Poèmes

Par | 16 février 2017|Catégories : Blog|

 (tra­duc­tion : Agniesz­ka Malinowska)

 

 

 

 

 

Débuts

 

 

 

 

Cela com­mence par des nœuds de rubans d’azur du genre:
sois mince. Cela com­mence par des écharpes de couleur

du type: garde la forme. Puis cela ne va
que de mal en pis. Sueur, sang et larmes. Let­tres du front et, ô, ma

bien-aimée. Patrie, mort pour la patrie et ain­si de suite.
Donc tu cours. Tu avales tous ces débuts,

tu bois de l’eau. Tu pos­es sur la langue tous ces
débuts et bois de l’eau. Quitte enfin l’uniforme.

Accélère, ralen­tis, dévie du chemin pris.
Com­prends enfin que tu ne fais la course qu’avec toi-même.

 

 

 

 

 

Le vide

 

 

 

Il paraît que dans la per­spec­tive de la physique nous sommes complètement
trans­par­ents. Et il y a en nous plus de vide que de matière.

C’est assez amu­sant. Le vide imag­ine le vide.
Le vide va au mag­a­sin et demande trois kilos de vide.

Et ensuite se vide du vide. Le plus drôle
est le fait qu’après tout c’est un pur matéri­al­isme, zéro

d’esprit. Mais de quoi par­lions-nous? Ah,
je sais. Quelqu’un a‑t-il vu mon verre?

 

 

 

 

 

Fenêtre

 

 

 

Quant aux étoiles, en effet, j’aime les observer.
Surtout après une journée comme celle-ci. Après une journée

chif­fon­née, comme un jour­nal frois­sé. Une fenêtre immense,
grande ouverte, me restitue à la matière.

Dans les reg­istres bleus on ne trou­vera pas de place
pour la querelle de ce jour dans un office ni pour une grandissante

aver­sion pour son pro­pre reflet dans la glace. Le journal
se défroisse et se réduit à un point. Des mil­liers de points

blancs en tant que preuve de l’inutilité des actes
humains, écrire une telle dis­ser­ta­tion. Ou alors: Le mutisme

du ciel, ain­si que les avan­tages en découlant pour les plus
et les moins mal­heureux habi­tants de la planète.

 

 

 

 

 

Langues étrangères

 

 

 

Nos par­ents par­lent le russe, nous – l’anglais,
et nos enfants? Je parie qu’ils apprendront

le chi­nois. Rien d’étonnant à ce que nous ne pouvons
nous com­pren­dre. Même Marx ne prévit pas que les choses

prendraient une telle tour­nure. Sans par­ler de Nietzsche
ou de Freud. Si l’on vient à par­ler d’eux, les choses

évi­dentes me parais­sent les plus suspectes.
Par exem­ple l’association de l’acte d’écriture de poèmes

à la poésie. Ou du hurlement de slo­gans nationaux
— au patri­o­tisme. Mais ce sont des détails.

Le plus beau est le moment où nous nous tenons debout devant
nous-mêmes et con­tre toute attente nous savons nous entendre.

 

 

 

 

 

Pre­mier poème sur l’amour

 

 

 

Je nique les rues qu’essaient de s’approprier
les pro­mo­teurs bavants et les employés écervelés.

Je nique les copains qui s’annonçaient
être copains et qui m’exclurent ensuite de la copinerie.

Je nique les étagères dans mon petit apparte­ment qui
plient sous le poids de théories inutiles.

Je nique les solvants du sens et autres détergents
qui détour­nent l’attention des choses importantes.

Je nique les idiots qui savent tout
sur chaque sujet, et les rou­blards au nez retroussé.

Je nique les let­tres de moti­va­tion dans lesquelles je vendais
mon temps car il ne faut pas ven­dre le temps.

Je nique les gross­es boîtes qui me niquent à chaque
pas, même quand je nique et quand je meurs.

Je nique l’église qui nique des enfants, bénit
des chars et pille la terre, cette terre.

Je nique les philosophes qui créèrent Dieu et tuèrent
Dieu car le pou­voir d’un homme sur les hommes est infini.

Je nique l’amour des gros et pesants romans d’amour
car le vrai amour fonce dans tous les sens.

Quoi encore ? J’aime et il m’arrive d’être insupportable.
Mais avant tout j’aime.

 

 

 

 

 

 

Empire du milieu

 

 

 

Quand on fit déjà le tour de toute la ville, on peut tranquillement
faire demi-tour. C’est-à-dire arrêter de bête­ment regarder autour de soi

et enfin observ­er l’étiquette de cette belle
soirée. Met­tre le décor à l’envers.

Chi­nois est le bis­cuit et chi­nois est le cartable.
Les soupes et les jou­ets. Penses‑y, tout est chi­nois !

Chi­noise est la police. Et l’art de la censure.
Chi­nois­es sont les croix aus­si. Et chi­noise est la Pologne.

Et alors? La soirée est apprivoisée. La forme? Sûre­ment pas
une épi­gramme. Ce n’est que main­tenant que la route s’agrandit vraiment.

 

 

 

 

 

Niekłańs­ka

 

 

 

Rue Niekłańs­ka habitait jadis un sculpteur.
Celui de Qua­tre Dor­mants et de la Stat­ue de la Gratitude.

Il mou­rut, mais sa mai­son se mit à vivre sa pro­pre vie.
Tout d’abord, y résidaient des sculp­tures. Il paraît

qu’elles appa­rais­saient dans le jardin encore longtemps après la mort
de l’artiste. Le jour, elles som­meil­laient. La nuit, elles sortaient

dans le quarti­er Sas­ka Kępa. Et elles effrayaient. Elles chan­taient d’un homme fou
qui tua avec une hache toute sa famille.

Et puis, elles lançaient sur les pas­sants des canettes
de bière et des préser­vat­ifs. Rien d’étonnant

à ce que quelqu’un finit par ordon­ner de démolir la mai­son. Maintenant
y est érigé un bâti­ment mod­erne, un immeu­ble de bureaux ou

une rési­dence.  Ses murs sont blancs comme un os.
Et on ne sait pas à quoi on peut s’attendre de lui.

 

 

 

 

 

Je m’arrête

 

 

 

Je m’arrête. Un quarti­er étranger me regarde
indif­férem­ment. D’autres que moi imag­inèrent ici

on ne sait pas quoi. Un kiosquaire lutte contre
son cade­nas et sa cig­a­rette. Une fleuriste vide

dans la rue un seau d’eau. Et alors c’est tout?
C’est tout. Je ne dois vrai­ment plus rien. 

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Poèmes

Par | 23 novembre 2016|Catégories : Blog|

tra­duc­tion : Colette Salem

 

 

Ils étaient par­fois Caïn
Et par­fois Abel. Eux-mêmes
Ne s’y recon­nais­saient plus.

Alors le bon Dieu se sourit in pet­to
Et les mer­les picorèrent leurs mains
Au repos sous l’arbre de la connaissance.
Com­ment pou­vaient-ils les connaître

Si Caïn met­tait les mains de Jacob
Et Abel – la voix d’Esaü [1] ?
Quand je les rencontrai,

Je ne sus, moi non plus,
Les dis­tinguer à l’ombre du miroir, à mon image.

 

 

 

***

 

 

 

Ta douce voix me tra­verse telle
Une moelle épinière, et sou­tient le monde.
C’est vrai, les Titans cog­nent encore dans ma paume
Mais je me gomme
Pour te les cacher,

Ain­si que ma plainte con­tre le monde,
Afin que l’écume de mon vécu n’arrive jusqu’à toi.
L’arbre du désar­roi me sépare de toi,
Et que je sois ta mère.

Cela je l’enfouis dans le casi­er débor­dant de mon cœur.
S’il ne tenait qu’à moi, monts et collines s’araseraient
Devant toi et les tem­pêtes fuiraient
Se cacher dans une bouteille.

Certes j’épands mon amour à tes pieds.
De toute façon il pèse sur tes jours
Comme la valise d’un immigrant.

 

 

 

***

 

 

 

Le mur du parc est détruit.
Entre échec et oubli survint le gel,
Glaçant cœur et pétales translu­cides des crocus.

Cette énigme-là
Par-delà la porte de verre, doit-elle être apprise,
Et le chat géant
Est-il  apparu ce matin en émissaire

Pour annon­cer que tout est fable,
Que la douleur n’est que fable de la douleur,
Que le parc doit aimer la leçon
Et la servir ?

 

 

 

***

 

 

 

Le jardin silen­cieux enclot le secret de la pluie.
Comme en amour, il s’en imprègne tout entier.
Dif­fi­cile de devin­er l’été au cœur de l’hiver,
Et l’incertitude des branch­es aveu­gles à mon souffle
Chaud sous les paupières des feuilles.

Les bour­geons enroulés en boucles
Repren­nent par moi leurs formes, sans effroi,
Et s’ouvrent à ce qui vient.
‘Suis-je un lieu ?’ demande le jardin,
‘Der­rière l’été, l’hiver ?

 

 

 

 

[1] Genèse 27 : 22–23

Jacob s’approcha d’Isaac, son père, qui le tâta et dit : ‘cette voix, c’est la voix de Jacob, mais ces mains sont les mains d’Esaü’

 

 

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Poèmes

Par | 1 octobre 2016|Catégories : Blog|

Toi

 

Toi qui man­ques au jour comme la nuit au monde
Guet­tant son repos sous la lampe
Toi dont les yeux marchent au repaire
Humant le seuil de chaque vent
Toi qui effeuilles demain de tes doigts détachés
Véri­fies et cales le sillage
Toi qui n’es pas, que j’invente
Mon com­pagnon rendu
Mon épaule promise.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Palmyre

 

 

 

Dans l’atelier presque nu
Le jeune mécani­cien inven­ta la pièce
Et disparut
Pous­sant un pneu
Comme on dis­trait un cœur lourd
Par les rues larges à digér­er une prison.

Au mur de l’oasis
Il faut être bien espiè­gle pour passer
Ou l’enfant comme l’eau façon­nant son chemin.

Les hommes
Seuls
Talons agiles
Abri­tent dans leurs manch­es le savoir bruni.
Ils peu­vent le soir lever la tête
Vers les mains des arbres s’offrant le dernier soleil.

Là-bas, les ruines sont de nos rêves faites, debout.
Par leurs pores la terre roule sa fierté de nous porter encore.

La brute ignore
Qu’en explosant
Le sourire des siè­cles rejoint la lune énorme
Qui tient les comptes.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Amour

 

 

 

Tu es le larmi­er de toutes mes façades
Viens, abri­tons-nous si seuls
L’orage attein­dra à temps la croupe de nos rires
et le revers de nos joues.
Sur la tienne je pose ma main, ligne de basse
qui soutire à tes questions
leurs torsades
qui sème dans tes yeux
leurs altérations.

Je vois que tu te pench­es sur ce tableau con­nu en y cher­chant ce qui te fait trembler.
Ecoute der­rière la pièce d’eau le passe-pied masqué et la grive qui l’espionne. Martèle encore un peu l’image et tes yeux riront eux aussi.
Sur la grève pour Cythère on se hâte, mais s’il fal­lait rester ? Pour suiv­re d’un doigt brûlant la courbe où au cal­en­dri­er tu mêlas les feuilles pleines, les fruits ramassés, les bar­ques soudaines et nos bras délicieux.

La bour­rasque promise fait sourire les fenêtres. Je t’offre nos épaules au vent, péné­trant l’espace de gammes en ser­ments. Je t’offre la croisée ouverte sur le mur chaud où s’impriment, la veille en applique, l’appui de demain, l’impossible toujours.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Mon garçon

 

 

A mes fils

 

 

 

Mon frêle et gracile.
Mon garçon
Mon petit miel qui rit

Ma lec­ture innée
Mon som­meil de moissons
Mes sil­lons résumés
Mon para­sol en bonds.

Je fais le ser­ment rose de faire se lever le soleil comme tu le veux : et tu tien­dras ma main.
Je fais le ser­ment roux de ne jamais m’incliner en bar­rière : et tu lâcheras ma main.

Je veux être la mousse des forêts reculées, douce à ton pas curieux et nu de ter­reurs résidu­elles et puissantes.

Je veux être la brume qui s’étiole à la proue de tes départs, par­fumant tes doutes de la sève du retour entier.

Je veux être la join­ture blanche de tes poings au haut des boule­vards où d’autres vont en pente, lorsqu’il fau­dra trou­ver la maille par où commencer.

Je veux être, aux soirs des soli­tudes qui ne man­queront pas, la paroi qui t’investit d’un miroir prometteur.

Je veux être le fil­igrane dont tu dis­pos­es et que tu emportes partout.

Je veux que tu n’égares pas l’enfant lorsque sonne la fin des récréa­tions ; que, les pieds empêtrés dans le cartable du devoir, tu ravales les rages aux avenirs inutiles, que tu tiennes le regard hors des grilles, visant demain et son corps de danseuse.

Je veux que tu arraches à l’aube qui enfante

La promesse de ton dû et ta consécration

Que tu forges ton été sans mesur­er ton pas

Que ton enver­gure pais­i­ble résolve l’horizon.

Je veux que de tout cela tu me sach­es effacée.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Aux virages des banlieues
les talus laissent
flot­ter les mer­cre­dis verts et les herbes perdues.

Les chemins s’en­ga­gent comme des faits divers
entre les pis­senl­its d’or et les pentes qui reviennent.
Le train s’an­nonçant comme s’il allait très loin
peine à con­va­in­cre la courbe qu’elle doit se détacher. 

Il y a des pères et leurs enfants, qui marchent.
Des soupi­raux sen­tent la lessive.
On aimerait que cela suffise.
Des nuages sont fron­cés, plus loin. 

Il va fal­loir par­tir, sans formulaire,
Empoign­er dans le courage du vent
la rumeur morne et les corps identiques
Pour ten­ter quelque chose qui aurait
Pur, mathématique,
la sur­face argen­tée d’un arbre réussi. 

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Pour ma fille

 

 

 

 

 

L’arpège con­tinu des temps jusqu’ à toi
Lance sa main dans l’air
A l’heure sans hier
Juste l’ombre jeune au volet replié.

Il faut laiss­er entr­er le soleil dans les maisons
Qu’il caresse les oiseaux posés là.

Tu sais, ou tu appren­dras, sur ta tige penchée, que les haut­bois des attentes
Ver­nis épuisants, marchent par gradins sur les mélancolies.
Tu en résumeras le seuil en un seul pas qui claque
Et cela sera : une gui­tare, son chemin
L’herbe aux lèvres et le sourire aux dents.

Epouse des pétales du vent
Tu ouvri­ras les vannes et les miroirs qui grondent
Tes cheveux orneront la nuit et l’orbe blanc
Sans frein ta courbe rejoin­dra le ruis­seau grisé
Et tes cils en coulisse.

