Serge Núñez Tolin, une poésie de la moindre des choses

Les éditions Rougerie nous ont donné à découvrir en 2020, deux recueils de deux poètes d'origine belge : Marc Dugardin et Serge Nuñez Tolin. S'il ne fallait ne retenir qu'un point commun entre ces deux auteurs, il me semble que c'est leur sens de  l'observation méticuleuse du moindre instant de vie. Mais aussi dans leur appropriation de leurs observations « C'est en moi que je trouve le bois vécu des clôtures : en moi l'incendie du sens. »

L'ouvrage de Serge Nuñez Tolin s'ouvre sur des feux de prairie en totale opposition avec la pluie drue du titre. Mais cet d'embrasement est un feu de joie. Le feu de la fin d'été et de l'automne où commencent ces textes. Le feu intérieur qui entretient la vie. Ce feu que les poètes cherchent, sinon à domestiquer, à le comprendre, à en percevoir la magie, à en ressentir le pouvoir « en moi, l'incendie du sens ».

Tout de suite, dès le premier texte, l'auteur cherche à « Tirer le poème de son silence » dans la « Banalité de la campagne, chemins défoncés.  / / Tous les mots sont ici, aucun ne s'absente, prairie du réel ». Là où le réel serait cette prairie immense où il est facile de se perdre, l'auteur a trouvé son poste d'observation : « La fenêtre patiente pour s'accorder au paysage. » Pour s'aérer le regard « J'habite les fenêtres, ces éveils de la lumière. »

 

Serge Nuňez Tolin, Près de la goutte d'eau sous une pluie drue, Rougerie, 2020, 72 p., 13 €.

 

 

La poésie de Serge Nuñez Tolin résonne comme célébration des mots du quotidien, « Ce quotidien où nous sommes levés avec les choses et les mots les plus quelconques ». Avec des mots de tous les jours, Serge Nuñez Tolin parvient à réaliser ce qu'Antoine Emaz appelait la fusion vie-langue pour un ensemble très agréable à lire.

Serge Nuñez Tolin sait choisir les mots de l'observateur attentif de la nature pour en exprimer la fragilité : « Fragilité belle, d'une beauté qui ressemble si fort à nos tristesses. Fragilité qui conduit nos pas vers les présences les plus discrètes. » La nature et les petites choses qui en font la vie « Les mots ne me séparent pas des choses ». Avec une écriture à l'écoute de ce « silence plus grand que les mots avec quoi on a voulu le cerner. »

 

Poésie du fragile, poésie de la moindre des choses.

 

Une observation fine de chaque perception la plus insignifiante, pour en deviner le signifiant. Le poète trouve un pouls dans le moindre envol de cloches. Il observe en profitant de la forme la plus heureuse de la solitude « Il y a toujours une solitude dont on doit se remettre, à laquelle on n'achève pas de se rendre. »

Observer le moindre détail, y repérer la moindre sensation. Dans la pluie drue, savoir y distinguer la moindre goutte d'eau. Pas besoin d'aller loin pour écrire de la poésie, « En quoi vaudrait-il toujours pour se tenir ici, respirer ailleurs ? », juste tenter de raccrocher à l'universel la moindre veilleuse allumée, le plus banal poteau de clôture, la plus insignifiante goutte d’eau « Près de la goutte d'eau sous une pluie drue. / Comme l'eau de la cruche, la mie sous la croûte, le silence réclame sa forme. »

Écrire avec le regard au plus proche du réel. « Des mots dits dans leur plus grande possibilité d'être dits ; pour cela, nus dans leur plus grande possibilité d'être nus. Ils sont le réel sans nous. Des mots avec lesquels nous mangeons et mourons. ». Se laisser s'abandonner à la méditation dans la lumière et le silence pâles d'une aube nouvelle, depuis une fenêtre, et dire « le glissement des heures l'une sur l'autre. »

Que retirer de cet ouvrage ? Une poésie des horizons bas, d'une douce mélancolie, en prise directe avec « le vaste réel et l'icône du monde. », mais aussi « une joie dans la matière que l'écho du vivant y aurait mise, violente et active, une danse élémentaire. » Une pluie nourricière pour qui aime la poésie.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Serge Núñez Tolin

 Né à Bruxelles en 1961 où ses parents sont arrivés d'Espagne dix ans plus tôt. Sept livres parus. A partir de 2001, quatre ouvrages ont paru sous le titre unique de Silo et un cinquième, en 2006, L’interminable évidence de se taire : les cinq aux Éditions Le Cormier (Belgique).

En France, parution de L’ardent silence chez Rougerie (2010) et Nœud noué par personne (2012), Rougerie éditeur.

Dernières collaborations aux revues en Belgique et en France (2010-2013) : Traversées (Arlon),  N4728 (Angers), NUNC (Clichy).

Une émission radio diffusée sur la RTB-F La Première en 2010. Des articles de presse sur l’Internet et dans les revues N4728 et EUROPE en 2013.

 

Serge Núñez Tolin

Autres lectures

Serge Núñez Tolin La vie où vivre 

Dès la première page, le lecteur est surpris : s’agissant d’un livre de poésie, il est divisé en chapitres comme un roman. Cela semble annoncer une habitude que le poème liminaire annonce : [...]




Fabrice Farre, Avant d’apparaître

On ne quitte pas sa chaise, on se perd /dans cet élan de la chute d’où l’on ressort vivant.1

C’est le sentiment qui s’empare de nous quand nous lisons Avant d’apparaître, le nouveau recueil de Fabrice Farre dans lequel affleure un lyrisme sobre et mesuré. Au cours des cinquante poèmes numérotés (dont les titres empruntent le premier vers de chacun d’eux), l’auteur nous accompagne, pas à pas, dans un monde à la fois réel et rêvé.

 

Son chant, pudique et discret, nous conduit jusqu’à ses racines ancestrales. Nous avons là une poésie qui ne se livre pas au premier regard. Ce que nous percevons est avant tout une atmosphère, des lieux indéterminés où « l’amour court comme l’oubli de la route », où aux fenêtres des rares habitations flottent « des rideaux cousus de visages » et l’on progresse dans l’Hortus gardinus, (le livre s’ouvre sur la dénomination latine) « jardin clos » caché au fond de la mémoire, une mémoire qui " fuit derrière un nuage d’encre".

Je voudrais moi aussi la raconter, cette histoire 
de l’oubli où plonge le corps dont le baiser
avec la nuit dissout le bruit.

 

 

 

 

Fabrice Farre, Avant d'apparaître, Éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu, 2020, 62 pages, 13€.

Une mémoire qui prend vie grâce aux mots. Car la vie est partout dans ce recueil où, paradoxalement, la silhouette de la mort se dessine en creux quand le souffle des mots se confond avec l’orgue sarde du vent.

