Jean Dupont, Avec la mort à bicyclette

 

Précision sur la typographie

         Dans ce texte, les apostrophes sont utilisées pour ajouter ou enlever un « e » muet quand je l’estime nécessaire pour le respect de l’octosyllabe. Lorsque l’apostrophe précède un « e », il est ajouté : « Seul’e le soleil’le nous voit ». Ici, le vers compte 8 syllabes.

Lorsque l’apostrophe au contraire est mise à la place d’un « e » muet qui serait attendu, comme dans : « J’avanc’ toujours au bord de l’eau »

On prononce bien « J’avance » et non « J’avanc », mais on ne distingue pas le dernier « e » comme une syllabe à part entière, on prononce « J’a-vance » en deux syllabes comme à l’oral, et pas « J’a-van-ce » en trois syllabes.

 

∗∗∗

Elza : Passent les jours et les années
Sur leur bicyclette légère
Regarde ta vie s’en aller
Pourquoi vivre

J’ai fait le compte et le décompte
Des quelques moments qu’il me reste
Les deux trois décennies passées
Ce que je pourrais espérer
Et tout ce que je n’ai pas eu
Ce qui n’arrivera jamais
Qui n’arrivera jamais plus
Tout ce que je n’ai pas vécu
Pèse plus lourd je vous le jure
Que les quelques pauvres plaisirs
Retrouvés dans mes souvenirs
Les tiroirs de mes souvenirs
Presque vides
Pourquoi vivre

Pourquoi lutter entretenir
Le jardin où ils ne sont pas
Les fruits pourriront sur les arbres
Seul’e le soleil’le nous voit
Ma jeuness’ qui attendait là
Personn’ personne ne l’a prise
Offerte ouverte à bout de bras
Sur tout’s les branch’s de tous les arbres
Ça fait si mal’e de le dire
Je voulais que quelqu’un m’embrasse
Me délivre
Pourquoi vivre

Maintenant l’été est fini
Les fruits ont pourri sur les arbres
Ça fait si mal’e de le voir
Plus personne ne va venir
Des gens mouraient le ventre vide
Les journaux parlaient de famine
Et tous les fruits pourrissaient là
Offerts ouverts à bout de bras
Oh que tout cela est stupide
Si stupide
Pourquoi vivre

Mon corps est une maison vide
Personne ne se souviendra
Il n’y a pas d’enfants qui rient
Pas de grands-parents qui cuisinent
Le four ne cuit aucune tarte
Et même les araignées partent
Triste triste
Pourquoi vivre

Mon corps est une maison vide
Personne ne se souviendra
Aucun lycéen ne s’y cache
Invite ses amis à boire
Ou passe ses journées à lire
Lorsque l’école le fatigue
Le silence a rongé le bois
Mieux que n’auraient fait les termites
Les gens qui passent devant moi
M’appellent par des noms jolis
Masure Épav’ Bicoque Ruine
Une ruine
Pourquoi vivre

Avec la mort à bicyclette
À bicyclette au bord de l’eau
Retournons donc à la rivière
Où ne passe pas un bateau
Avec la mort à bicyclette
À bicyclette au bord de l’eau
Au bord de l’eau de la rivière
Où coulent aussi les vélos

La vie depuis un bon moment
M’a dépassé sur son vélo
Je ne vais plus la rattraper
Je pleure mêm’ quand il faut beau
Passent les jours et les années
Sur leur bicyclette légère
Regarde ta vie s’en aller
La mort pédal’ juste derrière

Pendant ce temps moi je me traîne
Je me sens ridicule et faible
Et plus que vaincue humiliée
Presque souillée à chaque fois
J’sais pas comment vous expliquer
Que mes deux genoux me font mal
Chaque fois un peu moins vivante
La mort pédal’ juste derrière

Je regarde le défilé
Fusant sur les vélos légers
Des garçons et des jeunes filles
Comme un petit feu d’artifice
Un feu d’artifice vivant
Une giboulée de moineaux
La joie c’est de ne pas comprendre
Le malheur vient bien assez tôt  

Passent les jours et les années
J’avanc’ toujours au bord de l’eau
J’espère toujours rattraper
La vie si il passe un bateau  

Présentation de l’auteur




Regard sur la poésie des « Native American » : Carlos Montezuma, un destin singulier

Porter le nom de Wassaja au minimum vous incite, ou plus, détermine en vous la volonté de jouer le rôle du lanceur d’alerte, puisque wassaja, ce mot en langue Apache, signifie celui qui invite, qui fait signe. Cet Apache Yavapai est probablement né en 1866, et mourut en 1923.

Intellectuel et militant, il cofonda la société des Indiens d’Amérique, et se fit l’avocat des droits civiques pour les citoyens de seconde zone qu’étaient alors et que sont encore dans une certaine mesure, les Indiens aux États Unis. L’histoire de cet auteur n’est pas banale, vous en conviendrez : il fut kidnappé, avec d’autres enfants Apaches,  par des Indiens Pima (beaucoup avaient fait alliance avec les Mexicains et s’étaient tristement illustrés lors du massacre d’un campement d’Apaches, constitué surtout de femmes, d’enfants et d’ hommes âgés, le 30 avril 1871, dans le canyon d’Aravaipa en Arizona, alors territoire mexicain). Les enfants capturés furent échangés  contre des prisonniers ou bien vendus. Quelques années auparavant et dans d’autres régions d’Amérique, ils auraient été tués, et leurs scalps gardés comme preuve afin que les tueurs à gage en reçoivent 5 dollars chaque (un homme en valait 15, une femme 10).  Wassaja fut acheté par un photographe italien, Carlo Gentile, pour trente dollars. Cet homme, qui avait commencé un travail photographique et ethnographique au sujet des Indiens, adopta le jeune Apache, l’éleva comme son propre fils.  Il le renomma Carlos Montezuma, afin de lui léguer son prénom de père adoptif, tout en rendant hommage à l’héritage Indien de cet enfant né près des ruines de Montezuma au Mexique. Wassaja suivit donc son « père » et participa à ses expéditions en Arizona, au Nouveau Mexique et dans le Colorado. Il fut même embauché quelques mois dans la troupe théâtrale de Ned Buntline et Buffalo Bill (the Wild West show) afin d’y jouer Azteka, un fils imaginaire de Cochise (le célèbre chef des Apaches Chiricahua avait eu deux fils : Taza et Naïché, ce dernier combattit aux côté de Geronimo). Wassaja alla ainsi de St-Louis à Cincinatti, de Louisville à Chicago en passant par Cleveland et Pittsburg.
Cultivé, nourri des idées des Lumières, Carlo Gentile s’occupa consciencieusement de l’enfant qui montrait de réelles dispositions pour les études, il lui fit donné une solide éducation, de telle sorte que Wassaja, enfant précoce, à l’âge de 14 ans, fut le premier étudiant Indien jamais inscrit à l’université (University of Illinois d’abord, puis la Northwestern University à Chicago). Il y obtint un diplôme de médecin.  Pendant ces études, en 1883, il fit deux discours remarqués au sujet de la bravoure des Indiens. En 1887 il entama une correspondance avec Richard Henry Pratt, le fondateur du Carlisle Indian Scholl en Pennsylvanie. Pour Pratt, Carlos Montezuma était le parfait exemple de l’assimilation possible et souhaitée des Indiens d’Amérique dans la société blanche. En 1889 Wassaja commença à exercer la médecine et grâce à ses échanges avec Pratt qui avait des connaissances,  il fut embauché par le bureau des affaires indiennes en tant que médecin. Il travailla donc sur plusieurs réserves, mais quitta ces emplois, déçu par la politique des réserves. Il fut alors appelé par Pratt afin qu’il vienne travailler au Carlisle institute, qu’il quitta en 1896. En 1900 il devint le médecin de l’équipe de football Indienne formée à Carlisle, et c’est à l’occasion d’un déplacement de l’équipe qu’il retourna en Arizona où il put retrouver des membres de sa famille, perdus de vue à cause de son kidnapping. 

À cette époque il revit  Zitkala-ša, une Indienne Dakota enregistrée dans les documents officiels sous le nom de Gertrude Simons, qui avait enseigné la musique au pensionnat pour Indiens de Pratt à Carlisle (voir l’article paru dans Recours au poème : https://www.recoursaupoeme.fr/zitkala-sa/). Ayant eu elle aussi l’expérience des pensionnats pour Indiens, elle pouvait partager bien des points de vue avec Wassaja. Une amitié naquit qui semblait pouvoir déboucher sur un mariage puisqu’il y eut fiançailles en 1901, mais en août de cette même année, Zitkala-ša rompit sa promesse et l’année suivante elle épousait un Sioux du nom de Raymond Bonnin. Wassaja en éprouva de l’amertume mais l’amitié perdura et ils luttèrent ensemble en faveur de la cause Indienne. Il décida ensuite de lutter avec les Yavapai pour que fut créée la réserve Yavapai, encore dite Mohave-Apache, de Fort McDowell. 

Carlos Moctezuma, A Boy Named Beckoning, David Baiz.

