Nicolas Dieterlé, Journal de Baden

Après la mort de Nicolas Diéterlé, sa famille a retrouvé les textes réunis dans le nouvel ouvrage intitulé Journal de Baden. L’auteur s’est consacré à l’écriture et à la peinture au détriment d’un métier plus lucratif avant de trouver un travail répondant à ses besoins au journal

Témoignage chrétien. Revenu en France après une enfance en Afrique, sans doute devait-il se sentir en exil. Cet Etre est en perpétuelle recherche de ce que l’on pourrait imaginer une essence. Aucune date ne ponctue le journal. Dans la préface au livre, Yves Leclair note que « si l’encre du stylo ou les couleurs du pinceau ont été chez Dierterlé le sang de sa plaie, le poète-peintre sut aussi, par intuition intime, que le poème et le tableau, certes inachevables, sont les seuls antidotes, provisoires, contre le venin du mal, de la mélancolie, de l’exil durable. »

Des notations sur la nature et la perception qu’il en a reflètent ses états d’âme du moment. La forêt est comme un grand retour à l’origine. Il y est nu dans la nudité. Et « plus rien ne s’interpos[e] entre elle et [lui] ». Le motif de la caverne lui fait suite. Non loin de ces lieux, l’araignée et sa toile reviennent obstinément dans l’imaginaire avec l’angoisse que cela suppose et presque en opposition avec les lieux de prédilection où « tout vibr[e] de nudité ».

Diéterlé nous rappelle la nécessité de rejoindre son Etre. Ainsi est-il possible de se sentir « pacifié » et « abandonné » en harmonie avec la nature simple : les oiseaux « se perchent sur [ses] épaules ». S’identifiant à la nature ou y projetant ses joies, ce sont aussi ses angoisses qui transparaissent comme avec ces « feuilles sur le sol » qui deviennent dans le regard du poète des « cœurs brûlés ». Dans cette recherche d’une tranquillité de l’âme, d’un état libéré et reposé, l’auteur vacille sans cesse entre deux âmes, l’une « enténébrée », l’autre « lumineuse ».

Nicolas Dieterlé, Journal de Baden, Arfuyen, collection Les vies imaginaires n°6, 2021, 16 €.

Cette double postulation est un fil conducteur de l’œuvre. En lui, deux forces semblent s’opposer voire rivaliser entre elles comme dans ce poème explicite et puissant où l’identité négative est interpellée à travers des nominations visant la disqualification dans l’espoir que le « Faucon » et la « Rose » s’unissent. « En moi tu es celui/qui romps sans cesse les attaches/du cœur, si bien qu’il/dépérit. Masque de guerre et de folie, crâne aux durs rebords/de haine, source fétide. » Parfois s’identifiant à une « maison en ruines » ou un « puits sombre » dans lequel il est tombé, il lui faut réveiller l’antidote de la chute, celui du vol. Les oiseaux sont en effet nombreux dans l’univers poétique de Diéterlé jusque dans deux titres de recueils publiés il y a quelques années.

Les identités sont nombreuses avec des motifs exprimant la force, l’unité et la totalité. La globalité est capable d’être évoquée dans un espace d’insécurité. Devenir « Lumière », « Amour », « Volcan », « Vague » et « Immensité » sont des vœux pour ce poète troué qui, dans un poème, rejoint la liesse suprême que représente « la danse ». Cependant, sans la part sombre de la vie, la transparence de l’âme et sa lumière ne pourraient pas être mises en relief de manière aussi expressive. L’écriture de ce journal est celle de la profondeur contre celle de la surface, celle qui cherche toujours à comprendre les mouvements de l’Etre, sa complexité, sa fragilité et sa force.

Présentation de l’auteur

Nicolas Dieterlé

Nicolas Diéterlé est un poète, peintre et dessinateur français né en 1963. Il passe son enfance au Ghana puis au Cameroun, où son père est chirurgien dans un hôpital de brousse de l'église protestante. Ses parents ont quatre enfants. Nicolas est le second.  En 1973, la famille quitte l'Afrique pour rejoindre la France. Cette séparation avec la terre natale sera très douloureuse pour le jeune Nicolas. En Afrique, il vivait proche de la nature et cela lui manque. 

Il fait ses études secondaires à Grenoble. Il est passionné de lecture, de musique classique et de dessin. En 1981, il s'installe à Paris pour y poursuivre des études d'Histoire de l'art à l'Ecole du Louvre.  Il n'aime pas la ville et dans son journal "intime", écrit entre 1981 et 1982, il montre son mal de vivre. Il poursuit ses études et obtient en 1986 un diplôme à l'institut d'études politiques.

Entre temps, il voyage et se rend plusieurs fois en Irlande et à New York d'où il revient déçu par la ville. Puis, il sera objecteur de conscience pendant deux ans jusqu'en 1989, avant d'entamer sa vie professionnelle en tant que journaliste free lance.  Il espère devenir un jour, critique littéraire ou critique d'art. 

Il sera ensuite rédacteur en chef d'une revue (que je connais bien), spécialisée dans l'environnement "Valeurs vertes".   Il collabore ensuite à "Témoignage chrétien", puis à d’autres revues.  Il retournera en Afrique pour de brefs séjours durant les années 90 ce qui renforcera sa nostalgie pour ce pays. En mars 2000, il s’installe dans le sud-est de la France, dans l'arrière-pays niçois, à Villars-sur-Var. Il trouve dans ce petit village, un cadre propice à l'écriture et au dessin auxquels il consacre désormais sa vie.

Souffrant de grave dépression, il se donne la mort le 25 septembre 2000. "Je veux mourir. Trop de souffrances. Mais je ne regrette rien. Pas d'amertume. Jusque dans la mort, je bénis la Vie qui surpasse la vie" écrit-il dans son journal spirituel le 19 septembre. (Bulledemanou.com)

Bibliographie 

Littérature

  • L’Aile pourpre, Éditions Arfuyen, 2004. Notes mars-septembre 2000, postface de Régis Altmayer.
  • Ici pépie le cœur de l'oiseau mouche, Éditions Arfuyen, 2008.
  • Afrique et autres récits, Éditions Arfuyen, 2013.
  • Journal de Baden, Éditions Arfuyen, 2021. ( (ISBN 978-2-845-90308-1)). Préface d'Yves Leclair.

Spiritualité

  • La Pierre et l'Oiseau. Journal spirituel 1994-2000 suivi de lettres et textes divers, Genève, Labor et fides, 2003. Préface de Michel Cornuz.

Catalogue de l'œuvre picturale

  • De la figure au paysage-Un art poétique, catalogue raisonné des peintures et dessins de N. Dieterlé, Libel, 2013. Avant-propos Pierre Encrevé, Préface Gaettano Persechini
  • -Nicolas Dieterlé, La poétique du trait, Lyon, Libel, 2018, préface de Lorand Hegyi.

Essai sur l’œuvre

  • Annpôl Kassis et Gaetano Persechini, Nicolas Dieterlé, Souffle et couleur poétiques, Paris, Éditions du Cygne, 2011, 70 p. (ISBN 978-2-84924-257-5), préface de Maggy de Coster.

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