Lorsque allongé dans l’herbe, le poète nous dit qu’il « touche aux racines », comment ne pas se douter qu’il ne s’agit pas uniquement des racines végétales mais aussi et surtout de ses origines ? C’est alors dans un jardin mental que nous pénétrons, un lieu empli de sons et de lumière, de saveurs et de couleurs, de sensualité, comme ce tu qui garde toujours « la sonorité / d’une eau qui passe et bruit / une fraicheur mouillée de bouche / à bouche… » mais où s’insinuent aussi le noir, le blanc, images en noir et blanc sur lesquelles tombent le silence, et la solitude : « L’air traverse chaque espace/ prêtant son masque à la solitude du berger. »

Les yeux et le regard habitent chaque page, qu’il s’agisse de parler de ce que l’on ne voit plus, de ce que l’on peut voir, de ce que l’on veut retenir, et que Fabrice Farre résume dans un aphorisme : « vivre est un jeu d’optique. »

Notre regard de lecteur, quant à lui, est immédiatement focalisé sur les détails, le poète ne donnant qu’une vision partielle des êtres et des choses, comme pour nous diriger au cœur même de ses propres perceptions, aller à l’essentiel, ainsi lors de cette visite au cours de laquelle « La main expliqua, s’agitant dans l’air, / tandis que les bords du chapeau devenaient plus nets », ou dans cette vue sur les champs où nous ne voyons que des « têtes au travail recourbées dans leur visage ». On en oublie le signifiant pour une nouvelle perception du signifié : les moutons apparaissent comme des « silhouettes à laine ». Un regard qui se déplace, s’éloigne du poète pour se fixer sur les éléments de son environnement : « La maison longtemps s’est étonnée », « Le seuil n’attendait personne », « le caillou se déplace seul » etc.

Nous ne savons rien des êtres qui traversent le recueil si ce n’est « des corps bleus au travail », des outils portés sur le dos et « noircis par la difficulté », un « tablier de cuir » qui s’obstine devant la forge « dans la lucidité du feu », des impressions plus fortes que toute description. Nous ne retenons que le travail acharné « une vie menée cent fois en une seule », le contraste entre le monde rural et l’enfer mécanique « au rythme des trois-huit » – labeur harassant et bruyant qui brouille les perceptions et que l’auteur condense dans « le son noir de la sueur ».

Des êtres qui survivent au cœur des poèmes, dans le plus grand secret, car seuls importent les sentiments qui s’emparent de nous, nous transpercent comme cette « flèche brisée d’une pensée muette » qui conclut un texte d’une intense gravité émotionnelle.

Au niveau de la forme, si Fabrice Farre a recours à la ponctuation, il se refuse à terminer ses questions par des points d’interrogation. Ainsi, à propos de la porte vitrée du tribunal, « une porte plus porte encore, porte pour séparer et contraindre. Le bâtisseur le savait-il. »

Veut-il signifier au lecteur qu’il connaît la réponse ? Veut-il nous dire qu’il n’y a justement pas de réponse ?  Ou que la réponse ne concerne que lui-même ? Peut-être que la réponse importe peu, que ce qui compte, c’est le questionnement

 

Qui être après la pluie qui vous surprend,
les cultures inondées près du cheval
qui n’a pas résisté à la fuite.
Avant d’arriver, avant d’ouvrir
le jour, faut-il avoir songé au préalable,
l’improvisation conviendrait-elle davantage.
Qu’y a -t-il de nouveau pour que le quotidien
reçoive l’eau haute, se noie piétiné par
les sabots de l’animal à tes pieds
violents, sur la pierre du perron saisie par la pluie.

 

 Quelle qu’en soit la raison, il réussit à nous faire éprouver ses hésitations, ses réflexions, et nous sortons de cette lecture éblouis par l’art de ce poète qui réussit, une fois de plus, à instaurer un parfait équilibre entre inspiration et travail du texte. Chaque mot est à sa juste place, rien n’est superflu, tout est harmonie autant dans l’écriture que dans ce jardin au goût de paradis perdu.

Note 

  1. Avant d’apparaître Page 12

Présentation de l’auteur

Fabrice Farre

Fabrice Farre est né en 1966, à Saint-Étienne. Il exerce divers métiers, tout en poursuivant de longues études de lettres et langues étrangères, puis intègre la fonction publique l'État.

Autres lectures

Fabrice Farre, Partout ailleurs

« Je n’ai pas écrit la moindre ligne du voyage. On revient éteint de cette station, alors que la ville crépite de ses yeux multicolores. L’éclairage est avare. On ferait volte-face, manquant de la [...]

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Claude Vigée : la disparition d’un grand poète

Immense auteur, Claude Vigée vient de décéder à l’âge de 99 ans. Né à Bischwiller en Alsace, il avait enseigné quarante ans la littérature comparée en Nouvelle Angleterre et à l’université hébraïque de Jérusalem avant de venir s’installer à Paris. En 1996, il avait obtenu le Grand prix de poésie de l’Académie française et, en 2008, le prix Goncourt de la poésie.

 

Que retenir de son œuvre importante de poète, essayiste, conteur, diariste, traducteur (notamment de Rilke), marquée par un grand électisme, car ses livres sont souvent des ouvrages patchwork mêlant différents genres littéraires ? Pour Claude Vigée, l’écriture était une nécessité vitale. « Il s’oppose à une conception du poème comme objet esthétique affranchi de son ancrage existentiel », notait Anne Mounic dans la préface à la publication de ses œuvres complètes.

C’est le fond rural alsacien, relayé ensuite par la poésie biblique, qui donne à la poésie de Claude Vigée cette vigueur existentielle ancrée dans la substance terrestre de l’être.

D’où, chez le grand auteur juif,

une aptitude au réel et cette méfiance à l’égard de l’abstrait, fruit d’une expérience composite, qui fonde la vigueur de ses poèmes.

Explication du texte "Les Orties Noires" par son auteur. Interview réalisé à Paris, en 2013, Sectionvideocch.

S’il fallait rapprocher Claude Vigée de certains poètes contemporains, on pourrait donc citer Reverdy, Bonnefoy, Jaccottet ou encore Guillevic. « Rien n’arrive, sinon/Etre présent au monde », résumait laconiquement Claude Vigée dans un de ses poèmes. « La poésie, disait-il encore, passe parfois à travers les pires horreurs de l’histoire, et permet d’éprouver malgré tout l’extase sur les décombres » (Le fin murmure de la lumière, éditions Parole et Silence, 2009).

Les poètes, disait-il encore, ressemblent à ces chevaux de halage que j’ai vus remonter le cours du Rhin dans mon enfance : ils soufflent et ils souffrent, mais obstinément ils marchent en traînant leurs bateaux chargés de charbon ou de graviers jusqu’au terme du long voyage de la vie.

 

L'après-midi poétique du 10 mars 2012 fut couronnée par une lecture de poèmes de Claude Vigée, en mars 2018, "atelierGuyAnne", http://revuepeut-etre.fr.

Claude Vigée avait trouvé dans la Bible sa référence et sa source. Les figures de Jacob, Job et Jonas ont notamment marqué son imaginaire. Dans son œuvre, il nous a montré ce que pouvait être l’espérance lorsqu’elle survit, « malgré nous, malgré tout », au lucide et terrifiant constat de « la démence meurtrière des hommes ». L’œuvre poétique était alors, selon lui, au service d’une aventure  qui la dépassait infiniment : transmettre la vie. « Le secret de l’arrachement/c’est ce parfum qui subsiste/et œuvre avec patience/sous la neige hors du temps/comme le cri du rouge-gorge/caché au cœur de l’hiver/dans la floraison blanche/de l’amandier invisible », écrivait Claude Vigée, en décembre 1995, à Jérusalem.

