Notre songe : 21 à 25
notre Songe
21
elle
la mer
: ce bon soupir
la feit tant belle
*
(un fragment)
nostre
nuit
avoit
les lèvres entr’ouvertes
comme si elle eust voulu
reprendre son haleine
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22
nostre nuit
derrière sourdoit
un arbre bien fueillu
abondant en fruict
et chargé d’oyselets
qui sembloient chanter
et induire les gens
au beau songe
*
le jour
nous pressoit
d’aller plus avant
et ne savoie où nous emmener
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23
les douleurs
quand elles nous eurent
apperceu
s’
arresterent
et cessèrent de chanter
se regardans sans mot dire
en sorte qu’il sembloit
qu’elles feussent esbahies
de nous veoir
comme si ce leur eust esté
chose estrange et nouvelle
puis se joignans ensemble
furent un petit de temps
se murmurant à l’oreille
*
les douleurs
une
des cinq
la plus hardie
se prit à dire
: Qui es tu ?
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24
le songe
: ce
lieu
*
ce lieu est
le manoir
de tout
plaisir
où tu pourras
devenir
bienheureux
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25
le jour
et la nuit
ceste alliance
est composée
d’une concorde
si perfecte
qu’entre nous
y a vraie
union
perpétuelle
*
nous regardant
nous demourons
en cest air
et païs salutaire
verdoyant d’herbes
fleurs
souverainement agréables
à la veue
nous regardant
nous demourons
en ce païs fertile
de tous biens
environné de cotaux fructueux
habité de bestes débonnaires
remply de toutes voluptez
En hommage au devenir, parce que passé et présent de la langue sont là en chaque ici et maintenant et demain, ces poèmes sont faits – principalement – de mots ayant trouvé – beau – domicile dans l’ouvrage suivant :
Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile [traduction de Hypnerotomachia Poliphili], présenté par Albert-Marie Schmidt, Paris, Club des libraires de France, Les libraires associés, 1963 (reproduction en fac-similé de l'édition de Paris, J. Kerver, 1546, parue sous le titre Hypnerotomachie ou Discours du songe de Poliphile).