Affolée peut-être de tout ce qui ne vien­dra pas
Tu vibr­eras comme la corde au manche

Et tu calmeras le cœur, fléchette et trésor,
Qu’il laisse
La dernière note mourir.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Rebours

 

 

 

La nuit ferme ses lèvres
Sur la coupe lais­sée par le dernier dormeur.
Par un piédestal dérobé nous fuyons son front
Les ères advenues
Celles qui ne com­menceront pas.

Des étoiles jumelles cri­ent à l’horizon
Se décli­nent savantes
Bien que per­cées sur le calque des vœux.

Si la voûte signait
Nous nous range­ri­ons aux couleurs qu’elle verse
Les feuil­lages enfleraient en un secret de fruits
Et sur les ponts la musique naîtrait
Comme l’honneur de l’aube au matin inédit.

Mais il faut peser l’illusion
Glisse la mécanique
Sans son­ner se décale d’un cran
Ô par­tir mais où
Menteur, l’arrière-pays n’a gardé
Qu’une griffe seule accroupie et buvant
Le mince filet qu’on lui avait confié.

Cette sente mène aux racines maigres
Où l’homme raréfié
Grig­note sa chaleur comme un bis­cuit de pirate.
Ni l’enclume ni la roue ne récla­ment leur dû.
La main qui se lance ne retombera pas.

Au cœur des antres, sous les val­lées, gisent des let­tres, en tas.

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Poèmes

Par | 1 octobre 2016|Catégories : Blog|

 

Demain

 

 

 

Que vive la beauté
et la fraîcheur instruite
de ces mystères
ces larges feuil­lages brillants
aux grands vis­ages ouverts
doux de sourires aux fleurs
de tilleul en inno­cences parfumées

demain aux heures du soleil ardent
nous revien­drons ici plaider notre cause
juste et entendue :
le par­fum d’été mon­tant de la terre
et envahissant toutes ses frontières
et tous les détours de nos cœurs avides
encore pris­on­niers et réfléchissant
leur libération
venue dans les forces
du print­emps porté
au solstice

atten­dre la lumière
qui revient encore
et bénir les jours
illimités
où la pléni­tude de l’âge
berce le chant de la naissance

les voix
vives couleurs
des enfants
dis­per­sées dépareillées
leur cri unique et constitué
joie
appel immense

la nature folle
toute de joie et de soupirs
vient bat­tre près de nos cœurs

la pluie sere­ine des longs espaces
et des grands jours
aux bains de clarté
aux églantines
aux clématites
aux graminées

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Soir imprévis­i­ble

 

 

 

astre des forêts et des nuits
belle âme de la lune
pâle et pur objet
blond lancé dans le noir
toi que voici grande
au-dessus du monde

une prairie aveuglante
de chants d’insectes

le bord de mer avec toi
mon amour
et les galets lavés
les coquillages
rester au bord longtemps
où l’eau s’éloigne lente
là rester avec toi

que font ces voyageurs
au bord des voies ferrées
ces lam­pes allumées
sur les routes
qu’est-ce que nous atten­dons tous
nous atten­dons ce mys­térieux amour
ce secret de l’impatience tue
de la ques­tion retenue
poussée par l’audace qui se contient
et se réjouit de deviner
l’imprévisible
et de l’espoir
de pour­suiv­re au soir
la couse des grands fleuves
et les eaux en miroirs
des soleils couchants

volons
les envolées volantes
des feuilles rouges
pour mon cœur
qui vole avec vous
là-bas où l’on danse
au pré vert
secoué
des piétinements
des talons joyeux
de danseurs ailés

d’avoir
vécu là-bas
fûmes nous aussi
rem­plis des torrents
des rocs des lacs des glaces
des pier­res roulées
et des ardentes intempéries
de la montagne

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Poèmes

Par | 11 juillet 2016|Catégories : Blog|

1 – Anaphore ceps (extrait de “rats taupiers”, édi­tions des Van­neaux, 2016)

 

 

 

Ce n’est pas parce que
je t’aime que je ploie
Ce n’est pas parce que
je te par­le que je te dis
Ce n’est pas parce que
je t’écris que tu me lies
Ce n’est pas parce que
j’ai fui que la course est finie
Ce n’est pas parce que
tu es beau que je veux te ressembler
Ce n’est pas parce que
tu n’es plus là que je ne t’attends plus.
Ce n’est pas parce que
tu n’es plus là que je t’aimerai toujours
Ce n’est pas parce que
tu n’es pas recon­nu que je ne te vois pas
Ce n’est pas parce que
tu n’es plus le sourire que je veux pleurer
Ce n’est pas parce que
l’avenir s’est ouvert que je veux te refermer
Ce n’est pas parce que
tu es squelette que je ne suis plus de ta chair
Ce n’est pas parce que
le vent est tombé que tu n’es plus bourrasque
Ce n’est pas parce que 
tu te tais à jamais que je ne peux plus te parler
Ce n’est pas parce que
le regret est prég­nant que je te trou­ve poignant
Ce n’est pas parce que
tu es oublié de tous que je ne me sou­viens pas
Ce n’est pas parce que
les images sont per­dues qu’elles n’existent pas
Ce n’est pas parce que
le chemin fut caill­ou­teux que je te veux heureux
Ce n’est pas parce que
je fume que tu dois arrêter de tir­er sur tes sèches
Ce n’est pas parce que
ta tombe est som­bre que tu n’es plus ma lumière
Ce n’est pas parce qu’
elle ne t’a plus sup­plié qu’elle ne t’a jamais aimé
Ce n’est pas parce que
je n’ai jamais su dire que je ne te sauverais jamais
Ce n’est pas parce que
la vio­lence de ta fuite est loin­taine qu’elle est oubliée
Ce n’est pas parce que
ton âge est un butoir que je ne t’espère pas chaque soir
Ce n’est pas parce que
tout le monde dit que tu ne revien­dras pas que j’y crois
Ce n’est pas parce que
tes yeux sont plongés dans le noir que tu ne me voies pas
Ce n’est pas parce que
le souf­fre ne s’enflamme plus que mes yeux ne piquent plus
Ce n’est pas parce que
je viens vers toi trop tard qu’il est trop tôt pour que tu reviennes
Ce n’est pas parce que
je gronde le dedans d’être en mélasse que je ne vis pas tes meilleures heures
Ce n’est pas parce que
les rats taupiers ont eu ta peau fanée que je ne met­trai plus la main dans le seau

 

 

 

 

 

2 – Jour d’ogresse en ciel bas

 

 

 

Je ne me résous pas à tir­er les rideaux, pas plus qu’à baiss­er le volet automa­tique qui n’est plus vrai­ment automa­tique depuis qu’au print­emps, il s’est blo­qué me lais­sant par une journée ensoleil­lée dans le noir total. J’ai réus­si à le remon­ter à force de pres­sion sur l’interrupteur, celui du haut, celui du bas, à tri­t­ur­er les pul­sions élec­triques pour qu’il se lève à nou­veau et laisse entr­er le jour. Depuis, il est relevé, jour et nuit, lais­sant la fenêtre ouverte au soleil, aux nuages, aux vents en bour­rasque et à la pluie qui gifle la vitre.

Des gifles gross­es comme aujourd’hui, jour d’ogresse en ciel bas. La mer ne se démonte pas, elle aboie et crache son eau en gros mol­lards clairs. Chaque vague se ramasse sous son petit nuage, le fait grossir et main­tenant, il se la pète en éclair, fier comme un cumu­lonim­bus. Fis­sure dans le temps, la foudre et l’obscur se roulent des pelles juste devant ma fenêtre et dans un gris mousseux, s’enroulent jusqu’à pâmoi­son. Ils vont finir par s’éclater et touch­er le sep­tième sans aucun autre ascenseur que ma joie à les regarder s’ébattre.

L’eau de leurs galipettes pénètre sous le seuil. La fenêtre tran­spire la sueur de leur bagatelle et vient jusqu’à mes pieds souiller le tapis du salon. J’ai l’orteil humide et l’oeil aux aguets, petit voyeur de ciel. Ciel qui se cache, s’apaise un instant comme pour me dire : « Regarde ce que je te pré­pare. Fais péter l’œilleton, je t’envoies du Ciné­mas­cope ». Et ça repart en grand coït, ça sec­oue le dedans, bouche col­lée à la vit­re et corps-à-corps céleste.

Je ne me résous pas à tir­er les rideaux. Le volet est grip­pé. Je n’ai pas assez d’huile de coude pour le répar­er et j’aime beau­coup trop que les amoureux se glis­sent en limon dans mon salon.

 

 

 

 

 

3 – J’ai

 

 

 

J’ai. Moi. J’ai. Dans la bouche ce jet, cet entre­filet à sif­fler. J’ai. Dans l’intention, dans l’expression ce qui est moi. Moi et ma colère douce, ma colère et moi brute. La rue en exutoire.

J’ai. Moi. J’ai. Comme le joueur de rug­by qui aver­tit l’équipe qu’il va attrap­er la balle en train de tomber. J’ai ! J’ai ! Dans un grand cri, un grand saut. Le regard, la tra­jec­toire. Le joueur sait. Je sais aus­si. J’ai. Je vais la chop­er. Elle est à moi. La balle qui tombe. La vie qui chute.

J’ai. Moi. J’ai. Cette vista. La vista de la vie ici-bas. J’ai sur la bouche ce « J’ai ». Tou­jours. Ce petit pince­ment de lèvres, yeux plis­sés et nez furet. J’ai. Suis prête à pester de tout, même à crier des mots doux. J’ai. De l’amour plein les joues qui ne demande qu’à gron­der la rue et met­tre le monde à genoux.

J’ai. Moi. J’ai. Le savoir de chez moi. Ce qui est bien, ce qui est mal. J’ai tou­jours un « putain » pour finir mes phras­es. L’injure aimable et le cœur frag­ile. J’ai. Le pas­sant comme ami, a pri­ori. Mais méfie ! Le poing sur les hanch­es, l’oeil qui cause et la répar­tie aver­tie. J’ai. Ma rue et le verbe haut. J’ai. Mon ici béant.

J’ai. Moi. J’ai. Là, là au creux de mon corps, la grâce des mor­dus. C’est moi qui ai, qui suis, qui sais et c’est moi qui aime. Point.

 

 

 

 

 

4 – Par le hublot

 

 

 

Déplace­ment de l’intime, dans le tam­bour, remuent mes peaux tex­tiles. Elles jouent dans l’eau savon­neuse, font des bulles, s’enroulent entre elles. Unique endroit où elles se côtoient, se mélan­gent. Par le hublot, je les vois. Etrange lucarne vit­rée, néces­sité absurde de dis­tinguer le blanc du noir, les couleurs déli­cates des irré­ductibles syn­thé­tiques. Dans cet œil con­cave à effet loupe, elles tour­nent en macro. Je me sur­prends à sur­veiller leurs folles cul­butes comme si elles allaient disparaître.

Très vite, les rayures col­orées du caleçon l’emportent sur le pâle des autres ori­peaux. Elles filent autour des chif­fons, se mêlent à la toile bleu fon­cé des pan­talons, remon­tent des manch­es, descen­dent des cols de chemis­es. Et dans l’élan les stries accélèrent et quelques chaus­settes déjà orphe­lines s’accrochent dés­espérées à l’élastique. Le tam­bour bour­donne, claque et le baquet décroche une salve de lessive, l’émulsion est totale, mousseuse solu­tion qui sub­merge les rayures de mes chauss­es. Dans le hublot, un nuage bouil­lon­nant. La cav­al­cade con­tin­ue, un bal­lot­tage à droite puis à gauche et c’est le retour au calme : l’eau se change, évac­ue l’écume blanche, et mon roi caleçon réap­pa­raît rasséréné par sa douche.

Eau claire et douce, puis la machine à nou­veau s’emballe, encore plus vite. Les cir­con­vo­lu­tions autour du hublot se font immatérielles. Essor­age. La force cen­trifuge creuse un trou dans l’œil et pro­jette vio­lem­ment mes loques sur les parois. La vitesse est telle que je crois mon linge à jamais per­du, dis­lo­qué dans un grand vor­tex mais soudain, la rota­tion cesse dans un dernier bat­te­ment sec. Quelques sec­on­des d’une mobil­ité soûle où les plus légers titubent sur les plus lourds et puis, le silence…

La lessive est ter­minée. J’ouvre le hublot sur la chaude toupie et récupère mes peaux affolées. Je ne les recon­nais plus. Elles sont toutes racornies dans un amas com­pact, un corps dégin­gandé qu’il fau­dra sépar­er puis éten­dre, faire séch­er et enfin ranger par affinités.

 

 

 

 

 

5 – Quoique

 

 

 

- Ne te ren­frogne pas, ne fais pas la moue, pau­vre baltringue.
Ce n’est pas ta peau en car­ton pat­te qu’on veut.

Quoique. On en ferait bien des rouleaux de print­emps arabe.

C’est nos ori­peaux, seule couche avant la mort, que l’on veut sauver.

- Ne hausse pas le men­ton comme ça, ne fais pas le malin, grand manipulateur.
Ce n’est pas ton ren­frogne­ment hau­tain qui nous excède.

Quoique. On te ferait bien bouf­fer ton arro­gance assaison­née à l’insurgé.

C’est de nos fiertés dont il s’agit, de nos futures délivrances à culbuter.

- Ne plie pas, non pas de suite, ne fais pas le lâche, bâche d’abord, mâche notre révolte, sale saigneur.
Ce n’est pas ta puis­sance ou ton argent que l’on lance en épou­van­tail à la vendetta.

Quoique. On te planterait bien au milieu d’un champ de blé sec, pain dur et eau croupie.

C’est du souf­fre qui grouille dans ton pan­tin. L’allumette n’en peut plus de frôler le grattoir.

- Ne te cache pas, ne fais pas l’autruche, grand menteur au tarin enflé.
Ce n’est pas ta stature, ta suff­i­sance, ton pou­voir qui nous font bat­tre pavé.

Quoique. On passerait bien au tamis tes pâtés de tyran­nie pour gliss­er ton cou au plus fin des maillages.

C’est la rue qui te hurle et veut te piquer ton nez entre ses trot­toirs,  gros clown dégingandé.

- Ne nous pousse pas plus loin, ne réprime plus nos rêves, soli­taire dictateur.
Ce n’est pas toi qui nous révoltes, nous démontes ou nous sors de nos gonds.

Quoique. On t’engoncerait bien dans ton palais, ser­ré dans tes dorures en poignards acérés.

C’est de l’oppression sous nos masques qui nous ronge dans le dedans du dedans.

- Tu vois. Tu ne com­prends rien.

