Passage en revues
Autour de : Le Journal des Poètes 1/2015, revue Cabaret 12 et 13, Revue Alsacienne de Littérature 122, Traversées 75.
L’ami, poète et rédacteur en chef du Journal des Poètes, Jean-Luc Wauthier nous a quittés il y a peu. Poursuivre l’aventure de cette belle revue à laquelle il tenait tant, lui donnant bien du temps − à la revue c’est-à-dire à la poésie contemporaine, est la meilleure façon de rendre hommage à l’homme/poète Jean-Luc Wauthier. C’est à cela que s’attachent Yves Namur (Le Taillis Pré est devenu l’éditeur du Journal des Poètes), Philippe Mathy, Jean-Marie Corbusier et l’ensemble des collaborateurs habituels de la revue. Les récents moments n’ont sans doute pas été humainement aisés, nous tenons à dire à tous ceux qui agissent au sein du Journal que nous sommes amicalement à leurs côtés. Et en premier lieu pour dire clairement : si l’on aime la poésie et les revues sérieuses, il faut lire le Journal des Poètes (et s’y abonner car l’abonnement est le gage de la continuité d’une aventure poétique, laquelle est par définition fragile – tant dans le domaine des revues que dans celui des éditions). Il m’est d’autant plus facile d’affirmer cela que le numéro que j’ai en mains, le premier de l’année 2015, est une réussite exemplaire avec, en particulier, un dossier consacré par Michèle Duclos (dont il faut dire le travail de passeuse !) à deux poètes tibétains en exil, Palden Sonam
Le Tibet est mon pays des neiges
Loin à l’horizon
très haut
pics blancs et plaines vertes
mon pays me manque
la tente noire près de la rivière bleue
prairies à perte de vue tachetées de yaks
joyeuses collines étoilées de moutons
(…)
Le poème en son entier s’intitule « Nostalgie », et ce poème ouvre le dossier. Cela est important, notamment pour ceux qui parmi nous se regardent un peu trop le nombril sans guère avoir mis les pieds ailleurs (le tourisme ne fait pas le voyageur réel). La vie de ce monde, dure, vraiment dure, est celle de ces lieux sans pouvoir populaire, ces espaces où l’on gagne en moyenne un euro par jour. En travaillant et en étant réellement opprimé. Dans Recours au Poème, il nous arrive de signer des pétitions mais avant de signer nous avons toujours cela à l’esprit. Par simple et minimum respect vis-à-vis des autres êtres humains que nous (ou nos egos, terme au choix).
Plus loin, dans un autre poème :
Je me sens trop loin de chez moi,
Marchant seul dans une rue étrangère.
Des gouttes de pluie dansent ici et là.
Mais les larmes tombent partout.
La poésie de Palden Sonam est belle, profonde. Intérieure, depuis le lointain exil. Une découverte que les quelques poèmes donnés ici à lire. Tout comme ceux de Loten Namling :
Quand j’étais petit je contemplais
Les yeux pleins de larmes de mes parents chéris
Au milieu de la tristesse je voyais la Vérité
La Vérité d’une nation
Esprit si pur et si libre.
(…)
C’est qu’il y a des souverainismes qui ne sont pas insensés.
La revue propose ensuite, comme à son habitude, de fortes paroles en archipel : Anne Lorho, Dirk Christiaens, Jean-Pierre Sonnet, Xavier Forget, Anne Dujin et Denis Cardinaux ; ainsi que des « voix nouvelles », en la voix d’Aurélien Dony. Le tout accompagné de chroniques et de nombreuses notes de lectures signées de plumes critiques que l’on aime, ici, à retrouver régulièrement dans les pages de ce beau Journal. Sans oublier la revue des revues d’Yves Namur consacrée cette fois aux revues Arpa et Phoenix. On vous le disait, c’est quand même un lieu de très haut goût.