    

Yvon Le Men reçoit Claude Vigée, le 21 août 2008, Bibacheres.

Face au doute et à la désespérance qui hante les auteurs dont l’œuvre est fondée sur le refus et la négation, Claude Vigée opposait l’affirmation d’une confiance lucide dans la vie et dans le langage. « Qu’est-ce donc que la poésie » ? interrogeait-t-il. « Un feu de camp abandonné/qui fume longuement dans la nuit d’été/sur la montagne déserte ».

A lire, L’homme naît grâce au cri,  poésies choisies (1950-2012), Points Seuil, 336 pages, 7,8 euros ; Mon heure sur la terre, poésies complètes (1936-2008), Galaade éditions, 925 pages, 39 euros.

Lecture musicale, Claude Vigée, Le veilleur, Bibliothèques Idéales, 2017.

Présentation de l’auteur

Claude Vigée

Claude Vigée est né à Bischwiller dans Bas-Rhin le 3 janvier 1921. Il est issu d'une famille juive établie en Alsace depuis plus de trois siècles. Son enfance se passe dans le Rhin. Dans les années suivant la première guerre mondiale, on y parlait surtout le dialecte alsacien.

Ayant terminé ses études secondaires, il est  expulsé d'Alsace avec tous les siens à la suite de l'occupation nazie. Etudiant en médecine, il participe à l'organisation de la résistance juive à Toulouse contre l'occupation hitlérienne et le gouvernement de Vichy, d'octobre 1940 à fin 1942. Il publie ses premiers vers dans la revue résistante Poésie 42, chez Pierre Seghers, à Villeneuve-lès-Avignon.

Réfugié aux Etats-Unis au début de 1943, il s'y marie après la guerre avec sa cousine Evelyne, et y termine son doctorat en langues et littératures romanes en 1947.

Il enseigne la littérature française à l'Ohio State University, à Wellesley College, puis à l'Université Brandeis, près de Boston. C'est là que grandissent ses enfants, Claudine et Daniel, nés en 1948 et 1953.

En 1950, il publie son premier livre de poèmes, La lutte avec l'ange, à Paris, En 1954 paraît La corne du Grand pardon (Pierre Seghers), en 1957 L'été indien, accepté chez Gallimard par Albert Camus, puis, en 1962, au Mercure de France, Le poème du retour.

Arrivé en Israël durant l'été 1960, il est nommé professeur de littérature française et comparée à l'Université hébraïque de Jérusalem, où il enseigne jusqu'à sa retraite, en 1983.

Les poèmes écrits de 1939 à 1971 sont réunis et paraissent en 1972 sous le titre Le soleil sous la mer, chez Flammarion. En 2001, Claude et Evy Vigée reviennent à Paris.

Claude Vigée est décédé en son domicile parisien le 2 octobre 2020, à l'âge de 99 ans. 

Il a reçu plusieurs prix littéraires français et étrangers :

  • Prix international Jacob-Burckhardt (Suisse, 1977),
  • Prix Fémina Vacaresco pour la Critique (1979),
  • Prix Johann-Peter Habel (R.F.A. 1984),
  • Grand prix de Poésie de la Société des Gens de Lettres de France (Paris 1987),
  • Prix de la Fondation du Judaïsme français (1994),
  • Grand prix de Poésie de l'Académie française (1996),
  • Prix de Littérature européenne de la Fondation Würth (2002),
  • Prix de l'Amitié judéo-chrétienne (octobre2006),
  • A la suite de la parution de Mon heure sur la terre - Poésies complètes 1936-2007, la Bourse Goncourt de la Poésie pour l'année 2008 a été attribuée à C. Vigée pour l'ensemble de son oeuvre. Elle lui a été remise le 13 janvier 2009.
  •  

Poèmes choisis

Autres lectures

Les orties noires de Claude Vigée

Choix de poèmes de Claude Vigée établi par David Schnee.   « Parfois je crois surprendre un écho dans l’oreille de ces mots murmurés, Que des voix de jadis, depuis longtemps perdues, disaient [...]

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Enza Palamara, Ce que dit le nuage

A force de contempler ce qu’elle contemple, l’âme  devient ce qu’elle contemple.

Cette phrase du philosophe Plotin est à méditer pour saisir où se situe la « quête spirituelle » d’Enza Palamara.

Enza Palamara, universitaire spécialiste des œuvres de Baudelaire, Bonnefoy et Guillevic, passionnée par les liens et les correspondances entre peinture et poésie, a publié aux éditions Poesis un ouvrage, « inclassable » comme l’on dit. Fruit d’un travail accompli durant une laborieuse convalescence, dans lequel des dessins au fusain ont donné naissance à des mots, puis à des fragments poétiques, il se présente comme un triptyque encadré par un prélude et un postlude qui livrent les clés et l’analyse de cette aventure singulière de découverte et de reconquête de soi.

Les éditions POESIS, fondées en 2015 par Frédéric Brun, « se consacrent à la relation poétique avec le monde, au-delà des mots et de tout genre poétique. »

Enza Palamara, Ce que dit le Nuage, Editions Poesis.

C’est dans cette mystérieuse zone que se développe le travail d’Enza Palamara.

Chercher le Pays de l’âme, ce pays où, selon Plotin, cité par Bonnefoy dans L’arrière-pays, livre essentiel pour Enza  Palamara :

Personne ne marcherait comme sur terre étrangère

est le sens de ce travail guidé par une impérieuse intuition, venue de l’enfance.

Avant le voyage proprement dit, voyage en trois étapes qui sont aussi trois chants, le prélude nous informe sur la démarche et la genèse. Nous allons assister à une expérience d’élévation au sens baudelairien, en suivant l’itinéraire de la guérison de l’âme lors d’une convalescence, corps et esprit éprouvant de manière similaire et distincte le retour à la vie.

Dès le prélude, nous sommes invités à partager l’aventure d’un voyage déjà accompli, à le revivre avec l’auteur. Les phases en sont élucidées avant même que l’on ne s’y engage.

La force qui la conduit passe par le dessin au fusain, dans les trois carnets qui jalonnent ce chemin intérieur : L’assomption du Moi, Le Rapatriement du monde, Le Chant de l’âme, et dans le « postlude », épilogue poétique.

Expérience mystique ? Des formules comme «L’assomption du Moi», «Le chant de l’âme», pourraient le laisser penser. Enza Palamara cherche le point où se rencontrent mysticisme,  métaphysique, et poésie, mais dans la plus simple expression.

 

Au cœur du Nuage 
ou de la vaste me
tu retrouves
les horizons qui te sont chers 
et tu poursuis 
ton œuvre
toujours attirée
au-delà de toi-même
Tu presses le Nuage 
tu sillonnes la vaste mer 
comme si 
ton humble et pur 
élan d’amour 
voulait atteindre 
l’univers
tout entier

 

Enza Palamara se livre à un travail de décryptage de ces messages venus du plus profond de soi.

