Philippe Jaccottet, La promenade sous les arbres

Voici réédité, en format poche, un livre de Philippe Jaccottet publié en 1957 par l’éditeur suisse Mermod. Le poète a alors 32 ans et c’est son premier livre en prose, un véritable traité de l’expérience poétique ou, comme l’exprime l’éditeur actuel (Le Bruit du temps), « un petit livre des commencements »

La promenade sous les arbres est le titre d’un des sept textes publiés par Jaccottet dans un livre où il entreprend d’illustrer sa propre démarche poétique. Dans les six autres textes, il nous parle de Grignan (cette ville de la Drôme où il vient de s’installer), des montagnes environnantes, des la « rivière échappée » ou des nuits éclairées par la lune. Ce sont, dit-il, des « exemples » de ce qu’il entend exprimer dans l’écriture. « Ces textes ne sont pas des poèmes, mais des tâtonnements, ou parfois de simples promenades, ou même des bonds et des envolées, dans le domaine fiévreux où la poésie, parfois, plus forte que toute réflexion ou hésitation, fleurit vraiment à la manière d’un fleur ».

Tout commence, selon lui, par les émotions que peut susciter le monde extérieur. A commencer par la nature et, notamment, les « lieux les plus pauvres ». Pour le poète, il s’agit de « comprendre ces émotions » et d’analyser « les rapports qui les lie à la poésie ». Mission accomplie dans les sept exemples qu’il propose. Ce qui fait dire à Jean-Marc Sourdillon, dans la préface de cette réédition, qu’on « y perçoit presque à tout moment la présence d’une discrète jubilation, l’eurêka modeste du poète qui découvre la cohérence de sa propre manière ».

Cette cohérence doit se nourrir, selon Jaccottet, de « simplicité », « d’impressions fugaces », « d’intensité de l’expérience ». Il le dit en faisant notamment référence à ce qu’il admire dans la poésie de l’Irlandais George William Russel (1867-1935). Il y a aussi, parallèlement, chez Jaccottet, « le pressentiment que l’Age d’or est encore au monde ».Référence à la fameuse phrase de Novalis : « Le Paradis est dispersé sur toute la terre, c’est pourquoi nous ne le reconnaissons plus. Il faut réunir ses traits épars ».

 

Philippe Jaccottet, La promenade sous les arbres, Le Bruit du temps, 120 pages, 9,50 euros.

Pour réunir ces « traits épars », Jaccottet affiche son désir de « dépassement des images » (…) ce moment où la poésie, sans avoir l’air puisqu’elle s’est dépouillée de tout brillant, atteint à mon sens le point le plus haut ». C’est ce qu’il admire chez Leopardi, Hölderlin ou Verlaine. D’où, aussi,  l’intérêt qu’il accorde déjà, à l’époque, au haïku japonais après la lecture de l’ouvrage de R.H. Blyth consacré à ce genre littéraire. Philippe Jaccottet parle à propos du haïku de « transparence » et « d’effacement absolu du poète ». C’est cette « transparence » qui dominera dans la majorité de ses écrits à venir, notamment dans ses proses poétiques.

Présentation de l’auteur

Philippe Jaccottet

Philippe Jaccottet est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur suisse vaudois, né à Moudon le 30 juin 1925 et décédé à Grignan le 24 février 2021.  Il est l'époux de l'illustratrice et peintre Anne-Marie Jaccottet, née Haesler.Après des études de lettres à l'université de Lausanne, il a habité paris où il a été le correspondantde l'éditeur vaudois Mermod. En 1953, il s'est établi à Grignan, dans la Drôme (Provence), où il a vécu.
Il a traduit du grec, de l'allemand, de l'italien et de l'espagnol - les poètes Hölderlin, Rilke, Mandelstam, Novalis, Thomas Mann ("La Mort à Venise"), Musil, et de son ami Giuseppe Ungaretti.
Il noue des relations d'amitié avec de nombreux poètes et auteurs comme Francis Ponge, Jean Paulhan, Yves Bonnefoy, Pierre Leyris, André Dhôtel. Il a également collaboré à "La Nouvelle Revue française".
Il a reçu de nombreuses distinctions prestigieuses, comme la pris Goncourt de la poésie en 2013, et a été publié dans la collection La Pléiade en 2014. Un nombre considérable d'essais ont été consacrés à son oeuvre. Ainsi, "Creazione e traduzione in Philippe Jaccottet", sous la direction de F. Melzi d'Eril Kaucisvili (1998) ; de Mattia Cavadini, "Il poeta ammutolito. Letteratura senza io: un aspetto della postmodernità poetica. Philippe Jaccottet e Fabio Pusterla (2004).