Le Journal des Poètes
Contact : Jean-Marie Corbusier, à cette adresse mail
neuforgedominique@skynet.be
Petite (en apparence physique seulement), la Revue Cabaret est une revue que je découvre tandis qu’elle atteint ses 12e et 13e numéros. Dans un format/carnet, son directeur Alain Crozier propose pour chaque numéro des textes liés à un thème. Ici, « A northern Soul » puis « Les poupées russes ». On peut lire, avec bonheur, des textes d’auteurs et de poètes, femmes et hommes, comme Patrice Breno, Eric Dejaeger, Christine van Acker, Delfine Guy, Jo Hubert, Alienor Debrocq, Caroline Cranskens, Paul Badin, Cécile Odartchenko, Muriel Carrupt, Annie Hupe, Anne-Lise Blanchard, François Szabowski et Olga Sokolow. De cette dernière :
Allez buvons ensemble
À la nuit anonyme
Et en effet, la poète me semble avoir raison, c’est la plus belle des nuits.
Une aventure poétique discrète et bien intéressante que l’on vous recommande chaudement.
Revue Cabaret / Le Petit Rameur
31 rue Lamartine.
71800 La Clayette
France
www.revuecabaret.com
La revue Traversées, dame atteignant son 75e numéro à raison de quatre numéros par an, livre ici un numéro massif, tant par ses 180 pages que par son contenu. Son animateur principal, Patrice Breno, écrivain et poète, travaille avec acharnement à poursuivre une aventure aujourd’hui reconnue, avec l’aide d’autres travailleurs de la nuit poétique, comme Paul Mathieu ou Xavier Bordes (entre autres). Ce 75e numéro, titré « haikus », démarre par un long texte faisant le point sur ce que sont haïku, haïbun et haïga, signé David Colling. Viennent ensuite près de 50 textes ou haïkus donnés par des poètes de diverses latitudes proches. C’est une fort belle manière de permettre la découverte et l’actualité (la « mode » s’interroge-t-on dans la revue) de l’écriture de haîkus. Gageons que nombre de lecteurs de Traversées, une fois lecture plus que plaisante faite de ces premières pages, découvrirons ensuite ce que sont haïgas et haïbuns. La moitié du numéro est consacrée au dossier, et l’on ne peut que remercier Patrice Breno et ses amis car c’est un ensemble de belle facture. L’autre moitié de la revue, sobrement intitulée « Et aussi », présente poèmes et textes de divers auteurs/poètes contemporains, dont les voix d’Evelyne Charasse, Marie-Josée Desvignes ou Martha Iszak (mince, je n’ai cité que des femmes… Je vais encore me faire taper sur les doigts pour sexisme). Traversées est très bonne revue.
Traversées.
C/O Patrice Breno
Faubourg d’Arival 43
B‑6760 Virton
patricebreno@hotmail.com
La Revue Alsacienne de Littérature consacrait son numéro 122 aux « utopies ». La chose est devenue osée, en général et en poésie en particulier. Un sacré dossier ! Où l’on retrouvera, parmi d’autres, les voix de Pierre Dhainaut, Anne-Marie Soulier, Karlheinz Kluge, Jean-Claude Walter, Paul Schwartz, Michèle Finck, Claudine Bohi, Fabrice Farre, Eva-Maria Berg, Laurent Bayard, Françoise Urban-Menninger… poèmes et textes, le tout encadré par des œuvres de Lucia Reyes.
Dont, ceci de Paul Schwartz :
Il ne s’agit pas d’arriver mais de prendre le chemin
faute de la fin les moyens
un point c’est tout
Un très bel ensemble mêlant poèmes bilingues français/allemand, poèmes en français et poèmes en allemand, comme il est de tradition en ce lieu.
La partie « voix multiples », environ la moitié du volume, donne à lire des auteurs et/ou poètes comme Régine Detambel, Martine Blanché, Daniel Martinez ou Samuel Dudouit. Viennent des essais dont le texte d’Alain Fabre-Catalan consacré à Georg Trakl, poète assurément trop peu lu aujourd’hui. Une revue à découvrir, vraiment, si ce n’est déjà fait.
Revue Alsacienne de Littérature.
Les Amis de la Revue Alsacienne de Littérature
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