 

Don qui se multiplie
Jaillissement
d’une source intérieure
intarissable

 

Le mode de travail est celui des « carnets », de la prise de notes.

C’est d’abord, dans un état de faiblesse physique dû à la maladie, pour imager son ressenti, pour noter par des croquis les messages qui lui parviennent. Les dessins n’illustrent pas les textes, c’est l’inverse : le texte naît de la note prise au fusain, dans l’urgence, d’une intuition venue du subconscient. Des dessins figuratifs accompagnant les « balbutiements ». Un retour à l’enfance  pour approcher une vérité, sans chasser les maladresses, en en  faisant même des outils.

 

Qui fait surgir
de mes doigt
ces images
semblables à celles 
qui illuminaient mon enfance ?

 Résurrection 
des émois
les plus tendres

 

À la recherche de son « vrai lieu », de sa patrie, l’âme parcourt un chemin où la guident les poètes qu’Enza Palamara désigne comme ses « figures tutélaires » : Baudelaire, Nerval, Bonnefoy, Jaccottet…

Les poèmes sont courts, comme  les vers qui les composent. Le rapport entre la phrase et le vers est celui d’une hésitation, d’une rupture presque du rythme de la pensée, qui s’esquisse, puis se constitue, et s’énonce : `

 

Arbre
annonciateur
de chemins cachés
chemins de lumière
Chemins
qui répondent
à un appel

 

C’est ainsi que nous feuilletons un livre illustré, aux images simples, parfois naïves, «coloriées» dans la dernière partie, le « postlude », où elles deviennent  enluminures, au moment où le message devient de plus en plus lumineux. Nous suivons l’auteur dans cette expérience régressive, comme vécue dans les limbes, acceptant gestes et mots d’enfant. Revenue d’un monde frontalier de la conscience, elle se livre à un déchiffrage et une transcription de ce qu’elle appelle «messages», et qui semblent des «prises de conscience» après l’égarement de la maladie.

La lecture, image et texte, est double et simultanée.

 

Le monde
des hauteurs
et son visage
souriant

 

Quel est ce Nuage protecteur et maiëuticien ? Il doit beaucoup, nous dit Enza Palamara, au Nuage de l’Inconnaissance, livre d’un mystique anglais anonyme du XIVéme siècle, qui évoque l’itinéraire ardu d’une élévation spirituelle.

 

Séjour mouvant 
qui ne cesse d’advenir
dans un espace 
sans limites

 Demeure ouverte
et légère
bâtie sans cesse
par des battements
d’ailes

 

Acteur d’une réconciliation entre les hauteurs et la terre, il offre un havre où éprouver la relation au cosmos.

 

Dans le Nuage
l’existence
est une danse
une contemplation 
en mouvement

 Planète
en mouvement
Le Nuage
t’offre
toutes les métamorphoses

 Vivre dans un nuage
n’est-ce pas
habiter
un vrai lieu ?

 

Sommes-nous dans un conte, une fable, un jeu de cartes ésotérique ?

Des personnages s’imposent, font signe, conduisent sur le chemin d’une révélation ou d’une prédiction, porteurs de forces. Le Roc, l’Arbre, le Ruisseau, la Dame, le Mage sont croisés et identifiés dans le troisième volet,  Le chant de l’âme, et leur message est élucidé.

 

L’Arbre 
Le Roc 
attestent
ta présence

 Tu es au monde 
et tout 
au monde 
résonne en toi

 Et les fleurs ?
Tu as souvent
l’étrange sentiment
d’être
de la même étoffe 
que les fleurs

 Elles te disent
que tu es
tout ce que tu as vu

 

À l’idée d’habiter poétiquement le monde répond l’idée d’une âme constituée de ce qu’elle a vu et qui l’a enchantée.

 

La terre entière est devenue ma patrie
Tu portes en toi 
les paysages aimés

 Les infinis visages 
du vivant
se sont inscrits 
dans ton être

 Ils se manifestent
dans leur mystère
et leur intimité

 

Au terme de cette recherche hasardeuse et pourtant guidée…

 

Errante
Par les nuages

 Les chemins
S’ouvrent
Légers  

 Chemin 
sans chemin
où tu marches
sans laisser de traces

 

 …surgit la récompense :

 

Tu bois
à la source même
la transparence
du matin

 Tout comme
au premier jour 
tu accueilles 
les couleurs
du monde

 

Le lecteur est invité à devenir compagnon de route de ce  voyage troublant  à l’écoute du Nuage, vers un retour à la vie, par un retour en enfance.

Présentation de l’auteur

Enza Palamara

Enza Palamara est une poétesse, grégée de lettres, qui a enseigné à l'université de Tours et à l'Institut français de Naples. Elle est spécialiste des œuvres de Baudelaire, Bonnefoy et Guillevic.

Poèmes choisis

Autres lectures

Enza Palamara, Ce que dit le nuage

A force de contempler ce qu’elle contemple, l’âme  devient ce qu’elle contemple. Cette phrase du philosophe Plotin est à méditer pour saisir où se situe la « quête spirituelle » d’Enza Palamara. [...]




Claudine Bertrand, Sous le ciel de Vézelay

A la suite d’un séjour à la maison Jules-Roy Claudine Bertrand s’inspire de ses impressions sur Vézelay et les paysages du Morvan qui l’entourent pour produire des poèmes de tonalité et longueur différentes.

 

Les titres au sommaire montrent que l’inspiration et la réflexion ont trouvé des sources variées, notamment dans les lieux : « Le Cimetière », « Banc public », « Le Marché ».

Dès l’incipit le champ lexical révèle l’envoûtement exercé par le lieu sur la poète qui avoue : « Je perds pied » et cela dans un « Décor insolite », « une mer enivrante : « Vézelay / Aventure hallucinante ». Vers courts formant de nombreux distiques et phrases nominales traduisent une forte émotion-source.

Le second texte, « Alphabet sous la pluie » retrace une conscience du travail en train de se faire, une performance de « stances » et de hiéroglyphes » qui nourrit l’intérieur et le pénètre d’un mystère. La chambre est un sanctuaire avant l’appel extérieur, celui de la rue.

 

 Claudine Bertrand, Sous le ciel de Vézelay, L’Harmattan, collection Accent tonique, 2020, 79 pages, 12 euros 

 

Ainsi le lecteur, comme l’a fait la résidente elle-même, attend-il beaucoup de la suite, convaincu par la paix et la lumière qui définissent « ce lieu sacré » « Où la parole devient poésie » :

 

J’entrevois une lueur
Toujours interminable
Comme Marco polo
Explorant un nouveau monde

 

L’énergie de Claudine Bertrand est stimulée par « l’opéra » qui naît du paysage et il faudrait plusieurs pages pour rendre compte des conséquences poétiques de cette magie. Quelques pistes suffiront à donner l’envie de découvrir le recueil.

