Paul Pugnaud

Par | 9 juillet 2013|Catégories : Essais|

La Cat­a­logne, l’Aude, et le Vau­cluse, sur ces ter­res voisines se sont dressés trois poètes du Sud avec leur poésie. Pierre Reverdy pub­lie Le gant de crin en 1927 et énonce « Le déco­ratif c’est le con­traire du réel.» René Char affirme en 1975 dans Aro­mates chas­seurs : « Peu auront su regarder la terre sur laque­lle / ils vivaient et la tutoy­er en bais­sant les yeux.» Dans son livre Le jour ressus­cité pub­lié en 1985 aux édi­tions Rougerie, Paul Pug­naud avance entre ter­res et mer « Sur la route où le jour décou­vre / le cœur des roches ». Approcher le cœur des roches, sans décor, en bais­sant les yeux : ces trois poètes du Sud bien qu’éloignés dans leurs travaux ont des atti­tudes assez proches, ils déga­gent de la parole poé­tique trois écri­t­ures où les mots assem­blés hors de leurs sens habituels, cristallisent les sen­sa­tions, dégageant den­sité et forces dans leurs poèmes. Ces derniers nous appa­rais­sent alors tour à tour comme roc isolé, con­struc­tion ter­restre, mys­térieuse, tan­tôt frag­ile, tan­tôt indestructible.

Paul Pug­naud nous con­fie : « Tu leur as préféré  / Le grand silence minéral / Qui se dépouille de tout élan vers l’avenir.» Ce choix l’a t‑il fait parce qu’il a con­science que nous sommes des «  errants » qui ne con­nais­sons pas « le vrai sens de la marche » et que nos mains s’accrochent à toutes les forces de la nature « Avant de se pos­er / Sur l’épaule des hommes » ? Nos exis­tences tra­versent des déserts où il faut chercher des fontaines pour retrou­ver désir et créa­tions : « Peu­plant un pays sans échos / Nous inven­tons des mots / Pour aller plus loin que la vie.»

Pour rejoin­dre les humains, le poète a besoin « Des mots et de leurs sens cachés » qu’il faut par­fois ranimer dans le foy­er de la créa­tion pour recon­naître que « nous écrivons avec leurs brais­es.» Nous, les « errants » dans cet univers, qui cher­chons une issue dans toutes ces éten­dues, il nous arrive de faire « taire des voix / lass­es de martel­er la vie », de s’attarder sur un regard, un sourire « allégeant le poids de la vie », de nous adress­er à « des hommes accoudés au para­pet du large ». Pas de paroles inutiles, l’éternel voy­age des hommes qui ren­con­trent l’inertie de l’eau, la mon­tagne qui bas­cule dévoilant une lueur sous la terre et cette fois encore Paul Pug­naud évoque encore les sépa­ra­tions de toutes sortes : « Aucun adieu n’est pronon­cé / Seul un geste désigné / L’aventure et ses chemins inter­dits ».  Il faut suiv­re des rites, buter sur la marche du seuil et pronon­cer non pas les mots mais le mot qui lie les vis­i­teurs à notre accueil : « Les adieux engloutis / Dans les gestes des voyageurs / Refont sur­face après / Avoir ran­imé des présences.»

Dans son recueil Le jour ressus­cité, Paul Pug­naud n’a aucune résig­na­tion : des humains dis­parais­sent, des dif­fi­cultés d’existences sur­gis­sent, des soli­tudes trop dures nous éloignent de la société humaine ; il faut par­tir, c’est impératif, il faut par­tir sur terre, sur mer « Par les gestes de ceux qui par­tent / Les adieux se pro­lon­gent ». Ce n’est plus un état imposé mais une déci­sion lorsque le vent se sera tu « au fond des rues le soir », le poète réveillera la mémoire des mots pour écrire « notre quête inlass­able ». Ce poète est « homme le doigt sur les lèvres » ordon­nant le silence afin de mieux tra­quer le désir d’écrire « loin de l’hostilité du monde ». À quoi servi­rait ce voy­age, si ce n’est à fuir cette angoisse : « Peur tapie dans les cham­bres où nous vivons » ? Révéler ce qui nous tient ici bas : « cet échange de paroles / mal accordées à nos désirs » mais que nous ren­con­trons au coin des rues, décou­vrir des hommes qui se salu­ent sans se con­naître « Leurs mains s’étreignent / Le soir les col­ore / Les fait briller comme le feu». La soli­tude des hommes, les dif­fi­cultés de com­mu­ni­ca­tion véri­ta­ble entre eux, l’inquiétude sur nos avancées, pro­grès et destruc­tions : où cela nous mèn­era-t-il ? « Nous avons enten­du / les cris / Des insectes qui nous adressent / les men­aces sur l’avenir ».  