Il était alors régulièrement en conflit avec le bureau des affaires Indiennes qui ne voulaient pas dépenser d’argent pour l’amélioration des conditions de vie et des infrastructures sur la réserve. En 1904, Wassaja créa à Chicago la Indian Fellowship League, la première organisation urbaine pour aider les Indiens quittant les réserves pour les villes, où ils avaient bien du mal à s’adapter tant les repères étaient perdus, tant le racisme les discriminaient, tant le tissu social à l’Indienne leur manquait. En 1905, Wassaja-Carlos Montezuma était devenu célèbre et reconnu comme un leader politique de la cause Indienne. Il devint le porte-parole des opposants au système des réserves et dénonça les conditions de vie imposées aux Indiens. En 1911, il créa la première organisation Indienne pour défendre les droits des Indiens. En 1916, il lança un mensuel nommé Wassaja, ce magazine devint l’organe de lutte et de diffusion des luttes pour les droits civiques et l’obtention de la citoyenneté pour les Indiens. Il avait d’ailleurs esquissé et proposé un texte de loi à ce sujet, qui ne fut voté et adopté qu’en 1924. Atteint de tuberculose, Wassaja décida en 1922 de retourner vivre sur la terre de ses ancêtres. Il mit en ordre ses papiers, écrits, correspondances, notamment courriers échangés avec son épouse Mary Keller Montezuma-Moore et avec un juriste, son avocat du nom de Joseph W Latimer. Il mourut le 31 janvier 1923 et est enterré au cimetière de Fort McDowell. Ses écrits furent oubliés jusqu’en 1970, lorsque des historiens se penchèrent à nouveau dessus.   

Voici un poème publié dans le dixième numéro du journal The Indian Helper (l’aide, l’assistant Indien) en octobre 1887, à l’intention des élèves pensionnaires au Carlisle institute, un établissement parmi d’autres qui recevaient les enfants Indiens arrachés à leurs familles afin de les « civiliser ». Outre le fait que parler leurs langues maternelles y était interdit sous peine de punition, il se trouve que désormais les scandales ont éclaté, et l’on sait officiellement combien ces enfants y étaient maltraités, abusés, affamés… beaucoup y sont morts, tous en sont sortis avec des traumatismes qui les ont handicapés, eux et les générations après eux. Wassaja ne refusait pas l’assimilation en tant que telle, mais il déplorait la maltraitance, les moyens qui étaient censés parvenir à intégrer les Indiens à la nation américaine, mais qui ne les préparaient qu’à des rôles subalternes de valets, de domestiques pour les « blancs », qui les humiliaient et leur inculquaient la haine de soi, la honte d’être Indiens. Le poème chante l’entraide, car sans parents pour les consoler, sans affection aucune prodiguée par les adultes autour eux, les enfants ne pouvaient que compter sur leurs valeurs tribales, ou bien encore celles chrétiennes qui leur étaient inculquées (bien souvent sans être respectées), pour supporter cette situation carcérale.

A SERMON IN RHYME

If you have a friend worth loving,
   Love him, yes, and let him know
That you love him, ere life’s evening
   Tinge his brow with sunset glow.
Why should good words ne’er be said
   Of a friend till he is dead ?

 

If you hear a prayer that moves you
   By its humble pleading tone,
Join it. Do not let the seeker
   Bow before his God alone.
Why should not your brother share
   The strength of « two or three » in Prayer ?

 

If you see the hot tears falling
   From a sorrowing brother’s eyes
Share them. And by sharing,
   Own your kinship to the skies.
Why should one be glad
   When a brother’s heart is sad ?

 

 

If your work is made more easy
   By a friendly helping hand,
Say so. Speak out brave and truly
   Ere the darkness veils the land.
Should a brother workman dear
   Falter for a word of cheer ? 

 

 

Scatter thus your seeds of kindness,
   All enriching as you go,
Leave them. Trust the harvest giver,
   He will make each seed to grow ;
So untill its happy end,
   Your life shall never lack a friend. 

 

 

Un sermon rimé

Si tu as, digne d’être aimé un ami
   Aime-le, et fais lui savoir, oui, 
Que tu l’aimes, avant que le soir de la vie
   Teinte son front de la luisance vespérale.
Pourquoi ne jamais prononcer de belles paroles
   Avant la mort d’un ami ?

 

 

Si tu entends une prière dont le ton 
   Humble et implorant t’émeut
Participe s’y. Ne laisse pas le suppliant
   Se courber seul devant son Dieu.
Pourquoi empêcher ton frère de partager
   La force de la prière à « deux ou trois » ?*

 

 

Si tu vois de chaudes larmes rouler
   Des yeux d’un frère chagriné
Partage-les. Et par le partage,
   Possède ta parenté avec le ciel.
Pourquoi être enchanté
   Quand le cœur d’un frère est affligé ?

 

 

Si ton travail est rendu plus facile
   Grâce à l’aide d’une main amicale,
Dis-le. Exprime-toi avec courage et franchise
   Avant que l’obscurité ne voile la terre.
Un frère de travail qui t’est cher 
devrait-il chanceler faute d’une parole de réconfort?

 

 

Donc disperse tes semences de gentillesse,
   En même temps que tu vas, toutes s’enrichissent,
Abandonne-les. Fais confiance au Donneur de récolte,
   Il fera croître chaque graine ;
Ainsi, jusqu’à l’heureux dénouement,
   Ta vie n’aura jamais manqué d’un ami. 

 

* Matthieu 18 :20 : For where two or three are gathered in my name, there am I among them.” (Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux.)

∗∗∗

Voici un deuxième poème écrit par Wassaja, intitulé Changing is not vanishing : Changer n’est pas disparaître

Qui dit que la race Indienne disparaît ?
Les Indiens ne disparaîtront pas.
Les plumes, peinture et mocassin disparaîtront, mais les Indiens : jamais !
Aussi longtemps qu’il y aura une goutte de sang humain en Amérique, les Indiens ne 
     disparaîtront pas.
Son esprit est partout ; l’Indien d’Amérique ne disparaîtra pas.
Il a changé extérieurement  mais il n’a pas disparu.
Il est industriel, commerçant, participant au monde ; il n’a pas
     disparu.
Où que vous voyez un Indien défendre le standard de sa race, vous voyez
     l’Indien—il n’a pas disparu. 
L’homme, qui est en l’Indien, est ici, là-bas et partout.
La race Indienne disparaît ? Non, jamais ! La race vivra et prospérera éternellement. 

Who says the Indian race is vanishing ?
The Indians will not vanish.
The feathers, paint and moccasin will vanish, but the Indians,—never !
Just as long as there is a drop of human blood in America, the Indians will not
       vanish.
His spirit is everywhere; the American Indian will not vanish.
He has changed externally but he has not vanished.
He is an industrial and commercial man, competing with the world ; he has not
       vanished.
Wherever you see an Indian upholding the standard of his race, there you see
       the Indian man — he has not vanished.
The man part of the Indian is here, there and everywhere.
The Indian race vanishing ? No, never ! The race will live on and prosper forever.

 

 

C’est sur cette espérance, cette profession de foi que se termine cette présentation d’un auteur  redécouvert il y a peu, dont la vie est digne d’un roman, et qui symbolise toutes les vies rudes et bousculées d’Indiens d’Amérique qui ont réussi, à la fois dans le monde occidental et dans leur monde tribal. Wassaja fait donc figure d’exemple, et de modèle à bien des égards.

Carlos Montezuma, Changer n'est pas en train de disparaitre,




Gustave junior n°2

Un second numéro que l’on peut lire sur écran ou que l’on peut imprimer. Huit pages, 5 poèmes, 5 poètes et une règle de jeu d’écriture proposée par Bernard Friot.

Les cinq poètes : Chiara Carminati, Mélanie Leblanc,  Sandra Lillo, Charles Pennequin et Thierry Renard.

Des poèmes à partager en classe, avec les amis, en bcd ou cdi, ou en médiathèque. Lire ou écouter un poème par jour au minimum est bon pour la santé mentale, le moral et la vie, une petite revue supplémentaire permet ainsi d’augmenter même discrètement la présence  du poème au quotidien. À chacun de la donner à d’autres comme une chaîne d’amitié.

l'abonnement est gratuit sur le site www.gustavejunior.com

 

Gustave junior n°2, Journal de poésie pour enfants, mai 2022, Le Centre de créations pour l'enfance de Trinqueux, www.danslalune.org.




Revue Arpa, 135ème livraison

Sept poètes à la une dans la 135ème livraison de la revue Arpa dirigée par Gérard Bocholier.

Avec Parmi des arbres, Philippe Mathy invite le lecteur à retrouver l’enfance déclinée comme une ritournelle quand « la balançoire reprend vie ». La joie est à inventer chaque jour « pour oublier les nuits cerclées de murs interminables ».

Joseph Ohmann-Krause situe sa poésie dans L’entre-deux de l’inquiétude et de l’espoir. Des enfants ont la fièvre, un pont pourrait s’écrouler mais « les tulipes se tournent vers le soleil » et la tête carillonne de chansons printanières. Le pire n’est pas certain.

Les promesses sont faites, écrit Laurence Lépine. L’espérance dure longtemps qui résiste à la ruine. Et l’allégresse est grande au rythme de la danse quand [le souffle a la beauté d’une nervure]. « Ma neige / Est / Une folie / Qui se / Souvient de tout », dit-elle.

Raul Sebastian Baz est en ses Deuils forcément plus sombre. La mort piétine autour de la table et du vin. Il est trop tard pour pleurer l’absence du temps et des oiseaux. Une vérité qui délivre est aussi une vérité qui enferme. La fin est là, dont on reste à jamais « l’unique spectateur ».

Marie Alloy peint et écrit des Jours bleus empreints de mysticisme. Et toutes les couleurs chavirent parmi les ombres. Mais « Rien ne sombre tout à fait / puisque le jour nous étreint / puisque les mots nous attendent ».

Alexis Bardini aime Le vent qui porte les pollens. Un paysage champêtre de Millet pourrait surgir « Parmi les bêtes et les fruits / Jusqu’au grand âge des mots maigres ». Dans la lucidité du peu voire du manque, [afin de recomposer le courage].