Il faut savoir déjà qu’à Vézelay « Madeleine veille » sur la colline chère aux écrivains et créateurs auxquels la poète va rendre hommage en créant une sorte de reportage poétique. « En communion avec les pierres » et les pèlerins qui se dirigent vers Compostelle, séduits par Vézelay et son « temps / qui passe au ralenti » grâce à la sainte qui fut la « première au tombeau ».

La poète met ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et de ses disparus et « cherche / Strophes toujours fuyantes » quand tercets et quatrains se succèdent, dans la magie des mots, pour percer les secrets du « banc public » de la Maison Jules-Roy et de ses jardins qui rendent urgente l’écriture. Mais celle-ci est difficile et demande de dépasser l’état de recueillement pour se laisser inspirer par l’écrivain « aux livres immenses » et être à l’écoute de la voix de l’ange intérieur.

Au mitan de l’opus monte la fièvre créatrice et un poème comme « D’une aube à l’autre » n’est pas, avec « l’oisillon blessé » et la mauvaise herbe, sans rappeler le pittoresque poétique de Colette quand elle parle de sa Bourgogne. Une plongée spatio-temporelle, pour celle qui « défie les nuages », stimule cette fièvre en même temps que les promenades et la liste des amis poètes qui méritent un quatrain :

 

Bernard Noël  Zéno Bianu
Valérie Rouzeau
Sans oublier William Cliff
Guy Goffette   Robert Desnos 

 

Autant de voix comme aussi autant de langues pour autant de siècles de littérature et d’art à l’occasion de ce séjour dans « Vézelay encore et toujours », cité « Inexpugnable » d’Histoire et de religion.

Le rythme régulier de l’écriture mime, par son incantation, celui des litanies et du temps dévolu à ce « voyage initiatique ».

 

Dans la barque du voyage
Un bleu étourdissant
Aspire à sa propre voix
Tanguée par les vagues de la vie
Teintée de violence

J’apprivoise cette Basilique
Livres de pierres et de lumière

 

Ainsi Claudine Bertrand, définitivement imprégnée de cette ville magique, lieu de sa renaissance, a-t-elle bien accompli sa mission de poète-pèlerin en ajoutant au silence sacré, interrompu par les cantiques de la foule réunie dans la Basilique, une parole lénifiante qui magnifie les mots.

 

Présentation de l’auteur

Claudine Bertrand

Claudine Bertrand est une poétesse canadienne née en 1948 à Montréal, au Québec.

Elle est l’auteure d’ouvrages poétiques et de livres d’artiste au Québec et à l’étranger, dont Une main contre le délire (finaliste en 1996 au Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières), L’amoureuse intérieure (Prix de poésie 1998 de la Société des écrivains canadiens), Tomber du jour, Le corps en tête (prix Tristan-Tzara 2001), L’énigme du futur (Prix Saint-Denys Garneau en 2002 livre d'artiste avec la plasticienne française Chantal Legendre). Elle a été lauréate du Prix Femme de mérite 1997 et médaillée d’or du Rayonnement culturel.

Elle est Fondatrice de la revue Arcade, elle la dirige de 1981 à 2006 et a créé le Prix de la relève Arcade (1991).

Depuis les années 1970, elle collabore à plusieurs revues littéraires: Montréal now !, Intervention, La nouvelle barre du jour, Les écrits, Hobo-Québec, Possibles, Rampike, Doc(k)s, Mensuel 25, Moebius, Estuaire, Écritures, Tessera, Bacchanales, et Acte Sud, Jardin d'essai, Pourtours et Travers (France).

[Source : Wikipédia]

© photo Isabelle Poinloup

© Josée Lambert

Recueils de poésie

  • Idole errante, récit poétique, Montréal, Éditions Lèvres Urbaines, 1983.
  • Memory, scénario poétique, Montréal, la Nouvelle Barre du Jour, 1985.
  • Fiction-nuit, poésie avec quatre dessins de Monique Dussault, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1987.
  • La Dernière Femme, poésie avec une linogravure de Célyne Fortin, Saint-Lambert, Éditions Le Noroît, 1991 (tirage épuisé) 2e édition bilingue tchèque et française, traduction de Jana Boxberger, Prague, Protis, 2000.
  • La Passion au féminin, entretiens, coauteur avec Josée Bonneville, Montréal, XYZ Éditeur, 1994.
  • Une main contre le délire, poésie, avec une illustration de Roch Plante, Montréal/Paris, Le Noroît/Erti éditeur, 1995.
  • L'Amoureuse intérieure, suivi de La montagne sacrée, poésie, avec quatre originaux de Roland Giguère, Montréal/Paris, Le Noroît/Le Dé Bleu, 1997, * Prix de la Société des Écrivains Canadiens, Prix de la Renaissance française; 2e édition traduite en catalan par Anna Montero, Barcelone, Tandem Edicions, 2002.
  • Tomber du jour, poésie avec une illustration de Marcelle Ferron, Montréal, Éditions Le Noroît, 1999.
  • Le Corps en tête, poésie, l’Atelier des Brisants, France, 2001, prix Tristan-Tzara.
  • Jardin des vertiges, poésie, illustration de Chan Ky-Yut, Montréal, Hexagone, 2002.
  • Nouvelles épiphanies, poésie, Montréal, Trait d’Union, Autres temps, France, 2003.
  • Chute de voyelles, poésie, Trait d’Union, Montréal, Autres Temps, France, 2004.
  • Pierres sauvages, poésie, Édition de l’Harmattan, coll. « Poètes des 5 continents », France, 2005.
  • Ailleurs en soi, poésie, Éditions Domens, France, 2006.
  • Autour de l'obscur, poésie, Éditions de l'Hexagone, 2008.
  • The Last Woman, poésie, Éditions Guernica, 2008. Choix de poèmes publiés de 1991 à 2002, traduits par Antonio D'Alfonso.
  • Autour de l’obscur, poésie, illustration Anne Slacik, Édition de l’Hexagone, 2008.
  • Passion Afrique, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection «Ficelle», France 2009.
  • Au large du Sénégal, poésie, illustrations Michel Mousseau, Éditions Rougier, collection "Plis urgents", 2013

 

Poèmes choisis

 




Hélène Révay, Bien loin du reste

Donc, qui pourrait me dire où j’en suis exactement et à quel niveau ? 

Plus qu’un monologue, Bien loin du reste d’Hélène Révay est peut-être aussi un soliloque. Le lecteur ne sait jamais à qui s’adresse le narrateur si tant est qu’il s’adresse à quelqu’un. Et s’il était seulement « traversé » par le texte dont on ignore l’origine et le commencement ? Mais qui, alors, en serait l’auteur ?

Dans un mouvement perpétuel entre présence et effacement, intérieur et extérieur, volonté et renoncement, il ne nomme rien de l’espace à ses entours. Il parle d’un trou qui se trouve « là-bas », qualifié [de débarras, de fond de poche ou encore de puits]. Ce lieu improbable pourrait faire penser au cylindre de Beckett dans son roman Le dépeupleur.

De même, aucun trait organique, humain ou végétal, aucun élément matériel n’apparaît dans ce temps sans distance ni durée. Le lecteur comprend qu’il n’entre pas dans une histoire, d’autant qu’entrer et sortir peuvent se confondre et que le narrateur se déclare absent de toute histoire.