 Agir coûte que coûte, mes­sages d’espérance pour nous humains par­fois si déshu­man­isés. Espoir ? Que Paul Pug­naud accom­pa­gne d’inquiétudes. Alors agir, s’évader, rechercher, décou­vrir enfin « Le Jour ressus­cité !»   

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Paul Pugnaud

Par | 23 juin 2013|Catégories : Chroniques|

6 poèmes extraits de l’œuvre du poète pub­liée par les édi­tions Rougerie. Recours au Poème remer­cie Olivi­er Rougerie de l’autorisation de les reproduire.

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Paul Pugnaud

Par | 21 juin 2013|Catégories : Blog|

Paul Pug­naud né le 2 juil­let 1912 à Banyuls sur mer (Pyrénées Ori­en­tales), mort le 13 juin 1995 à Lézig­nan-Cor­bières (Aude), poète, marin et vigneron français.

Paul Pug­naud est un enfant posthume, son père André Pug­naud, négo­ciant en vins de Banyuls et en vin de messe, est mort d’une crise car­diaque avant sa nais­sance. Après une petite enfance à Banyuls entre la mer et les vignes, la famille s’installe à Per­pig­nan. Paul Pug­naud suit sa sco­lar­ité à l’institution Saint Louis de Gon­zague où il obtient le bac­calau­réat en 1929.

Sa famille, par un grand-oncle mater­nel, est liée d’amitié à Aris­tide Mail­lol, le sculp­teur de Banyuls.

Très jeune il com­mence à écrire des arti­cles (compte-ren­du de spec­ta­cles, con­tes, poèmes) dans des revues locales comme « le coq catalan ».

Après son bac, il part à Paris et s’inscrit en licence de let­tres à la Sor­bonne. Il fréquente Hen­ry Espinouze, Robert Rius, Dali, cata­lans comme lui, qui l’introduisent dans le milieu surréaliste.

En 1931 et 1932, il passe 6 mois à Madrid pour per­fec­tion­ner son espag­nol, il y assiste aux débuts de la république espagnole.

Sa mère meurt bru­tale­ment début 1933, il se retrou­ve donc orphe­lin à 20 ans.

Depuis tou­jours la mer est son milieu de prédilec­tion et tous les étés il nav­igue, d’abord à Banyuls sur une péris­soire équipée d’une voile, puis il fait des croisières en Espagne sur les bateaux d’amis, enfin il achète son pro­pre voili­er en 1935.

Il fait son ser­vice dans la marine en 1934 et 1935. Ceci lui per­met de par­courir la Méditer­ranée de la Grèce à Gibraltar.

A par­tir de 1936, il partage son temps entre Paris et les croisières en bateau qui, en 1938, le mènent en Tunisie via la Corse et la Sardaigne.

Il écrit de la poésie et col­la­bore à des revues comme le coq cata­lan et la bouteille à la mer. Il pub­lie son pre­mier recueil : « Equinoxes »

En juil­let 1939 il épouse Bernadette Verdier, orig­i­naire de l’Aude, étu­di­ante à Paris. Ils par­tent en Tunisie où ils font une mag­nifique croisière avant d’être rat­trapés par la guerre. Paul Pug­naud est mobil­isé dans la marine à Biz­erte jusqu’à l’armistice.

Paul et Bernadette Pug­naud achè­tent un domaine viti­cole : le domaine de Belle-Isle à  Lézig­nan-Cor­bières pen­dant la pre­mière per­mis­sion en 1940. Ils y passeront toute la guerre. Paul apprend le méti­er de vigneron avec son beau-père Louis Verdier avant l’arrestation en 1943 de celui-ci pour faits de résis­tance (il mour­ra à Buchenwald).

Après la guerre Paul Pug­naud partage sa vie entre Lézig­nan et Banyuls, à par­tir de 1958 il fera des croisières tous les étés sur la côte espag­nole avec ses voiliers suc­ces­sifs et il tra­versera l’Atlantique avec le bateau d’un ami, Jean Bluche, en 1965. Sa fille, Sylvie, nait en 1950.

Tout en s’occupant de son domaine viti­cole et en s’investissant dans la vie sociale et asso­cia­tive (prési­dent du syn­di­cat des exploitants agri­coles à Lézig­nan après la guerre, co-fon­da­teur et prési­dent du yacht-club de Banyuls dans les années 60) il écrit de la poésie, un pre­mier recueil « zone franche » est pub­lié par André Vinas à Per­pig­nan en 1955.  Suiv­ront chez Subervie « Azur de pierre » (1962) qui obtient le prix Voron­ca puis « la nuit ouverte »(1967).

C’est ensuite la ren­con­tre avec René Rougerie et la pub­li­ca­tion de Minéral (Prix Antonin Artaud) en 1968. A par­tir de cette date René Rougerie va pub­li­er un recueil de poésie tous les deux ans et l’œuvre poé­tique de Paul Pug­naud se con­stru­it peu à peu, sa poésie s’épurant de plus en plus.