Dans Hauts-fonds et poudre d’âme, Calou Semin invente un pays où « La transparence y serait éteinte / emportant tout ce qui est puissant ». Le silence y prendra part. Le regard et la pensée sauront le féconder.

Revue Arpa, n° 135, Le n° : 12,50 €. Abonnement : 4 n° : 42 €. Adresse abonnement à l’ordre d’Arpa : François Graveline : 8, bld de la République - 63200 Riom Manuscrits, livres et revues : Gérard Bocholier : 44, rue Morel-Ladeuil – 63000 Clermont-Ferrand.

Parmi les autres contributions, notons celle de Michel Reynaud, traversé par le sentier qu’il poursuit avant de « passer de l’autre côté du blanc ». Celle aussi d’Irène Dubœuf qui [habite par intermittence des mots incandescents et noirs]. Avec cette question, si émouvante : « Crois-tu que je puisse sentir la chaleur de tes mains si je me blottis dans les bras du soleil ? »

Dans la partie consacrée aux lectures et recensions, François Graveline évoque le chant V de L’Odyssée d’Homère, traduit par Elisabeth Michel et publié chez William Blake and co. Avec la volonté de « restituer la forme et la force brute de son verbe ». Puis Jean-Pierre Boulic confie au lecteur son admiration pour Faire corps, recueil d’Elisabeth Launay-Dolet publié chez L’Harmattan. Une poésie, dit-il où « on croit entendre des passages des Passions de Jean-Sébastien Bach inspirées des Evangiles ».

Enfin, Gérard Bocholier nous confie ses préférences. Jean-Pierre Vidal notamment, qui écrit « je persiste / tel l’arbre / qui se renouvelle par le frisson » dans son recueil Le vent la couleur aux éditions Le silence qui roule. Notons aussi Garoupe (chez Ballade à la lune). Franck Bouyssou, psychiatre, se souvient de ses consultations en restant au plus près de la distance analytique. « Retrouver l’enfant qui était en elle. Le don qu’elle s’était confié à elle-même, puis, qu’elle avait caché et perdu puisque aucun regard alentour ne l’avait décelé. Retrouver l’essence de son désir perdu », dit-il d’une patiente.

Dans la dernière partie de la revue, intitulée Le fil du temps, remarquons ces vers de Marie-Claude Bourjon : « Je te prends à la gorge / maintenant pour que tu n’oublies pas / Le feu de l’autre côtéde la plaine / Lui aussi tue ».

Cinq photos en noir et blanc, feuillages et ramures en gros plan, d’Elisabeth Launay-Dolet accompagnent cette livraison aux accents souvent métaphysiques.

La revue Arpa coûte 12,50 €. L’abonnement pour 4 numéros s’élève à 42 €.

Adresse courriel : revuearpa@gmail.com




Anthologie de la poésie belge — 2

∗∗∗

JACQUELINE DE CLERCQ

Bruxelloise, Jacqueline De Clercq publie son premier opus de poésie, La Demeure des Aulnes, en 1991, aux éditions In’hui ; l’ouvrage reçoit le prix M. Van de Wiele décerné par l’Association Charles Plisnier. Paraissent ensuite, La Comptine du temps, Le Cormier, 1994, Courts circuits, haute tension , L’Arbre à Paroles, 1996, Le Dit d’Ariane, Orizons, 2008, Achaba & L’un parle de binche, l’autre du mandé, (recueil collectif) E.M.E. 2010 et nombre de contributions dans des revues de poésie françaises et belges. Les conférences présentées lors de colloques internationaux de littérature sont publiées dans les actes de ceux-ci : chez Ponts/Ponti, Milan, 2012, Orizons, Paris, 2008, Karthala, Paris, 2003 & 2016.

 

ÉPHÉMÉRIDES

« Le végétal nous dévoile »

Ghérasim Luca

il a plu cette nuit

à une feuille sans vie

de glisser sous

ma porte

il pleut sur les tombes

Fête des Défunts

le jour & les ombres

s’effacent

il pleuvra comme

sans fin. Infiniment me

plaira, Sol Invictus,

ton retour

∗∗

AUTOMNE

FIGU(R)ES D’AUTOMNE

elles

ont la forme

de petites couilles,

sont

dures et

vertes et

pendouillent

aux

rameaux défeuillés du figuier

  • leur manière de faire la figue à l’hiver !

∗∗

AUTOMNE

SCÈNE DE CHASSE À L’ENVERS

agglutinés derrière la clôture

du jardin, des chasseurs et

leurs chiens donnent

de la voix

en face

perchés sur le portique

des agrès, six couples

de faisans,

parfaitement alignés

les hommes gueulent,

les cadors aboient

pas une plume des

volailles ne tressaille

l’air s’emplit de menaces

Allez ouste !... Cassez-vous !...

Foutez l’camp, emplumés de malheur !...

cris, hurlements

glapissements rageurs

le calme campagnard trépasse

les volatiles demeurent

résolument immobiles

de guerre lasse,

les niguedouilles repartent,

bredouilles

LE TIR AU PERCHÉ EST INTERDIT SUR UNE PROPRIÉTÉ PRIVÉE

bien informés,

les gallinacés.

 

∗∗∗

RONY DEMAESENEER

Né en 1973 à Bruxelles. Bibliothécaire-documentaliste, chargé de cours en Histoire et technique du livre, anciennement libraire de livres anciens et d’occasions, Rony Demaeseneer est également auteur et collabore à plusieurs revues de critique littéraire. Chroniqueur, il anime régulièrement des rencontres littéraires dans le cadre de festivals et salons du livre. Il a collaboré au Dictionnaire Rimbaud (2014) aux éditions Robert Laffont dans la collection Bouquins. Depuis 2015, il anime les Dîners littéraires bruxellois à la Maison de la Francité. Il a publié en 2019 un récit poétique et familial entre Bruxelles et Prague, L’habitude (presque) rassurante des départs aux éditions Eléments de langage.

 

EXTRAITS DE « A MAINS BASSES »

…ils s’aimèrent en contrebande…

…ils s’aimèrent par les mains, sur des banquettes de bistrot, dans les arrière-salles, à l’abri des regards délibérément indiscrets des habitués qui ricanent à l’ombre des mousses brunes, sur les accoudoirs de trams aux destinations inconnues qui pourtant traversent leur ville, dans l’échancrure de chambres louées à l’heure, en plein midi pour échapper à celles qui, inévitablement, vous bousculent, vous hèlent, vous touchent, ils s’aimèrent en contrebande, sur les bancs paresseux de parcs désertés où n’urinent plus que les délaissés, transpirant sous le soleil quand il y en a, mouillant leurs cols de salive et de l’odeur de leurs mains dégraissées par l’envie de palper l’autre, d’en dévoiler la complicité pour peu qu’elle ne soit pas trop voyante, enfin donc ils s’aimèrent sur les autels d’églises désacralisées…

-

…une bière fraîche qui pétillera de toi…

…où serai-je quand tu auras disparu, dans un parc, assis peut-être sur un banc au soleil, sur une digue peu fréquentée tenant la main et le cerf-volant d’Arthur, sur une plage balayée par un vent léger sous un ciel gris, que ferai-je quand tu n’y seras plus, boire au comptoir d’un bistrot, sous une tonnelle devant une bière fraîche qui pétillera de toi, sous l’auvent de notre cour fleurie où tu es venue pour ta dernière sortie, dans les bras de celle qui sera enfin ma femme, dans les bras d’une autre, dans ceux de mon fils qui pleurera sans comprendre vraiment, qui rira pour un rien, dans un hoquet d’innocence, qui serai-je quand je me rendrai compte de ton absence, un seigneur, une ordure, un fumiste comme tant d’autres, un renégat, un trompeur, un trompé, une rumeur effacée…

-

désespérant de mettre la main sur…

…cherchant sur les rayonnages de ma bibliothèque un livre qui pourrait te rappeler à moi mais n’en trouvant aucun, désespérant de mettre la main sur celui qui me donnerait le goût de te ressusciter, de relever le son d’une voix qui ne fit que hurler, que je n’ai jamais entendue chuchoter le moindre mot d’amour, un seul encouragement aurait suffi peut-être à briser le vacarme d’une gorge avide de cris, de beuglements qu’aucun livre décidément ne pourrait faire taire

 

∗∗∗

PIERRE WARRANT

Né en 1963, Pierre Warrant vit et travaille à Bruxelles. Poète, photographe et voyageur par passion, il publie dans diverses revues littéraires et de poésie depuis 2005 (Recours au poème, Bleu d’encre, L’Arbre à Paroles, Terre à ciel). Il a contribué aux Anthologies « A claires voix » (Editions de l'Arbre à Paroles) en 2013, « La poésie française de Belgique / une lecture parmi d’autres » (Editions Recours au Poème) en 2015 et «Tétras Lire 1988-2018: l'Anthologie» (Editions Tétras Lyre) en 2018. Il est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française et a collaboré à la revue du Journal des Poètes dont il fut membre du Comité de Rédaction jusqu'en 2018. Son premier recueil « Altitudes » a été publié en 2013 aux éditions Tétras Lyre. Il a reçu le prix triennal de poésie Nicole Houssa 2015 de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique. Son deuxième recueil « Confidences de l’eau » a été publié en 2016 aux éditions L'Arbre à Paroles. Il a reçu le prix biennal de poésie Maurice Carême 2017. Son troisième recueil « Le temps de l'arbre » a été publié en 2020 aux éditions du Cygne.

