Né en 1956, il vit actuellement à Istanbul. Diplômé de Sciences Politiques et Sociales de l’Université Gazi (Ankara), il est docteur en Pédagogie de l’Université Hacettepe. Salih Bolat écrit de la poésie depuis 40 ans et ses poèmes ont été réuni dans une anthologie intitulée « Première neige 1983–2014 » publié en 2016. Il collabore régulièrement à des revues prestigieuses et a obtenu de nombreux prix importants, tel que le Prix Metin Altiok 2015.
Sa poésie d’abord bien ancrée dans les réalités sociales et géographiques de son pays s’est progressivement portée sur des thématiques plus universelles et plus abstraites. « La poésie est un langage à réinventer » dit-il. Salih Bolat est toujours en réflexion sur la nature du poème, c’est pourquoi son écriture poétique peut prendre des formes variées : proches du théâtral, de l’épique ou bien proches du haïku.
La poésie de Salih Bolat se distingue de la création contemporaine turque par sa capacité à porter sa voix de manière très personnelle tout en sachant la rendre universelle. Le poète est toujours hanté par la nécessité de s’expliquer à soi-même et dans le même temps d’expliquer l’Autre. Ses poèmes portent des images fortes avec un langage simple, précis et sonore. Le poète poursuit sans cesse son travail de recherche et de profondeur. Son univers métaphorique part du simple pour exprimer le complexe, il est en cela proche d’un de ses poètes favoris, René Char.
L’image est à la base de sa poétique, « C’est l’esquisse visuelle du sens » dit-il. C’est pourquoi, lors de son processus de création d’images, la nature tient une place importante. Elle représente un réservoir sans fin d’inspiration pour le poète. De ce fait, les émotions ou sentiments exprimés dans ses poèmes possèdent une consistance concrète, une épaisseur donnée par des mots très précis et familiers à tous.
La nuit tient une place particulière dans l’œuvre de Salih Bolat et il en parle d’une manière très belle : « si le jour est la prose, la nuit est poème. Si le jour est une réponse, la nuit est une question. » Alors pour finir, cette courte présentation, voici les derniers vers de son poème intitulé « Nuit » :
de la nuit personne ne connaît le sens.
tout le monde s’ajoute
au temps et pleure.
traduction de Claire Lajus
Choix de poèmes
CRISTAL
tu m’as fait ta lumière
comme un soleil
dans la broussaille de l’été.
je pousse ton cri
les oiseaux qui s’envolent m’étonnent
comment ne mélangent-ils pas leurs ailes
quand la nuit s’éloigne déshabillée
sa veste enflammée de soufre
j’embrasse ton éclair.
un ciel t’appelle à lui
malgré le dégel
quel dieu a façonné pour nous
le même hiver
la densité de l’amour
j’entre dans ton obscurité.
SABLE
je tiens une poignée de sable et
par les tempêtes de fond
éparpillée c’est l’écume
d’un grand poisson
dans les profondeurs
c’est la descente silencieuse
que je tiens dans ma paume
RÊVES
le caillou qui indique le chemin à la nuit
le rayon de lune qui coule dans le sillon du poignard
l’expliquent.
la sécheresse vécue dans la rose
la rosée qui mouille tes doigts mouillés
l’expliquent.
cela :
son absence.
PUNITION
oublie le ciel
sois une obscurité morte solitaire
comme la défaite regardant par la fenêtre des trains de banlieue
regarde comment les mouettes scrutent la mer
éloignes-toi, pars, fonds en elle, décompose-toi
puisque tu n’étais pas là.
rends des comptes au goudron du fond des débris d’un navire
comme un crabe coincé dans les cordages d’un port
prends la mesure du désespoir, fruit de ta solitude
tu sais bien que des feuilles tombent au premier vent
choisis-les, préfères la non-existence
puisque tu n’as rien dit.
observes les fourmis dessinant la carte de la rigueur
cours vers les arbres, supplies les racines
les empreintes de pieds sur le sable, trouves-les, réfléchis
comme un léopard pourchassé
mesure le vide entre toi et la nuit
puisque tu n’as rien vu.
La nuit
elle descend en silence les marches de marbre
derrière le minaret il y a la pleine lune
les arbres sont pleins à craquer de nuages
personne n’en connaît le sens,
des voyageurs oubliés sur la route,
des enfants amassant le bruit des pas,
de la nuit personne ne connaît le sens.
tout le monde s’ajoute
au temps et pleure.
