Je connais ce couchant qui sommeille sur le dos d’un chien roux
Je connais ce nuage aguicheur comme les vêtements d’une adolescente
Je connais les murs blancs de l’enfance
Je connais l’odeur de propreté qui se promène nue devant les boutiques
Je connais la griffure du chat gravée sur le trottoir de l’immeuble
C’est mon village
Mais où sont les pierres lavées par la fumée
Où est l’odeur de poudre si proche
Où est mon frère, et je nous vois debout sur le balcon à attendre les égorgeurs
Où sont les doigts déchiquetés de l’enfant
la bombe a‑t-elle raté sa cible aujourd’hui
la balle du sniper a‑t-elle atteint ma mémoire
je me frotte les yeux derrière le balcon du temps
je tends ma main vers la rose dans son verre
pour retrouver le sens de la vie
je le touche à peine qu’il redevient sable
et mes doigts pierre
depuis un an je vis dans une banlieue près de
Paris
mais elle est mon village
Mon village!
peut-être le miroir du village qui est en moi
peut-être le miroir du village où je suis toujours
mais il a disparu
peut-être…peut-être…
une seule certitude confirmée par le couloir sombre devant la porte de l’appartement:
je ne suis plus personne
Traduction Lionel Donnadieu