 

 

 

 

 

6 – Moi la poésie, je ne sais ce que c’est

 

 

 

Moi la poésie, je ne sais pas ce que c’est. Si c’est de l’offrande à mon esprit ou si elle est conçue pour me gar­nir le cœur. Elle est là, c’est tout. En plein dans ma vie, une présence qui vient chaque matin dans mes yeux s’invertir. Inver­tir car elle dénonce le reste. Ce reste qui pol­lue, ce reste qui pleut sur les joues et grêle les intestins. Ça tord dans le dedans et la poésie est le remède à cette inéqua­tion que c’est que d’exister.

Moi la poésie, je ne sais pas ce que c’est. Je n’ai pas les bras pour la porter, ni l’intellect pour la juger. Je ne suis pas un puriste, ni un frimeur de la rime. La scan­sion n’est pas atten­tion mais musique qui me meut. Je prends du Char ou du Miron au petit-déje­uner, du Malek Had­dad entre les dents pour le goûter, les trempe dans le café sans les leur­rer et j’ai le goût sucré des mots pour la journée. Elle me rend suff­isam­ment exis­tant et ani­mé pour aimer la vie.

Moi la poésie, je ne sais pas ce que c’est. Elle tra­verse les inter­stices, se colle à mes synaps­es pour faire danser quelques renon­cules en bulles dans mon cerveau. Le corps fleuri comme un gardé­nia au print­emps, je prends la journée dans un sourire ou dans un fra­cas. Car du sourire se tire le beau à affich­er et dans le chaos d’un Char ou la noirceur d’un Ches­sex, se crée le décalage entre l’être vivant que je suis et celui que je voudrais être mort. Elle porte mon vis­age haut de la douleur en héritage comme de la beauté des sauts de mots légers.

Moi la poésie, je ne sais pas ce que c’est. Elle me le rend bien. Elle ne sait pas qui je suis. Je ne suis qu’une paire d’yeux posée sur elle, une atten­tion à la faire vivre. Elle, ne me voit pas. Rien de moi n’est poésie. Tout à faire pour le devenir. Je ne suis pas poète, elle le sait bien, elle qui tient en peu de vers toute la ten­sion de mon corps et du monde qui le porte.

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Poèmes

Par | 11 juillet 2016|Catégories : Blog|

GRAFFITI

 

 

 

la porte a le bleu des autans

la révo­lu­tion que l’on croit une

y cause un latin étonnant

le chat y a per­du les dents

 

les fleurs s’y comptent une à une

vierge folle n’y voit goutte

la grue nav­igue en avant toute

le soleil a mangé la lune.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

PIC EPEICHE

 

 

 

 

 

Il n’était pas accroché au tronc de l’arbre

il ne marte­lait pas l’écorce.

Il se bal­ançait superbe et gauche
aux branch­es d’un saule pleureur

dont il béco­tait les feuilles. C’est cette année

que les oiseaux sont revenus

 

après plusieurs années d’absence. Nous avions pen­sé l’une et l’autre

« insec­ti­cides ». Je me suis jetée sur le téléphone

 

pour l’annoncer à ta sœur. C’est elle qui m’a dit « pic épeiche ».

Tu aurais dit de même. Mais tu n’y étais plus.

 

Brux­elles, mai 2015

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Monde immonde

c’est un fait

mais pas ques­tion de s’en aller.

La grande plongée vers l’intérieur.
Cha­tons, plaque de bronze multimillénaire, 
rue de la bienveillance.

La rue de la bienveillance

pour­rait aus­si bien être une île,

un quarti­er, un vil­lage, une planète.

 

Tout le monde serait bienveillant

en ce qu’il aurait con­fi­ance absol­u­ment dans la bien­veil­lance des autres.

A ce point inimaginable ?

 

Inimag­in­able, non.

Mais semer cet espoir

une fois pour toutes.

 

J’ai dit : semer.

Le dou­ble sens s’imposait.

J’aurais voulu dire : abandonner.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Petits maux inavouables

et l’idée extra­or­di­naire­ment amusante

que tous les Français décè­dent de mort.

Est-il nor­mal d’être à ce point fatigué ; 

de rechercher tout le temps

la posi­tion allongée, un peu comme s’il

fal­lait anticiper sa fin ? le moment

où mes yeux devien­dront bleu opaque ? le moment

où la lour­deur de vivre – on a dit que vivre est un métier,

« on » a don­né ensuite sa démis­sion –, de vivre sera réservée

aux autres exclusivement ?

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Et voici ceux et celles qui eurent l’obsession

du grand jardin du monde.

Aquarelles déliées. Notes man­u­scrites en fac­sim­ilé. Confrontation

entre le jardin et l’aquarelle. Ques­tion face aux fleurs,

aux papil­lons du XVIIe siè­cle : était-ce vrai­ment ainsi

ou est-ce ain­si qu’on les voyait ? 

 

Que penser d’une rose ?

Mais que, vrai­ment, penser d’une rose ?

 

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Poèmes

Par | 29 juin 2016|Catégories : Blog|

 

    monde(s)

 

 

lovée dans les notes
comme une fusée
voici l’asymptote
venue t’embrasser

la cav­erne écoute
les moin­dres pensées
où finit la voûte
qui sem­ble acquiescer ?

sous l’or­age habitent
des pas­sants secrets
les coteaux palpitent
la vie est si près

ain­si se déploient
ain­si correspondent
d’im­prob­a­bles mondes
ouvrant une voie
à cette seconde

 

       

 

 

 

***

 

 

 

 

 

  con­cret

 

 

voir
sept mil­liards de visages
les cent mil­liards précédents
chacun
et ses mondes

rem­plac­er
le temps d’un vers
qua­tre mil­lions de glob­ules rouges

vivre
sept cent mille heures
deux mil­liards et demi de secondes
là !

corps con­sciences
exactement
sans fond

                                    

                                      

 

 

 

***

 

 

 

 

 

n’être

 

 

 

nuit de nuit
luisait
dans la matière invisible

les choses les êtres
l’immédiateté
aspi­raient aux mots
au présent pour tous

et toi
point clignotant
point disparu

 

 

 

 

 

***

 

   

 

 

 

rêveille

 

 

 

il y avait des appels
des échos éclipsés
sur le fil du scalpel
entre chaque pensée

que trame le dormeur
il nous a devancés
et voici la demeure
des cent mille versets

les mots et les silences
savent se déplacer
brin d’herbe se fiance
à goutte de rosée

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

juste

 

 

 

pris dans le pire
pris dans ses spires
juste un pas

aucun vis­age
aucun message
aucun passage
juste un pas

les pen­sées brûlent
dans les cellules
la folie hurle
juste un pas

pas en arrière
en avant
sous les paupières
en rêvant

juste un atome
un tracé
juste un fantôme
effacé
la plus intime
la plus infime
odyssée

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Poèmes

Par | 29 juin 2016|Catégories : Blog|

 

1) Extrait de “Un vio­lon sur la mer” Edi­tions Chemins de Plume

 

Toujours le sens de l’épine et de l’épure. La croisée des mon­des, sa lumière sur les vignes. L’é­trange voix d’air par la bouche des feuilles. La tra­verse des nuits emprun­tée chaque soir. La neige gan­tée qui recoud les ter­res. Le ruis­seau d’im­pa­tience en ses chaus­sures d’eau. La petite robe rouge dans la vigueur du jour. L’homme qui ren­tre par le chemin du soir. L’odeur chauf­fée des sueurs. Ces choses maintes fois dites, faites. La vie dans ce méli-mélo, qui va sans instruc­tions. Est-ce là le bat­te­ment sidéral du panier quo­ti­di­en ? L’ange a un rire d’alou­ette quand il ne répond pas.

 

 

 

 

 

2) Extrait de “Le chemin encore” Edi­tions Chemins de Plume

 

Je ne résiste pas à la joie d’aimer, sa marche, son chant dans les brouss­es des chemins. Je te dis­ais hier que je suis loin des mots, finale­ment c’est faux, j’en suis si près qu’ils me font par­fois défaut. Je les vis, j’accepte leurs sonorités changeantes, leurs volte-face. Peut-être ne com­prends-tu pas ce que je jette en vrac sur ce papi­er. C’est sans impor­tance. Cette après-midi, en bord de mer, j’ai vu des mots dans les cail­loux. Ces mots n’existent pas. Seuls les cail­loux exis­tent. Ou peut-être seuls les cail­loux savent que ces mots exis­tent. Je les ai vus, enten­dus, envelop­pés de sens dans la douce ron­deur des galets vêtus d’eau et de sel. Qu’est-ce que je te dis­ais ? Ah oui, aimer, c’est fou, ça répond à toutes mes questions.

 

 

 

 

 

3) Extrait de “Ter­res de ven­dan­ges” Edi­tions Chemins de Plume

 

L’herbe rougit sous la bouche du givre. Le bais­er est mor­tel. Il apprête à jau­nir. Le gel reluit l’en­c­los et les gril­lages. Le ciel glisse très bas sa cisaille coupante. L’hiv­er mord la fleur au revers du jardin. Rassem­blé en crachin, un grésil tombe.  Veines translu­cides. Cas­sante, racornie, la terre déjà froide est un ven­tre vio­let. En sa putré­fac­tion s’ex­erce la semence. Dans l’austère matrice, rien ne sera per­du. La jachère fait sol comme le bois sa sève. Le ciel serre la san­gle aux étés dépen­siers. Les bras noir­cis des vignes sig­nent le soir plus tôt. Un chif­fon de brous­sailles efface l’églan­tine. Les pulpes, les odeurs, ont fini par se taire. L’or­tie éteint ses feux. Le jour s’af­faisse. C’est la décrue. Le vide dans le plein. Le silence patient. Puis ce sera le soc, son croc de taille lente. Et l’eau, dans le gosier des graines. Ce sera les remous. Et la pre­mière fleur refera l’amandier.

 

 

 

 

 

4) Extrait de “Une ortie blanche” Edi­tions Le Libre Feuille

 

Elle a quit­té la ville. Va à l’écri­t­ure comme d’autres au bois, au char­bon, ou au rien. De cail­loux en herbes, de noy­aux en ceris­es, l’ar­bre est son cray­on, la terre son cahi­er. Et les mots quand ils veu­lent. L’u­nique est sa marche. De jour, on la con­naît à son silence, l’élo­quence de ses yeux. De nuit, à sa pen­sée tail­lée de près. Ses san­dales sont usées. Son rêve est dans sa poche. Elle le touche sou­vent. Bous­sole. Ses mains reti­en­nent l’eau, on peut y boire. L’ourlet de sa robe ne se déchire plus, elle l’a coupé, on voit ses jambes nues. C’est une fille loin des foules. On dit qu’elle exagère, qu’elle veut la fusion, l’os­mose, ces choses impos­si­bles. On dit qu’elle en veut trop. On dit. Mais ceux qui dis­ent n’ont jamais regardé le soleil en face. Elle si.

 

 

 

 

 

5) Extrait de “Un coqueli­cot dans le poulailler” Edi­tions Collodion

 

Le froid bâille sa buée de lessive et de poêle. Joues translu­cides, traces mouil­lées, le givre maille les herbes. Tapis ser­ré. Le gel pèse aux épaules des arbres. La fontaine perd sa voix, à son filet trin­quent quelques oiseaux. Le ciel se couche les yeux rouges et le vent s’en­hardit. La terre s’emmitoufle. Toute sai­son est un repas de fauve, chaque miette nour­rit. Des forges mys­térieuses tra­vail­lent inlass­able­ment, le lam­pi­on de leurs traces éclaire notre dos. Rien ne vieil­lit jamais. L’hiver en est la preuve qui de ses doigts raidis, bor­de des lits de noces.

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Poèmes

Par | 29 juin 2016|Catégories : Blog|

 

 

La hus­sarde

 

 

J’ai gag­né la hau­teur des toits pour enten­dre votre rumeur, comme on respire une fleur. Dans la rue je sens bruire les étoffes de votre élé­gant man­teau et la fumée de votre cig­a­rette des­sine des rubans blancs. Immo­bile, l’esprit friv­o­le, je croise mes souliers de satin devant le ciel de craie bleu sombre. 

Les façades accueil­lent votre ombre qui glisse et s’interrompt à cha­cune des fenêtres. J’écorche mes bras aux tuiles rouges. Les pous­sières dans le soleil con­stel­lent et enca­drent votre pas. Des petits points de lumière clignotent.

Par une grande et lourde porte de bois, vous entrez, trou­blant le réc­it de mon his­toire. De ma hau­teur, vous avez disparu.

Une raie d’or soudain redé­coupe votre vis­age. Un chan­de­lier à trois branch­es déroule le nou­veau décor. Les par­fums des tapis­series s’agrafent à mes narines .

Au-delà de la longue toi­ture, vous embrassez tout l’espace. A votre table, dans le trem­ble­ment des trois flammes, vous écrivez. La musique m’arrive cassée, en valses saisies par le froid.

J’emploie mon ivresse à vous lire. Cachée sous le grand capu­chon, vous m’emportez dans la bour­rasque de la bru­ine glacée. De la hau­teur des toits, j’ai recon­nu votre parole.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Mon poète

 

 

 

 

 

La mémoire lézardée roule, et roule à l’extension de nos sou­venirs. La douleur retorse coule à mon front. Votre élé­gance est assise à mon bras.

Votre voix s’enfle à vous écouter, les « Hébrides » de votre lec­ture enjouée se posent sur mes vit­res. Comme le miel, vos opéras me mènent au bord du monde.

Le temps d’une sec­onde est celui de l’éternité, et la blessure au cœur étrange plombe la robe légère et bleue. Les fleurs frot­tées du sang font baiss­er les yeux.
Votre par­fum à portée de main ; et je suis née des Caprices, envelop­pante, age­nouil­lée à l’attente.

Le passé pour espér­er une retrou­vaille. Je n’ai pas le choix du temps.

Sur les pavés du départ, j’ai enten­du le piano d’un con­ser­va­toire, j’ai dans mes cheveux votre voix. Votre image sur la peau comme dans un mys­térieux con­te où la clé est fée. Pour­tant le tour­ment de vous per­dre a tis­sé à mon cou.

Vous, le poète, semez des bleuets dans mes yeux en pous­sière. Vous, mon poète, me recon­nais­sez dans le soleil, formez des boucles à mes tem­pes. Vous, dont le nom brille sans le dire, comme il est doux de vous regarder dire.

Vous avez posé au bord de mon épaule votre respiration.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Au Ter­mi­nal Nord

 

 

 

 

 

A l’immense por­tail de pierre à l’horloge lumineuse des départs, des cours­es, je vous attends.

Le temps pré­cieux est vain­cu. Je ris avec vous.

De vous, je ne vois  plus l’hiver. Le soleil arti­fi­ciel et rouge réchauffe ma nuque. Les aman­des craque­nt mon impatience.

Au Ter­mi­nus Nord, les dorures et les fleurs blanch­es claque­nt, les homards dor­ment bien alignés dans un lit de cit­rons. Le sel brûle presque ma bouche.