KRİSTAL
ışığından yaptın beni
yaz çalılıklarındaki
güneş gibi.
senin çığlığını atıyorum.
havalanan kuşlara şaşarım
nasıl karıştırmazlar kanatlarını
gecenin ceketini tutuştururken
bir kav, soyunup giden.
senin şimşeğini öpüyorum.
bir gök seni kendine çağırıyor
hangi tanrının bizim için tasarladığı
aşkın yoğunluğuyla aynı kışta
karın çekip gitmesine rağmen.
senin karanlığına giriyorum.
KUM
bir avuç kumu tutuyorum ya
dip fırtınalarını
savrulan yosunu
büyük bir balığın
derinlere sessizce inişini
tutuyorum avcumdu.
DÜŞLER
geceye yol gösteren çakıltaşı
hançerin oluğunda akan ayışığı
bunu anlatıyor.
gülde yaşanan kuraklık
parmaklarını ıslatan çiy
bunu anlatıyor.
bunu:
yokluğu.
CEZA
göğü unut
tek başına ölmüş bir karanlık ol
banliyö trenlerinin camından bakan yenilgi gibi
bak, denizi nasıl denetliyor martılar
uzaklaşıp git, kendinde eri, çözül
değil mi ki orda yoktun.
gemi enkazlarının dibindeki katranla hesaplaş
limandaki halatların arasına sıkışmış yengeç gibi
çaresizliği incele, bir sonuca var yalnızlığından
hani ilk rüzgarla düşen yapraklar vardır
onlara oy ver, yaşamıyor olmayı seç
değil mi ki söylemedin.
çalışkanlığın haritasını çizen karıncaları gözet
ağaçlara koş, köklere yalvar
kiminse kumdaki ayak izleri, onu bul, tartuş
takip edilen bir pars gibi
geceyle arandaki boşluğu ölç
değil mi ki göremedin.
GECE
sesizce iniyor mermer merdivenler
dolunay var minarenin arkasında
tıka basa bulut dolu ağaçlar
ne anlama geldiğini kimse bilmiyor bunun
yol üstünde unutulmuş yolculukların,
ayak seslerini biriktiren çocukların,
gecenin ne anlama geldiğini kimse bilmiyor.
zamana ekliyor kendini
herkes, ağlıyor.
V.
En partant n’oublie pas le chagrin de la porte que tu refermes. Ni le silence de tes fenêtres te fixant quand tu t’éloignes de la maison. Réfléchis encore une fois, as-tu tout pris ? Le passé des narcisses fanés dans le vase, la curiosité du balcon s’allongeant sur la rue, le chagrin des deux tourterelles auxquelles tu as omis de donner du blé, l’effort de ton chausson à l’envers dans le soleil tombant au coin du tapis, le désespoir de ton coupe-ongle laissé ouvert devant ton miroir, le matin la déception de la confiture aux coings laissée intacte au petit-déjeuner, l’obscurité d’yves bonnefoy dans ses poèmes…
C’est vrai, on oublie forcément quelque chose en partant. Par exemple devant un « au revoir »le mot qu’on avait pensé ajouter, la pomme sortie de la corbeille pour manger en route, la chanson murmurée du soir à aujourd’hui…
Qu’avait dit rené char : « le fruit est aveugle, c’est l’arbre le voyant ». En partant oublie le nom de la ville que tu quittes. Jamais son souvenir !
V.
Yola çıkarken kapattığın kapının kederini unutma. Evden uzaklaşırken, arkandan bakakalan pencerelerin sessizliğini de. Tekrar düşün, her şeyi aldın mı yanına? Vazodaki kurumuş nergislerin geçmişini, sokağa uzanmış balkonun merakını, buğday vermeyi unuttuğun iki kumrunun hüznünü, halının ucuna düşen güneşte ters dönmüş terliğin çabasını, aynanın önünde açık bırakılmış tırnak makasının çaresizliğini, sabah kahvaltısında hiç dokunulmamış ayva reçeli tabağının düşkırıklığını,yves bonnefoy’nun şiirlerindeki karanlığı…
Doğru, insan yola çıkarken mutlaka bir şeyleri unutur. Örneğin “hoşçakal” sözcüğünün önüne eklemeyi tasarladığı sözcüğü, yolda yemek için sepetten aldığı elmayı, akşamdan buyana mırıldandığı şarkıyı…
Ne demişti rene char: “meyve kördür, ağaçtır gören.” yola çıkarken ayrıldığın kentin adını unut. anısını asla!
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