urgence urgence notre lucidité se perd aux pieds des ruines
dans l’abîme berceau de serments imaginaires
on n’entend plus que les hordes d’images et de bruits assaillir notre intelligence amoureuse
la mettre au pas du réalisme
urgence urgence nos faces d’hommes
nous n’entendons plus l’ultime qui précède chaque événement chaque instant d’allégresse
le simulacre agit sans relâche tuant la chair du voir
urgence urgence nos faces d’homme
il ne nous reste plus que cette discordance des mots avec notre pensée
pour agir justement c’est à dire follement
urgence urgence nos faces faces faces dhomme
nous voulons un monde au ciel prévoyant
au jour attentif à toute chose
avec un souffle de pureté au vent d’appel
nous cherchons dans l’obscure forêt qui embrase l’idée d’homme
une pensée subtile
dévorant la nuit d’invincibles questions
Nous percevons les couleurs à la seule présence de l’autre
nous entendons le courage des mots engagés dans l’ascèse
et tenons la vie nouée au corps qui parle l’insoumission
contre la médiocrité
nous poursuivons destin solitaire d’une parole active
urgence nous sommes l’herbe haute de l’enfance des siècles
l’herbe folle entre les pavés, dans les interstices des dieux et de l’homme
urgence urgence nos faces d’homme d’homme
notre scène est cette liberté accourant sous le soleil de mille histoires de la rencontre
entre l’homme et sa face face face d’homme
Aujourd’hui plus que jamais nous ne nous mentons pas
nous avons l’âme rebelle sans traces dans les livres
sans chiffre dans la compétition absurde de l’existence et de l’être
nous sommes les heureux orphelins de frontières incultes et sauvages
nous sommes une saison de femmes d’hommes remontant à leurs corps depuis l’arbre
aux fruits déveil
urgence urgence
urgence de dire l’ombre des choses
le chant de l’innombrable espoir
nous venons en dessous nos deuils en dessous nos plaintes
planter la langue des exclus au coeur du sens premier de vivre
urgence urgence urgence nos faces d’homme d’homme
urgence de qui donne et ne retient pas
urgence du moindre asile proposant un règne
urgence du partage comme un manifeste
où le verbe est toujours à l’heure de rendre la nuit d’un rêve aux hommes
urgence de la flamme secourant la braise
urgence de la fin des imposteurs des dominateurs
urgence de l’affection qui ne blesse pas l’arbre pour en punir la sève
urgence urgence urgence
de ce cri qui monte au pas du monde
cri plus qu’il ne peut plus qu’il ne sait
cri.……crire remontant du serrment des justes
où l’homme est rendu à l’homme par son poème
urgence urgence du parti des ombres sur nos yeux
du parti des humbles sur nos mains
urgence urgence d’une maison au point du jour
une grève où nous allons dix mille amants contre le précaire
urgence d’une nuit éclairée par l’incendie de nos marches
vers le front sublime des compagnons des camarades
dont l’amour est aux mains des meres des filles des soeurs creusant les décombres
de leurs doigts de plumes pour retrouver le fils le père l’amant ensevelis
urgence de parler la démesure
l’appartenance à un sourire
le dédale de ses mystères
urgence de hurler l’impatience tournée vers l’horizon
sans masque dans la voix
pour la seule place de la voix d’or dans la parole
urgence d’ouvrir la volière des plaintes
d’avoir les gestes de tout ce qui n’attend plus le printemps en patientant de froid
urgence de cette faim insoumise au banquet de l’écriture
urgence de cette langue du poème qui nous réapprend le métier d’innocence
urgence nos faces d’homme urgence urgence
si nous ne voulons pas être victime à l’aube
alors il faudra chanter plus tôt que les oiseaux
il nous faudra être nus de toute la nudité de l’indicible
avoir des mots effrayés
des mots cardiaques
des mots à vifs du silence
des mots de face avec le chant
des mots terribles d’excès
jamais entendus
jamais osés dans nos gorges d’urgence
des mots tremblés de nos faces d’homme
faces faces faces faces d’hommes d’hommes d’hommes d’hommes d’hommes
***
13h30 métro concorde
Pénétrant la chair jusqu’aux os
sans jamais resssortir
blessante lame
ce courant d’air glacial
du métro en hiver
Il ne se voit rien
ne s’entend rien
ne se dit rien
…rien dans le cercle de rien
que décrit la présence étale