Œuvres poétiques  

Requiem, Mermod, 1947. L’Effraie et autres poésies, Gallimard, 1953 dans la collection «Métamorphoses» ; 1979 dans la collection «Blanche». L’Ignorant, Gallimard, 1958. L’Obscurité, Gallimard, 1961. La Semaison, Lausanne, Payot, 1963. Airs, Gallimard, 1967. Paysages avec figures absentes, Gallimard, 1970 et 1976. Chants d'en bas, Lausanne, Payot, 1974. À la lumière d'hiver, Gallimard, 1974. À travers un Verger, illustrations de Pierre Tal Coat, Fata Morgana, 1975. Les Cormorans, gravures de Denise Esteban, Idumée, Marseille, 1980. Des histoires de passage. Prose 1948-1978, Lausanne, Roth & Sauter, 1983. Pensées sous les nuages, Gallimard, 1983. La Semaison, Carnets 1954-1967, Gallimard, 1984. Cahier de verdure, Gallimard, 1990. Libretto, La Dogana, 1990. Poésie, 1946-1967, Poésie/Gallimard, Paris, (1971) 1990. Requiem (1946) ; suivi de Remarques (1990), Fata Morgana, 1991. Cristal et fumée, Fata Morgana, 1993. À la lumière d'hiver ; précédé de Leçons ; et de Chants d'en bas ; et suivi de Pensées sous les nuages, Gallimard, 1994. Après beaucoup d'années, Gallimard, 1994. Autriche, Éditions L'Âge d'homme, 1994. Eaux prodigues, Nasser Assar, lithographies, La Sétérée, J. Clerc, 1994. La Seconde Semaison : carnets 1980-1994, Gallimard, 1996. Beauregard, postface. d'Adrien Pasquali, Éditions Zoé, 1997. Paysages avec figures absentes, Gallimard, (1976) 1997, coll. « Poésie ». Observations et autres notes anciennes : 1947-1962, Gallimard, 1998. À travers un verger ; suivi de Les cormorans ; et de Beauregard, Gallimard, 2000. Carnets 1995-1998 : la semaison III, Gallimard, 2001. Notes du ravin, Fata Morgana, 2001. Et, néanmoins : proses et poésies, Gallimard, 2001. Nuages, Philippe Jaccottet, Alexandre Hollan, Fata Morgana, 2002. Cahier de verdure ; suivi de Après beaucoup d'années, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 2003. Truinas / le 21 avril 2001, Genève, La Dogana, 2004. Israël, cahier bleu, Fata Morgana, 2004. Un calme feu, Fata Morgana, 2007. Ce peu de bruits, Gallimard, 2008. Le Cours de la Broye : suite moudonnoise, Moudon, Empreintes, 2008. Couleur de terre, par Anne-Marie et Philippe Jaccottet, Fata Morgana, 2009. La promenade sous les arbres, Éditions La Bibliothèque des Arts, 1er octobre 2009 (1re édition : 1988). Le retour des troupeaux et Le combat inégal dans En un combat inégal, La Dogana, 2010. L'encre serait de l'ombre, Notes, proses et poèmes choisis par l'auteur, 1946-2008, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 2011.