L’écriture pal­pite, il me faut dire.
Des trains, des quadrillages d’autos, tout est pré­cip­i­ta­tion. Seule l’aiguille de la Grande Hor­loge peine à avancer. Les min­utes minaudent.

Je vous attends. Le vent soulève le man­teau noir et long.

C’est moi qui vous ver­rez tra­vers­er la rue, c’est moi qui vous ai vu vous asseoir dans une rame de métro. C’est moi votre rendez-vous.

Des stat­ues immenses, le temps pour elles ne sig­ni­fient rien. J’ai enfer­mé dans ma main votre par­fum pour le sou­venir. La nuit est noire et le vent pousse notre temps.

Au Ter­mi­nus Nord, je vous ai écrit. Votre retard a élar­gi mes mots. A chaque entrée de rue, l’attente comme impos­si­ble dode­line et trépigne. Tout est extrême­ment mesuré et inat­ten­du. Sans doute échappez-vous à toutes attentes, sans doute….

Vous voilà………………………………………………………

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Les rêves sont des impasses.

 

 

 

 

 

Votre main sur le front, se fait fée, vos yeux se relèvent sur ma joue rouge. La lumière danse devant les mots.

Sur l’herbe, s’installe l’hiver et votre jardin voit briller une rose empris­on­née dans sa jeunesse, le sang sous la peau. Dans l’aube grise, la mai­son est habitée, devant vous, les verts se mul­ti­plient et inspirent votre lettre.

Les lèvres ros­es, sur le seuil, allu­ment un autre monde.
Vos yeux s’ouvrent dans les miens et s’étendent aux cen­dres des fleurs.

J’ai rêvé Jadis.
Les étreintes d’orage, les cheveux pris dans les ronces. Le sourire affiché, nous mar­chions dans la ville. Seuls, dans la nuit des rues, je sens encore la chaleur de votre main.

Je réfléchis une absence. Comme il est mau­vais goût d’être là alors que vous êtes au secret. Il ne faut pas rêver.

Pour­tant vous me par­lez dans mes nuits.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Idole

 

 

 

 

 

Sous l’eau noire, pro­fonde ; infirme, l’immobile et l’informe silence. Comme un goût de vieux dires, le passé aux épaules revient boucler. Lanci­nant et étouf­fant, inscrit aux tis­sus de mes entrailles.

Un train, dans son élancée tra­ver­sée, dans le tumulte du souf­fle et du vacarme, a sif­flé, empor­tant en une brassée l’amère nausée. Dans un ciel d’acier, vous avez marché.

Par­fumée de poésie et de grande pluie, une ren­con­tre au courant d’air trace une ligne. Escale aux points de fuite, dans votre sérénité. En repos, des mots bleus comme votre cra­vate, s’accrochent aux yeux et nos pas se suiv­ent devant le silence qui se cabre.

La mer me répond. La peur s’est ouverte, écrasée par un nou­veau miroir. La clair­ière aux délices, aux caprices, rosit. Guidée, je m’y installe, elle trempe mes nuits dans la poudre d’or.

Votre main déchire la course du des­tin. Dans le vent, le sang pal­pite. Pour mémoire, des ful­gu­rances inso­lites, des images suran­nées. Sac­ri­fiée à l’idolâtrie, je mange avec ravisse­ment l’ivresse du poète, votre élégance.

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Poèmes

Par | 29 juin 2016|Catégories : Blog|

Exis­ter est un début 

 

 

Exis­ter est un début.
Ensuite, veiller au grain.

Con­cevoir le bou­quet complet
à par­tir d’une seule fleur
et se laiss­er franchir par toutes.

Ren­dre par­fait le son
d’un objet que l’on pose.

Semer d’une main, récolter de l’autre
et de la troisième, l’inaperçue,
dis­tribuer l’ensemble.

Con­tem­pler le mûrisse­ment d’un fruit
là où longtemps il en fut empêché.

Etablir son naturel.
Assign­er un but à chaque chose valide.
Tran­scrire le bleu des sur­faces jusqu’au fond de la mer.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Fin novem­bre

 

 

 

L’hiv­er marche vers nous à pas de givre.
Les nuages vont se distendre,
vieil­lir d’un coup.
Les journées auront leurs accès de brume inexplicables.

La terre déjà reçoit plus de nuit
qu’elle n’en peut contenir.

Le gel fix­era la riv­ière à ses berges
de même toi et moi additionnerons
           nos deux parts de mystère
           sans savoir qui nous sommes

ni de quoi notre pas­sion se compose :
si elle est acces­soire, indis­pens­able ou pure illusion
comme un frémisse­ment vaporeux dans les branches.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Du présent à portée de regard

 

 

 

Sous l’aube déjà chaude
au som­met des pommiers
se des­sine l’amorce d’une allégresse.

            Le jour s’érige
avec l’as­sur­ance d’une coupe emplie d’eau fraîche.
Aujour­d’hui, je ne m’in­téresserai à rien.
Libér­er du verbe faire
tout m’échap­pera des mains et sor­ti­ra de ma tête.

            Je me conjugue
dans la direc­tion des verdures,
un arôme de pêche entre par ma fenêtre ouverte
           sur la saulaie
puis le silence tombe à point nommé
comme une veste par­faite­ment coupée.

Je ne serais pas sur­pris d’apprendre
qu’un dieu nous prodigue tant de faveurs,
mais s’il n’y en avait aucun
    je ne serais pas déçu.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Bleu sans fond

 

 

 

Ils ont la douceur d’un caramel mou
ces après-midi où sur un banc l’on s’assied
par hasard à côté d’une reine d’Espagne.

Emou­vante aus­si la petite vague solitaire
attardée sur le rivage bien passé minuit,
quand ses com­pagnes sont couchées.

On se tient pré­caire et fur­tif où que l’on se trouve,
entouré d’un silence qui s’é­tend comme une orbe
           veil­lant sur le monde
et les bateaux intrépi­des qui jamais n’accostent.

Bien­tôt nos yeux gran­dis­sent avec la lumière.
Un bleu sans fond emporte l’azur,
l’é­mancipe vers une con­fig­u­ra­tion différente,
vers la plus désir­able des saisons
qui rem­place toutes celles venues avant.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Croise tes doigts dans le noir

 

 

 

La grâce est inépuisable.
Un clin d’œil la multiplie.

Pose l’ob­jet qui te pèse.
Vois les nuages, ils se débrouil­lent par eux-mêmes,
leur teint assoupi emprunte au papi­er vierge
sur lequel on hésite à met­tre on ne sait quoi,
des mots muets au bout du compte, et la blancheur
           de la feuille est sauve.

Ecoute le vent s’agiter. Il tres­saute, recule
va impromp­tu ven­tre à terre comme se démène
un quidam à la recherche d’une rue
dans une métro­pole étrangère. À propos,

jusqu’où descendrait le livre qui t’échappe des mains
si aucun sol ne le retenait ?
La ron­deur non plus n’a pas de fin.
           Les nuits rêvent debout.
Croise tes doigts dans le noir pour espér­er l’éclaircir.

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Poèmes

Par | 13 juin 2016|Catégories : Blog|

 

Let­tre d’un soldat

 

 

 

Sur un sol nauséabond
Je t’écris ces quelques mots
Je vais bien, ne t’en fais pas
Il me tarde, le repos.
Le soleil tou­jours se lève
Mais jamais je ne le vois
Le noir habite mes rêves
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Les étoiles ne bril­lent plus
Elles ont filé au coin d’une rue,
Le vent qui était mon ami
Aujour­d’hui, je le maudis.

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Le sang coule sur ma joue
Une larme de nous
Il fait si froid sur ce sol
Je suis seul, je décolle.

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Sur un sol nauséabond
J’ai écrit ces quelques mots
Je sais qu’ils te parviendront
Pour t’an­non­cer mon repos.

Je suis bien, ne t’en fais pas … 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

La Vieille 

 

 

 

Elle est ici « La Vieille »
Assise sur ce banc
Là, au fond du parc
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Des pigeons pour seuls amis
Lui font la conversation
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Elle est bien seule
« La Vieille »,
Per­son­ne ne pense à elle
« La Vieille ».
Elle pour­rait bien
Mourir demain
Qui sera là pour lui tenir
La main ?
Elle est si seule
« La Vieille ».

 

Elle pense et repense
Au bon vieux temps
A l’insouciance, aux fleurs des champs
A son enfance,
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Le soleil s’est éteint
Les pigeons se sont fait la malle
Elle n’est plus là
« La Vieille »,
Elle n’a plus mal … 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

À l’ombre du cerisier

 

 

 

 

La terre pleure
Le sou­venir de tes pas
Que tes semelles ont
Trop sou­vent foulé.
Le cerisier
Ne fleu­rit pas,
Il n’est plus là
Depuis tant d’années.

 

Le cha­peau de paille
Accroché dans la grange
Se repose à jamais.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Champ de bataille

 

 

 

L’herbe foulée
Par trop de va et viens
Se teinte de foncé.
Le bruit des grenades
Dégoupillées
Réson­nent dans la plaine.
Des habits rongés
Par les mites
Frois­sent la peau
De ces hommes.

 

Des douilles caressent
Le sol
Où dor­ment des buissons
En fils barbelés.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Dans la grange

 

 

 

Chaus­sures accrochées
Dans la grange
Où dort le maïs
Qui sèche.
Il fait si noir.
La lumière
Du dehors
Ne ren­tre plus
Depuis très longtemps.
Trop longtemps …
La grange est vide
Et les silences
Sont lourds.
J’entends encore
Tes pas fouler
La poussière,
J’attends ton retour. 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Rafis­to­lage

 

 

 

 

Le filet de la nuit
Se déchire dans le ciel.
Maille après maille,
Les étoiles le rafistole.
Astre à astre
La lune se reflète
Et s’étire.
Chaque jour
Passe et passe sans fin.

La toile de la nuit
Se noircit, pour n’être
Plus qu’un point,
Plus rien.

La nuit effiloche
Ses contours
Qui se raccommodent
Au fil du temps. 

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Poèmes

Par | 30 mai 2016|Catégories : Blog|

 

L’or­eille

 

 

 

 

 

En ce jour je chô­mais ordinairement
Une femme est passé à mi-fenêtre
Elle est repassée peut-être demain
Peut-être hier, je sais qu’elle est
Repassée
J’ai aperçu un jour son pro­fil si chaud
Un pro­fil tra­ver­sé de cheveux bouclés
Bruns et brillant
Juste des cheveux pour soulign­er l’oreille

Ma femme n’al­lait pas revenir, à ce moment
Si tard, elle ne reviendrait pas tout de suite
Il fai­sait encore jour, je le sais, je l’ai vu
La femme est passé, et je suis sorti
Il n’y avait per­son­ne dans la rue
Dans la rue, il n’y a plus personne
Ils sont par­tis où il y a du monde
Ma femme ne revien­dra pas encore
Ils sont par­tis là où ce n’est pas démoli
Je reste aujour­d’hui, elle reste aussi
Par­fois elle sort, par­fois je rentre

Elle sait, je sais et les immeubles savent
Il n’y a per­son­ne que nous, elle et moi, hier,
Demain, je l’ai suivie
Elle n’a rien marché dif­férent, rien ten­té différent
Rien dit, rien bougé dans les heures et les fils de l’air

Der­rière elle, j’é­tais der­rière, elle était là, elle là vraiment
Évidem­ment elle a crié, ça bougeait beau­coup sous les nuages qui tombaient vers l’est
Il n’y a per­son­ne et je suis bon, je suis moi même, si c’est si long d’être moi, parfois
Je n’ai rien fait de plus, ou de moins

Elle tombait, je sais qu’elle tombait parce qu’elle tombe
Devant mes yeux très doux
L’or­eille dans ma main pal­pi­tait, l’oisillon
Sa maîtresse hurlait dans la rue qui ne viendrait jamais voir
Sa main col­lait sur ce petit bout de chair rouge
J’ai enlevé la main et tenu, tenu jusqu’à
Hier, au moins, peut-être demain je ne tiendrai plus rien

Je suis sûr que j’ai dit douce­ment dans le trou
Au bord du sang qui s’en allait bêtement
Com­bi­en cette oreille, son oreille à elle, était belle
dans les lignes de son crâne
Crâne qui n’a rien à faire des absents et des plaques de suie sur les immeubles
L’or­eille est par­faite comme un coquil­lage, comme la mer qui se moque du temps
Elle n’est pas à moi, mais je me per­me­ts de vous rap­pel­er combien
Elle ne vaut pas, com­bi­en elle ne mesure pas, com­bi­en elle ne s’en­fonce pas dans le noir
Des souvenirs
Elle flotte, elle marche sur les eaux si les oreilles font ça
Je ne peux pas dire qu’elle est belle, sauf que je la désirais

Je voulais encore plus vous rap­pel­er com­bi­en vous oubliez
Chaque jour de demain comme d’hier
Com­bi­en votre oreille sait ce que vous êtes
Parfaitement.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Quand tique la physique

 

 

 

 

 

Il était une fois
Une planète com­posée de deux mil­liards huit cent mil­lions trois cent vingt cinq mille sept cent trente deux plantes
Deux mille huit cent mil­liards de baisers
Dix mille qua­tre cent trois dieux et déess­es, cent vingt-sept nuages
Une danse directe­ment fon­due à l’Ar­timag­i­naire Uni­verre les agrégeait
Sur la Terre réduite à un tas de boue rem­pli d’espérance
La com­mu­nauté nuageuse a posé de l’eau, du gin­gem­bre et beau­coup de passion
Moi-même suis descen­du sur mon char néo tem­porel pour ense­mencer la déli­cieuse improbabilité
Alors a com­mencé le commencement
Il faut vivre ai-je ton­né, en éjac­u­lant une déli­cieuse lactescence
Dont par­tie s’est per­due en plein ciel, engrossant itou le bleu potentiel
Grâce, cri­ait la boue, la Terre déjà, infin­i­ment inno­cente dans ses pre­miers émois
Un can­ot avec deux cent mille mil­liards d’e­spèces vivantes de pre­mière hiérar­chie fut lâché
Le kit ter­rien dans sa glo­rieuse incer­ti­tude était prêt.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Ça va aller

 

 

 

 

 

Je n’ai jamais voulu ça, ni le reste d’ailleurs. On m’a répété qu’un­tel c’é­tait de la musique, et l’autre pas. Qu’un­tel c’é­tait la pen­sée, et l’autre la fausse pen­sée. Qu’un­tel c’é­tait le sexe et l’autre le pur­ga­toire. Qu’un­tel savait les cimetières, ou l’odeur d’une bouche de seize ans. Qu’un­tel ne pou­vait rien imag­in­er dans ses neu­rones de mon­stre défor­mé qu’être si pareil, tout pareil à ses mon­strueux frères.
Que c’é­tait nous l’har­monie et les autres le bruit. Que lui, elle, eux nous les voyions, mais l’autre pas, plus, jamais. On m’a empli les oreilles et j’ai acheté. On a martelé mes moments de faib­lesse, à peu près con­stants, que tels sons, telle face et telle pos­ture arrê­taient l’His­toire. On  m’ac­cor­dait la génu­flex­ion et les images véri­ta­bles du monde, du monde réel, tu entends. Tu entends, tu as l’ar­gent pour ça, et pour ça seule­ment, on m’a dit. J’ai acheté.

