C’est une véri­ta­ble antholo­gie de ses pre­miers recueils, de « Bul­letin d’enneigement » à « Per­pétuelle, la bien­v­enue » qu’offre Pierre Dhain­aut … Par­fois remaniés ou franche­ment inédits… 

« Mon som­meil est un verg­er d’embruns » com­mence par un vers  éton­nant, vers éton­nant dis­ais-je car je pointais docile­ment un syn­onyme, à ce qual­i­fi­catif « per­son­ni­fi­ca­teur ». Il y a quelque chose d’anthropomorphe (stro­phes de vers isolés ou stro­phes de quelques graphèmes)… Ce pre­mier recueil est fait de poèmes épars  : un vers laisse appa­raître le dual­isme présent, douce et forte, présent absent (pp 27 et 25). Mais on sent l’amour de la femme aimée…

«  Le poème com­mencé » débute par une prose. Vers et pros­es sont mêlés ; on  peut oser une hypothèse : la prose émet des mots cryp­tés tan­dis que les vers sont chargés d’explorer le réel. Mais est présente la femme aimée, ce qui incite à penser qu’il s’agit de poèmes d’amour : « je traque une appari­tion : aimer »  (p 37). Le thème de l’enfant est aus­si présent, l’important est de nom­mer les choses : le poème est « cryp­té » et devient descrip­tif (pp 43 à 52) ; ça se ter­mine par une prose mise entre par­en­thès­es (impor­tantes, les par­en­thès­es, p 53 où sont abor­dés les mots juste­ment…). 

Pierre Dhain­aut, Trans­ferts de souf­fles, Edi­tions L’Herbe qui trem­ble, 278 pages, sur com­mande ou en librairie, 18 euros. 

Tout est pesé, même les mots rares for­ment souf­fle : poèmes d’amour liés ; cela ne va pas sans mys­tère : « Eclat je ne suis qu’une brèche » (p 60 :  ça devient sig­nifi­ant au vers suiv­ant) : la femme aimée se con­fond avec le paysage. L’éphémère est la poésie !

Dans « Au plus bas mot », Pierre Dhain­aut s’interroge dans cette page 115 sur le mot « en cen­dre à mon approche, un nom, m’entourant » : poésie réflex­ive donc (p 127) et mieux « silence enfin sans fin s’enfle » (p 128) : mots voisins aux sons ou aux sonorités proches ou aux habi­tudes d’une cer­taine époque (avec ses ter­mes coupés en deux, p 129), séparés (p 149), trous dans le vers, etc… (p 132 ou 130, p 147), jeux sur les mots (« va /  geint va / cille », p 150)… Mais rien de gra­tu­it là-dedans…

Dans « L’âge du temps », le poème est dédié à la nature et l’enfant fait une brève appari­tion (p 171) mais la mort  appa­raît…

Dans « Le retour et le chant », j’apprends de Pierre Dhain­aut « C’est à peine aujourd’hui / si j’écris encore » (p 205). Ou « L’amour s’ouvre à l’amour, / que pour­rais-je ajouter ? »  (p 206). Mais qu’est-ce qu’un signe ? (p 211). « Obstiné­ment / nous gaspillons ce que le temps peu à peu nous con­fie » (p 213).  « Avons-nous  pris racine / ou brisé nos attach­es ? » (p 215). Pierre Dhain­aut con­tin­ue d’interroger le réel… Cette antholo­gie est émou­vante, car on assiste à un mur­mure incertain !

Dans « Per­pétuelle, la bien­v­enue », aux poèmes inédits, dont j’apprends qu’ils furent écrits « trente-huit ans plus tard » mais pub­liés dans la présente antholo­gie… J’apprends égale­ment, grâce à la lec­ture d’Isabelle Lévesque, que, depuis « Bul­letin d’enneigement » jusqu’à « Per­pétuelle, la bien­v­enue » , « la ponc­tu­a­tion a évolué, le chant s’est dévelop­pé : les points d’interrogation se sont raré­fiés (plus que qua­tre). L’acquiescement, dans son affir­ma­tion, se révèle  con­quête à entre­pren­dre car il reste pos­si­ble de se heurter à la nuit »...

Présentation de l’auteur

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Lucien Wasselin

Il a pub­lié une ving­taine de livres (de poésie surtout) dont la moitié en livres d’artistes ou à tirage lim­ité. Présent dans plusieurs antholo­gies, il a été traduit en alle­mand et col­la­bore régulière­ment à plusieurs péri­odiques. Il est mem­bre du comité de rédac­tion de la revue de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Tri­o­let, Faîtes Entr­er L’In­fi­ni, dans laque­lle il a pub­lié plusieurs arti­cles et études con­sacrés à Aragon. A sig­naler son livre écrit en col­lab­o­ra­tion avec Marie Léger, Aragon au Pays des Mines (suivi de 18 arti­cles retrou­vés d’Aragon), au Temps des Ceris­es en 2007. Il est aus­si l’au­teur d’un Ate­lier du Poème : Aragon/La fin et la forme, Recours au Poème éditeurs.