Philippe Longchamp, Dans la doublure
Le poète Longchamp, né en 1939, auteur de plusieurs recueils chez Cheyne, entreprend ici de dégoter du réel la face cachée, la "doublure", comme quand "on", "ça" parle. Il faut creuser les nuits, les évoquer, les convoquer pour qu'elles réussissent à nous dire leur vérité, leur chemin.
La nuit est porteuse et les poème en prose, assez longs, l'enveloppent, la caressent, l'éclairent. Le sort des SDF, des victimes des tueries des boulevards (2015), celui des fêtards de la nuit, des marginaux de toutes sortes sont quelques-uns des thèmes de prédilection de ce beau livre, où les poèmes et les beaux dessins très colorés - à la Miro - dégagent un monde qui se voudrait plus chaleureux, plus complice. Nuit complice disait Bory.
Habite-t-on encore au coeur des nuits? Les êtres se laissent-ils aller à la chaleur des étreintes ? Quand la stupeur règne et qu'il faut réinventer les coquelicots de la résistance?
Le "on" indifférencié traverse tous ces poèmes tissés d'empathie, d'un lyrisme qui les porte à l'effusion.
"Ne plus habiter un froid noir !"
On a perdu les "Alices" de nos rêves et il faut coûte que coûte en créer d'autres, pour nous "affranchir", connaître d'autres "surprises".
La langue, ici, ramasse de belles images, fait "naître secrètement au plein des nuits d'hiver de l'autre de longs rêves d'un bleu violine" (p.14)
Ce bel album, dans la lignée humaniste des poèmes de la résistance, honore la poésie. Voici des textes profonds comme la nuit, qui délivre, au milieu des dérives, une belle matière de vie et d'espoir.
Quelques poèmes sur Paris disent assez la beauté des vies et des villes, surtout la nuit, dans la chaude présence de l'autre.
Philippe Longchamp, Dans la doublure, Cheyne, 2023, 52 p., 19 euros. Images d'Anne Bruni.