Les enne­mis de ma lib­erté de col­o­ri­er le monde qu’on a placé dans ma cham­bre, au-dessus de mon bureau, n’ex­is­taient plus. D’ailleurs ils étaient rouges comme leur pro­pre sang. D’ailleurs, il n’y en avait pas, nulle part. Une chimère, une hal­lu­ci­na­tion, une hys­térie col­lec­tiviste. Il était absol­u­ment impens­able dans tous les univers pos­si­bles de ne pas voir les glaces à l’eau sur la plage et les tach­es de rousseur sur les planch­es de surf. Il rel­e­vait de la toute pre­mière urgence d’ou­bli­er les éclats de soleil dans le goudron qui se soule­vait pour compter les jours du mois de Mai. De toute urgence il fal­lait cer­ti­fi­er à chaque sec­onde qu’au pays de la lumière, de la foi et de l’or­dre, on ne pou­vait mor­dre l’e­spoir et la jeunesse que tous nous étions sous les sun­lights. De toute urgence, il fal­lait penser les mêmes urgences qui ne sauraient se régler sans un achat mas­sif, uni­versel, indu­bitable d’une même Chose qui serait tout sim­ple­ment le monde, avec le bonus Vie, en kit.

Alors après, il y a eu comme un après. Après que les choses se soient arrêtées, ou presque. Elles ont ralen­ties, les choses, comme ces bêtes épuisées en gros plan télé, épuisées de voir leurs désirs ani­maux pas sat­is­faits tout de suite, cro­quer, cris et sang. Alors oui, c’é­tait un peu fini tout ça. Dom­mage, je savais bien imiter à ce moment. Je n’im­i­tais même plus, j’é­tais l’être de la chose et la chose même dans l’être. Sans manuel aucun entre les cuiss­es de l’im­i­ta­trice qui avait été choisie par la pen­sée cal­i­brée de ma lib­erté pour imiter le sexe avec moi. Sans tra­duc­teur et menuisi­er non plus der­rière les porte-voix et après les coups de marteau sur le monde tel qu’il a le devoir d’être devant mes yeux bien droit braqués.

Per­son­ne ne m’avait prévenu qu’il y avait un après, que le duvet sur les avant-bras des héros blan­chis­sait. Per­son­ne, pas même moi, n’avait assuré les pier­res et les rimes, les dis­cours et les hymnes, le sang et la douleur. Per­son­ne n’avait vu le monde foutre le camp en bateau ultra-rapi­de, se bar­rer comme une fil­lette sans se bat­tre, sans dire qu’au­jour­d’hui on changeait de vis­age pour  refaire le monde comme il n’avait plus le droit d’être depuis si longtemps déjà.
Alors, on a vu traîn­er des choses et même des vivants hier morts. Des ersatz, d’ailleurs je savais que ça exis­tait. Ersatz, ça son­nait faux et rouge, ou Her Satz.
J’ai voulu par­tir dire que post non, ni après, ni plus tard, ni bleuet. J’ai voulu rester là, bien dans le monde, mais les chevilles ont bran­lé, la lumière même n’é­tait plus pho­tonique­ment traçable. Je la regar­dais et je me demandais si ce n’é­tait pas des reflets comme des reflets dans l’eau translu­cide, presque crémeuse de la piscine le 6 Août de l’été de tous les étés, celui qui arrête le monde qua­si­ment à jamais, figé devant tant de per­fec­tion. Donc, le monde ici et main­tenant ou le monde d’après. D’après quoi, c’est pas à deman­der. Imiter, présent. Imiter, that’s all. D’après quoi, je t’en pose des questions ?
Je sais, non, je ne sais pas, mais j’achète des livres qui savent. Je com­mence à savoir bien à mon tour. Post et tout ça, et après, et pop et no machin-no chose, con­cept­no et pop et sub-dis­sim­u­la­tion de change­ment rouge. C’est pas demain, c’est pas hier, c’est des con­stru­its nou­veaux, qu’on me dit, et j’ai bien com­pris, et je me sens mieux, qu’on me dit, vrai de vrai, c’est présent aimant, armes de dis­sim­u­lac­tion mas­sive de vie. Ça va, c’est rien.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Futur antérieur

 

 

 

 

 

Alors il faudrait se dire qu’elle n’en a rien à faire de ces souvenirs
Juste avancer, un pas, deux et puis l’hori­zon devant
Alors, il faudrait affirmer qu’elle n’a pas à regarder cette image
Juste un vis­age qui n’a même pas de nez, de bouche, l’œil peut-être
Un éclair, la lumière de l’in­no­cence, la vie dans deux petits ronds tout bleus
Presque rien, mais non rien, comme si ce qu’elle attend pou­vait avoir une figure

Alors il faudrait cess­er de croire qu’elle aurait pu
Juste dérouler à coups de mirages cette vieille toile grise pleine de taches
Alors, il faudrait lui intimer d’éviter les trous, au fond la mêlasse
Juste cette chose qu’elle n’a pas à regarder, qu’elle ne pour­ra jamais reconnaître
Atten­dre d’une image la vie, c’est à peu près délirant
Il n’a y a pas un atome de vie dans un cliché, quand il n’y a même pas de négatif

Alors il faudrait qu’elle cesse d’al­i­menter ce sou­venir même pas mort-né
Juste qu’elle se rende compte, juste qu’elle se rende
Alors oui, il n’est pas né, il n’a pas eu l’en­vie, ni le désir ni le droit
Peut-être aurait-il, ou aurait-elle fait belle image, d’accord
Atten­dre d’un enfant même pas au monde une rai­son de vie
Vrai­ment ce n’est pas la vie ça, elle croit que c’est ça la vie
Un sou­venir même pas né, un futur antérieur à la vie

Alors, il aura fal­lu qu’elle passe toutes les étapes du film
Juste laborieuse­ment, pesam­ment, brique après brique
Alors, il lui aura fal­lu tout ce temps à errer dans le réel
Tra­vers­er des décen­nies avec un enfant lumière
Alors vous aurez peut-être com­pris que les images
Tous ces moments à jamais instan­ta­nés si pro­fonds dans sa tête

Vous n’au­rez jamais été capa­ble d’en rêver de pareils
Juste rêver suff­isam­ment fort votre hori­zon d’enfant.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

A regarder le ciel

 

 

 

 

 

Ce matin, j’ai vu le dernier oiseau se hiss­er vers le cimes du ciel
Il mon­tait, il montait

Je n’é­tais pas seul sur la place
Même si je ne les con­nais­sais pas
Ils ne se con­nais­saient pas non plus
Nous n’é­tions pas seuls au fond de la Ville

Non pas si haut, non, il ne mon­tait plus beaucoup
Nous étions quelques cen­taines, peut-être quelques mil­liers à le regarder
Rien n’é­tait prévu ce jour-là, sinon l’en­vol du dernier oiseau

Ses ailles bat­taient plus fort,
Sa tête s’él­e­vait, s’abais­sait, cher­chait son échelle de Jacob
Je ne voy­ais plus que le mou­ve­ment tou­jours ralen­ti de ses ailes
Du bas vers le haut, du haut vers le bas, les vagues s’étiolaient
Finale­ment, il accéléra frénétiquement
Mes poumons me brûlaient
Enta­ma la spi­rale qu’il voulait ascendante

Des éclats de lumière per­cu­taient le bord de ses ailes
Une traîne lumineuse le suiv­ait main­tenant dans sa course
Une onde claire qui ten­tait, sem­blait-il, de le propulser
Très haut, plus haut à n’en pas douter

Il s’est arrêté, en plein vol, il a stop­pé au bord du ciel immense
Il s’est retourné et nous a regardés
Du moins, je le crois
Je ne sais pas ce qu’il se pas­sait dans son âme d’oiseau
Je ne sais pas ce qu’il se passe dans l’âme des oiseaux

Hier, je me sou­viens, était un jour ordinaire
Je suis allé voir l’ag­i­ta­tion autour du port envasé
Les machines qui grondaient pour tailler un chenal
Vers la mer malade
Je ne savais où tout cela nous conduirait
Peu m’importait

D’ailleurs, quand il m’a regardé
J’ai bais­sé la tête, nous avons bais­sé la tête
Comme si sur le sol il pou­vait y avoir un reflet
Ce sol qui jamais, non jamais ne pour­rait être renversé
Ce sol que jamais l’âme des oiseaux ne pour­rait atteindre.

 

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Poèmes

Par | 16 mai 2016|Catégories : Blog|

 

 

4.

 

 

 

Remets-moi la même
Et demain carême!

J’ai trop bu la tasse
Et c’est dégueulasse
Soupé des vinasses
Et des coups à l’as

Remets-moi la même
Et demain poème! 

Je refais surface
La vie est la farce
D’une dinde garce
Je reviens de Mars!

Remets-moi la même
Et demain j’écrème! 

Je vois dans la glace
Ma fraise que massent
Mes doigts de limace
Allez je l’efface!

Remets-moi la même
Et demain je t’aime!

 

 

 

 

 

9.

 

 

 

 

 

Chère Annabelle
Ton teint était prunelle
Mais ta langue quenelle
Que cachait
Un dentier

Chère Annabelle
T’es tout bal­afrée d’elle
Ta bouche mortadelle
S’y déchaussent
Des bouts d’os

Chère Annabelle
Mouchées, dentelles
Et le minois
Qui m’ensorcelle
A tout coulé comme chandelle

 

 

 

 

 

17

 

 

 

 

 

Patri­ote
A qu’un glotte
A qu’une huître
A sa botte

Matelote
A qu’un moule
A l’ampoule
Emmaillote

Redin­gote
A le boule
Et se foule
A la flotte

 

 

 

 

 

21

 

 

 

 

 

J’en ai soupé
Des vachalaits
Et des soupers
De soupe au lait

J’en ai soupé
De ces fromages
Je suis en nage
Je suis trop fait

J’ai trop nagé
Dans les potages
Et les nuages
De lait caillé

Ren­dez-moi l’âge
Qu’a­vant j’avais
Quand j’é­tais sage
Et pas cramé

J’en ai passé
De ce cirage
Puis j’ai volé
Dans les plumages

Ren­dez mes gages
Et mes poupées
Je les mettrai
Dans mes bagages

Adieu l’adage
Et la pensée
Le gros proverbe
Et son adverbe

Adieu rivages
Et maisonnées
Adieu la nage
Synchronisée

 

 

 

 

 

22

 

 

 

 

 

Qui met le pied
A l’étrier
Le met, dommage,
A l’engrenage

  

 

 

 

 

40

 

 

 

 

 

Dans les concombres
Pèsent des ombres
Non épluchées

Chaque ombre pèle
En vermicelle
De ver moulé

Qui va griller
Dans la corbeille
Comme l’abeille

 

 

 

 

 

48

 

 

 

 

Je suis l’angoisse
Et l’huître lasse
Qui dans l’écrin
Per­le la poisse

Je suis l’éteint
Et l’on­gle teint
Qui pète en face
Et plie en coin

Je suis la masse
Et le pingouin
Et la limace
Du jardin
 

 

 

 

 

69

 

 

 

 

 

Tour de France

Marche à l’eau
Qui désaltère

Rond le dos
Mets des haltères

Lève haut
Bien ton postère

Péda­lo
La pente austère

Et repos
Au monastère

 

 

 

 

 

  70

 

 

 

 

 

Madame a l’âme aha
Mon­sieur retend ses bas

Madame ne veut pas
Mon­sieur con­trarie pas

Madame a l’âme aha
Mon­sieur l’e­sprit bobo

Madame sourit pas
Mon­sieur dit c’est pas beau

Madame a l’âme aha
Mon­sieur le cœur à l’eau

Madame chiale aha
Mon­sieur dit pas un mot 

Madame est morte oho
Mon­sieur répond allo ?

A répond plus Madame 
Mon­sieur a ren­du l’âme 

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Poèmes

Par | 2 mai 2016|Catégories : Blog|

 

Comme vous y allez, vous,
Au devant des êtres, l’hiver ?

Un brin soucieux
Que les con­traires s’attirent.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

D’un signe repous­sant qui voudrait les unir

Peut-être, avec ce qui peut mourir

« Il y a si peu
Que de le dire serait tout confondre »

Ton vœu se porte sur l’herbe.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Si je pas­sais bat­tant des mains
Exténu­ant autour de moi le silence
Ni hos­tile ni grave…

Il y a peut-être dans ce jour, il y a peut-être
Encore quelqu’un.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

À l’ombre qui dérobe
Sa voix
Pardonne,

Aus­si douce qu’elle fredonne
« Oh qui là pour la contredire… »

Le temps que l’ombre dérobe
Sa voix
Je peux dire

Ce sera, je le sais,
Le beau som­meil sans peur.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Un soir pan­te­lant sous les chênes

J’ai per­du
Mon refrain, mon visage,
Oh il n’avait pas d’âge,
Ce n’était qu’un dessin…

La main conjure-t-elle
Le soir

« Plus ou moins »

 

 

 

 

 

 

 

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Poèmes

Par | 3 avril 2016|Catégories : Blog|

(*) PUDING SE PROVERAVA TIME ŠTO SE JEDE

 

Opsesi­ja si, rad­na snago.
Pra­va opsesi­ja. Izvrćeš se
U slugu, a sve od tebe zavisi.
Ceo svet, sve u tvo­joj šaci.
Slično se sličnom ne raduje:
Ali čik se vi kres­nite na
Pokret­noj traci.

 

 

ON VÉRIFIE LE PUDDING EN LE MANGEANT

 

Force de tra­vail, tu es une obsession.
Une obses­sion véri­ta­ble. Tu dégénères
En laquais et tout dépend de toi.
Tout le monde, tout dans le creux de ta main.
Le prochain ne se réjouit pas du prochain : 
Prostrés devant la bande transporteuse,
Ayez le culot d’y baiser !

