Pierre Warrant, Poèmes

Par |2022-05-06T07:32:02+02:00 2 mai 2022|Catégories : Pierre Warrant, Poèmes|

1.

t’ont-ils con­fié ce qu’ils dis­aient entre eux

ils par­laient de choses
que tu ne pou­vais comprendre
de chemins indécis
de clair­ières trop lointaines

ils recueil­laient des signes sur la table
pour préserv­er l’au­rore et le silence
en s’ar­rê­tant sur une feuille
et tant de nuits penchées à la fenêtre

tu les voy­ais bor­der le ciel de flammes et de pétales
ce n’était pas une parenthèse
rien de tout cela ne leur appartenait
leur tra­vail était ici et fai­sait d’eux des hommes

sinon leurs yeux et leurs poitrines
que garderas-tu de tous ces noms
la cen­dre de la pluie ?
le poids d’une rose qui les vit naître ?

les mots d’une femme tombés de leur visage ?
une trouée une brûlure
le bruit des choses inquiètes
qui s’accomplissent et se prolongent ?

peut-être la mélan­col­ie du vent
quand ils s’en vont un peu plus loin
blessés par la lumière
cour­bés en toi chas­sés d’eux-mêmes ?

 

2.

à l’autre bout de ton silence
je me mêlerai à l’eau de ton visage
au rire de ta présence

j’accrocherai des confidences
aux pier­res posées sur ta patience
à tes joues fraîch­es comme l’enfance

j’écouterai la femme et le ruisseau
la bouche de nos aurores
l’ombre féconde de nos fatigues

ensem­ble

nous laverons nos mains dans la lumière
le vent léger dans les cheveux
l’ivresse ouverte à l’invisible

notre mai­son avec les fleurs
sera offerte aux heures passées
aux rêves d’éternité

aux jours à venir sous le feuillage
je t’écrirai un seul poème
pour approcher ce qu’il dira de toi

et les mots au repos
tomberont plus loin
entre cha­cun de nos espaces

 

3.

l’air vibre
tout chante tout respire
le silence a rejoint
le feuil­lage et le pré

la mémoire creuse l’horizon
le temps nous reconnaît
la fenêtre du regard
trem­ble près du chemin

il y a tant de sourires
dans le bleu de l’instant
tant d’écoute
tant de fleurs

on s’assied à la table
de la lumière
on lâche l’ancre
de nos îles

à recueil­lir le bruit
de l’eau dans la rivière
on pour­rait presque
se bless­er à ce qui passe

on ramasse
des bribes sur la rive
on moissonne
l’invisible de l’eau

on dénoue
les vis­ages perdus
posés pieds nus
sur chaque pierre

où irons nous en solitude
quand le soleil
sera couché
sur notre joie ?

 

4.

la main est pluie
sur le corps des amants
offerte au feu de vivre
livrant le chant du monde

sur elle reposent
les cha­grins de la terre
la pen­sée en mouvement
le désir du soleil dans les arbres

sur elle se glissent
les secrets de chaque voix
la beauté et les sons
aux clartés déchirantes

on la regarde
comme une louange
plongée
dans l’eau de la rivière

et on ne saurait dire
de la riv­ière ou de la main
laque­lle s’en va
laque­lle reste

pour nous offrir
la transparence
la lumière
et la mer.

 

5.

ils par­leraient
dans l’élan indé­cis d’un matin
d’une soif sans remède
où l’âme confuse
se cache auprès des feuilles

pour n’avoir pas dor­mi en vain
pour s’être nour­ris aux étoiles
ils ouvri­raient les mains
aux vis­ages incon­nus du silence
au bruit léger des sources

ils par­leraient
à la splen­deur de ce qui vient
d’une parole libre
plus vaste que le sang
en équili­bre sur le mir­a­cle ou la fatigue

d’être encore là
vivants
pour le rester
dans le frisson
de ce que la langue ignore.

 

6.

ils se demandent

mais que serait la fin de l’été
si elle n’apportait son lot
de sable et de prières

la mer s’en va revient
comble les trous
ramasse les souvenirs

échap­pée du grand large
brûlant des sourires tièdes
ou encore bleus

l’heure veille courbe et creuse
les mots éten­dent sur l’eau calme
une mélodie plus ten­dre qu’une larme

ils se deman­dent encore

serait-ce cela
le pinceau sans lim­ite de la joie
ce manque qui nous reste

ce frag­ile espoir
d’apprendre à naviguer
de ne plus fuir la solitude

cette vague sans promesse
gon­flée aux cris et aux silences
livrant sa soif comme la par­tie d’un Tout.

