Patrick LAUPIN, Le Rien qui précède
L’exergue s’ouvre sur une dédicace à Marion Lafage (qui m’a envoyé ce petit livre en service de presse, qui anime des ateliers d’écriture et qui dirige la collection « La petite porte »), de Louis Lafabrié à Bernard Noël — et non des moindres — car Patrick Laupin revient sur les ateliers d’écriture qu’il anime en s’appuyant sur le rôle qu’y joue la psychanalyse…
Je relève ces mots au début du texte : « Cette marque fuligineuse et intacte du corps transfuge de l’effroi signe l’entrée des rêves, des démons, des passions et du courage dans le corps rêvé de la création » (p 11). Je relève encore ces expressions : « un état vécu du corps » (p 12), « un geste de la parole » (idem), « mais il y a la réponse du corps qui écoute » (p 13).
La difficulté de bien comprendre ce qu’écrit Patrick Laupin vient de ce qu’il est nécessaire de débarrasser le discours que tient celui-ci de son point de vue métaphysique. Mais toute science a besoin de créer son propre langage : « Quelque chose de très ancien remonte et vient d’un bond sur scène » (p 24). Je n’aurais fait que dire la difficulté qu’a d’écrire Laupin le fonds de sa pensée. S’agit-il de la scène primordiale ?
Patrick Laupin attire l’attention sur ces « Traces archaïques, cénesthésiques, trajectoires, balistiques des retombées du son dans le sens, tessiture, geste vocal » (p 28).
Patrick Laupin, Le Rien qui précède. Gros textes éditions, (collection la Petite porte), 64 pages, 8 euros. Sur commande chez Gros Textes à Fontfourane. 05380 CHATEAUROUX-les-ALPES.
Lardé de citations dues à des célébrités, je relève dans le discours de Laupin ces mots : « Nous retrouvons le sens et la suite quand nous renouons le fil fragmenté de la notion, vaste fresque initiale qui a sa source dans le mystère presque perdu des correspondances d’un don qui précède le langage. Un alphabet des oubliés, une épopée ou une chanson de geste de la parole » (p 26).
Je ne suis pas certain que l’écriture entre paragraphes bien équilibrés ne rende pas obscure cette note de lecture et confuse la notation que fait Laupin : « La destinée lisible ou illisible de ces traces compose la fresque des empreintes probables ou bannies de ce qu’on peut appeler une écriture » (p 29). « L’écriture est souvent quelque chose qui vient du dieu de loin, en lien avec autre chose dont on ne retrouve plus la figure mais dont on pressent le rapport perdu » (p 30). C’est un mur qui sépare ce que l’on peut de ce que l’on sent » (p 31). Voilà que je commente par un montage de citations cette « arrière-pensée d’un silence qui témoigne de ce que nous avons consenti à taire » (p 36). Mais Laupin continue qui affirme : « Nous n’avons rien à prouver, nous ne sommes pas tenus de nous acquitter, aucune objurgation ne nous contraint à écrire » (p 37), « Les phrases ne viennent pas de nulle part » (p 39). Autant de questions qui se posent : « La bonté est-elle le bien essentiel de la littérature, sa sincérité? L’écriture est-elle une personne? Est-ce que les livres nous ont sauvé la vie? Qu’est-ce qu’un interlocuteur providentiel? Comment et pourquoi donner corps à cette parallèle surgie du fond? Suffit-il chaque jour de noter des phrases dans un carnet? (p 40). Le temps des questions est dépassé, celui des réponses est venu : quoi de mieux de ne pas trop réfléchir (p 41).
Il faudrait tout citer. L’art n’est qu’un artifice. Le but est de dire la vérité, d’accéder à celle-ci. Il faut savoir gré à Patrick Laupin de dire Nous (p 46) : c’est pour affirmer qu’il n’est rien sans les autres, mais qu’est ce « principe pluvieux et athée de l’écriture » (idem)? Il ajoute : « Avec l’écriture on entre dans le vide et le rien, le bien le plus précieux « (idem). C’est là que l’atelier d’écriture est efficace ! Quand, « à notre insu une toile de langage se tisse et se perd au fond perdu de nous-mêmes » (p 50)…