 

 

 

***

 

 

 

 

BAJKA 1 (naraci­ja odsustva)

 

i ova smrt je na upit
voliš li baš sve moje bolesti?
kli­ma­vo si ti sunce, tata
odmah si mi dao da biram

na rate: nebi­ran­jem. tras!
nema boga, i sve ti je dozvoljeno
krio si pod tuđim bradama
da su svi oni (muškar­ci)
maze, da svakom moram
iti maj­ka i da nijedan ne ume

da se pok­vari kao moja igračka
ceo živ­ot sam u lif­tu žel­je, tata
hoću da se zaglav­im, da zaglavim
kao zlat­na ribi­ca na šabat

 

CONTE DE FÉES 1 : réc­it d’absence

 

cette mort est aus­si sur demande
tu aimes vrai­ment toutes mes maladies ?
tu es un soleil chance­lant, papa
tu m’as aus­sitôt per­mis de choisir

en éch­e­lons : sans choisir. boum !
dieu n’existe pas et tout t’est permis
sous les barbes des autres tu as caché
le fait que tous (les hommes) étaient
des enfants gâtés, et que cha­cun avait
besoin d’une mère en moi et que per­son­ne n’était

capa­ble de tomber en panne comme mon jouet
papa, j’ai passé toute ma vie dans l’ascenseur du désir
je veux être coincée, je veux coincer
comme pois­son d’or au jour du sabbat

 

 

 

***

 

 

 

 

BAJKA 2 (naraci­ja prisustva)

 

evo i tebi jed­no lakunoć
još jedan opušak ubačen
u bocu, nigde da ne stigne

i ovaj mesec će se stropoštati
da, veruj mi, niz naše obraze
uve­di me u sim­bolič­ki poredak
tan­caj me slabi imunitetu
ja sam tvoj nepo­sisan limun
kost zakopana za crne dane

pul­sir­a­j­mo uvek zajedno
ovako kri­vo srasli
tan­caj me

 

 

CONTE DE FÉES 2 : réc­it de présence

 

un bon­nenu­it à toi aussi
ncore un mégot jeté dans
la bouteille qui n’ira nulle part

cette lune tombera aussi
oui, crois-moi, le long de nos joues
intro­duis-moi dans l’ordre symbolique
danse-moi, toi, l’immunité faible,
je suis ton cit­ron pas encore sucé
ton os enter­ré pour les jours noirs

bat­tons tou­jours ensemble
ain­si mal soudés
danse-moi

 

 

 

***

 

 

 

 

 

ZA NEVEŠTOG TOREADORA

 

ne čekam sen­ten­cu, ne oštrim rogove,
čoveče sa telom žene, vaz­da nabadan
mahan­je, nav­i­jan­je, uzbu­di­ti me neće
bik sam, a dosad­no mi je, opet zovete
vaše cveće vene dok njime mašete
čelo vam je vre­lo, rumeni­jim biva
što se više rukom ka meni upinjete
ne vidim tu boju, mojom sad je siva
iako ste vešti, slep sam. slobodan. 

 

 

 

POUR UN TORERO MALADROIT

 

je n’attends pas une sen­tence, je n’aiguise pas mes cornes,
homme avec une fig­ure de femme, tou­jours transpercé
je ne serai pas ému par l’agitation, le soutien
je suis tau­reau blasé, et vous ne cessez d’appeler
vos fleurs fanent en train d’être agités
vos fronts sont brûlants et ne cessent de rougir
de plus vous dirigez vos mains vers moi
de moins je vois cette couleur, ma couleur est grise
même si vous êtes habile, je suis aveu­gle. libre. 

 

 

 

***

 

 

 

 

DOBRI MOJ

 

jeste, dobri moj, ljubav
dođe i prođe. Ali, kako
to dođe i kako prođe, a
gde ode, kod koga ostaje,
koliko se puta okrene,
da li uvek mahne, ili
je pregazi voz, sa kim
se mimoilazi, sa vama
što je jurite, ili vama što
mah­ni­to bežite, ko tu
koga ostavl­ja? a kako
prođe, kao orgazam
ili rana od sačmare,
kao red­n­ja ili nesanica,
je li brza kao talas ili
tro­ma kao živ­ot sam. I
baš toliko dosledna?

 

 

MON BON GARÇON

 

oui, mon bon garçon, l’amour
vient et passe. Mais comment
se fait-il qu’il vient, et qu’il passe,
et où s’en va-t-il, où est-ce qu’il demeure,
com­bi­en de fois est-ce qu’il tourne,
est-ce qu’il salue tou­jours, ou bien
le train l’écrase, avec qui il se croise,
avec vous qui chas­sez après lui, ou bien avec vous
qui l’évitez, qui abandonne
qui? et com­ment passe-t-il,
comme un orgasme ou bien
comme une blessure faite par un fusil,
comme une épidémie ou une insomnie,
est-il rapi­de comme une vague ou
pesant comme la vie. Est-il bien
telle­ment conséquent ?

 

 

 

***

 

 

 

 

BOLJŠEVICI NE NOSE SPAVAĆICE

 

Krc, krc, niz zube stepenica
Stu­pamo sme­lo, nikad na kolenima
Letele su peler­ine gospođa

Bog ne može u san­duk, Bog u grob ne staje
Nadež­da se praznom kreve­tu osmehuje
Baci me u voz, prokri­jumčari me

Hoću da me poteg­neš kao votku, iz cuga
Viljuške za kuglof leteće sa balkona
Kao kap­i­tal­is­tičke granate

Vrati osmeh u svo­je ležište
Marši­ramo: nikad više
Nji­hovi dže­povi pun­jeni našim džepovima

Izvr­nuli smo se, svi rudari, do jednog, kao kiša
Naša deca i nji­hove kašike ribljeg ulja subotom
Kobi­la je po sebi sku­pl­jala inje

Suza joj se ledi­la na minus trideset
Nadež­da je sebi krišom priredi­la pil­low talk
U snu je polju­bi­la zapetu pušku

Majakovskom je nesta­la tegla pekmeza
Zbrisana kao Ljil­ja na fotografi­ji sa drvetom
Priđi, šapući mi kao ljuljaška

Sli­vaću ti se niz gru­di, grlo
Na raskrsni­ci. Slo­bod­no me retuširaj
Vojniče, trud­na kobi­la neće da čeka

Posisaj komu­nizam s mlekom,
Nek ti na vreme kopa­ju jame, sine
Boljše­vi­ci ne nose spavaćice

 

 

LES BOLCHEVIKS NE PORTENT PAS DE NUISETTE

 

Crac, crac, le long des dents de l’escalier
Nous descen­dons courageuse­ment, jamais à genoux
Les pèler­ines des dames volaient

Dieu est inad­mis­si­ble dans un cer­cueil, il est trop grand pour un tombeau
Nadež­da sourit au lit vide
Jette-moi dans le train, intro­duis-moi secrètement

Je veux que tu me bois d’un coup comme vod­ka, à la lie
Les fourchettes à kou­glof voleront du balcon
Comme les grenades capitalistes

Retourne le sourire dans son siège
Nous mar­chons : plus jamais leurs poches
Ne seront pleins des nôtres

Mineurs, nous sommes tous ren­ver­sés comme la pluie
Nos enfants et les cuillerées d’huile de pois­son les samedis qu’ils offrent à leurs enfants
La jument recueil­lait la givrée sur sa croupe 

Sa larme glaçait par une tem­péra­ture de moins trente
Nadež­da s’offrit un pil­low talk en cachette
Et baisa le fusil chargé en rêve

Maïakovs­ki a per­du son pot de confiture
Il était effacé comme Lili de leur pho­to à l’arbre
Approche-toi, chu­chote comme le balançoire

Je me répandrai en bas de ta poitrine, de ta gorge
Sur le car­refour. Retouche-moi sans peur
Sol­dat, une jument en grossesse n’a pas le temps d’attendre

Avec du lait suce le communisme 
Et qu’ils creusent tes fos­s­es à l’heure, mon fils
Les bolchéviks ne por­tent pas de nuisette 

 

 

 

traduit par Bojan Sav­ić Ostojić

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Poèmes

Par | 3 avril 2016|Catégories : Blog|

 

En-deçà du visage,

            ton amour me rassemble 
sur l’archipel de mon esquive

                        Ses continents 
                        s’emboîtent
                       comme un jeu d’en­fants         en questions-nuages…

            Terre mouil­lée de sa lumière
           que l’in­souten­able tendresse
           de ton regard 

            C’est une eau qui m’interroge
           dans le clair-obscur trop proche
           de ton visage… 

            Fon­du enchaîné   j’ig­nore ce qui fait suite
                       à la nais­sance des images…

            Une fenêtre, une mai­son peut-être ?

                        un quelque chose d’in­ex­ploré encore 

                                        une  marge             limpide 

                        C’é­tait entre nous gardé         le cœur de la nuit, 

                        conque
                       ou conique

                        Un amour sans rai­son             s’y était accompli 

                        Le regar­dant s’émerveille :

                                                                       la vue nouvelle,
                                                                      l’e­sprit ailleurs…

                        Je ne sais pas ce qui va suivre
                       Les mots s’agi­tent dans leur 
                       coquille folle

                                                           Qui les rencontre ?

                        On nous oublie…

                        Je naquis de ne jamais vrai­ment te connaître 

                       

 

 

***

 

 

 

Je m’aven­ture dans les allées de ton silence
Jardins ouverts
Scène conjugale

J’imag­ine tous les pas­sages du vent,
Sa main sur la nuque de tes non-dits
Ce débord esti­val de la beauté
Entre les lignes de tes yeux

Ton front se plisse comme une histoire
Je me sur­pris à t’observer
J’er­rai longue­ment dans le jardin de ton silence

On tourne une page,
Et l’épisode se déplie dans la nuit chaude.

Ce jour-là
Tu ne por­tais pas la robe qui t’al­lait si bien

Mais seule­ment le début d’une joie

 

 

 

***

 

 

 

Un cou­ple, c’est quoi ?

Un cou, et la pluie d’un regard,
Ce regard indé­cent qui descend sur tes seins

La vieil­lesse se regarde dans un miroir
Les bal­cons bor­dés de leurs géra­ni­ums acariâtres
S’ab­sti­en­nent de tout commentaire

Il pleut sur le cou de nos années
Un cou très long de cygne blanc

                        Qui se redresse en interrogeant.

                        Mes années se regar­dent dans un miroir
                       Et font descen­dre leurs mains sur tes hanches,
                       Un bassin très large où flot­tent des cygnes blancs.

Un cou­ple, c’est quoi ?
Un cou, et la pluie d’un regard

 

 

 

***

 

 

 

Une bouche se pose
Sur l’en­tre-deux ouvert par ton hésitation.

La ten­dresse est dis­crète aux abor­ds de la pose
Je me laisse dériv­er par ta grâce fragile.

J’ap­puie peu de choses. Quelques mots seulement.
L’aven­ture se dénouera dans l’or­dre consenti.

A peine une aigu­ille, tis­sant l’étoffe perdue
Du vête­ment qui tient ensem­ble les deux bouts
De notre nudité, de notre joie.

Je cherche le nord de ta méditation
Et je me prends, moi aus­si, à hésiter.

A te relire, à te réinventer.

 

 

 

***

 

 

 

Je voudrais faire quelque chose
De cet instant qui ne va nulle part.

Laiss­er les pieds nus de mes pensées
Fouler sa lame, avant l’éveil.

Le soleil affleure à la surface
Des peaux et des paupières.

Un temps don­né, pour rien.

Le monde n’est pas encore aveugle
D’une action qui viendrait l’entreprendre
Dans ses filets

Vit­re embuée de la conscience,
Vite, vite…

Parse­mant ses pro­jets et prodiges,
Ses gar­rigues spongieuses.

Illu­sion d’optique ?

Le mou­ve­ment m’é­claire d’un pos­si­ble altéré.

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Poèmes

Par | 3 avril 2016|Catégories : Blog|

Mais tout exilé est comme Ulysse, désireux
De retrou­ver sa terre natale après avoir bourlingué
Sur les mers privées des phares et des balises.

Pour Fran­co Cor­ra­do, camion­neur sentimental,
Le tan­go fiore, le tan­go implore, le tan­go explose
L’or pil­lé des orpailleurs ; le tan­go impitoyable
Dit l’eldorado, pour ma gitane des lianes, des gentianes.
        « L’exil est
Né d’une racine aéri­enne agrip­pée au vent,
D’une larme de pluie du Sahara vertical.
Tu l’as trans­for­mé en soli­tude pour me tenir compagnie ».

 

 

 

***

 

 

 

Ce tan­go me rend insé­para­ble de tes pas,
Il m’offre la ville allongée par les grecs
Avides d’oublier Sparte sans l’atrocité des errances.

Naples, à la besace des vents et d’écumes,
Gitan présen­tant son enfant pour recueil­lir l’obole
Du touriste fatigué par la romance des croquignoles.

 

 

 

***

 

 

 

Je t’offre Naples, cet instant où la mer respire
Comme le vieux marin, quand la lune se libère
Des res­pi­ra­tions du vent et de froides lumières.

Le tan­go pleure, le tan­go meurt, le tan­go neutralise
Les cieux des patries meur­tries en vocalises,
Le tan­go ren­voie vos actes de naissance
Aux éphémérides impro­pres d’autres méditerranées.

Le tan­go allume un cig­a­re pour tenir compagnie
A l’éternelle révo­lu­tion de Fidel Castro.

 

 

 

***

 

 

 

Dans le salon où les pas­sagers boivent l’expresso,
Le pianiste chante l’amour, tyran de tout temps,
Et je sens mes mains embaumées de sa tristesse.

Le bateau cra­chote sa vapeur tuberculeuse
Sur un ciel suf­fo­qué d’hivers sans Terre de feu.

Dans le salon, les pas­sagers pensent au tango,
D’autres par­lent pour oubli­er la terre.
Une mère retrou­ve ses sens sur la mer agitée,
Et sa pen­sée s’ancre à son fils immi­gré à Pun­ta del Sol.
Son  passe­port est bigar­ré de visas aus­si divers
Que les langues andines dev­enues patois espagnols.

Pour elle, le tan­go sans bémol accorde le droit du sol
A tous les indi­ens, à tous les maliens, à tous les créoles
Par­tis au seuil des nou­veaux mon­des, sans protocole.

 

 

***

 

 

 

Le tan­go t’offre la terre, de mère en fille,
De la maati à la pacha mama, du fil­tre à la fiole.

Une rumeur prise au sérieux par un colporteur
S’enfle en guer­res civiles et faux génocides.

Le tan­go aux bar­belés : les bour­reaux accompagnent
La mort sans ombre au cimetière de l’exilé hybride.
Tan­go, tan­go pour Napoli ! La Terre est apatride !

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Poèmes

Par | 5 mars 2016|Catégories : Blog|

                           Tourne en vain le manège
                       les mots se cabrent
                       comme les chevaux de bois

                        Ils voudraient s’envoler
                       galop­er à per­dre haleine
                       Ils vont oreilles dressées
                       à l’écoute du vent

                        Qui les tient prisonniers
                       des rouages aveugles ?

                        Ils rêvent de chemins
                       sans lisières
                       ils savent qu’on les attend
                       pour pass­er des frontières
                       mais tourne le manège
                       au son des crécelles
                       les mots pris au mors
                       suc­combent à la ronde
                       des berceuses enfantines

                       Pourquoi l’éternel retour
                       des cav­a­liers du jour ?

