chose.
Ne la montre pas si c’est possible.
Un verso en defensa propia
para madrugar.
Los últimos desconocidos
que se cruzan
en el celo de la noche.
Abren las puertas al día,
se relajan los cerrojos con la luz.
Un vers comme auto-défense
pour se lever de bonne heure
Les derniers inconnus
qui se croisent
dans le zèle de la nuit.
Ils ouvrent les portes du jour,
les verrous se détendent avec la lumière.
De « Abril en los inviernos », Chamán Ediciones, 2019.
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