Opus 9 : Noces Rouges de Claude Chabrol
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L’amateur connaît La Raie de Jean-Baptiste Chardin, certains avouent leur préférence pour le chat, marbré gris et blanc, à gauche de la toile rougeoyante : pattes avant tendues pour paraître plus grand, il arque son dos et se hérisse pour paraître plus gros – il a peur – les huîtres ouvertes l’effraient et aussi les poissons canés – serait-il à renier sa félinité ? ou critique-t-il la composition en instinctif nature-mortier ?
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Jean-Simeon Chardin, La Grande raie, 1728, Musée du Louvres
Revoir les amants des Noces Rouges de Claude Chabrol, c’est revoir le chat peint par Chardin. Eux aussi en connaissent un bout de la vanité : ils se sont tant regardés en train de s’embrasser. Ils se sont plongés dans leur miroir, ils se sont vus à la fois purs et morts – alors qu’alentour, tout est non point mort, mais naturalisé, non point pur, mais politiquement épuré. Ils ont peur de cet alentour, peur qu’ils se partagent, s’épousant comme tenon et mortaise, pupilles dilatées, nez enchifrenés, peau qui luit, mélange charogneux, charogne belle, bellement répulsive, rouge noce.
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Si nous pouvions dormir, se disent Lucienne Delamarre et Pierre Maury qui s’étreignent, chacun gobant la luette de l’autre qui entre les dents émet un pet d’enfant. Ils se dévorent, ils grimacent. On se croirait à Ostende quand James Ensor la masque de grotesque et que la langue d’Émile Verhaeren emmasque le geste du peintre. Mais nous ne sommes qu’en épaisse province française au lieu seulement défini par le kilométrage qui l’éloigne de Paris. Où sévit la même méchante bouffonnerie, humide et froide et bleue.
Les baisers grognés des amants de Noces rouges n’échappent pas à ce ridicule – et pourtant s’en séparent comme une marge sait le faire de sa page – car les bas de soie roulés la braguette béante - oui, cela je l’entends, je l’ai entendu - émettent la sourdine dissonante, le chahut aphone et hébété, d’un si irrépressible désespoir, qu’à contre-cœur laisse entendre Art Pepper dans ses pièces les plus amoureuses du bonheur.
Si nous pouvions dormir, se disent-ils. Ce ne serait pas rêver que dormir - car le rêve est moins le lieu du désir réalisé que de la société continuée. Dormir ou la sensation ombreuse et chaude enveloppant le cerveau, et par suite le corps tout entier - comme s'il était ceint de coton rose imprégné d’héroïne - sans la sujétion, sans la santé, sans rien.