Hélène Révay, Bien loin du reste, Les éditions SANS ESCALE, Décembre 2019, 30 pages, 13 €.

En fait, on n’entrevoit ici que deux certitudes, laissées intentionnellement dans le flou. Le narrateur [quitte d’une façon assez radicale ce qu’il appelle le reste] et se dirige vers le mystère majuscule de « L’Infranchissable ».

Mais quel est donc le dessein voilé ou dévoilé dans ses pensées qu’Hélène Révay appelle des « fumigations » ? Notre homme aurait-il à trouver le souffle vital qui lui a toujours manqué ? En tout cas, il travaille d’arrache-pied à sa mathématique sans objet. Il ne s’agit ni de gagner ni de perdre quoi que ce soit. Seule compte la besogne laborieusement bidouillée. Afin, [surtout, de rester dans la place].

Et c’est une lutte acharnée contre soi-même s’il existe un soi-même, contre un autrui s’il existe un autrui… aux attitudes opaques voire malveillantes.

Le lecteur sera séduit par la maturité du style gigogne de cet ensemble bref mais long à lire. Il pourra imaginer dans cette rhétorique de l’indéfini un autre narrateur dans lequel il se reconnaîtra s’il en a le désir. A moins que le miroir de l’altérité ne l’emporte dans son trouble. Le tuilage du pour et du contre avec ses marges d’incertitude, qui exprime l’universalité du travail de vivre, ne lui offrira aucun lieu sûr pour désigner ce qui existe. L’humain ordinaire, sans qualités particulières, ne tient que par les habitudes. Aucun futur ne verra le jour puisque le passé et le présent sont indistincts. Aucune histoire ne s’écrira dans le retrait absolu où l’être s’amenuise sans s’en apercevoir. Moitié éveillé moitié endormi, dans une continuité marquée çà et là de [petites irrégularités réjouissantes], en attendant qui sait une rencontre, tout autant indéterminée. Mais le reste sera-t-il pour autant quitté ?

 

Extraits :

Passer son temps, voilà ce qui se dit au final. Au final, j’ai passé mon temps à ressasser sur l’ordre de l’univers. J’ai passé toutes mes nuits à gamberger sur ça. Je n’ai pas la force nécessaire pour faire fi de tout ça, pour m’ouvrir tout entier et imaginer qu’un véritable monde existe, un monde réel où tout s’organiserait selon une seule volonté. 

Mille ans me séparent de moi-même. Quand je dis moi-même, je pense à celui qui veille, écoute, celui qui ne juge en aucun cas. Je pense aussi à celui qui soupèse, qui traduit chaque moindre petite parcelle d’émotion qui le submerge, l’efface ou le marque au fer rouge, parcelle qui peut tout aussi bien l’affaiblir comme le renforcer.

Tout ce qui est primordial de nos jours est à présent secondaire et vice-versa. J’ai beau être quelqu’un de normal, dans le sens où je ne fais, ne pense ni ne dis rien d’extraordinaire, en général. Mais je ne me ressens pas, et au fond, comme tel. 

Présentation de l’auteur

Hélène Révay

Hélène Révay est née à Paris en 1987.

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Hélène Révay, Bien loin du reste

Donc, qui pourrait me dire où j’en suis exactement et à quel niveau ?  Plus qu’un monologue, Bien loin du reste d’Hélène Révay est peut-être aussi un soliloque. Le lecteur ne sait jamais à [...]




Autour des Editions La Porte : Estelle Fenzy, Valérie Canat de Chizy et Marie-Noëlle Agneau, Michèle Nosbaum

Estelle Fenzy, Mon corps c’est ta maison 

9 courts poèmes en deux parties constituent le recueil : Filles légères et Mon corps c’est ta maison ; cette deuxième partie, donne le titre au recueil. Des mots pour dévoiler la sensualité de la vie quand elle accueille la démesure, que l’insolence du désir habite en notre existence et que l’âme se met à nu, le corps est maison, abri ou terre de refuge. Une poésie qui fait écho aux vers de R G Cadou quand en la maison d’Hélène les oiseaux faisaient leurs nids. En ce corps de « terre insolente » « les oiseaux n’ont pas besoin de nid », tout est offrande. D’une ode à l’autre, la femme en son règne végétal, féconde et l’amour et la poésie.

Estelle Fenzy, Mon corps c’est ta maison, La Porte, 2018.

Extrait

Jours de liesse et nuits heureuses
semés de lampes sombres
Dans l’obscurité s’écrivent l’amour, les poèmes.

 

 

 

 

Valérie Canat de Chizy et Marie- Noëlle Agniau, Le poème correspondant 

 

Qui de l’une ou de l’autre écrit ? Peu importe, les poèmes se succèdent en une ondulation poétique et végétale ; en écho les mots de l’une et de l’autre.

Des poèmes comme des tableaux impressionnistes, par petites touches des paysages intérieurs pour dire la vie qui s’écoule, qui fait son nid en des saisons d’ombre et de lumière. Au fil de l’eau, les poèmes nous emportent et se répondent, un mot ou deux de l’une et naît le poème de l’autre. On retrouve comme pour les duos poétiques d’Arlette Chaumorcel et Jean-Claude Coiffard, une même connivence poétique entre deux poètes dont l’écriture proche constitue l’unité du recueil.

Ecouter l’autre, lire l’autre et se promener dans ses paysages intimes puis écrire pour laisser aussi ses empreintes et entrevoir l’espace qui l’habite ; déployer ses souvenirs, être l’arbre, le sable, la feuille, la mer, le soleil…

Valérie Canat de Chizy et Marie- Noëlle AgniauLe poème correspondant, La Porte, 2017.

Extraits (poèmes de l’une et de l’autre…)

 

Si tu es lettre que je guette                                                            La lettre dans la boîte

bien solide sur mes jambes                                                           porte plus que des mots

 

sache qu’elles tremblent                                                                sans l’ouvrir à distance

comme ombre dans le vent                                                             je devine sa présence

 

Quand paraît ton nom                                                                    porteuse de pépites

si tu es quelqu’un d’autre                                                              grains de lumière

 

sache que je veux des livres réels                                                  c’est de cela

avec des pages réelles                                                                   dont je dois me nourrir

et des mains réelles pour les tenir.

                                                                                                       le papier est neutre

Si tu n’es rien                                                                                 mais empreint de bonté.

je peux rêver

 

et faire craquer dans mes dents

l’aigre-doux d’une voyelle.

 

 

 

 

Michèle Nosbaum, Poèmes

La poésie de Michèle Nosbaum est ode à la nature, à la douceur, au temps qui passe ; c’est une poésie qui appelle à la méditation, elle nous emporte sur des « chemins de traverse », elle est portée par une « mélancolie discrète » que la lumière ne cesse d’éclairer. Les mots comme des flammes jaillissent au cœur de la nuit, une poésie qui « célèbre la fragilité de l’instant ».

 

Extrait

 

 Il faut allumer le feu
Avant de promettre 
La lumière
Penser chaque note
Pour donner l’accord parfait.
La chorégraphie du paysage
Les ailes qui l’écrivent
Et ces petits pas
Qui rythment le temps
Entre ciel et terre. 

