J’avoue très humblement que, jusqu’à ce que Gabriel Arnou-Laujeac, l’auteur de « Plus loin qu’ailleurs », me fasse connaître ses derniers poèmes, je n’avais jamais entendu parler d’Hélène Cardona. Mais, à vrai dire, comment connaître l’œuvre de tout le monde ? Tâche impossible, même dans un milieu restreint comme, aujourd’hui, celui de la poésie…
Et je dois à la vérité de dire que j’ai été ébloui par le recueil que je découvrais de la sorte : « Dreaming my Animal Selves » — ou en français (puisque le recueil édité est bilingue) : « Le Songe de mes Ames Animales ». Que j’aurais plutôt traduit quant à moi par : « Rêvant mes Sois animaux ». Car peut-on vraiment avancer que le Self (le « Soi », tiré des Upanishads, et particulièrement de la Chandogya) et l’Ame soient réellement la même chose ? Ou l’Ame n’est-elle pas le réceptacle naturel pour la manifestation de ce Soi divin et cosmique ?
Mais ce n’est là, je le sais bien, que broutilles… Et quel émerveillement, à travers des songes qui touchent de si près au chamanisme, que de ressentir en ces mots l’unité la plus profonde du cosmos, et cette expansion de la conscience (une conscience née, selon Jung, de l’Inconscient collectif — autrement dit, et il l’avoue à la toute fin de sa vie, du nom moderne que nous donnons à l’Ame du Monde des Anciens), cette expansion de la conscience qui permet d’accéder à la découverte vivante de cette même unité !
Est-ce pour rien, de ce point de vue, que l’auteure conclut son avant dernier poème (« Diapositives de pensées »), par ces quelques mots :
« …soulagée de ne plus être hantée,
D’être simplement la substance du cosmos »,
et termine son recueil (« Harmonies parallèles »), par cette phrase indubitable :
« Nous mûrissons musicalement
Couverts de fleurs de cerisier
variation divine,
conscience en quête d’expansion » ?
Hélène Cardona, outre tous ses diplômes universitaires, et les langues vivantes qu’elle parle couramment, est extrêmement cultivée : qui d’autre, de nos jours, oserait mettre en exergue à sa « production », des extraits de Rumi, de Dickinson, de Gibran ou de Rilke ? Mais on voit bien là que la fine pointe de la culture n’assèche pas l’esprit et ne débouche pas forcément, comme on voudrait trop nous le faire croire, sur un scepticisme généralisé — mais que c’est au contraire, parfois, et comme c’est ici le cas, une ouverture à ce qui nous transcende et nous appelle dans l’espace de nos nuits.
Mais peut-être, dois-je ajouter, l’origine multiculturelle de Cardona (irlandaise, grecque et espagnole), de même que son amour sans partage pour la musique, n’y sont pas totalement étrangers ?
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