 

Poèmes – Septembre 2021

1.

t’ont-ils confié ce qu’ils disaient entre eux

ils parlaient de choses

que tu ne pouvais comprendre

de chemins indécis

de clairières trop lointaines

ils recueillaient des signes sur la table

pour préserver l'aurore et le silence

en s'arrêtant sur une feuille

et tant de nuits penchées à la fenêtre

tu les voyais border le ciel de flammes et de pétales

ce n’était pas une parenthèse

rien de tout cela ne leur appartenait

leur travail était ici et faisait d’eux des hommes

sinon leurs yeux et leurs poitrines

que garderas-tu de tous ces noms

la cendre de la pluie ?

le poids d’une rose qui les vit naître ?

les mots d’une femme tombés de leur visage ?

une trouée une brûlure

le bruit des choses inquiètes

qui s’accomplissent et se prolongent ?

peut-être la mélancolie du vent

quand ils s’en vont un peu plus loin

blessés par la lumière

courbés en toi chassés d’eux-mêmes ?

2.

à l’autre bout de ton silence

je me mêlerai à l’eau de ton visage

au rire de ta présence

j’accrocherai des confidences

aux pierres posées sur ta patience

à tes joues fraîches comme l’enfance

j’écouterai la femme et le ruisseau

la bouche de nos aurores

l’ombre féconde de nos fatigues

ensemble

nous laverons nos mains dans la lumière

le vent léger dans les cheveux

l’ivresse ouverte à l’invisible

notre maison avec les fleurs

sera offerte aux heures passées

aux rêves d’éternité

aux jours à venir sous le feuillage

je t’écrirai un seul poème

pour approcher ce qu’il dira de toi

et les mots au repos

tomberont plus loin

entre chacun de nos espaces

 

 

∗∗∗

PASCAL FEYAERTS

Pascal Feyaerts vit dans le Hainaut où il exerce le métier de bibliothécaire et a écrit à ce jour six recueils de poésie (Acanthe et Coudrier) et un recueil de nouvelles (Chloé des Lys).  L’année 2010 le voit finaliser un spectacle musico-poétique avec la violoniste et compositrice Marielle Vancamp : Sur un nuage. Pour lui, le poète se doit de créer de la transcendance.

Baudelairien dans l’âme, soucieux du bel écrit et respectueux de l’histoire littéraire plus proche de nous il cite comme référence :  Karel Logist, Francis Dannemark, Marie-Clotilde Roose, Mimy Kinet, Phillipe Leuckx, Carl Norac, Eric Allard, Claude Donnay ou encore le français Christian Bobin pour n’en citer que peu.

Pascal Feyaerts est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française, et expose parfois ses dessins essentiellement au fusain.

 

On ne sait plus

On était parole
Et on devient vent
On était Éole
Mais que faire du sang

Un épiderme
Nous rappelle
Que se vêtir de pierres
Se lester de sa présence
Donne naissance aux maisons
Mais ne dit rien
Sur l’origine des visages

*

Un visage on peut y entrer
Par effraction
Comme ça
Sans prévenir
Sans la moindre clé
Et s’y installer
Pour passer l’hiver
Entre deux rides

*

Tu sais écrire c'est écrire
des histoires que l'on met
à l'endroit ou à l'envers
on évite le silence pour
mieux y poser le verbe
mais le verbe dénonce nos errances
et on se retrouve réduit à l’absence

 

∗∗∗

FRANCOISE HOUDART

Françoise Houdart.  Poète et romancière belge, née à Boussu en Hainaut. Enseignante retraitée de l’enseignement supérieur. Anime des rencontres en classes, bibliothèques et autres cercles culturels autour de la lecture et l’écriture. Une œuvre poétique et romanesque couronnée de nombreux prix dont, en poésie,  le Gauchez Philippot, le prix Charles Plisnier pour Les profonds chemins, une nomination au prix Rossel pour Oublier Emma, le prix Louis Piérart pour, notamment, Tu signais Ernst K. et …Née Pélagie D.  et  le Prix de Littérature de la Province de Hainaut pour l’ensemble de son œuvre.  Tous ses romans ont été publiés par les Editions Luce Wilquin, aujourd’hui disparues.  Les  Editions Audace ont pris le relais en publiant son 20ème roman, Niokobok, écrit en soutien d’un projet humanitaire au Sénégal. Son dernier roman paru en avril 2021 a été publié par les Editions MEO.  

 

 

 

EXTRAITS DE « LE POURPRE DU JOUR »

J'ai pleins paniers de feuilles éteintes

petites vies chues en mes mains

petites morts ocres

familières

petits riens

L’automne à ta bouche

à le goût des noisettes

Je me sens écureuil

II

J’offre ma dernière enfance à l’investiture

du poème ainsi faut-il se déprendre

d’une présomption d’innocence

que la mémoire du jadis gardera intacte

et fervente

à la périphérie de la parole

III

Quand

nous seront rendues les ailes

Quand

au septième matin se dressera le jour

devant nos yeux fermés

comme montagne de clarté

Quand

nos ombres étourdies voleront si haut

qu’à toucher l’ultime octave du vertige

se consumeront avant que d’être les mots trop étroits

pour tant d’immensité

Quand

tout ce que nous aurons cru posséder sous le regard

et plus loin que la frontière du visible

tout nous aura été repris

et que nous seront rendues les ailes

alors

le temps sera venu de dénouer les pages

que retiennent les livres

et de les contempler

grands oiseaux

envolés des cimaises de nos mémoires

grands oiseaux

et nous

pierres immobiles soudées au même feu

nous

captifs à l’ancre du désir

nous

d’un battement d’ailes franchissant

la montagne

IV

Je convoque le monde

à témoigner de nous à l’échéance de nos souffles

lors qu’il suffit d’un seul oiseau

pour que la terre se souvienne

de l’arbre

et qu’ainsi ne cesse de s’accomplir le miracle

des saisons

Je convoque le monde

à l’humble repas de celui qui s’assied

sous l’arbre

et

partage son pain avec

l’oiseau

 

 

 

 

 

 

 




Adeline Raquin, La Chambre hexagonale et autres poèmes

La Chambre hexagonale

    Dans ma chambre hexagonale, haut perchée dans le ciel, s'est tapi entre les draps, un animal à l'humanité incertaine. Empêché de marcher, ses jambes garrottées se cachent sous le satin frais.

    Dans ma chambre aérienne, belvédère de solitude, on trouve mon corps déposé sur un lit moelleux. Au nadir du ciel, je me laisse écraser sous le poids de la pesanteur et de l'espace, des poussières d'étoiles et des sphères célestes. Je laisse la nuit sans fin de l'univers dessiner les contours de mon être, peser de toute son ombre jusqu'à la limite de mes cheveux ébouriffés, de mes crocs brillants aiguisés.
    Allongée comme un gisant dans sa chambre de cathédrale, les membres doucement s'enfonçant dans leur matelas marmoréen, je contemple, hébétée, sur les poutres et les linteaux vermoulus des graffitis hiéroglyphiques. Leur fine calligraphie exalte un mystère fallacieux, mirage d'un langage fuyant qui se love entre les stries du bois veineux.

    Dans ma chambre hexagonale, les fenêtres sont ouvertes.
    Y entrent l’autan et l’aquilon, le vent mouillé et la brise sèche qui râpe l’esprit jusqu’à le faire tournoyer en volutes d’élytres, tourbillons de copeaux de nacre projetés.
    Chaque objet, immobile en sa part d'ombre, est entouré de leurs souffles gras, et s'anime, frappé du reflet de leur éclat. Les vents déposent sur leur surface lisse une kyrielle de gouttelettes, pellicule moussue où se condensent les saveurs et senteurs de chants lointains, d’échos galopants, messagers perdus de terres immenses qui frappent d'étonnement l'oreille et réveillent le corps impatient. Tension de la bouche qui salive. Soif d'une aigreur inconnue.

    Il suffit de fermer les yeux pour que des mondes entiers projettent leur image dans la petite chambre, pour que ses parois se peuplent du cri des hommes dans le murmure des vents.
    On se les crèverait même, ses yeux, pour enfin voir. Pour enfin voyager, être ailleurs : marcher, trotter, voler. Être ailleurs à toute allure, ailleurs les pieds libres et le visage au vent.
    On se couperait même le souffle, pour se faire croire qu'on court sur la route, à perdre haleine, qu'on va rater son train, que le temps nous importe, qu'on va quelque part.

    Mais dans la chambre hexagonale, les cinq murs restent solidaires et la vie ne pénètre qu'à coup d'éclats de voix.
    En bas, au loin, on s’époumone. Jusqu'au dernier souffle. Vivant.
    Ici, dans la resserre, cave des nuages, caveau des vents, on camphrerait l'univers pour suspendre le temps.

∗∗∗

INSTANTANES BUCOLIQUES

Maison 1

 

    Il y a un poney et une balancelle sans coussins. Les herbes sont hautes. Elles donneront des graines aux oiseaux.

    Il ne manque qu'un enfant. Une petite fille. Elle ne naîtra jamais.

    C'est une vieille maison au milieu des pâturages. Les fenêtres aux volets rouges sont entourées de briques. Et dans l’œil vitreux du poney s'impriment furtivement l'image des carcasses de voitures, le chancre de la tôle rouillée.

    Le poney traverse la cour cabossée, patauge dans la boue jusqu'à la remise et s'ébroue en un souffle au milieu des odeurs de métal chauffé.

    Au dehors, les ornières recueillent l'eau glauque du ciel délavé et cireux.   
    L'enfant ne viendra pas. Qui le pleure désormais ?

