Pierre Zabalia, Cinq poèmes

1                                                           

alors on prend un poème

pour aller jusqu'à l'horizon,

alors la fin du monde

s'acquitte de mon corps: cette

tiédeur, cette lenteur, on

 

s'y apprivoise, on recommence

et le temps n'est plus cet après-midi

perdu entre ici et toujours mais

une ligne de résonance

piquante et bleue

 

on reste encore dans

l'auberge du néant, dans ce

repos plus souple que le

soleil partout,

 

alors, on se dissout

dans le paysage: on

ne sait plus rien

 

2                                                              

à l’heure atone, dans le déversoir,

à l’heure fumée d’eau, dans

le calme noir, à l’heure- brouillard

de femme, dans ce nulle part

 

déverse sans plus attendre, déverse

sur l’ombre de toi-même, pluie

de mars, pluie dans l’air de mars

dans les ravins de l’âme,

 

dans la poursuite d’un

morceau d’âme – il y a

désir dans le ressac

 

dans le jour abandonné :

c’est une pluie, douleur de personne,

à l’image de l’arbre aux yeux fermés

 

3                                                                                   

Bruissante et tournoyante

la luciole des enfers -

Je ne sais où donner de la tête

dans l'émoi continuel,

je ne sais comment bleuit l'angoisse

dans la forêt d'outre-moi.

 

Je ne sais

à qui parle le jour piquant

de mes entrailles,

je ne sais où

s'enracine ma délivrance, ô

la ténèbre sous ma peau.

 

Bruissante

était la frondaison de l'être – lune.

Qui joue au maître et

qui joue à esclave

dans la pulpe des âmes froissées ?

 

4

Peupliers immobiles

comme le chiendent

de ma désespérance -

 

Peupliers chevillés

à l'hiver et au mots des tendresses :

immense et déglingué,

le chemin des

poésies

luit, il luit le chemin

du jour ancien,

 

le chemin

vertical que

j'emprunte tristement -

 

5                                                                               

Ébouriffé à la pointe du mal,

trébuchant comme

un mal propre

sur une vision – syncope :

j'en viens à radoter

quand se lézarde

mon âme -

 

Y a -t-il

autour de moi

une vision – vision

hermaphrodite, un horizon

noirci, un sérum

terrible et cruellement enfant ?

 

Et la morsure

dans ce qui me tient lieu

de secret et le givre et

l'hyperbole de mon tourment – le

saxifrage perdu de

mon âme.

 

Présentation de l’auteur

Pierre Zabalia

Pierre Zabalia est natif de l’Aude, il vit et travaille en Seine - et - Marne. L’auteur a publié plusieurs textes en revues (Petite, Le jardin d’Essai, Sapriphage, Moebius, Arpa, Lichen, Poésie/première, etc.). Il a fait partie du comité de lecture de la revue Artère. Un recueil de poèmes intitulé Jardin sans fond a été édité aux éditions Caractères. Prochaines publications dans la revue : Traversées. Un roman ayant pour titre J’étais poète de profession est paru en mai 2021 chez 5 sens éditions.

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