Nouvelles nouvelles de Poésie (4)

     Il fut un ami d’adolescence d’Eugène Guillevic. Il s’appelle Jean-Paul de Dadelsen, il est né le 23 août 1913. Ils partagèrent un même désir : vouloir écrire, être poète. Jean-Paul, dans une lettre de 1930 précisa : « Je n’ai aucune envie de me ranger parmi l’élite.  Qu’est-ce que l’élite ? Quelques individus qui ont plus potassé que d’autres, voilà tout. Je n’ambitionne pas deux lignes de titres honorifiques sur ma carte de visite. Tout emploi où je puisse un peu agir et n’être pas toujours dans les bureaux me convient. Je ne veux pas être homme de lettres. Je veux simplement écrire quand cela m’est nécessaire. Le poète n’est qu’un obsédé qui crie de temps en temps ce qu’il ne peut plus taire. Ce n’est pas un littérateur… ».

    En découvrant la préface de Gérard Pfister à l’émouvant recueil La beauté de vivre  qui vient de paraître et rassemble des textes inédits de Jean-Paul de Dadelsen  (Arfuyen), on comprend vite comment un  tel « poète-météore » est devenu un mythe de la poésie du vingtième siècle ! En effet, l’œuvre n’est pas volumineuse mais ne se met jamais à l’écart de la vie des hommes, elle ne reprend pas les vieilles recettes de la poésie (sic Pfister), elle n’a que faire des conventions et de la rhétorique, cette poésie exceptionnelle est bien une pérégrination spirituelle inoubliable. Pfister l’exprime bien : elle n’est point « description du dehors ni expression du dedans. Elle porte témoignage pour les ombres, pour l’univers, pour Dieu. ». Elle est en effet exercice spirituel, elle accepte de veiller, et de devenir transfiguration. Il y a quelque chose d’énigmatique et de suppliant dans des vers comme :

    « Seigneur, je ne sais plus, je ne sais pas si c’est moi ou vous qui faites  ou qui fais ces ténèbres où je chemine comme en un cauchemar // Cassez-moi comme une noix creuse, ouvrez-moi / qu’un peu de lumière tombe sur mon absence et le creux de ma moisson manquée ».

  La poésie de Jean-Paul de Dadelsen  tient du miracle. On a le sentiment à la relire en 2013 que le jeune auteur n’a jamais cessé de savoir « biffer les choses inutiles et banales ». Tout y est fluide, simple et évident. Il y a là du Rimbaud et du Musset réunis dans une même ferveur magique et pathétique.