 

L'Arbre 1

 

    Sous les noyers, on s'enrhume.
    Assieds-toi et tu verras.

    Tu les connais, ces chemises à carreaux, toutes trempées de sueur. Elles sont légères mais avec elles on va aux champs. Et c'est août.

    Mais si tu vas sous le noyer tu verras.   
    Tu attraperas la mort c'est sûr.

    Les vieux travaillent en pantalon. Les jeunes un short court, un T-shirt. Les jours sont longs, les jours de la moisson. Et c'est août et le soleil donne.

    Mais si tu vas sous le noyer, tu verras,  
    C'est sûr tu attraperas froid.

    Le grain se déverse dans la remorque en cascade. Il tape la tôle puis le bruit devient sûr et délicat.  
    Comme le temps passe et comme août s'égrène.

    Ne va pas sous le noyer.
    Tu attraperais froid.

 

Ferme 2

 

    Le meuglement des bêtes. C'était pour la Saint-Jean. Le meuglement des bêtes volait haut, déchirant.    
    Une fumée épaisse. Le fracas des tôles. La lune qui aimante les flammes rouge et jaune.

    On crie. Les hommes, les bêtes. On crie. On ne sait plus.
    Comment courir ? Les sabots, les veaux.
    Comment sortir ?
    Et l'air qui alourdit le poitrail
    qui, traître, vendu,
    étoile les poumons de grenaille.

    On crie. On ne sait plus. 
    où sont parties les bêtes que les murs ont retenues.

∗∗∗

EGAREMENTS LYRIQUES

Double voyage

 

Quoi de plus merveilleux
que le monde
qui reste coi dans sa rudesse profonde et qui
tout à coup se déplie
se déploie en tant de mystères que le langage n'y pourra rien
que les mots si polis et si rangés
si précis n'y suffiront pas.

Un autre voyage commence alors au creux des sons et des songes
Il faut racler les mots, les tanner à revers, les évider
pour que dépecés, écharnés de leur présence soyeuse
l'écho de leur fureur clame avant de disparaître
un monde
dont la trace haletante ne perdure
que dans le râle du vent.

 

 

Présentation de l’auteur




Les revues, du papier à la toile

Les revues culturelles sont innombrables, et forment une ensemble aux contenus éditoriaux variés, qui diversifient les approches sur la discipline concernée. Elles sont un extraordinaire lieu d’information, d’expériences, de confrontations, d’échanges et de réflexion pour ceux qui s’intéressent notamment à la littérature, à son actualité, à sa dimension critique. Leur fréquentation a considérablement changé avec l'apparition des supports numériques, qui démocratise leur accès et offre aux revues uniquement diffusées en version papier une visibilité accrue et un moyen de diffusion démultipliés.

Ces lieux de croisement et d’élaboration d’une pensée polysémique sur les éléments culturels contemporains de leur époque ne datent pas d’hier puisque les premières revues littéraires françaises apparaissent au XVIIe siècle avec la création du Journal des savants, en 1665, et en 1672, avec l’apparition du Mercure Galant, créé par Donneau de Visé et Thomas Corneille qui prend le nom de Mercure de France en 1714.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe apparaît comme une période particulièrement intéressante. Les conditions favorables de la presse permettent un foisonnement de petites revues éphémères dans les années 1880, qui deviennent progressivement un lieu de création littéraire, mais aussi un lieu d'échanges culturels internationaux.

Les revues dédiées spécifiquement à la poésie ne sont pas en reste car elles suivent cette évolution.  Déjà préside une volonté de diffuser les idées et les opinions, de faire connaître des poètes… Pour notre époque (incluant le siècle dernier) Ernt’revue dénombre 380 revues de poésie contemporaines dont 41 revues uniquement numériques, d’autres utilisant les deux vecteurs, papier et site internet pour assurer la promotion et la diffusion de leurs publications, de facto accessibles au plus grand nombre dans un périmètre géographique très étendu. 

Couverture du Mercure galant du 1er janvier 1714, Gallica 

Qu'elles soient diffusées sur papier ou bien en version numérique, les sommaires proposent généralement des similitudes. A côté des poètes, qui proposent souvent des inédits, on y retrouve des rubriques qui en général sont constituées de critiques, d’actualités, de réflexions autour de thématiques ou d’auteurs spécifiques. Ces revues sont également le lieu d’un syncrétisme artistique, et nombre d’entre elles dédiées à la poésie publient des plasticiens, et lorsqu’elles sont numériques permettent de visionner des vidéos ou d’écouter de la musique.

Les revues représentent donc le lieu d’un croisement de voix, d’approches, de disciplines et d’opinions. C’est cette collectivité qui en fait la spécificité.

Avec l’avènement de l’internet nous avons assisté à la naissance des revues numériques. Bien que les sommaires n’échappent pas aux passages obligés adoptés par leurs consœurs publiées sur un support papier, les possibilités offertes par le vecteur informatique multiplient les potentialités éditoriales. On peut y écouter les poètes, entendre leur voix, approfondir nos connaissances à propos d’un auteur, ou d’un plasticien, et intégrer de manière effective de la musique ou des vidéos, pour voir des adaptations, lectures, performances, en lien avec les pages consultées. Ces liens hypertextuels permettent un enrichissement du contenu et en modifient même la nature, puisqu'il se voit sémantiquement augmenté par ces apports potentiels.  

Les zones géographiques du lectorat de Recours au poème pour la semaine du 29 avril au 5 mai, donnée recueillies grâce à Google analytics.

Ces revues numériques ont aussi la particularité de changer la nature du lectorat, car elles sont accessibles en temps réel à n’importe quel endroit de la planète. Recours au poème est lu à l'internationale, ainsi que le montre les données recueillies sur Google analytics, outil qui permet d'affiner l'analyse des fréquentations. Cette accessibilité immédiate et internationale motive et transforme leurs contenus, et façonne l’approche des rédacteurs de ces publications numériques. En effet, le croisement entre deux cultures constitue une thématique bien souvent abordée, parce que de facto l'accès à cette poésie à échelle planétaire motive des échanges fructueux entre des univers poétiques n’appartenant pas à un même pays, continent, et offrent  l’opportunité en amont de penser des sommaires qui mettent en avant ces croisements et ces échanges, montrant ainsi l’universalité de la poésie, ainsi que sa puissance lorsqu’il s’agit de créer des ponts et des partages entre des cultures différentes.

Elles facilitent également une diversification des catégories d'âge du public. Accessibles en ligne, elles sont bien souvent consultées par des personnes de classe d’âge différente de celle du lectorat des revues papier, même si ces dernières grâce à une promotion en ligne ont trouvé à travers cette vitrine un moyen de connaissance et d’abonnement facilités. Les revues numériques constituent donc une tout autre manière de diffuser de la poésie, de la rendre accessible et lisible, et de toucher un public plus large et diversifié.

Classe d'âge des lecteurs de Recours au poème, données concernant la semaine du 29 avril au 5 mai, Google analytics.

Nombre de lecteurs ayant consulté les pages de Recours au poème, données concernant la semaine du 29 avril au 5 mai, Google analytics.

Force est de constater que les revues de poésie numériques sont aujourd'hui le lieu de l’élaboration d’une autre manière de lire de la poésie, et de la diffuser. Ces progrès techniques ont en effet contribué à changer la nature du lectorat de ces dernières. Leur accès est facilité, disponible sur différents supports, et ce quel que soit l'endroit de la planète où le lecteur se trouve. Ils ont également modifié la nature des contenus. Enrichis grâce à des moyens technologiques variés, les textes poétiques ou critiques sont soumis à de possibles enrichissements sémantiques grâce aux potentialités  hypertextuelles. Lieu de passage, plus que jamais les revues quel que soit leur vecteur de publication sont des lieux de croisement entre diverses voix poétiques, mais pas seulement, elles supportent l’énonciation de réflexions théoriques et la découverte de poètes, qu’il est désormais permis d’écouter, tout comme il est possible d’approfondir les connaissances sur tel ou tel auteur, plasticien, musicien, ou bien sur un point critique ou théorique.

Pour prolonger cette réflexion, et rejoindre ou retrouver Ent'revues, que nous remercions pour ces propos : https://www.entrevues.org/surlesrevues/rever-hors-le-bruit-du-meme/




La poésie a pour demeure les sculptures d’italo Lanfredini

Si la poésie pouvait se regarder il est certain qu’on la verrait, là, dans ce parc du château de la villa Médicis tout entière dans les éléments de l’œuvre d’Italo Lanfredini !

Italo Lanfredini est né à Sabbioneta en 1948. Après des études d'art, il commence à enseigner l'éducation plastique et visuelle à l'école d'art Giulio Romano. La série d'œuvres intitulée Incontri (Rencontres) et Fonte di vita (Source de vie) remonte à ces années-là, suivie de Dei (Dieux), Veneri (Vénus) et Colonne squarciate (Colonnes déchirées).

À partir du milieu des années soixante-dix, la sculpture d'Italo Lanfredini acquiert une dimension plus large, il ne s'agit plus d'œuvres objectives, mais d'œuvres qui dialoguent avec le lieu et son aura. Des œuvres à traverser, à habiter, à vivre : les Seuils, les Labyrinthes, les Jardins. En 1987, le labyrinthe d'Arianne remporte le concours international de sculpture organisé par Antonio Presti. L'œuvre est achevée en 1988-89 sur le haut promontoire des Monti Nebrodi à Castel di Lucio (Messine). En 1996-97, il a créé le Jardin des forces régénératrices à Pradello di Villimpenta. Dans les mêmes années, il ouvre la maison-atelier La Silenziosa, une sorte de musée permanent, où sont installées des œuvres comme Il Grande Ray, Terra della Terra o giardino dell'anima, Origine, I nidi, Grembo del Seme et bien d'autres. La Silenziosa est un lieu ouvert d'échange, de rencontre et d'interaction, à l'image des œuvres de ce sculpteur, qui vivent et prennent toute leur dimension  dans les interactions avec le public. 