 

 

 

(Fron­tières de sable – Edi­tions La tête à l’envers – novem­bre 2013)

 

 

 

 

 

                           Tu march­es près de moi
                       avec tes abîmes et tes neiges

                        Nos coupes de cristal
                       se heur­tent et vibrent
                       dans le ciel vide

                        Les appels ont des ailes
                       qui égar­ent les anges

 

 

 

 

(Fron­tières de sable)

 

 

 

 

 

                        Elle se lamente, la voix brisée
                       aux récifs de la mémoire

                        Ici elle ranime la braise
                       éteint ailleurs la flamme qui s’avive

                        Elle cherche des mots épars
                       par­mi les cen­dres du langage
                       lan­guit de ne pas les trouver
                       déchire en vain les voiles de la brume

                        Elle va guidée par le parfum
                       des herbes sauvages
                        en quête d’une source
                       pour ses lèvres altérées

                        Tout mur­mure d’eau
                       est rumeur qui s’épuise
                       aux neiges des halliers

                        Ivre de silence
                       elle qué­mande pourtant
                       l’offrande d’un regard,
                       le repos d’un baiser

                        Où te caches-tu veilleur dans la nuit ?
                       Ignores-tu que nulle ombre —
                       jamais — ne pour­ra effac­er ta trace ? 

                        Ne m’égare plus
                       dans tes forêts sans clairière
                       où chaque oiseau qui s’éveille
                       ne chante que pour toi

 

 

 

 

( Feux nomades – Edi­tions La tête à l’envers _ jan­vi­er 2015)

 

 

 

 

 

                           J’écrirai pour toi

                        Aus­sitôt les mots s’éveillent
                       comme une ruche endormie
                       quand sur­git le printemps
                       Ils volent vers celui qui appelle

                        Tout lan­gage crée ses passerelles

                       Sans toi, l’or s’éteint dans les caves
                       les sources s’enlisent
                       et nul ne sait pour qui chante l’oiseau

                        J’écrirai pour toi

                        Paroles qui s’enflamment
                       comme per­les sauvages
                       sur la peau bien aimée

                        Ta venue brise la rigueur
                       des longs apprentissages

                        J’écrirai pour toi

                        comme le pris­on­nier affranchi
                       célèbre la lumière
                       comme le vent épouse le feuillage
                       comme la nuit se livre au jour

 

 

 

 

(Feux nomades)

 

 

 

 

 

                          Alhambra

                         

 

                           Une femme chantait
                       dans les jardins de l’Alhambra
                       Sa voix fou­et­tait les étoiles
                       qui s’allumaient une à une

                        Te souviens-tu
                       du par­fum des orangers,
                       du bruisse­ment des eaux ?

                        Tout demeure inchangé
                       en ce lieu de mémoire
                       où les neiges éter­nelles veillent
                       sur les palais enchantés

                        Lieder de Schubert
                       quelques notes suffisent
                       pour tir­er de leurs rêves
                       les douze lions de pierre
                       des fontaines assoupies

                        Nous errons pour toujours
                       par­mi les colonnades
                       et la den­telle des façades
                       dans le par­fum des orangers

 

 

 

 

(Feux nomades)

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Poèmes

Par | 21 février 2016|Catégories : Blog|

 

 

 

 

Nuit. Tombe. Sur. Univers. Clair. 

(le bleu)

 

 

Jardin. Flux. Mécanique. Eau. Flux. Cas­cade. Soleil. Inces­sant. Chaleur. Épaules. Genoux. Pastilles. Jaune. Yeux. Pouces. Yeux. Feu. Trèfles. Bleu. Mouch­es. Vent. Là. Herbe. Trem­ble­ment. Léger. Gramme. Or. Creux. Main. Jardin. Flux. Mécanique. Inces­sant. Fort. Inces­sant. Faible. Cris. Chien. Enfants. Eau. Tor­rent. Véhicules. Lents. Véhicules. Vite. Flux. Cas­cade. Fleuve. Mécanique. Herbes. Couchées. Vent. Grand. Nuit. Tuiles. Feu. Herbes. Pli. Force. Courbe. Terre. Peur. Enfants. Fenêtre. Nuit. Pli. Bruit. Chien. Cris. Peur. Bleu. Nuit. Éclair. Éclair. Éclair. Image. Nuit. Vent. Feuilles. Courbe. Casse. Flux. Flu­ide. Mécanique. Eau. Soleil. Pluie. Chaleur. Poids. Chaise. Corps. Longue. Nuit. Courbe. Tor­rent. Boue. Feuilles. Vol. Claque. Porte. Panique. Fort. Faible. Jour. Tombe. Blé. Vert. Long. Mer. Roule. Vent. Courbe. Sol. Haut. Couché. Yeux. Eau. Flux. Ton­nerre. Éclair. Bruit. Vent. Herbe. Roule. Mer. Vagues. Herbe. Yeux. Orage. Fenêtre. Casse. Vent. Gouf­fre. Sol. Herbes. Trèfles. Mouch­es. Bleu. Pouces. Yeux. Jaune. Soleil. Voir. Air. Vent. Peau. Chaude. Lourde. Chaise. Corps. Descen­dre. Herbes. Trèfles. Terre. Sol. Verre. Eau. Claire. Main. Fraîche. Vit­re. Orage. Fenêtre. Cris. Ques­tion. Porte. Claque. Eau. Trèfles. Verre. Mouch­es. Air. Ombre. Yeux. Mouch­es. Air. Soleil. Chaud. Coton. Terre. Fleurs. Fraîch­es. Ombre. Aca­cia. Feuilles. Trous. Max­i­mum. Air. Soleil. Ombre. Avance. Frais. Som­bre. Épaule. Froid. Fris­son. Nuit. Orage. Vite. Fenêtre. Pluie. Ouverte. Pluie. Fraîche. Sol. Herbes. Terre. Ombre. Vent. Feuilles. Jardin. Flux. Mécanique. Arbre. Feuilles. Ombre. Para­sol. Trou. Vis­age. Chaud. Tête. Cheveux. Sen­tir. Bon. Eau. Flux. Gorge. Cas­cade. Eau. Sen­tir. Flux. Blé. Roule. Herbes. Hautes. Prairie. Grande. Herbes. Hautes. Max­i­mum. Toi. Taille. Elles. Herbes. Hautes. Courbe. Casse. Herbes. Fleurs. Trèfles. Eau. Flux. Pollen. Yeux. Gloire. Ombre. Goutte. Eau. Pli. Yeux. Sérum. Nu. Mains. Flux. Inces­sant. Fort. Faible. Moins. Peu. Nul. Rien. Sol. Trèfles. Chaise. Longue. Peur. Corps. Remise. Tôle. Froid. Pluie. Vent. Tem­pête. Pluie. Eau. Bleu. Vert. Soudain. Nuit. Air. Élec­trique. Masse. Eau. Herbe. Verte. Nuit. Bleu. Blanc. Colline. Eau. Nuit. Tuile. Bruit. Toux. Pous­sière. Nul. Toux. Herbes. Bêtes. Plumes. Nid. Corps. Peur. Peu­ple. Nuit. Herbes. Casse. Vent. Clair. Frais. Nuit. Genoux. Eau. Flux. Cas­cade. Pré. Bêtes. Gros. Grasse. Herbe. Lait. Âge. Rouge. Blé. Nuit. Vent. Beau. Loin. Fort. Herbes. Hautes. Corps. Dedans. Feuilles. Car­ré. Ivoire. Bou­tons. Yeux. Pollen. Rouge. Creux. Par­fum. Yeux. Ter­ri­ble. Sol. Feu. Pré. Herbe. Grasse. Nuit. Vent. Soleil. Tombe. Nous. Corps. Ombre. Chair. Seule. Jour. Nuit. Terre. Seule. Ombre. Chaleur. Yeux. Main. Pluie. Lourde. Vent. Casse. Herbes. Tôle. Feuilles. Branch­es. Nid. Trèfles. Blé. Vert. Haute. Herbe. Rose. Pétales. Rouge. Noir. Nuit. Non. Eau. Bleu. Courbe. Brille. Vent. Noir. Dedans. Nuit. Clair. Fort. Seul. Flux. Grand. Ivre. Peur. Sel. Noir. Yeux. Nuit. Jardin. Flux. Soleil. Corps. Nul. Nuage. Som­bre. Blanc. Oiseau. Haut. Meule. Chaud. Chaleur. Soleil. Roule. Corps. Sieste. Boule. Meule. Rien. Nuit. Jour. Herbe. Sel. Eau. Trem­ble. Tête. Front. Yeux. Bleu. Eau. Coule. Joues. Jardin. Flux. Mécanique. Juste. Nuit. Tombe. Sur. Univers. Clair. 

 

 

 

 

 

 

 

Du sol vivant a surgi… 

(le rouge1)

 

 

 

Du sol vivant a sur­gi le dou­blon de l’homme et du pois­son. La cordée d’une pêche mirac­uleuse. Loin la mer der­rière la plage immense. Le pain par les miettes avance tout de suite. On tient le cha­peau en papi­er volatile. Lui le grand inno­cent. Du sol vivant a sur­gi la ronde tam­bour et le cri droit – hélas, la per­spec­tive est close. Hau­teur dont les genoux cog­nent. Ils marchent à l’abri du temps dans un linge usé et cette œuvre inédite ravale la face de Dieu. Ils avan­cent, un filet d’or sur l’en­vers. La nuque est tran­quille avec son col­lier de vents. Du sol vivant a sur­gi la courbe d’un dos. Le poids de l’être. Le cuir d’un pois­son. Ils n’ont pas eu peur de s’ac­cou­pler en ouvrant grand la bouche. Du sol vivant a sur­gi l’huile – le pig­ment pour écrire – la couronne et l’as­sise : rouge sang. Un bébé de neuf jours. Son crâne est mou comme une éponge. Les sou­venirs s’ag­glu­ti­nent et perçoivent l’orée du fond. 

 

 

 

En marchant avec toi qui march­es lent. Non loin de la ver­dure, l’a­vant-dernier jour d’un nom. On rajoute à minu­it ce qu’il faut de sec­on­des — la masse lourde d’une Terre sur­chargée d’elle-même. Témoin : la vie muette. 

Dites — quelle forme avons-nous ? Un corps semé de par­tic­ules lumi­nes­centes. Nous voyons trou­ble. Que voyons-nous ? La pat­te d’un insecte soudain frac­tion­née. Est-ce une sec­onde ? Peut-être moins ? Lichen de feu ? Dès qu’on y pense. Quel est ce corps qui happe les col­li­sions ? Un sen­ti­ment dans l’être humain. 

 

3

 

Et les médus­es changent de couleur. 

 

 

 

 

Pro­fond sous la terre qui com­mence à craquer 

(le blanc) 

 

Qui s’a­muse dehors à fou­et­ter les grands ani­maux ? Est-ce moi ? Est-ce toi ? Est-ce moi que tu suis ? Est-ce toi que je suis ? Qui s’a­muse le soir à fil­er doux ? Est-ce mon angoisse ? Toi qui dors loin ? Qui s’a­muse la nuit à partager le vert du feuil­lage ? La nuit de l’é­toile ? Le frais de minu­it ? La soli­tude des enfants qui dort dans le noir ? Qui s’a­muse encore à relire tous les livres ? Est-ce l’oiseau ? Dont le bec sonne l’heure ? Pépie furieuse ? D’en être tou­jours là ? Qui s’a­muse le jour ? Le fin tracé du cœur ? En maître sauvage ? Qui s’a­muse le soir ? Le fin tracé du cœur ? Idem ? Avec en plus l’artère qui soulève ?
Boum boum…
Qui s’a­muse à voir — dehors la nuit — la poussée lente des planètes ? Qui s’a­muse le jour à met­tre sous terre les épin­gles à linge ? Pour en faire un piège ? Pour qu’elles tien­nent la terre ? La terre et l’eau ? Avec les feuilles ? Pour salir le linge ? Faire séch­er la boue ? Éten­dre le linge ? Comme des fos­siles ? Qu’on épous­sette ? Des épin­gles à linge ? Comme des vertèbres ? De dinosaures ? Qui s’a­muse à creuser ? À enfouir sous la pluie ? À creuser sous la terre ? Des épin­gles à linge ? Comme un tré­sor ? Est-ce qu’elles bril­lent ? Les gris­es ? Et les vio­lettes ? Où sont passées les dorées ? Pro­fond sous la terre qui com­mence à cra­quer. Qui s’a­muse le jour ? Avec Estrel­la ? Qui espi­onne l’amour ? En pen­sant qu’il est là ? Qui s’a­muse à défaire ? À refaire ? L’alphabet ?
Moins le blanc de l’encoche,
le puz­zle est entier.

 

 

Pub­lié dans la revue Thau­ma, 11 « Couleurs, lumière »

 

 

 

 

Je vois naître la couleur puis se rétracte…

(le noir) 

 

Savoir si c’est moi qui ramasse les miettes à la main, si c’est moi la ter­ri­enne, si ma nage absorbe la mâchoire, la claque et l’en­nui, si c’est moi la lessive, la meule noire, champ solaire, si c’est moi la roulade qui revient à l’air libre, ciel ouvert – mal­gré le fond noir de l’écran. Si c’est moi le défi d’ap­pren­dre tout par cœur. Kar­ité, aloès, cire d’abeille. Si c’est moi la noirceur ou la grâce, l’en­trelacs : ça y est, je vois ; la lumière du jour, l’hécatombe. 

Ne me par­le pas comme si j’é­tais savante. Comme si je con­nais­sais le sens des mots. 

Je tra­verse en deux temps. Ma peluche a per­du de quoi faire l’in­térieur de son être. Qui devance de quelques pas les mots que je prononce ? Qui demeure en cet endroit ? Avec moi dans la lande ? Où se mélan­gent thym, men­the et mar­jo­laine ? Et la coquille d’œuf brisée par l’en­fant, est-elle sous­traite à l’ac­tion pesante ? Avec ce qui me reste d’yeux, je vois : naître la couleur puis se rétracte. Comme si l’œil bas­cu­lait dans le corps la plus grande part du monde. 

Je recon­nais ton rêve, même en rêve, quand il est neu­tre, flou, loyal. 

Si je grat­tais der­rière les livres, comme un loir, je décou­vri­rais com­ment se noue, au creux de nuit du cri troglodyte, mienne et tienne, l’in­spi­ra­tion ; je chercherais en vain un exem­ple sans faille, le cœur comme un sachet qui ne bouge pas quand je bouge, un cœur autonome, le poids solaire de l’eau, les petites clo­ques de soleil dur, d’en­trée de jeu, l’air tout seul qui joue comme un enfant : en silence, piment noir du mois d’août. 

