La revue est née en 2005. Le pro­jet ini­tial est d’ou­vrir un chemin où la poésie retrou­verait son lien pro­fond à la philoso­phie, dans la même exi­gence d’é­coute, d’at­ten­tion à l’ap­pel du lan­gage qui par­le le pre­mier. Plus l’on s’ap­proche de la poésie, plus le dire est libre et philosophique : plus ouvert à l’im­prévu, plus prêt à l’ac­cepter. Plus pure­ment aus­si il livre ce qu’il dit au juge­ment de l’at­ten­tion tou­jours plus assidue à l’é­couter. C’est pourquoi la revue s’ap­pelle Thau­ma : ce mot vient du grec thau­madzein qui sig­ni­fie “s’é­ton­ner” ; or si toute philoso­phie com­mence par l’é­ton­nement, par le ques­tion­nement, c’est parce qu’elle met la pen­sée en éveil : elle ouvre le chemin d’une recherche vivante et per­met de penser l’ex­is­tence de l’homme à par­tir de l’habi­ta­tion et l’être de la poésie comme un bâtir. Habiter le monde en poète c’est habiter sur cette terre. Mais poésie et philoso­phie ne se ren­con­trent dans “le même” que lorsqu’elles demeurent dans la dif­férence de leur être et aus­si longtemps qu’elles y demeurent. On ne peut dire “le même” (qui ne recou­vre ni l’é­gal, ni l’u­ni­for­mité vide du pur iden­tique) que lorsque la dif­férence est pensée.
La revue fait paraître deux numéros par an.”

Ces mots sont ceux qu’Is­abelle Ravi­o­lo nous a con­fiés, fon­da­trice et ani­ma­trice de l’im­por­tante revue Thau­ma. Bien­tôt 10 ans d’une aven­ture de très haut niveau, où la clair­voy­ance quant aux besoins de ce monde se mari­ent avec l’ex­i­gence de la pen­sée et la beauté du dire poétique.

Cette 11ème livrai­son de la revue porte pour titre Couleurs, Lumière, deux mots, deux notions ouvrant à des médi­ta­tions ver­tig­ineuses, des médi­ta­tions de fond. Ici, l’on pro­pose de penser, on pro­pose de réfléchir, non pas sur, mais la parole, en allant à sa ren­con­tre dans ses aspects déter­mi­nants, ouverts et rich­es. Réfléchir la parole, c’est marcher vers elle, y prêter atten­tion et pro­pos­er le ser­vice de sa vie pour for­muler, et com­pos­er ce qu’elle sem­ble atten­dre du genre humain.

Ceci ne se fait pas dans le tumulte du fes­tif actuel, ni dans la tachy­cardie imposée par notre époque en manque de temps. Ceci se fait dans l’ab­solu de son exis­tence, par la pra­tique fidèle de l’é­ton­nement d’être en vie et de con­jur­er les affres de la con­di­tion par le mir­a­cle de la joie.

Voici donc une atti­tude pro­posée par la revue Thau­ma en rup­ture dis­crète, mais com­plète, avec les sol­lic­i­ta­tions super­fi­cielles de notre époque.

Ce qui sur­prend lorsqu’on ouvre ce onz­ième vol­ume de la revue, c’est d’en­tr­er directe­ment dans le vif du sujet. Pas d’édi­to­r­i­al, pas de mots expli­cat­ifs : des invités (et lesquels : Pierre Dhain­aut, Pas­cal Boulanger, Gabriel Althen, Gérard Bocholi­er, Jean-Pierre Lemaire, Judith Cha­vanne, Rein­er Kun­ze, Jean-Yves Mas­son, Michel Cazenave, Jean-Marc Sour­dil­lon, pour n’en citer que quelques-uns) faisant partager la quin­tes­sence de leurs com­po­si­tion sur le sujet pro­posé. Nous ne sommes pas là pour récom­penser des nom­inés, pour dérouler le tapis rouge ou mon­ter quelques march­es de pres­tige, cela induirait des présen­ta­tions, un dis­cours etc… Non. Le texte, brut de décof­frage. La pen­sée est urgente. La beauté est urgente. Thau­ma, avec calme et sere­ine­ment, pose son pavé de revue comme un éten­dard pour les regards perdus.

Cha­cun des textes don­né par les philosophes et poètes peut don­ner lieu à un intense moment de félic­ité et de con­tem­pla­tion. Les mots sont pesés, la pen­sée puisée à l’essen­tiel et les images des splen­deurs offertes à la méditation.

Il y a bien un moment, dans nos journées de fous où la chronophagie fait œuvre de pro­jet civil­i­sa­tion­nel, où nous pou­vons nous asseoir dans un fau­teuil, choisir un poème, un arti­cle, et le charme opératif ren­tre en nous. Et nous voici lavés.

Tel est l’un des pou­voirs de la revue Thauma.

Que choisir d’évo­quer, pour clore cette petite présen­ta­tion, et met­tre en appétit, que choisir dans cette étince­lante revue où chaque par­tic­i­pant a don­né son meilleur ? Que choisir, sans paraître dimin­uer ceux dont on ne par­lera pas et qui, tous, le mériteraient ?

Isabelle Ravi­o­lo –  qu’elle nous par­donne – en tant que maitresse d’œu­vre de ce tra­vail capital :

 

à Gabrielle

 

Je n’ai pas prié le ciel
pour une robe couleur soleil -
Mais j’ai écrit
Au clair de lune
Mon ami,
Puiss­es-tu me prêter
L’aigu­ille pour coudre
une robe couleur du temps
avec des fleurs et des rubans -
Quelque chose dans le vent
S’est envolé pourtant
Avec les plumes
Et les volants -
Et je me suis retrouvée
Nue -
Comme un âne

 

 

Revue Thau­ma
28, rue Beaubourg
75003 Paris
ysacoromines@yahoo.fr

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Gwen Garnier-Duguy

Gwen Gar­nier-Duguy pub­lie ses pre­miers poèmes en 1995 dans la revue issue du sur­réal­isme, Supérieur Incon­nu, à laque­lle il col­la­bore jusqu’en 2005.
En 2003, il par­ticipe au col­loque con­sacré au poète Patrice de La Tour du Pin au col­lège de France, y par­lant de la poé­tique de l’ab­sence au cœur de La Quête de Joie.
Fasciné par la pein­ture de Rober­to Mangú, il signe un roman sur son œuvre, “Nox”, aux édi­tions le Grand Souffle.
2011 : “Danse sur le ter­ri­toire, amorce de la parole”, édi­tions de l’At­lan­tique, pré­face de Michel Host, prix Goncourt 1986.
2014 : “Le Corps du Monde”, édi­tions Cor­levour, pré­facé par Pas­cal Boulanger.
2015 : “La nuit phoenix”, Recours au Poème édi­teurs, post­face de Jean Maison.
2018 : ” Alphabé­tique d’au­jour­d’hui” édi­tions L’Ate­lier du Grand Tétras, dans la Col­lec­tion Glyphes, avec une cou­ver­ture de Rober­to Mangù (64 pages, 12 euros).
En mai 2012, il fonde avec Matthieu Bau­mi­er le mag­a­zine en ligne Recours au poème, exclu­sive­ment con­sacré à la poésie.
Il signe la pré­face à La Pierre Amour de Xavier Bor­des, édi­tions Gal­li­mard, col­lec­tion Poésie/Gallimard, 2015.