Villa Medici del Vascello, inauguration de l'exposition "Traversamenti" d'Italo Lanfredini. Des visites guidées de San Giovanni in Croce sont proposées tous les dimanches pendant les heures d'ouverture de la résidence historique. Des rencontres avec l'artiste sont également prévues le dimanche 8 mai et le dimanche 5 juin. Quotidiano La Provincia di Cremona

Passages temporels et portes vers une autre dimension qui serait alors le lieu d’une fraternité retrouvée dans et grâce à l’art, ces œuvres monumentales parfois, parfois grandes par la puissance du concept mis en œuvre, racontent à la manière du poème ce que l’humanité a de riche, de grand, de promesses empêchées par quelques-uns vecteurs de menaces qui n’ont ici plus droit au chapitre. Car c’est un langage entier et immense qui se déploie ici dans le dialogisme avec les éléments naturels qui accueillent ces sculptures.

Italo Lanfredini - Silenziosa - A-temporale-2008 

Le labyrinthe d'Ariane en Sicile, une œuvre du sculpteur Italo Lanfredini. Suspendue au-dessus des monts Nebrodi, elle fait partie intégrante de la nature. Au centre se trouve un petit olivier, symbole grec de la sagesse et de la connaissance, métaphore supplémentaire du voyage vers la connaissance. 

Dans ce partage entre ombre et lumière, entre structure et espaces où se déploie le paysage alors inclu dans l’œuvre, participant à l’élaboration sémantique du tout, c’est une immersion dans nos archétypes humains que propose Italo Lanfredini, qui appelle le spectateur à retrouver cette source limpide lorsque celui-ci regarde, juste, et épouse les traits paisibles qui se découpent dans les jours de ses créations. Il nous révèle à nous-mêmes, réveille notre regard, mais plus encore il illumine nos cœurs, le ranime, le touche profondément.

Car qui, de l’artiste ou du paysage, a tracé les courbes de cette symbiose que forment l’union de ces sculptures avec le vent, les arbres, la lumière ? Aucun des deux, parce que tout participe de tout, tout comme nous sommes le vent, les arbres, la lumière. Cet artiste unique  nous le rappelle, au combien, ! Il s’adresse à l’Humain primordial, celui qui tend la main à ses semblables plutôt qu’il ne l’assassine. Parmi ces productions absolument incroyables, les poèmes d'auteurs internationaux rassemblés dans une pièce de la villa Médicis, suspendus au dessus d'une pirogue. Comme une bouteille à la mer, accrochés au-dessus de ce véhicule dont on devine qu’il les portera aux quatre coins du monde, comme autant de bouteilles à la mer, et amèneront ce message de paix et cet espoir d’une terre apaisée. La langue commune est l'art, jamais on ne le ressentira autant.

Villa Medici del Vascello : dans la "mer" de Lanfredini, l'art est vécu et expérimenté - Quotidiano La Provincia di Cremona

On peut dire que les création d’Italo Lanfredini sont plus que des sculptures. Plus, des arches où l’artistes nous invite à embraquer pour éveiller nos existences à la beauté et à la communion avec l’horizon du paysage mais aussi celui de l’avenir qui devra appartenir à ce dedans/dehors de ces œuvres initiatiques. Plus qu’un artiste un homme qui sait, en conscience, unir sa respiration aux courbes de la matière, pour nous guider vers la sagesse, cette immense attendue d’une vie, lorsque rire devient épouser les contours du silence. Merci à lui pour ceci, haut lieu, où aller bercer le siècle naissant.

Page de présentation  Piroghe - Mari, poesie, dans le catalogue Travesamenti d'Italo Lanfredini, qui présente l'exposition de la villa Médicis. 

Catalogue de  l'exposition Traversamenti,  d'Italo Lanfredini, publié par la villa Médicis.

A propos d'Italo Lanfredini

Italo Lanfredini est né à Sabbioneta en 1948. Après une formation initiale à l'Institut d'art Giulio Romano de Mantoue, sous la direction d'Albano Seguri et d'Aldo Bergonzoni - avec qui il partagera plus tard un atelier - il s'inscrit à l'Accademia di Belle Arti de Florence, qu'il quitte après la première année pour passer à l'Accademia di Brera de Milan. Il suit le cours de sculpture de Luciano Minguzzi et les leçons de l'historien de l'art Guido Ballo.

Il rencontre le sculpteur Francesco Somaini, qui s'intéresse immédiatement à son travail et l'invite à travailler dans son atelier. Cependant, Italo Lanfredini a rapidement quitté l'atelier du maître, craignant d'être trop influencé par la personnalité du sculpteur à succès. Au début des années 70, il s'installe à Mantoue. Il commence à enseigner l'éducation plastique et visuelle à l'école d'art Giulio Romano. La série d'œuvres intitulée Incontri (Rencontres) et Fonte di vita (Source de vie) remonte à ces années-là, suivie de Dei (Dieux), Veneri (Vénus) et Colonne squarciate (Colonnes déchirées).

À partir du milieu des années soixante-dix, la sculpture de Lanfredini acquiert une dimension plus large, il ne s'agit plus d'œuvres objectives, mais d'œuvres qui dialoguent avec le lieu et son aura. Des œuvres à traverser, à habiter, à vivre : les Seuils, les Labyrinthes, les Jardins. En 1987, le labyrinthe d'Arianne remporte le concours international de sculpture organisé par Antonio Presti - le créateur de Fiumara d'Arte - et l'œuvre est achevée en 1988-89 sur le haut promontoire des Monti Nebrodi à Castel di Lucio (Messine). En 1996-97, il a créé le Jardin des forces régénératrices à Pradello di Villimpenta. Dans les mêmes années, il ouvre la maison-atelier La Silenziosa, une sorte de musée permanent, où sont installées des œuvres comme Il Grande Ray, Terra della Terra o giardino dell'anima, Origine, I nidi, Grembo del Seme et bien d'autres. La Silenziosa veut aussi être un lieu ouvert d'échange, de rencontre et d'interaction.

Italo Lanfredini - Espaces libres - 2015.

Italo Lanfredini - Places - 2008.




Les Journées Poët Poët, la poésie dans tous ses états d’art

Ce festival original, qui s'est emparé du thème du Printemps des poètes pour le décliner sous la forme de "L'éphémère infini",  s’est déroulé du 19 mars 2022 au 27 mars 2022, dans les Alpes-Maritimes, bousculant les villes et villages impliqués dans les actions éphémères et performatives proposées à Nice, Aiglun, La Gaude, Clans, Saorge .

Maintenu  durant les confinements, (avec 2 éditions en 2020 et 2021) le festival, qui avait en 2019 invité Charles Pennequin, ou Pierre Guéry en 202o, et Sapho pour les 15 ans de l'événement en 2021, a repris cette année, pour une seizième édition, avec Jean-Pierre Siméon (prochain invité de L’Ire du Dire de Carole Mesrobian, le 25 mai sur  RFPP 106.3 ), et Laurence Vielle comme parrain et marraine.

Né d’un pari fou entre copains amateurs de poésie il y a 16 ans, le festival, mené par Sabine Venaruzzo et le Poëtbrurö , doit son nom à un poëme de Léon Paul Fargue « L’air du poète », mis en musique par Erik Satie. Les initiateurs, devenus habitants de la Pouasie , déclarent « une envie certaine de transmettre notre passion, de bousculer avec tendresse le quotidien, et de combattre l’image poussiéreuse de la poésie auprès d’un plus large public avec audace, fantaisie et beauté ! »

C’est ainsi que chaque année, les Journées Poët-Poët proposent  un programme éclectique avec chaque fois  une nouvelle donne : de nouveaux lieux, de nouveaux espaces, de nouvelles idées. Tout se réinvente à chaque fois, rien n’est figé. « Depuis 13 ans nous relevons avec succès le défi de tisser le lien entre les poëtes (vivants), les artistes, les lieux et les publics (scolaires, amateurs et découvreurs) et le désir d’expérimenter les dimensions livre/hors du livre, les actions in situ/ex situ, maintenir l’approche transdisciplinaire, développer les publics, affirmer la place du poète au cœur de la cité, occuper poétiquement les espaces d’un territoire hétérogène »

Ce programme nourri d’actions inédites et éphémères proposait cette année des installations d’écoute poétique sur le littoral (le plan d’eau de la Coulée Verte) et dans les vallées, avec le dispositif d’écoute « La voix est libre », offrant aux passants des voix de poètes lisant leurs textes mais aussi les d'enfants et de retraités, afin que toutes les générations entrent en écho.

Une lecture musicale au lever du soleil de printemps sur la plage du centenaire à Nice, a permis d’écouter La Noyée d’Onagawa, de Marilyne Bertoncini, dont les mots, accompagnés au violon par Sophie Allain,  prenaient le large et rejoignaient l’infini.

Une Petite Maison de Poësie itinérante, dressée dans le jardin de la Coulée Verte, accueillait un poète-locataire – cette année Tristan Blumel - qui y exposait ses textes et des objets totems, tandis que le public, qui assistait aux performances du poète et de Magali Revest, performeuse et danseuse (Cie Pieds nus) sur le petit « parvis » de l’installation, pouvait aussi, avec les craies de couleurs du bonheur, écrire ses propres mots, et bousculer ceux des autres.

