Osama Khalil Aldiab

Par | 16 mai 2016|Catégories : Rencontres|

 

Syrie

 

 

L’eau douce

 

Qui a dérangé mon sommeil,
lais­sez-moi dans l’eau douce
lais­sez-moi voy­ager par­mi les étoiles d’eau
vous m’avez assez cru­ci­fié dans les anciens livres
assez recou­vert de vos prières jaunes

Là-bas dans l’eau douce
un pis­tachi­er d’Alep,
sous son ombre une femme
rassem­ble les gémisse­ments de l’air,
elle élève des souvenirs,
tout autour par­mi les herbes
bour­geon­nent les blessures
qui sont des vis­ages de réfugiés

 

Lais­sez-moi là-bas
en com­pag­nie des mots
qui courent effrayés
pour entr­er dans le poème,
puis ils claque­nt la porte der­rière eux
avant de tourn­er la clé à dou­ble tour.

°°°


Cré­pus­cule

 

Le soleil porte son cos­tume orangé
il salue et part sans retour
l’été ôte son masque d’acier
les feuilles fuient les arbres
tan­dis que le froid s’approche
en por­tant sur son dos
ses cou­ver­tures de laine
et que la lune se souf­fle sur les mains
ô ma bienaimée
la nature met sa tunique blanche
et les gens nous obser­vent de leurs fenêtres
pareils à des fusils
ils nous voient saign­er sans le moin­dre frisson

 

Emma­gasinez les bou­gies et le bois
les gross­es chaus­sures et les pardessus
vous qui n’avez pas appris de lan­gage nouveau,
des îles nouvelles,
le soleil frappe à vos portes
depuis des années
et vous, dans les salons vous jouez
aux cartes et sif­flez le maté,
je n’ai pas peur,
je suis tou­jours debout
près de la source gelée
par l’intensité des insultes et des injures,
les che­nilles ne se sont pas encore envolées autour de moi
je suis l’arbre qui t’attend toujours
tu me manques
le froid est un blas­phème qui me transperce
il va anéan­tir ces voix aigu­isées comme des regards
mes mains s’étendront vers le bord du lit
comme la mère tend la main à son bébé
mais je ne te trou­verai pas
je crierai d’une voix aveugle
que le dur hiv­er me combat
puis j’allumerai mes sou­venirs l’un après l’autre
pour tra­vers­er sur l’autre rive,
ne me reproche pas d’avoir changé
je recou­vri­rai mon vis­age de poèmes
et dessin­erai sur le mur
après avoir appris le jour
et respiré la lumière,
je ne lèverai pas de drapeau
je ne lèverai pas de slogans,
je dessin­erai seule­ment ton prénom
aus­si petit que la lucarne d’un mausolée
d’où s’envolent les prières.

°°°

 

Le grand deuil

 

A mon ami Ozar dis­paru depuis des années

L’épouse a déchiré sa mantille,
elle s’est arraché les cheveux,
elle s’est voilée avec le gémissement
et l’a passé der­rière elle,
les sœurs les tantes les nièces
ont égrené les larmes sur la ter­rasse de la maison,
elles ont ôté le voile de leur tête
et soulevé un pont de plaintes,
les heures ont passé pesamment,
les com­bat­tants qui sont arrivés à la fin de la nuit
ne sont pas revenus avec son écharpe
ni avec sa bague de mariage
ornée d’un saphir bleu
ni avec son petit Coran,
même pas avec un fil de son manteau,
mais juste avec son briquet
et sa kalachnikov,
les femmes du vil­lage rassemblées
dans la cour de la maison
ont empli le ciel de leurs gémissements,
les hommes se sont défaits l’un après l’autre
comme les laines d’un vieux pull,
seul son petit enfant
ser­rait le briquet
ser­rait la citadelle d’Alep imprimée autour
couleur de terre,
il riait, riait, riait
aux voix des youy­ous noirs
qui tombaient à verse à verse
comme des douilles vides

 

Tra­duc­tion : Shi­raz al Faraj et Annie Salager 

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Osama Khalil Aldiab

Par | 19 mars 2016|Catégories : Blog|

Poète syrien. 

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