CeeJay, 692 Des couleurs aux nuages. «La Force»

Soyons le rêveur optimiste
Qui se retrousse les manches
Et ne baisse pas les bras
Poings levés fermés
En signe de force
Incarnons nos futurs
Dans le sein du présent
Avec un solide supplément d'âme
Suivons le chemin sinueux des rivières
Gonflons nos voiles
Dans le vent lent du cosmos
Qui balance les étoiles
Comme les épis de blé dans les champs
Évadons-nous des eaux troubles
Du monde qui plonge dans la noirceur
Accrochons des couleurs aux nuages
Comme aux voyelles Rimbaud

Présentation de l’auteur




CeeJay, 662 Besoin d’immensité.

Profitant de l'inattention du ciel
Pour invoquer l'inconnu
Nues et désentravées comme une aube
Se lèvent mes pensées
J'aime à n'être pas immortel
Cela donne accès à l'humanité
L'être a besoin d'immensité
De s'y fondre
Jamais seul avec les étoiles sans nombre
Sur les sommets enneigés du monde
De mon âme solitaire recouvrant les déserts
La terre est mon trône, le palais de ma vie, la demeure de mon cœur
Cette terre chaude qui hante mes mains et mes lèvres
Qui s'effrite entre mes doigts
Dernier berceau pour mon corps épuisé
Je cède à son appel
Pour me libérer des chaines qui me retiennent au sol
Il faut que je la pénètre
Dépouillé enfin du temps et de l'espace.

Présentation de l’auteur




Éric Chassefière, La présence simple des choses 

Composé de cinq « déplacements », eux-mêmes composés de 2 ou 3 suites (dont le titre compte toujours trois substantifs) parfois d’une certaine longueur, le recueil est consacré à la simplicité des choses ce qui n’exclut pas une certaine complexité car rien n’est simple…

Éric Chassefière s’attache à exprimer l’indicible, le si peu de la vie ; c’est la description d’un monde qui disparaît peu à peu, mais sûrement. Il y a comme une contradiction entre le travail du poète et l’occupation professionnelle d’Éric Chassefière (il est directeur de recherche en physique au CNRS et il s’intéresse à l’évolution du système solaire et des planètes) : comme quoi tous les chemins mènent à Rome car Chassefière met le même sérieux dans ses deux occupations… Le poète se souvient (p. 28) et c’est écrit dans une langue simple…

La deuxième suite se penche sur la vie quotidienne (le train, la ville) mais s’ouvre à des perspectives inouïes (la poésie, la peinture) : « Les mots naissent du papier » confie le poète (p 62). Dans la troisième suite, qui est ce IL ? Le père ? Qui est ce TU ? La femme aimée ?

Éric Chassefière, La présence simple des choses, L’Harmattan éditeur, 148 pages, 16 euros, en librairie.

Éric Chassefière, La présence simple des choses, L’Harmattan éditeur, 148 pages, 16 euros, en librairie.

J’aime à le croire au risque de me tromper… Le « poème ombre d’ombre », il naît de ces descriptions, « sous la lampe du souvenir » (p 83). La raison d’être de l’écriture poétique apparaît dans le Déplacement 4 : « … j’écris / pour ne pas perdre le fil de ma vie » (p 85). Portrait de ce IL, qui reste inconnu car jamais nommé… Éric Chassefière accompagne ce IL, patiemment. C’est un dur métier que celui de l’être accompagnant ; mais il est des moments où ce IL est oublié : alors renaissent la vie et le poème. C’est le Déplacement 4 qui est le plus émouvant car Éric Chassefière est à la recherche de l’enfant qu’il fut. La première suite du Déplacement 5 permet, grâce à des indices géographiques, de délimiter une zone fiable : celle de la région de Montpellier (j’avoue avoir dû faire quelques recherches !) ; place est aussi réservée à la musique ; Éric Chassefière explore le silence qui « révèle le silence à sa langue » (p 134).

La poésie n’est jamais bien loin dans la démarche de l’auteur. De fait, le poème est là car Éric Chassefière, dans sa quête du souvenir, le traque dans la vie sans cesse : le voyage n’a pas de fin…

 




Chronique du veilleur (31) – Mireille Gansel, Comme une lettre

Une liasse de lettres aux douces teintes d’aurore, fleuries, pleines de rêves et de souvenirs, d’instants glanés au hasard des rues et des paysages, c’est ce que le lecteur reçoit avec bonheur, en ce volume de poèmes de Mireille Gansel, Comme une lettre.

Et l’émerveillement suit,  il répond à la fraîcheur de ces vers qui semblent pousser à la margelle d’une source discrète et mouvante, s’offrir comme « deux mains de lumière / ouvertes devant les fenêtres de la nuit. »

Le poète sait « prendre la part de lumière » qui est en toute chose et en tout être, il la recueille et nous la tend comme une coupe d’eau limpide, comme un pain fleurant bon le soleil. « La source / des choses simples » est la plus abondante et la plus pure. Elle jaillit ici à petit bruit, elle ne demande qu’à faire demeure dans le secret de notre cœur. Il suffit d’écouter :

ne passe pas ton chemin
écoute le silence des fleurs
dans le creux des heures

Mireille Gansel, Comme une lettre, Éditions La Coopérative, 16 euros.

En ce modeste tercet, Mireille Gansel a tout dit : il faut goûter le temps, accueillir la beauté, qu’elle se tienne dans la rue Saint-Antoine, dans les hautes Alpes, au bord du Rhône ou dans la gare de Karlsruhe. Une lueur vient souvent opérer magiquement une métamorphose

et au soir
quand le soleil
brille à travers les nuages
la maison devient un vitrail
tu disais que c’est la plus belle heure
et c’était déjà au bord d’un fleuve
qui traverse des pays
en amont d’une île
aux grands arbres d’enfance

Ainsi le poème, comme la maison au bord du fleuve, s’illumine et nous invite à entrer.

Il va devenir en nous demeure secrète, familière, dont nous pourrons peut-être posséder pour notre propre vie la chaleur douce, la paix véritable :

il y a des maisons
qui sont un havre

une manière de poser une pomme
sur une assiette avec un couteau

quelques fleurs au bord de la nuit

offrir un verre d’eau

ne pas poser de question

franchir le seuil
ne pas être un étranger

Rares sont les livres de poésie qui permettent cette entrée aussi généreuse et apaisante dans un univers de beauté silencieuse. Celui de Mireille Gansel en fait éminemment partie et nous lui en sommes très reconnaissants.

 

Chronique du veilleur

Retrouvez l'ensemble de la Chronique du veilleur, commencée en 2012 par Gérard Bocholier