 

 




Luminitza C. Tigirlas, Noyer au rêve, Avec Lucian Blaga, Poète de l’autre mémoire, Fileuse de l’invisible, Marina Tsvetaeva

Elle est poète, elle est d’origine roumaine, elle est née en Moldavie, elle est psychanalyste lacanienne, elle a un prénom qui pressent la lumière1 et elle écrit en français. J’ignore pourtant tout d’elle. Tant mieux. Elle se nomme Luminitza C.Tigirlas.

Il  apparaît d’emblée que les trois ouvrages transmis (je sollicitais originellement celui sur Tsvétaïéva) sont  soit composés en duo poétique avec des  défunt.es (Lucian Blaga et MarinaTsvétaïéva), soit préfacé par un contemporain (Xavier Bordes). Comme si sa pensée  s’appuyait sur ces autres-là (élu.es  par son esprit et/ou  son cœur) pour avancer parfois seule sur le chemin des mots. Serait-ce possible d’écrire sans les autres, sans la fusion qu’ils suscitent, éclairent ou incarnent ?

Le recueil de ses propres poèmes Noyer au rêve, s’inspire de l’arbre, cet être vivant des origines qui n’a que l’apparence de l’immobilité. Arbre et fruits sont des caisses de résonance à sa quête intérieure. Le poète-préfacier Xavier Bordes perçoit dans la noix une métaphore « noyau et cœur », façon de dire « la multiplicité de l’humain ».

Luminitza C.Tigirlas, Noyer au rêve, préface de Xavier Bordes, Editions du Cygne, 2018, 12€

L’autrice y révèle un certain plaisir de jouer avec les sons : noix et nu et nous ; obus et rebuts et abus ; je le flaire et j’attends – fleurette jatte t’en. Jeu dont il n’est pas impossible qu’il inaugure un lien entre ces choses déjà alliées par le son. Elle manifeste le goût de mots composites (parfois logiques, parfois insolites) qui avancent côte à côte dans le poème, liés par le tiret (dit du 6) : suicidés-poètes, cri-enfançon, chant-rire, vent-éditeur, marie-cœur. Ceux-ci gardent l’indépendance de leurs parties, sans parvenir à la coagulation du mot-valise.  Renvoient-ils  à son intérêt pour les « partitions à deux voix » ? Ce dialogue en est-il  véritablement un,  puisque l’ « un parle » et que l’« une répond à côté ».

Tigirlas se sent « faiseuse de vagues » et redécoupe le temps en le décalant : en jour « premier », puis « immédiat », puis « suivant », puis « jour d’après », puis «  jour de l’après-coup », puis « prochain », puis « imminent », puis « huitième » (dans l’ordre de ses jours). Cette subtilité lui permet d’établir un temps personnel, lié à l’événement (« après-coup, imminent »).  Elle découpe aussi les jours de la semaine en « phonème » improvisé : Lundi devient « Lu », Ma, Me, Sa (saule). Dimanche devient « dis manche », comme pour tenter une autre conception de ce temps qu’elle inscrit dans un planning en forme de flèche !…

 Le second ouvrage consiste en une lecture d’un auteur roumain, Lucian Braga, dont la langue est cernée par le hongrois et l’allemand. Le seul titre Avec Lucien Braga  signale ce lien puissant entre la présente autrice et l’auteur étudié, des connivences intellectuelles et sans doute politiques : Braga refuse le réalisme socialiste et  s’oppose à l’idéal communiste des pays de l’Est. Il y a travaillé comme archiviste et a été contraint… de mettre ses propres ouvrages au rebut! Ses œuvres circuleront en copies clandestines. Dans son magnifique Manole, maître bâtisseur, Braga évoque un architecte Manole, lequel doit sacrifier (sacré et ça créé)  une femme pour que l’église soit construite. Or celle qui va être emmurée  sera la sienne, Mira.  Cette dernière se mue alors en « autel vivant dressé contre la malédiction ».  Elle entre dans « le mur étroit », ignorant qu’elle participe à son propre holocauste. « La mort est un jeu » lui fait croire son amant-bâtisseur.  Des proximités sonores sont soulignées entre l’amour et l’(a)mur, entre le prénom Mira et le miracle (miracol en roumain). Bref, un récit douloureux qui illustre – certes symboliquement - l’acte de création.

Rien n’est simple. Dans son périple de l’esprit, L. Tigirlas convoque diverses autorités pour éclairer cet acte sacrificiel : les psychanalystes Freud (le rêve et l’inconscient) et Lacan (Blaga serait « lacanien avant l’heure » avec l’inconscient-lalangue2 ) ;  les écrivains Dostoievski, Claudel (Tête d’or), Bataille, Yourcenar (le lait de la mort), Celan  (la fugue de mort), Goethe (l’homme démonique est le créateur/artiste), Rilke; l’historien des religions  Mircea Eliade ; les philosophes Spinoza (sur le désir), Socrate (la voix divine de son démon) et Heidegger (la mort de Dieu) ; et même la grand-mère (bunica)... Autant de références qui  contribuent à sa fascination. Elles lui permettent d’accéder à la compréhension en une psychanalyse par le biais du littéraire : « Le silence dérivant de l’emmurement de l’amour s’est révélé être l’épuration d’un désir de mort ».

- Son troisième ouvrage, d’une nature émotionnelle distincte, est une approche de  la fulgurante poétesse russe Marina Tsvétaïéva (autrice de Le ciel brûle, Insomnie, Tentative de jalousie).  En accord avec le préfacier Zéno Bianu qui conçoit celle-ci comme une « exilée de tout », L . Tigirlas valorise sa nature hérésiarque « qui troue la face lisse du conventionnel »3. Pour appréhender cette créatrice, elle convoque de nouveau  l’ami Rainer Maria Rilke (« plus qu’un poète »), Joseph Brodsky, Pasternak… La poétesse russe est comme « une fileuse de l’invisible ».  Elle approche ainsi Ariane dont le fil sauva Thésée du Minotaure : un autre « sacrifice par amour »  (au demeurant, elle donnera ce prénom à sa fille Ariadna).

L’émotion s’introduit subrepticement  dans les poèmes. Brodsky est ainsi sensible à la « logique pianistique » de Tsvétaïéva. Cette force émotionnelle est comme une frappe sur les  touches de piano : « toute nouvelle exclamation prend son élan  de son même de la précédente ».  Selon L. Tigirlas, « l’œil ou l’oreille réagissent avant la raison ». Introduire dans  le texte russe l’expression allemande – exemple Du Lieber, (cad tu m’es cher) - relève  d’un élément de «  lalangue», cette lallation  désignant  la langue maternelle.  Brodsky, lui-même poète, sait découvrir « un sanglot caché dans le vers », des complaintes et des incantations. Il en conclut que « Tsvétaïéva-poète est identique à  Tsvétaïéva-personne ; entre la parole et l’acte, l’art et l’existence, il n’existait pour elle ni de virgule, ni même de tiret : Tsvétaïéva posait là le signe égal ».  Comment ne pas comprendre pourquoi Rilke lui adressa son Elégie ? Pourquoi  Brodsky a si bien pénétré l’esprit de Tsvétaïeva dans son poème sur le temps Novogodniéié, (traduit comme Lettre du nouvel an en français): « La vie a moins de relation avec  le temps que la mort, et que du point de vue du temps, la mort et l’amour sont la même chose ». Deux incarnations du temps (vie et mort) dont l’une, la mort, est précisément celle dont surgit l’amour. Un défi à notre pensée !

