Patrice BÉGHAIN, Poètes à Lyon au 20e siècle
Patrice Béghain offre à lire une anthologie consacrée aux poètes ayant vécu et écrit à Lyon au cours du 20e siècle. Il faut s’arrêter aux critères retenus par Béghain pour définir son choix : 39 poètes aujourd’hui décédés pour « éviter de froisser toute susceptibilité », ce qui est légitime ou qui peut se comprendre (p 5). On doit souligner la richesse des notices qui évitent les quelques lignes sèches de biographie et la bibliographie des poètes disparus, l’origine diverse des heureux élus…L’ouvrage ne se contente pas de juxtaposer poèmes et notices, il est aussi augmenté de différentes annexes (une orientation bibliographique, quelques mots sur l’anthologiste, des crédits iconographiques, des remerciements, un index des patronymes et une table des matières).
Patrice Béghain, Poètes à Lyon au 20e siècle, La Passe du Vent éditeur, 2017, 480 pages, 20 euros.
Aurais-je choisi les 39 poètes de Béghain ? Je ne sais pas trop car je ne suis pas lyonnais et n’ai exercé aucune responsabilité dans la cité des Gaules ! Sans doute aurais-je été plus moderne, plus national… Il faut remarquer la présence dans cet ordre chronologique des poètes ayant écrit et publié (souvent chez de petits éditeurs) dans les traditions baudelairienne, verlainienne, symboliste… Il faut attendre les notices consacrées à Claudius Laroussarie pour découvrir son inspiration sociale (qu’illustre parfaitement le poème reproduit « Au pays de l’effort » écrit sous le coup de la catastrophe de Courrières dans le Pas-de-Calais mais dont sont absentes toutes considérations sur le profit recherché par les compagnies minières !), à Tancrède de Visan pour découvrir le goût qu’avait Apollinaire pour ce dernier, à Joseph Billiet, ancien militant communiste et qui eut les honneurs de Ce Soir dirigé par Aragon, à Paul Aeschiman adepte d’Apollinaire, de Claudel et des surréalistes… Il serait vain de continuer ainsi ! Ce qui ressort des premiers poètes retenus par Patrice Béghain, c’est leur manque d’originalité et d’inventivité, leur adhésion à un milieu conventionnel faite de sociabilité littéraire, de réussite sociale, d’admiration parisienne surannée et de mysticisme quant il ne s’agit pas d’adhésion pure et simple aux grandes opinions politiques du moment… Reste que les poèmes traditionnels (écrits le plus souvent en alexandrins rimés) laissent peu de place aux vers libres, alors qu’Apollinaire révolutionnait au même moment l’écriture poétique, que les surréalistes allaient explorer l’inconscient… Etc…
Ça change avec Simone Chevalier (1907-1980) pour dire les choses vite. Ma préférence me porte vers des poètes comme François Dodat, Raoul Bécousse, Stanislas Rodanski, Louis Calaferte, Claude Seyve, Roger Kowalski ou Bernard Siméone (à ne pas confondre avec Jean-Pierre Siméon, l’auteur du fameux essai « La Poésie sauvera le monde » Le Passeur, 2015). J’ignore si ce sont les notices de Patrice Béghain dont il faut citer quelques fragments : « … il s’inscrit naturellement, après la guerre, dans la mouvance des chrétiens progressistes, proches du Parti communiste, engagé tant dans l’action politique que dans l’action syndicale » -à propos de Raoul Bécousse-, « Dans la grande constellation du surréalisme, elle se situe du côté d’une résurgence romantique, proche de Nerval… » -à propos de l’œuvre de Stanislas Rodanski-, « La poésie est pour lui une expérience intime, liée à la mort qui ne se partage pas… » -à propos de Louis Calaferte-) et j’aurai garde de ne pas oublier Roger Kowalski… ou pour les poèmes qui me parlent immédiatement !
En l’état, cette anthologie, malgré mes réserves, est irremplaçable car elle décrit bien le fourmillement poétique en vie à Lyon au XX ème siècle. Les annexes permettent de poursuivre la lecture, si tant est que les ouvrages signalés figurent encore dans les bibliothèques de prêt ou dans les catalogues des libraires d’occasion…