Essais

L'Entretien des muses, Paris, Gallimard, 1968, Rilke par lui-même, Paris, Éditions du Seuil, 1971., Adieu à Gustave Roudavec Maurice Chappaz et Jacques Chessex, Vevey, Bertil Galland, 1977, Une transaction secrète. Lectures de poésie, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1987, Écrits pour papier journal : chroniques 1951–1970, textes réunis et présentés par Jean Pierre Vidal, Paris, Gallimard, 1994, Tout n'est pas dit. Billets pour la Béroche : 1956–1964, Cognac, Le temps qu'il fait, 1994. Réédition en 2015, Le Bol du pèlerin (Morandi), La Dogana, 2001, À partir du mot Russie, Montpellier, Fata Morgana, 2002, Gustave Roud, présentation et choix de textes par Philippe Jaccottet, Paris, Seghers, 2002, De la poésie, entretien avec Reynald André Chalard, Paris, Arléa, 2005, et 2007 en format poche-Arléa ; nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Arléa, 2020, Remarques sur Palézieux, Montpellier, Fata Morgana, 2005, Dans l'eau du jour, Gérard de Palézieux, Éditions de la revue conférence, 2009, Avec Henri Thomas, Montpellier, Fata Morgana, 2018.

Correspondances

André Dhôtel, A tort et à travers, catalogue de l'exposition de la Bibliothèque municipale de Charleville-Mézières avec des lettres de Jaccottet, 2000, Correspondance, 1942 - 1976 / Philippe Jaccottet, Gustave Roud ; éd. établie, annotée et présentée par José-Flore Tappy, Paris, Gallimard, 2002, Philippe Jaccottet, Giuseppe Ungaretti Correspondance (1946–1970) - Jaccottet traducteur d'Ungaretti, Édition de José-Flore Tappy, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 21-11-2008, 256 p, Pépiement des ombres. Philippe Jaccottet & Henri Thomas, édition établie par Philippe Blanc, postface d'Hervé Ferrage, dessins d'Anne-Marie Jaccottet, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2018, 248 p.

Traductions

La Mort à Venise, Thomas Mann, Mermod, Lausanne, 1947 ; La Bibliothèque des Arts, Lausanne, 1994, Le Vaisseau des morts, B. Traven, Paris, Calmann-Lévy, 1954, L'Odyssée, Homère, Paris, Club français du Livre, 1955 ; rééd. Paris, La Découverte, 2016, L'œuvre de Robert Musil, de 1957 (L'Homme sans qualités) à 1989 (Proses éparses), Paris, Éditions du Seuil, Un cœur aride, Carlo Cassola, Paris, Éditions du Seuil, 1964, Une liaison, Carlo Cassola, Paris, Éditions du Seuil, 1971, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, Friedrich Hölderlin, Mermod, Lausanne, 1957 ; rééd. Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1973, Œuvres, Friedrich Hölderlin, sous la direction de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, L'œuvre de Rainer Maria Rilke, de 1972 à 2008 (avec Les Élégies de Duino chez La Dogana, Malina, Ingeborg Bachmann, Paris, Éditions du Seuil, 1973, Vie d'un homme, Poésie 1914-1970, Giuseppe Ungaretti, traduction de Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pieyre de Mandiargues, Francis Ponge et Armand Robin, Paris, Gallimard et Minuit, 1973, Haïku présentés et transcrits par Philippe Jaccottet, Montpellier, Fata Morgana, 1996, D'une lyre à cinq cordes, traductions de Philippe Jaccottet 1946-1995, Paris, Gallimard, 1997.

Anthologies

Une constellation, tout près, Genève, La Dogana, 2002, D'autres astres, plus loin, épars. Poètes européens du xxe siècle, Genève, La Dogana, 2005.

Préfaces

À vos marques de Jean-Michel Frank, Obsidiane, 1989, Œuvre poétique, peintures et dessins de Béatrice Douvre, Montélimar, Voix d’encre, 2000, Les Marges du jour de Jean-Pierre Lemaire, Genève, La Dogana, 2011, L'éternité dans l'instant. Poèmes 1944-1999 de Remo Fasani, traduits de l'italien par Christian Viredaz, Genève, Samizdat, 2008.

Exposition

« Philippe Jaccottet et les peintres : François de Asis, Nasser Assar, Claude Garache, Alberto Giacometti, Jean-Claude Hesselbarth, Alexandre Hollan, Anne-Marie Jaccottet et Gérard de Palézieux », Aix-en-Provence, galerie Alain Paire, 30 juin au 21 juillet 2012.

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