Et moi, qui ai voulu consulter ce regard sur Tsvétaïéva… Sur cette poétesse qui donne des coups de boutoir à la sagesse, des coups de tranchet à la vie, des coups de poings à la grammaire et à la ponctuation. Son audace est inouïe, tout en employant des mots d’une simplicité exemplaire. On la croirait sur un ring, prête à cogner un adversaire qui est finalement  elle-même, tout en parlant la « langue menteuse et noire des humains ».  Aucune idée extrême  ne l’effraie : «  Dieu est un baobab », la montagne est « le torse d’un conscrit renversé par la mitraille » ou « la langue est épuisée »... Ce pourquoi, elle écrit « sans table pour le coude » et « sans front pour la plume ». Tous  ses innombrables tirets, points d’exclamation, répétitions sont des pulsations, des goulées d’air avalées pour échapper à l’étouffement de soi. Une façon si particulière d’aller droit au but, tout en traversant mille escales !

 

Notes

(1) Luminita, lumière en roumain.

(2) Dixit Lacan dans Encore : « Le langage sans doute est fait de lalangue. C’est une élucubration sur lalangue. Mais l’inconscient est un savoir, un savoir faire avec lalangue. Et ce qu’on sait faire avec lalangue dépasse de beaucoup ce dont on peut rendre compte au titre du langage ».

(3) Le portrait de couverture, un fusain de Joël Cunin, capte bien l’angoisse extrême de la poétesse.

Présentation de l’auteur

Luminitza C. Tigirlas

D’origine roumaine, née en Moldova orientale, annexée par la Russie, Luminitza C. Tigirlas est psychanalyste trilingue à Saint Priest (Rhône), et poète.

Poèmes choisis

Autres lectures




Gérard Bocholier, Une brûlante usure

D’ordinaire, je suis plus que méfiant à l’égard des journaux intimes. Je dois même reconnaître que je nourris une forme d’évitement à leur égard. Peut-être pour en avoir trop lus, ou pas assez.

Ou pas ceux qu’il fallait lire, allez savoir. Néanmoins, la fréquentation assidue de la poésie m’a souvent fait changer d’avis, avec bonheur. C’est encore le cas ici, avec cette brûlante usure qui consume chaque page d’un journal à la fois moins qu’un journal mais surtout beaucoup plus. Ici, on ne triche pas. Pas de faux-semblants, d’allusions narcissiques, de contorsions égoïstes, de fausse modestie ou d’air de ne pas y toucher. Je n’en attendais pas moins, ceci dit, de Gérard Bocholier, dont je reçois avec bonheur et attention, recueil après recueil, la parole pure et essentielle. Au fil des mois et des saisons, on chemine ici en compagnie des grands esprits d’hier et d’aujourd’hui. L’auteur prend note de tout ce qui éclaire sa vie, baignée d’une belle lumière automnale, déconnectée du tohu-bohu du théâtre de l’information.

C’est le partage d’un quotidien dont l’ordinaire est fait de la fréquentation régulière de Reverdy, Anne Perrier, Thierry Metz, Gustave Roud, Cioran, Joubert, Follain, Pirotte, sans omettre Jaccottet, Pessoa ou Paul de Roux, pour n’en citer que quelques-uns.

 Une brûlante usure, par Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, 15€.

Le temps des lectures intimes est porté par la musique de Bach, Brahms ou Schubert. Rythmé par l’écriture. Gérard Bocholier accepte sa condition de dernier hôte d’un paysage, celui de sa propre vie, comme un signe. La prégnance de la solitude fait de l’auteur une victime de chaque instant, pour reprendre le mot de Gustave Roud. Cette solitude ambivalente, qui l’aura hanté depuis le début comme un oiseau de malheur, certes, mais qui aura œuvré aussi d’une certaine façon à donner à sa parole poétique la valeur qu’on lui connaît et reconnaît. Alors, toujours, écrire pour reprendre haleine, pour reprendre pied. Pour tenir l’ennui et le doute à distance, exorciser le vide de la vie humaine, à laquelle une lumière toujours présente promet une consolation éternelle. Et s’il faudrait s’habituer à la mort, ce n’est pas pour se défausser de la fin qui menace mais plutôt accepter de voir s’approcher la coupe du destin et d’y plonger les lèvres, avec au cœur juste ce qu’il faut d’inquiétude. Quoiqu’on fasse, il nous faut nous maintenir dans l’éveil. Chez Gérard Bocholier, la poésie et la prière y veillent depuis toujours, en faisant de chaque livre une belle solitude traversée.

 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

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Eve Lerner, Partout et même dans les livres

Eve Lerner a obtenu le prix Paul Quéré pour ce recueil de poèmes.

 Elle commence très fort : elle remet en question la nature dans la pratique de la métrique et de la plastique au nom de l’insolite et de l’étrange. Il y a comme des échos écologiques (à la page 24) « les dessins de sable sur la dune / ou près des îles  ».  Poésie qui parcourt le monde des USA à la Bretagne, du désert de Mojave à Drancy, du bassin d’Arcachon au Finistère, du Sénégal (dont l’ancien homme qui le présida est un poète qui finit ses jours en France, une terre de poètes), de l’Aveyron à la route de Provins. Et même dans les livres : « Je lis donc je suis » (p 58), écrit Eve Lerner traduisant du latin pour être mieux comprise. Je ne compte pas les poèmes où cette dernière note « Les seins pointés vers le cosmos / elle touche du doigt le cosmos » que la poète, honnête, dit aussi « le lichen, sa dentelle, la fougère à spores / l’odeur des fusains, les buissons emmêlés » car elle  est honnête…

Eve Lerner : « Partout et même dans les livres ». 82 pages, 12 euros. Sur commande chez Marie-Josée Christien, 7 Allée Nathalie Lemel. 29000 QUIMPER.

Ce prix est largement mérité !

Présentation de l’auteur

Eve Lerner

Eve Lerner, poète bilingue, français/anglais, éditrice et traductrice de poésie. Collabore aux revues Hopala !, Spered Gouez et Digor. Vit et travaille à Lorient.

Derniers ouvrages parus (2013-2015) :

Un poème, même petit, peut faire bouger la tectonique des plaques, éd. Encres vives. L’Ame chevillée au corps, récit, éd Dialogues. Le Livre des Chimères, éd L’Autre Rive ; Pour danser un rêve, éd. Sac à mots. Pour qui sait voir et Lumières, livres d’artiste de Marie-France Missir, éd. Carré d’encre ; Graine à feu, éd L’Autre Rive. Elle obtient le prix Paul Quéré 2019/2020.

 

 

 

 

Poèmes choisis

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