Notes pour une poésie des profondeurs (15) :
Dans le magma d’Alain Raguet
« au creux de sa main d’ombre »,
Alain Raguet
Ce quatrième livre d’Alain Raguet a paru chez Rafael de Surtis, en 2013, sous l’égide du poète/éditeur Paul Sanda. À sa très juste place, dans la collection intitulée « Pour une terre interdite » (qui, en passant, approche les 200 titres). Qui connaît cette collection et la poésie de Raguet ne peut être surpris de les voir avancer ensemble, en un lieu commun d’infinité intérieure et de profondeur verticale. C’est-à-dire en ce haut lieu de transmutation individuante qu’est la poésie. Une vieille histoire qui s’ouvre dans les profondeurs caverneuses de la terre, là même où le noir se fait lumière :
« car le noir et sa lumière m’enveloppent
de leur toute puissance originelle, m’ouvrent des
portes insoupçonnables sur le monde intérieur,
me rendent passeur de paroles indicibles,
passeur vertical pour ce vide infiniment vivant,
une voix une traverse m’invitant à me fondre,
un et instantanément tout, en cet obscur vivant »
Une invitation à se « fondre ». Tout poète qui – dans l’instant sans fin d’un éclair intérieur – saisit cela, devient… poète. Cela se noue en cet instant précis. Et au-delà… s’ouvre, pour le poète, un étonnant mode du regard – indicible. C’est une forme de secret cela, au sens d’impossible à dire ou rapporter concrètement à autrui. C’est pourquoi la poésie est pleinement ancrée dans la vie, pas seulement dans le quotidien de celle-ci mais dans la vie/poésie en tant que corps, et même corps charnel. Il suffit de s’accepter partie prenante, cellule de ce corps et non plus de se croire (quelle prétention) tout. Ne plus se croire « tout » et puissance désirante sans frein, voilà un beau chemin de liberté. D’une liberté qui se construit d’ailleurs en route. En ce sens, le geste poétique peut être (j’écris bien, « peut ») une Geste. Il y a de l’initiatique au réel du monde en tout cela, et en la poésie d’Alain Raguet. Du « magma » jaillit « un paysage de genèse », où « la nuit circule ». Nous sommes ici, en effet, « en la constellation d’une parole » du « silence vivant ».
En terres (interdites) de poésie, en somme.
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