dans cette main petitement tenue
par quelques pièces
Elles
Ils
sont des centaines par les rues
les sous-pentes
bouches urbaines
les poètes maudits
sans abri de recueil
viennent à la rencontres depuis
ce quelque part qui se confond ici
avec le nul ailleurs
sont assis
se fondent au gris-patience gris-souffrance
du détour qu’ils suscitent
risquent jusquà l’indifférence
qui les multiplie
Familière
bien ordonnée détresse
enveloppant leur aura
jusqu’à l’effacement
les jetés-là repeuplent le désert
des multitudes séparées
rassemblent en cristaux de peur
la solitude collective des agités
Mais celui-là
sur la marche la plus haute dans le courant glacial
Celui-là au visage découvrant de sa capuche
soixante dix ans de traits tirés
à bout portant d’une chance
toujours à côté
celui-là
à peine la main
cueillant la douleur au bord de lui
Celui-là
je l’ai pris dans poitrine
à pleine tête
sur le chemin de honte de mon pays
par temps qui passe
paisiblement
entre les gouttes d’infâmie
***
DES MOTS … DES BOMBES … DES MOTS ENCORE… ENCORE DES BOMBES…
NOUS AVONS DES MOTS
VOUS AVEZ DES BOMBES
le long de vos rampes de lancement
II fait déjà si froid
sous les saules blancs…
mais on entend toujours
au concert des mésanges
ce grand avertissement :
monté du fond des âges :
« au faîte de la démocratie
pend l’enseigne de l’armurier »
et dans le sein des dieux
pèsent les larmes sur le soleil couchant
Qui croyait en ce monde
qu’à dépeindre vos libertés ensanglantées
les mots eux-mêmes seraient rougis
Contre le jeu de vos armes
nous avons celui des mots
jusqu’à la quintessence du poème
guetté par la descente
autant que la danse du phénix
Nous avons sur la poutre l’hirondelle
et sous l’ondée de paille
les peurs de vos héros
repentis d’inculture
VOUS AVEZ LES BOMBES
NOUS AVONS LES MOTS
Vous vous épuisez d’habileté
dans vos sciences du désespoir
Nous errons à l’aventure du verbe
comme un vaisseau libéré de ses haleurs
Vous recherchez des preuves
quand il en est
où elles ne se parlent plus
ne s’entendent plus
ne s’offrent plus au verbe
qu’il est enfin purifié d’elles
En ces temps maudits de vos encombres
vous usez de noms de jouets
pour enfanter la guerre
commettre dans les cours vos crimes d’école
mais nos enfants de leurs prunelles sages
ne demandent que le vert du jardin
sans abri
NOUS AVONS DES MOTS
d’un pouvoir transcendant
QUI DE VOS BOMBES
détruisent l’argutie
A la beauté qu’exhale leur envol
sans seconde
les mots de plein ciel
s’épanouissent dans l’espace
de vos nids d’armes
détruits
sans que vous puissiez jamais suivre
leurs traces
Ils versent en secret
tout au long de vos fers
dans le mutisme de vos geôles
le souffle des mélanges
des croisées de sens
étrangers les uns les autres
Ils savent de vos terrorisantes certitudes
effacer les demeures
VOUS AVEZ DES BOMBES démocrates
NOUS AVONS DES MOTS tisserands d’herbes folles
vous avez les bombes de vos morales punitives
nous avons les mots du poème levant
vous larguez des deuils
nous lançons des respirations
vous enterrez les fleurs
nous berçons leur pistil
VOUS AVEZ LES BOMBES
NOUS AVONS LES MOTS
qui pour vous
plus rien ne signifieront
A vous plus rien
ne diront
Se pourrait-il que l’histoire
manque encore ses seuils ?
***
AUX PEUPLES JEUNES DE LA RÉVOLTE
Le visage de l’histoire prend ses quartiers de devenir sous chaque pas
dans chaque poitrine
pour chaque souffle
à chaque instant de la rencontre
entre votre dessein radical d’espoir
et le ressentir de l’intolérable
Place d’appel des peuples
à l’ouvert
du pari de vivre
selon la faim et la soif
de l’éternel levant
Vous allez
mystère du courage en tête
vers l’inapprochée
l’insondée saison
du sens d”exister
à plein vertige d’étonnement
entre vous
Vous marchez depuis l’invisible rêve
dans l’éveil du visible
vous empruntez la voie de clarté en vous
contre l’obscure abandon d’absolu
votre exigence est de cette épaisseur d’Être
qui défie la fatalité
et rend à l’avenir
son urgence de vérité
Il est un chant nuptial de votre refus
qui regagne le pays perdu
de nos ciels
à hauteur illimitée
de votre verticale ensemble
Le poème est le passeur
infini de l’indompté
en vous
qui éprouve le monde
dans sa nudité sensible
où sa beauté apparaît par votre accueil
de toutes nos présences