On citera aussi un bal éphémère dans la ville de La Gaude, qui accueillait l’exposition et la performance de Chiara Mulas, plasticienne et performeuse (voir ici l’entretien réalisé par Marilyne Bertoncini), une sieste poétique à 700 mètres d’altitude dans le nid d’aigle d’Aiglun, “une table ronde qui tourne comme la terre” où dialoguent poètes et médecins… des lectures et performances, avec chaque fois la rencontre de textes, d’auteurs, d’artistes outre ceux déjà cités, Dimitri Porcu, poète et musicien (voir l’entretien accordé à Christine Durif-Bruckert),  Mikael Saint Honoré, poète et éditeur, les éditions de l'Aigrette, maison d'édition de poésie Patrick Quillier, poète Pascal Giovannetti, poète, Laurie Camous, artiste protéiforme Emilie Pirdas, comédienne et clown OK Chorale Laure Nilius, artiste sonore et visuelle…

Et l'on n'oubliera pas, parmi les actions offertes à la créativité du public, des ateliers d’écriture menés par Pascal Giovanetti, et  par Gabriel  Grossi, (présent aussi pour des "écoutes intimes" de poésie sur la Coulée Verte par le truchement du tuyau "poëtons ensemble"), qui est intervenu à l’EHPAD du CHU de Cimiez, pour une séance dont les poèmes ont été diffusés dans l’installation sonore.

« en raison de leur grand âge, nous dit Gabriel Grossi, à qui je cède la parole, les résidents n'étaient guère en mesure de lire et d'écrire. Le choix d'un enregistrement audio se justifiait ainsi parfaitement : Après un temps d'explication du projet, les participants ont été invités à évoquer le thème de l'éphémère (thème du Printemps des Poètes 2022). La lecture de plusieurs poèmes existants (haïkus, poèmes contemporains…) a permis de les mettre en confiance, avant qu'ils ne prennent eux-mêmes la parole, en évoquant les petites joies précaires de leur quotidien : coucher de soleil, promenade dans le parc, coup de téléphone de l'arrière-petite-fille… J'écrivais sous leur dictée sur un paper-board, de façon à fixer le poème qu'il s'agirait ensuite d'enregistrer, avec les voix des participants… »

Parmi les textes produits, ces exemples :

« Je me réveille et je vois où je suis

C'est dur, au début

S'asseoir sous un arbre dans la mi-ombre

Le matin, tout commence. »

 

« Faire quelques pas

Voir les couleurs des arbres

(Jamais la même couleur)

Le coucher de soleil sur la colline d'en-face

À vous laisser ébahie, pensive

Se remonter le moral




Chiara Mulas, la poésie et l’expérience du terrible

Une flamme – c’est la première idée qui m’est venue quand j’ai rencontré Chiara Mulas. Née en 1972 à Gavoi Sardaigne-Italie, diplômée à l’académie des Beaux-arts de Bologne, elle est  parmi les plus représentatives et inventives de l’art-action du XXI siècle, et présente en ouverture des Journées Poët-Poët, le seul festival international de Poésie des Alpes Maritimes, qui s'est déroulé  du 19 au 27 mars. 

Un flamme brune aux yeux immenses – profonds et vifs, chaleureux, et interrogateurs. Une flamme vêtue de noir comme un signe calligraphique – menue dans la grande salle où sont exposés les autoportraits de son travail de confinement : CORONAMASK.
Des portraits un peu plus grands que nature, où son visage est caché/montré sous des assemblages d’objets hétéroclites, composant des sortes d’allégories en écho aux événements de chaque jour – des fleurs, des oiseaux, des objets du quotidien – une série intrigante, dont parle fort bien Serge Pey dans le livre qui lui est consacré. Des masques tendres, cruels, ironiques, qui détournent le sens et l’usage. Un geste qu’ont bien compris les enfants qui, la veille, ont participé avec elle à l’atelier de création qu’elle animait. L’un d’eux, dit-elle, avait apporté des balles de fusil de son père – et il avait écrit le mot PAIX sur son masque en les utilisant.

Corona mask, de Chiara Mulas
chez maelstrÖm reEvolution, 
présentation de Serge Pey

Chiara Mulas présente pour le vernissage de cette exposition un hommage à Pier Paolo Pasolini, dont c’est très précisément la date anniversaire : 1920-2022 : sur une bande son composée de musiques traditionnelles s’avance en robe blanche comme un aube celle que je voudrais nommer officiante, tant est solennelle et ritualisée la performance. 

Cette robe affiche le visage répété de Pasolini comme un tablier qui la recouvre, et Chiara impassible porte dans sa bouche une rose. A son poignet, un bracelet comme en portent les couturières, avec un coussin rouge hérissé d’épingles, qu’elle saisit une à une d'un geste hiératique, pour accrocher sur les bouches du poète les pétales qu’elle arrache à la rose qu’elle tient dans sa bouche. Les gestes sont lents, amples et emplis de respect. Les derniers pétales sont posés sur les yeux de Pasolini, clos eux aussi, et l’officiante quitte la robe comme on sort d'une chrysalide, réapparaît en signe noir, et berce ce corps absent contenu dans la dépouille aux visages du poète – exovie qu’elle vient de quitter, en chantant une rauque mélodie – une « ninanana » sarde réservée aux naissances et aux morts...

Chiara Mulas, "ex voto pour Pier Paolo Pasolini", La Gaude, 5 mars 2022, Les Journées Poët-Poët

Voici les mots qu'elle a bien voulu confier à Recours au Poème pour parler de son art : 

Artiste aux multiples facettes, tu as des pratiques artistiques très diversifiées - quels sont les éléments de ta formation, et les rencontres, qui t’ont amenée aux types d’expression artistiques que tu pratiques et présentes? Quels liens établis-tu entre ton travail et la poésie?

Je suis à la base une artiste plasticienne et aussi une ouvrière. Je me suis formée à l’Académie des Beaux Arts de Bologna en Italie où je travaillais dans une usine.

Mon ancien professeur d’art plastique de l’époque avait débuté son premier cours en disant : ce n’est pas l’Académie qui fera de vous des artistes! Il avait raison car le chemin de l’art est avant tout un parcours intérieur, une expérience avec le sacré, qui dialogue à la fois avec l’invisible et la réalité du monde avec toute sa complexité.

Dans mon travail j’aime mélanger différents média : vidéo, photo, installation, dessin, enregistrement sonores et plus rarement du texte.

Dans mon parcours, la rencontre avec Serge Pey avec lequel je partage ma vie personnelle l’Art e la Poésie-Action, est fondamentale. Mon travail avec Serge est un poème dont l’espace de réalisation est écrit à deux main. Ensemble nous mettons en place des rituels, dans lesquels le mots, les images , les actes permettent d’écrire un autre poème qui s’échappe de la page blanche. C’est un dialogue permanent avec l’invisible du poème, qui se nourrit de la réalité qui nous entoure, même si celle ci n’est pas toujours un poème.

Extraire la poésie du quotidien pour la faire exister en tant que poème c’est un acte nécessaire pour mettre sur un autre plan la réalité de notre monde.

Mes « performances » sont des poèmes en action qui parlent au monde, qui le questionnent, qui le dénoncent. Parfois le choquent, parfois l’enchantent, souvent servent à le faire comprendre d’une autre manière en déplaçant le point de vue.

Dans mon travail certains thèmes de dénonciation sociale reviennent plus souvent, par exemple le corps de la femme au centre des conflits, la femme et la religion, le corps de la femme en tant que corps politique etc.. Je mets aussi en avant toute mon indignation face au traitement des sujets les plus démunis, fragiles et stigmatisés au sein de notre société dite moderne en lui rendant hommage. Nous sommes confrontés au quotidien à toute sorte d’injustices sociales, au racisme, à la violence, à l’exclusion. Face à la folie de ce monde malade, le devoir de l' artiste est aussi de donner voix aux invisibles et aux oubliés. Une autre thématique centrale de mon travail en lien avec la poésie, est celle des rituels liés à la mort. Mon point de départ est toujours la culture sarde à travers laquelle je parle au monde, comme dans le sacrifice des vieux, la « Faida » et l’euthanasie rituelle. Ces deux dernières étroitement liées à la poésie, avec les femmes qui improvisent les chants pendant les cérémonies funèbres. Il faut aussi dire que en Sardaigne le poème accompagne chaque instant de la vie, de la naissance, à la vie quotidienne, les fêtes et la mort.

Tu soulignes - et c’est évident dans les performances que j’ai pu visionner tout comme dans celle à laquelle j’ai assisté - l’importance de ton enracinement culturel/géographique : peux-tu préciser en quoi cette culture nourrit ton travail? De quelle façon, selon toi, la mythologie, l’histoire, éclairent le présent à travers ton art?

Je suis née en Sardaigne, une île au centre de la Méditerranée.

Cette magnifique terre, conserve encore aujourd’hui ses traditions anciennes liées à sa position géographique, sa conformation géologique et son histoire entre domination et résistance face aux peuples envahisseurs qui se sont succédés au fil des siècles.

Sa condition insulaire a forgé le caractère de ses habitants, confrontés à un territoire parfois âpre et montagneux, dur à cultiver surtout dans le centre de l’île, nommé la Barbagia, où seulement l’élevage des chèvres et des moutons était possible. C’est donc cette culture agro-pastorale qui a bercé et nourri mon imaginaire, fait de mythes ancestraux, de médecine populaire, de superstitions, de traditions et coutumes entremêlés de religion catholique et animisme, dans un syncrétisme magique mystérieux et riche de sagesse populaire.

