Il se lance avec ferveur à la quête de l’indicible, dans le réel, l’onirique et l’imaginaire dans un élan libérateur de toutes contraintes et créateur de visions poétiques, s’interrogeant aussi sur la poésie et la condition du poète :
La poésie est-elle oracle ou plain-chant de grands-prêtres, druides ou chamans ?
Leur parole cryptée, si vulnérable, serait-elle délivrance d’un état second que nous portons tous en nous ?
Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres désignés qui tentent désespérément de traduire une langue rescapée du banissement et que nous aurions hérité d’un inconscient originel ?
La mouvance du poète est-elle de mettre des mots sur l’indicible, de tailler avec le burin de son verbe le magma en jachère ?
L’esprit raisonneur du poète se mêle à sa sensibilité poétique qui rayonne dans une expression poétique condensée, mais riche de sens et d’images. L’esprit d’harmonie règne dans la structuration du recueil : Liminaire, une réflexion qui éclaire la démarche du poète, ouvre le livre ; les poèmes sont groupés en séquences et précédés d’une réflexion. Ainsi, les images poétiques coulent telle l’eau de la rivière pour rendre compte de ce que l’on ne peut pas démêler dans l’alliage de la vie et de la mort, de la raison et de la déraison, du visible et de l’invisible des choses.
Le poète semble avoir découvert un autre sens de la vie : aller vers sa lumière, sa beauté, « se gorger d’effervescences. Vivre », dans un élan jubilatoire qui transgresse ses noirceurs, ses saccages et ses morsures, se nourrir de tous les instants de grâce de la vie qui font vibrer le cœur et les imprimer dans le tissu de ses poèmes.
C’est le triomphe de la lumière, sa danse, que le poète célèbre dans ce nouveau recueil, la retrouvaille du goût de la vie dans tout ce qu’elle peut offrir au-delà des déceptions, désillusions, drames et horreurs provoqués par la déraison et la folie des gens. Il faut réapprendre à goûter l’aube et non pas le crépuscule, s’ouvrir au miracle de la nature et de l’amour, se libérer des « résilles de ladéraison » et faire place « aux rires de l’aube », reconquérir son souffle, sa lumière, sa beauté, son innocence, laisser vibrer l’âme, remplir les mots du souffle de l’espoir, goûter sa saveur telle une pulpe rare :
doutes et conquêtes
ont capitulé
par usure des sabres
et s’écroulent
en ruines
espoirs et désirs
et leurs sœurs jumelles
se busculent dans ma rétine
c’est un jour de sucre
de pulpe rare et de blés
manne pour fiançailles
où jubilent
des persiennes ouvertes (Pulpe)
Il suffit de « scander le malheur », nous dit le poète, il faut accueillir la lumière de la vie et s’en réjouir :
pour voir
au-delà
des somnolences
et de la gangue
…………………..
l’arc-en-ciel
qui se chamaille
avec l’ondée
…………………
la couleur
qui pulvérise
ses espoirs
les petits riens
qui butinent
leur amour
pour voir
ce qu’ils disent
au-delà
des indifférences
que l’on accueille
l’indispensable
que l’on aiguise
la lumière .
Il faut aimer la vie, malgré tout, redécouvrir l’émerveillement, ranimer en soi :
la part tarie
de l’accueil
se concentre
l’ivresse
des retrouvailles.
Claude Luezior nous offre un beau livre, avec une belle image de couverture : un corps féminin, dans son rayonnement mystérieux, symbole de la poésie.