Rougerie pub­liera 14 recueils et des poèmes choisis.

Il col­la­bore à de nom­breuses revues : La bouteille à la mer, les cahiers de la licorne, la tra­mon­tane, Encres vives, Pro­fils, Le temps par­al­lèle, Jalons, Poésie Présente…

Paul Pug­naud peint de 1947 à 1970, sa pein­ture, comme sa poésie, s’épure de plus en plus. Il arrête de pein­dre pour se con­sacr­er totale­ment à l’écriture quand sa col­lab­o­ra­tion avec René Rougerie  devient plus importante.

Il fréquente les poètes et écrivains du sud : Dans l’Aude Jean Lebrau, René Nel­li, Michel Mau­rette et rend plusieurs vis­ites à Joe Bous­quet avant sa mort.

Hugues Fouras qui avait fondé  « la bouteille à la mer », revue à laque­lle il a col­laboré de 1934 à 1952.

Il est aus­si lié avec les poètes de Rodez réu­nis autour des prix Voran­ca et Antonin Artaud : Pierre Loubière, Pierre Gabriel, Hénard, Arnold, Frédéric Jacques Temple…

Citons aus­si son ami­tié avec Armand Lanoux qui est venu plusieurs étés à Banyuls.

Aujourd’hui, des poètes comme ceux qui ani­ment la revue Recours au Poème recon­nais­sent en l’œuvre de Paul Pug­naud une des œuvres inspi­rant leur aven­ture poétique.

 

Bib­li­ogra­phie :

Poésie

1939 Equinox­es, Edi­tions de La Bouteille à la mer

1955 Zone franche, Col­lec­tion Ressac

1962 Azur de pierre, Subervie. Prix Ilar­ie Voron­ca 1961

1967 La nuit ouverte, Subervie

1969 Minéral, Rougerie. Prix Antonin Artaud 1970

1971 Les espaces noyés, Rougerie

1972 Long Cours, Rougerie. Avec une gravure de Suzanne Runacher

1975 Les portes défendues, Rougerie. Grand prix de Brocéliande des ren­con­tres poé­tiques du mont Saint Michel 1976

1977 Atter­rages, Rougerie. Prix Louis Guil­laume, 1977, du poème en prose

1979 Ombre du feu, Rougerie

1980 Langue de terre, Rougerie

1982 Le feu court, dans le livre « Paul Pug­naud », d’André Vinas, Subervie

1983 Aride Lumière, Rougerie. Avec une gravure de J.J.J. Rigal

1985 Le jour Ressus­cité, Rougerie

1987 Air pur, Rougerie

1989 Posi­donies, Rougerie

1989 Epures, Edi­tions du Mas Catherine

1989 Ombres éclatées, Con­flent, pré­face d’André Vinas pour 50 ans de poésie à Perpignan

1991 Instants sans passé, Rougerie

1996 Poèmes choi­sis, Rougerie

1999 Ecouter le silence, Rougerie, présen­ta­tion de René Rougerie

2005 Aux portes inter­dites, Rougerie, post­face de René Rougerie. Avec une gravure de Mau­rice Maillard.

 

Essais

1992 Aris­tide Mail­lol, Con­flent

 Pré­face à

1973 « Au seuil des hommes », poèmes de Pierre Mar­ca , Oswald

1979 « Mail­lol mon ami » sou­venirs de François Bassères, Cornet

 

Col­lab­o­ra­tions aux revues

Le Coq Cata­lan 1931–1938

La Bouteille à la mer 1934–1952

La revue par­lée 1937

Prospec­tus 1953–1954

Les cahiers de la licorne n°5

Entre­tiens n° 26

Cévenne-Méditer­ranée n°1

Les Cahiers du Refus mai 1962

Le Mer­cure de France mars 1962

Bul­letin Asso­ci­a­tion Guil­laume-Budé. Spé­cial n°8–9‑10

La Tra­mon­tane 1967

Haut Pays n°1 1967

A.C.I.L.E.C.E. 1967- 1970–1974

Encres vives n° 62, 63, 64 et 66

Le puits de l’Ermite n°12 et 19

L’envers et l’endroit n°9

Pro­fils 1972–1973-1975

Solaire n°5 1974

Impact n°8

Nou­velles à la main de 1975 à 1977

Le temps par­al­lèle de 1974 à 1981

Jalons n°5 et 7

Poésie présente n° 5–6‑9–12-13–14-36

 

Etudes

1968 Jean Rous­selot Dic­tio­n­naire de la poésie française con­tem­po­raine, Larousse

1982 André Vinas Paul Pug­naud vers l’illimite du mou­vant coll vis­ages de ce temps Subervie 

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