Philippe Barma, Ault-Onival
Falaise de calcaire
au bord d'une blancheur
Sur l'enclume des eaux
respire l'immobilité feinte des rêves
Ouverture des maisons
au vent noir de la pluie
Bruit de silex
dans la rouille du doute
Brisement de la mer
contre la tombée
de la lampe allumée
sur de grands oiseaux blessés
****
Sur la plage
l'arbre de la mer
aux feuilles de sable calme
s'exténue dans la nervure des ridins
L'arbre aux feuillages de vagues
est là sur le sable
immobile
il écoute seulement
le bleu silence des écumes
avant que de retourner
vers le clocher de Quend
Il ira peut-être jusqu'à Rue
portant sa croix
de Résurrection
a travers les ombres
rouge sang
d'un matin de novembre.
***
le regard boit la mer
comme une coupe d'eau
qui déborde de silence
***
Ce matin
le rose des sables
pleure à peine sur la branche
nue des sables
les écumes de ciel empourprent
la haute lenteur des nuages
Comme une vibration du simple
la couleur par-dessus le vert
là-bas chante le silence
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Arbre de la mer
aux racines de sable et de sel
Effeuilles de vagues sans cesse agitées
par un vent de glaise profonde
parfois un fruit roule sur la pente du ciel
a pas légers de nuages vermeils
Peut-être vont-ils
pleurer Verlaine
du côté de l'Arrageois
où campent les Atrébates
peuples aux cheveux longs et bleus
de la Gaule Belgique
et c'est un soleil de miel
au fond d'un peu de lait
déposé comme une offrande lyrique
sur les bords de la Somme mystique
***
Jamais le jour n’a coulé plus haut par-dessus nos têtes. Il finira par
déborder sur les patiences de la pierre. Il pleut à peine sur la vitre où
les araignées tissent le hiéroglyphe de nos prochaines forfaitures. Les
gouttières engrangent le blé malgré les jalousies de l’ivraie.
***
Une main de nuit subsiste dans le carnage de l’épaule sanguinaire. Elle
porte une corbeille de plâtre noir. Les fruits de l’hiver luttent contre
le retour de la mémoire. La cendre recompose la trace d’une rigueur
éteinte. La courbe du deuil combat inutilement un soleil de Résurrection
***
Un cri de cormoran blesse le crépuscule. La voile blanche des cerisiers
lève du côté de Valloire par-dessus un cloître de verdure.
***
La mer efface toute vague qu'elle ne peut corriger
***
Un oiseau sur la Somme recoud les fièvres du vent et sacrifie les hautes
pierres aux pluies brûlantes des orties
Quai Jeanne d’Arc. Longue promenade qui embrase les confusions du sel pour
éclairer les gestes de la Somme. Les tilleuls sont amarrés aux feuillages
de l’hiver.
Du côté du Courtgain, près du calvaire des pêcheurs, Degas est là.
Immobile. Il regarde les toits de Saint-Valéry-sur-Somme comme une promesse
de peinture construite.
Pays aux pluies horizontales où la lumière pleut les souffrances du gris
***
La baie de Somme gésit dans les toiles de Braquaval. Celui-ci a lutté de
vive lutte pour libérer sur sa toile le fluide de la mer mêlée à celui de
la lumière changeante et variante. Alors le vaste ciel de Picardie maritime
occupe les deux-tiers de sa toile. Et la baie de Somme n’est plus qu’une
ouverture symphonique en gris de lumière. Et le ciel nuageux fait à lui
seul comme dans les marines hollandaises tout le concert sur l’effacement
et la sourdine des terres environnant cette baie à jamais close sur
l’infini du Ciel.
***
Je réveille les aubes sèches de la lune. Mon jour rassemble les limpidités
des rivages éteints. Dans l’inquiétude de voir se lever la nuit comme
une clarté, mon pas mesure l’improbable de l’herbe à l’aune d’un
peu de foi.