C’est dans ce contexte géographique et culturel que je puise mes idées pour créer mes performances, mes vidéos, mes tableau vivants, et mes oeuvres plastiques.

Je plonge les mains aiguës de ma modernité dans la culture sarde et je la mets en relation avec la réalité du monde contemporain, pour établir un dialogue qui contient un message universel.

La forte relation avec la nature qui est particulièrement présente dans mes vidéos, est étroitement liée à ma géographie natale. Je suis très attachée à ma terre et sa culture, c’est comme une valise intérieure invisible que je porte partout sur mon chemin de vie.

Les peuples des « périphéries » du monde ont beaucoup à nous apprendre, surtout aujourd’hui en pleine globalisation, où il faut retrouver le chemin de la singularité et de l’authenticité et bien d’autres valeurs perdus, que je retrouve encore dans la culture sarde qui essaye de résister face au bouleversement du monde moderne.

Dans ton travail, le visage, la rose rouge, les épingles…forment une constellation « lexicale » qui revient et qui marquent plusieurs des photos de CoronaMask, cadrées comme des clichés de photo d’identité - peux-tu nous parler de ce vocabulaire qui « signe » tes créations? Et nous expliquer aussi la façon dont est né pout toi le projet CoronaMask et la façon sont tu l’as mené?

Mettre un poème en action est pour moi une façon d’exprimer l’urgence de dire. Oui : de dire, mais en images, comme une phrase écrite sous forme de rébus. Le mystère et l’énigme d’une action sans texte, interroge et au même temps offre une multitude de clefs de lecture à celui qui la regarde.

C’est toujours un dialogue avec l’inconnu.

La poésie d’action me permet de réunir en un seul temps-espace plusieurs fragments de mon univers. Je travaille souvent sous forme de rituel, dans lequel une certaine ligne esthétique et unité de couleurs sont présents. Par exemple le choix du noir, du blanc et du rouge ou l’élection de certains objets que j’utilise de manière différente selon l’intention.

Un poème d’action nécessite certains « ingrédients » avant d’être mangé. J’aime bien la formule de la recette de cuisine, car le travail d’artiste comporte aussi une partie artisanale, faite à la main.

Les « ingrédients » que j’utilise dans mon travail d’action et aussi plastique, sont souvent issus du quotidien ou d’un magasin de bricolage, bien sur d’un fleuriste..! J’aime détourner les objets en les faisant exploser de sens, c’est là que quelque chose d’inattendu peut intervenir et c’est magique.

La poésie d’action génère une autre vision du monde et dévoile le sens caché des choses.

C’est l’éclatement d’un morceau de réalité qui soudain produit du sens, là ou ne l’attends pas. La poésie d’action doit être toujours un art critique, qui permet de montrer la beauté du monde et aussi sa monstruosité, à l’image de l’être humain.

Dans la série CoronaMask, j’ai procédé de la même façon. Face à cette situation inédite qui a bousculé le monde entier, j’ai ressenti l’urgence de dire à ma manière, toute mon indignation vis à vis de la gestion politique et sanitaire catastrophique.

Suite à la décision d’un premier confinement et à la pénurie de masques de protection, j’étais tellement furieuse et désemparée que j’ai décroché du mur mon masque traditionnel sarde de « Su Boe » et je l’ai endossé en prononçant la phrase «  pas de masques en pharmacie? pas de souci!.. ».

Ensuite cette phrase est devenue le leitmotiv qui a accompagné les 56 jours du confinement qui ont suivi, un masque par jour réalisé dans l’espace réduit des toilettes, avec les objets diverses et varié présentes dans mon appartement. Dans cette situation anxiogène, bombardée d’info contradictoires et trompeuses où tout le monde est devenu « l’expert » sauf les vrais scientifiques, j’ai détourné tous les objets à ma disposition en réalisant un dialogue critique avec l’hystérie des information toxiques de tous les jours. Mon corps en première ligne comme support pour donner voix à ces masques indignés comme des drapeaux politiques. Ce travail en forme d’autoportrait ou de selfie a voyagé sur FB, soutenu par des centaines de personnes qui l’ont suivi au quotidien, a été publié aux éditions Maelström ReEvolution.

J’avais évoqué à propos de tes performances un lien avec un certain « théâtre de la cruauté » tel que le concevait Antonin Artaud, qui le définissait comme « souffrance d’exister » et non cruauté envers autrui. C’est qui m’avait vraiment frappée dans le geste des pétales épinglés sur la bouche de Pasolini, mais plus encore dans d’autres performances comme « Agnus Day » (jeu de mots interlinguistique entre "day" , le jour, et "dei", le "dieu" latin) - Que peux-tu nous en dire?
L’art que je pratique n’appartient pas au divertissement, ni au spectacle, encore moins au théâtre car je ne répète jamais et je prends toujours le risque de me planter.

Je suis du côté de Guy Debord, d’Artaud, de l’Actionnisme Viennois, du Living Théâtre, de Pasolini..J’aime le travail de Ana Mendieta, Chris Burden, Regina José Galindo, Piotr Pavlenski, Gina Pane, Joseph Beuys etc..pour en citer quelques uns.

Face à la violence du monde, mon travail s’inscrit dans un espace rituel et convoque une violence symbolique comme un exorcisme, une guérison, une réparation.

J’invente à chaque fois un dispositif d’offrande ou de sacrifice pour dévoiler la face cachée des choses. Pour inventer cette langue qui m’est propre je dois avant tout l’arracher, comme dans l’hommage au mythe de Philomèle. Dans mon art je mêle les pratiques artistiques et cérémonielles archaïques de mon peuple à une nouvelle modernité que j’invente.

Quand je filme mon copain berger en Sardaigne, qui tue et écorce l’agneau de Pâque pour rendre hommage à Pier Paolo Pasolini, c’est pour parler d’un Christ parmi tous les Christ du monde.

Quand je berce un agneau piqué de seringues, j’évoque l’Agnus Dei de Zurbaran mais aussi le bouc émissaire des douleurs de notre monde. L’agneau écorcé est l’homme contemporain torturé et avili qui, comme dans le passé, porte le témoignage de notre souffrance.

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"ex voto pour Pasolini", La Gaude, mars 2022

"Agnus Day", Villasor, Sardaigne, 2009

Je voudrais aussi parler de l’extraordinaire performance de « la langue arrachée » dont je n’ai vu qu’une captation qui m’a marquée par sa « tranquille violence » pour utiliser un oxymores qui, pour moi, retrace la violence invisible qui nous prive de la légitimité de parole. On perçoit un très fort engagement de ta part - veux-tu nous en parler?

J’ai réalisé cette action pour célébrer le texte théorique « La Langue Arrachée » de Serge Pey.

Le mythe de Philomèle est pour Serge, le mythe constitutif de sa thèse sur l’histoire de la poésie dans laquelle il parle de sacrifice du langage. La notion de sacrifice est bien présente à plusieurs niveaux dans cette légende dramatique, rapportée par les auteurs grecs.

Dans sa thèse, Serge mets en avant plusieurs convergences expliquant les relations complexes entre écriture et réalité.

Dans mon action j’ai reconstitué l’histoire de Philomèle avec des gestes, des objets et des images qui évoquent toute la symbolique du mythe.

Quand je fais une action, ce n’est pas moi qui est en « scène », c’est une autre moi. Je suis toujours dans un état « autre » qui demande une grande concentration. je suis présente tout en étant absente car je me trouve dans un espace sacré qui est celui du rituel. Dans cet espace, la notion du temps, les gestes et tout ce qui m’entoure y compris les spectateurs, sont « suspendus », tout en laissant l’ouverture à l’accident, à l’imprévu, qui peut surgir à tout moment.

La violence tranquille que tu évoques est celle de Philomèle, mais aussi celle du cri de Dada après le massacre de la Première guerre Mondiale, c’est le cri d’une gueule cassé qui ne peut proférer un mot.

Dans le contexte actuel, l’art, la poésie, peuvent-ils être « utiles » : c’est le sens que nous donnons à notre revue, comme « recours » au poème - y a-t-il encore une possibilité de « recours à l’art » ?

L’humanité est malade. Il suffit d’observer ce qui se passe ces derniers temps, sans vouloir retracer l’histoire de l’homme depuis sa préhistoire, entre la pandémie, la guerre et pas seulement celle en Ukraine, et la barbarie qui s’étend au monde entier. Nous sommes en train de perdre notre humanité, confrontés à la monstruosité du monde que nous avons engendré. La pulsion de mort est très forte et nous sommes tous en quête du sens et de spiritualité. L’art comme le poème appartiennent à un espace sacré qui n’a rien à voir avec le religieux mais plutôt avec l’animisme. C’est ce lien perdu avec la nature qui peut nous réconforter. Je pense que oui, nous avons la possibilité d’un recours à l’art et au poème en tant que forces réparatrices et de guérison. Si nous avons perdu la boussole, le poème va nous indiquer le chemin.

Ce chemin qu'indique la "poésie-boussole," c'est peut-être cette photo qui l'illustre le mieux : cette rencontre autour du corps absent du poète, l'échange amoureux de deux enfants porteurs de l'avenir du verbe et du monde,

avec ma gratitude à Chiara Mulas pour ses réponses et sa patience.

découvrir Chiara Mullas sur son site : http://chiaramulas.fr/#Home

Présentation de l’auteur