 

7.

on portera plus loin
la flamme de la nuit
l’eau des rivières
et le silence de chaque peur

à quels printemps
se soumet­tront les certitudes
l’avenir de nos louanges
et cet espace de trop de mots

on mélangera aux fleurs
la terre à bout de souffle
la soumis­sion des morts
les choses muettes qui nous guettent

la joie chauffera
une autre nécessité
la phrase inachevée de ce qui nait
dans le par­fum des mimosas

 

8.

des yeux par­fois ques­tion­nent la douleur
les pro­fils perdus
la ten­dresse trop avide
ce temps qui tue enrage et file
mais sous nos pieds
des bateaux vont et vien­nent encore
l’eau trou­ble vient bat­tre et réveiller nos tempes.

 

9.

tu portes
la source d’un murmure
l’essence d’un paysage
nour­ri au blanc du vent

porterais-tu
à l’étoile claire
l’empreinte
de son errance ?

 

10.

l’air lourd et chaud
remue le bleu
et le chemin

on demeure là
stupé­faits confondus
prenant le risque de la lenteur

on ne sait plus
on s’approche
on pleure doucement
on brûle des vestiges

un affole­ment
une volup­té sublime
un désir de rupture

on doute

on fait silence
on ruse avec le monde
on entre dans la présence

une atten­tion nouvelle
aux gestes aux rencontres
à la matière dont nous sommes faits

on se réconcilie

au vivant en marche
doux rugueux
vis­i­ble ou invisible

on se lave au présent
au temps qui nous relie
nous porte nous emporte

 

 

 

Présentation de l’auteur

Pierre Warrant

  • Belge, né en 1963, Pierre War­rant vit et tra­vaille à Bruxelles.
  • Ingénieur de for­ma­tion et de métier.
  • Poète, pho­tographe et voyageur par passion.
  • Il est mem­bre de l’Asso­ci­a­tion des Écrivains belges de langue française.
  • Ila col­laboré à la revue du Jour­nal des Poètes jusqu’en 2018. 


    Né en 1963, Pierre War­rant vit et tra­vaille à Bruxelles.

    Poète, pho­tographe et voyageur par pas­sion, il pub­lie dans divers­es revues lit­téraires et de poésie depuis 2005 (Recours au poème, Bleu d’encre, L’Arbre à Paroles, Terre à ciel).

    Il a con­tribué aux Antholo­gies « A claires voix »  (Edi­tions de l’Ar­bre à Paroles) en 2013, « La poésie française de Bel­gique / une lec­ture par­mi d’autres » (Edi­tions Recours au Poème) en 2015 et «Tétras Lire 1988–2018: l’An­tholo­gie» (Edi­tions Tétras Lyre) en 2018.

    Il est mem­bre de l’Association des Écrivains belges de langue française et a col­laboré à la revue du Jour­nal des Poètes dont il fut mem­bre du Comité de Rédac­tion jusqu’en 2018.

    Son pre­mier recueil « Alti­tudes » a été pub­lié en 2013 aux édi­tions Tétras Lyre. ​Il a reçu le prix tri­en­nal de poésie Nicole Hous­sa 2015 de l’A­cadémie Royale de Langue et de Lit­téra­ture Française de Belgique. 

    ​Son deux­ième recueil « Con­fi­dences de l’eau » a été pub­lié en 2016  aux édi­tions L’Ar­bre à Paroles. Il a reçu le prix bien­nal de poésie Mau­rice Carême 2017.

    Son troisième recueil « Le temps de l’ar­bre » a été pub­lié en 2020  aux édi­tions du Cygne. 

Bib­li­ogra­phie 

  • Le temps de l’arbre, 2020
    Edi­tions du Cygne

  • Con­fi­dences de l’eau, 2016
    Edi­tions L’Arbre à Paroles 
    Prix Mau­rice Carême 2017. 
  • Alti­tudes, 2013
    Edi­tions Tétras Lyre 
    Prix Nico­las Hous­sa 2015 
    de l’Académie Royale de Langue et de Lit­téra­ture Française de Belgique. 
  • Con­tri­bu­tion aux anthologies 
    • Tétras Lire 1988–2018: l’An­tholo­gie, pub­liée en 2018 aux Edi­tions Tétras Lyre.
    • La poésie Française de Bel­gique, une lec­ture par­mi d’autres, de Yves Namur, pub­liée en 2015 aux Edi­tions Recours au Poème.
    • A claires Voix, pub­liée en 2013 aux Edi­tions l’Arbre à Paroles

  • Pub­li­ca­tions dans divers­es revues de poésie depuis 2005 : Bleu d’Encre, L’Arbre à Paroles, Jour­nal des Poètes, Recours au Poème, Terre à Ciel.

 

 

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Pierre Warrant, Confidences de l’eau

Tu es per­du ce qui encom­bre ne sert pas il n’est de pur que ce que tu es ou pour­rais être écrivait Pierre War­rant dans Alti­tudes ((. Pre­mier recueil du poète, aux édi­tions Tétras […]

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