Notre songe, 31–34 (fin)

 

notre Songe

31

 

tous nos instants
vestuz

d’habitz de soye

*

nostre soupir
alloit volletant

pour le mouvement
qu’il faisoit cheminer

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32

 

au mylieu du temple
de nos pensées 

est une danse de soupirs
qui n’a faulte

sinon de la parolle
tant sont bien contrefaicts

avec leurs habitz volans
de bonne grâce

*

nous vivons

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33

 

le temps
estoit serain

le soleil clairet
adoulcy d’un vent gracieux

tout y estoit
merveilleusement paisible
et en silence

*

descendons maintenant
et allons

à l’esbat
avec l’autre et mesme jardin

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34

 

alors nous rendismes
les pommes d’or

pleines de senteurs
lesquelles nous avions

tenues en nos mains

*

nous vivrons

 

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En hommage au devenir, et parce que passé et présent de la langue sont là en chaque ici et maintenant et demain, ces poèmes sont faits – principalement – de mots ayant trouvé – beau – domicile dans l’ouvrage suivant :

Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile [traduction de Hypnerotomachia Poliphili], présenté par Albert-Marie Schmidt, Paris, Club des libraires de France, Les libraires associés, 1963 (reproduction en fac-similé de l'édition de Paris, J. Kerver, 1546, parue sous le titre Hypnerotomachie ou Discours du songe de Poliphile).