 

 

 

Pub­lié dans la revue Thau­ma, 11 « Couleurs, lumière »

 

 

 

L’en­fant joue du tambour…

(le jaune et le vert) 

 

 

1

 

 

L’en­fant joue du tam­bour, dit chut ! aux oiseaux, commence,
un peu hagard, un peu à l’aveugle.
La peine a disparu
ou presque
et s’a­vance, fil­lette, avec un faible pour toi. 

 

 

 

Quelque chose en équili­bre sur la tête,
l’en­fant marche,
pour que ça tienne, pour que ça tombe.
Où vais-je aller avec ma fusée ?
Vers le ciel jaune ou le ciel vert ?
Le coq fait miaou. 
Où sont-ils, les arbres qui pensent ? 

 

 

3

 

As-tu per­du le sens de l’air ? Le sens de l’eau ?
Mais l’eau n’a pas d’empreinte.
Pas plus que nous-mêmes.
L’arc-en-ciel est-il ce qu’il est ou l’est-il à cause des couleurs ?
C’est la ques­tion irréelle.
Le grand débat des huit-neuf ans. 

 

 

Pub­lié dans la revue Thau­ma, 11 « Couleurs, lumière »

 

 

 

Est-ce que ça flotte les billes ? 

 

 

Est-ce que ça flotte les billes ? Se demande celui qui regarde à tra­vers comme on cherche à voir l’en­tre-choc des mon­des. Est-ce que ça flotte avec la lumière et son tilt indéchiffrable ? Est-ce que ça flotte les billes dans l’eau claire d’une riv­ière ? Dans la main de l’en­fant qui joue à Jonas sai­sis­sant la baleine. Est-ce que ça flotte comme une feuille ? Comme la lotte ? Est-ce que ça flotte comme le sens ? La répéti­tion des leçons ? Est-ce que ça flotte comme le mime qui bal­aie tout lan­gage ? Ou bien l’om­bre qu’on bouge pour s’éloign­er de soi ? Se rap­procher ? Est-ce que ça flotte ? Comme les noms que ça porte ? Les agates ? Les araignées ? Les tor­nades ? Les drag­ons ? Est-ce que ça flotte depuis longtemps ? Depuis tou­jours ? Depuis qu’on joue ? La pre­mière roue ? Est-ce que ça flotte dans les parois ? Avec quelle main ? Est-ce que ça flotte avant de couler ? Com­bi­en de temps ? Peut-on le voir ? L’in­stant d’a­vant ? Avant de couler ? Est-ce que ça flotte ? De quelle couleur ? Faudrait-il un filet ? Pour les garder ? De couler plus bas ? Est-ce que ça flotte les billes qu’on partage en deux tas ? Est-ce que ça flotte comme la nef qui sauve Hélène ? Est-ce que ça flotte les billes qu’on jette en colère ? Est-ce que ça flotte les billes qu’on n’a pas ? Qu’on a per­dues ? Qu’on palme entre ses doigts ? Pour nag­er avec ? Est-ce que ça flotte les billes en terre cuite ? Qui ne cessent pas, jamais, de jouer. Est-ce que ça flotte ? Comme une toupie ?

Mul­ti­col­ore. 

 

 

Marie-Noëlle Agni­au, 2012/2013, Couleurs.

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Poèmes

Par | 21 février 2016|Catégories : Blog|

Tu te moques de l’avenir
tu te moques de ton passé
tu n’es que ce présent qui
souf­fle sur ton visage
haleine revig­o­rante d’un
print­emps qui s’an­nonce déjà.
Tu n’es que cette non souffrance
couchée sous le vent
que ce regard bleu et blanc
tourné vers les montagnes
que cet oiseau fur­tif et doré
que ce soleil ce sourire dans le ciel.

 

 

 

***

 

 

 

Il est temps de refermer
le sac aux délices
de boucler sa guiche
au bel écu doré
il est temps il est temps !

Baisse les paupières
affine ton sourire
détourne ton profil
et feins cette innocence
des filles qui jamais n’ont
dit oui !

Il est temps de refermer
les pages de l’histoire
d’oublier les grands émois
les pro­fonds soupirs
il est temps il est temps !

 

 

 

***

                                                                             

 

 

La nuit tombe dit-on
comme tombe le rideau
après le vif poignard
et cha­cun s’enferme en soi
jusqu’aux argentures
de l’aube aux pieds froids.

La nuit porte conseil
dit-on encor chez les gens
de cœur assoupi devant
leur feu domestiqué
et cha­cun se laisse bercer
de la chan­son illusoire.

Non la nuit se penche
comme une grande femme
aux seins affaissés
sur nos fronts d’enfants
vieil­lis avec leurs jouets
et nous intime le silence.

Dormez nous dit-elle
et rêvez si vous pouvez
de foires libertines
pour vous consoler
de n’être ni des sages
ni des héros

 

 

 

***

 

 

 

Mes pas dans la boue des autres
qui piéti­nent et pataugent
dans la boue des autres qui
s’embourbent sur l’Avenue
des autres qui vont lointains
dans la boue de notre histoire,
mes pas soli­taires presque
sur ce sen­tier imprévu
soli­taires loin déjà
du piétine­ment d’autrui
mes pas sur ce sen­tier de
mis­ère esseulée et veule
ma soli­tude clochant
sur la boue de l’univers
ma boue dressée au mitan
de l’hiv­er spec­tral et fou
mes pas de boue et d’amour
vers l’aube définitive
mes pas mes pas misérables
loin de l’Av­enue de ceux
que j’ai trahis autrefois
mes pas dans l’hiv­er la nuit
mes pas sur notre néant.

 

 

 

***

 

 

         

                                                                                 

L’aube jette un regard sale
sur les reflets de la chambre
on ne sera pas Stéphane.
Sur la com­mode ou le lit
nul ptyx ne roule ses plis.
Quant au puis­age des pleurs
nul besoin d’aller au Styx
on a ce qu’il faut merci.
On n’écrit pas de sonnet
en i ni en yx ni or
ne joue dans aucun septuor.

On met des mots devant soi
comme on met pas après pas
pour aller au rendez-vous
dont on ne revien­dra pas.

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Poèmes

Par | 21 février 2016|Catégories : Blog|

La mai­son

 

On habitait la moitié nord
et il faudrait un grand poème
pour invo­quer tout le palais.

Il y avait le jardin,
la cave,
l’escalier,
et des inventions,
comme de faire sous la table un salon de coiffure
—mais notre mère dit
qu’elle avait aperçu des cheveux
dépas­sant sous la nappe.

Un beau jour un autre enfant est né
et le père a dit viens voir
dans l’obscurité de la chambre
la véri­ta­ble vicissitude
à vivre désormais.

 

 

 

***

 

 

 

Dans la maison.

 

A l’extérieur de la chambre,
bruit chouan
de poteau enfon­cé dans la terre,
dans le vent et la nuit.

Dessin men­tal de la peur
de sauvages courant courbés
dans le jardin noir,
der­rière le verre du couloir.

Est-ce que le jour était pauvre ?
Je sus­pendis des bou­gies de moteur,
expéri­ence de l’esprit artistique,
fiente par­mi d’autres qui ont fait florès.

Bien­tôt je ne pus plus lutter
con­tre le som­meil dans la prière,
qui fit place à des images
pris­es à la ville jamais quittée.

Le matin la vraie lumière
fil­trait entre le bois et la pierre
en fig­ures concrètes,
pro­fils et trois-quarts,

l’une fer­rail­lant de son épée,
haut-de-forme,
coureur de fond, navire.
Ils sonnaient,

me pres­saient à l’intérieur.
Ils demeurent,
gar­di­ens et prisonniers
de la belle maison.

 

 

 

***

 

 

 

Fos­soyeur Samson

 

Je cherche le masque du grand voyage
que l’acteur aban­don­na dans l’ombrage
et que j’avais volé ; et puis l’affiche,
prise au-dessus d’une petite niche,
au pied du mur scénique d’Épidaure
fait par les collines. De ces faux bords
de l’immense alen­tour était venue
la voix qui tris­te­ment repasse, émue,
non d’Azur main­tenant, mais de l’ici
où les pas crissent, sous le ciel noirci.

 

 

 

***

 

 

 

Exis­ter et vivre.

 

Enfant, douze ans peut-être,
je hurlais la nuit.
On s’asseyait au bord du lit
et je me calmais.

Je ne sais pourquoi
sans d’ailleurs qu’on fît rien
le phénomène a cessé.
Depuis je n’ai pas vécu.

Certes je n’avais pas commencé
et la vie jamais ne me fut perceptible
que dans l’oubli des visions
qui avaient causé ces cris.

Quelque chose il y avait à
ne pas faire ou qu’en expédients
à ne pas atten­dre car rien
n’est promis par la voix

qui dérange les dormeurs.

 

 

 

***

 

 

 

Rixe

 

cet homme infâme je l’ai tué
mais cela ne suf­fit pas
et parce que j’étais en colère
je lui ouvris la poitrine pour lui arracher le cœur et le dévorer
c’est alors que je vis qu’il était pire que moi car il n’en avait pas
et cela m’a rassuré

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Poèmes

Par | 21 février 2016|Catégories : Blog|

            

 

L’eau

 

 

 

Les mots se ser­rent à tenter
sa trans­parence ou encore
la flu­id­ité d’une ascen­sion fulgurante
vers le bouil­lon de la phrase

 

Un dia­logue s’en­robe circulairement
déplace les liaisons entendues
chante en con­tinu sous la surface
que le soleil joue à lamer de plumes

 

Et par­fois dans le regard intensifié
l’in­for­mu­la­tion de cette promesse exacte
courbe un peu le temps vers la crête
d’une vague alléchante 

 

 grand rire                 vers nous autres qui faisons face

 

la terre s’in­cline ou se dresse selon
laisse crépiter le rythme du souffle
qui sépare et assem­ble d’une seule
pièce le mir­a­cle de cette eau tendre
au pied des roches sous le soleil

 

(Ces silences baig­nent dans la mer
à la frange le com­mence­ment fait signe
qui n’est pas encore du poème)

Ce qu’il offrirait nous rassemble.

 

 

 

***

 

                      

le Feu

 

 

 

1.

 

                                   Privée d’appui,
                                  Mais un oiseau tout de même
                                  Cherche la réal­ité d’un feu
                                  Qui serait comme un roc et cela lui suffit

 

2.

 

                        Le creux c’est une direction
                       Dans le buis­son le feu s’installe
                       Quand tu ser­res l’in­imag­in­able de ta royauté
                       Le mot femme s’in­cendie de ton prénom.

 

3.

 

                                   Au creux de la haie l’in­ter­valle trille
                                  Demeure de moineau

       Pour ta vérité

 

4.

 

                                   Ne pas séparer
                                  S’il reste le mot oiseau
                                  Qu’il vive dans le poème à attendre
                                  Le vol  dont tu es le cri

                                   Ne pas séparer
                                  Le matin le chant du coq rue de la gare

         Éveille aux loin­tains où rien en nous n’est séparé

 

 

 

***

 

 

 

                       Le point invisible

 

 

 

1.

 

Ne pas sépar­er, ne pas déranger l’instable
le déséquili­bre du poids et de l’énergie
se résout dans le mouvement
con­di­tion de la beauté
Pour la toupie

 

        2.

 

La toupie dis­tribue sur toutes ses faces
Gueules ouvertes grilles de chaux
Peu­ples silencieux
Qu’on par­que dans des camps
Enfants dont on fait des bombes

Tour­nante elle chante aussi
La chaleur et la rose qui grimpe sur le mur
L’amour vrai parfois
Et ceux qui vivent pour ne pas gagner

Le point invis­i­ble d’où elle tourne peut être le poème.

 

 

 

Objets

 

 

 

Ciels
        pages
                     milans
chaise

Quelque chose désassemble
L’or­don­nance du visible
Sous le pom­mi­er où j’écris

On ne sait le nommer
Cela entre avec moi
Sous la feuil­lée qu’infuse

Un sirop nou­veau de chaleur

 

 

 

***

 

 

 

                       La joie

 

 

 

- Seule la joie sait 

Il faudrait laver les mots
Du poème à l’eau de cette phrase

Ain­si de
plus haut tomberait une vérité
Plus juste

Comme on ratisse
Lentement
L’al­lée du jardin

 

 

La joie encore

 

 

 

« — La joie sait » disait-il
et le sang  char­rie un grand tumulte animal

….….…

 

Si je ferme le livre sur cette lumière
Rien ne s’op­pose au matin qui
Tri­om­phe en moi
Au revers de l’aube qu’expulse
au dehors le chant de l’oiseau

          Ce deux de mars

 

Comme on serait rejoint par son pro­pre visage

 

 

 

***

 

 

            La surprise

 

Après quoi la nuit d’un coup
noircit le linge sur le fil
sous la robe de percale
ses jambes sont du feu
des vais­seaux de stupeur
mon­tent vers nos bouches
il a plu au jardin notre lit
reste un lit ain­si qu’on le
nomme

       Quelle splendeur
ont nos chances minuscules

 

Ter­restres rien de moins enfin
ces corps-là qui se dépouillent
de leurs peaux sans intérêt

 

            Faire l’amour

 

       (…)

 

6.

 

A coup sûr les lions
Nous regar­dent encore
Avec bienveillance

Penchée sur moi
Tu gliss­es dans mon sang
La cer­ti­tude de mon visage

 

mais trou­ble

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Poèmes

Par | 7 février 2016|Catégories : Blog|

Arti­fice de la floraison

 

Renon­cules !
assez timides pour être adolescentes
fleurs en foules
dans les jupons humides de la sai­son prochaine
dans le berceau des bour­geons endormis
foules en fleurs : femmes
prêtes à effac­er le cartable des jours
à fre­donner la guéri­son du gel
           (elle a posé sur la table de nuit
           les scarabées du quotidien
           elle a allongé un pas d’ambre
           vers les neiges sucrées
           qui fondent sous le poids du prince
           en haillons

            pour nous elle a dénudé la primevère
           elle a gémi entre les hivers démodés
           giboulées de haricots
           fèves de février
           renoncules !)

 

 

 

***

 

 

Lever de soleil à Tokyo (ren­ga)

 

L’éclat de tes cils
nous irons sous les galets
respir­er le sel

                                                          Sous la douche des parfums
                                                         un insecte bleu : ta bouche

L’abricot soupire
la chaleur d’un mur de briques
entre deux lézards

                                                          Toute mélopée s’approche
                                                        du divin comme un voleur

Prison d’orchidées
moi j’étais un peu timide
cours­es débridées

                                                          Il n’est d’autre point du jour
                                                         que le tem­ple de tes hanches

S’endort en héron,
se coule en un lit de plumes,
se réveille femme

                                                          Toute la soirée d’Octobre
                                                         j’imitai le cri du freux

Si la pluie s’écarte
de l’axe des kimonos :
le vent dans tes jupes

                                                          Sous les touffes des bambous
                                                         le cham­pagne de tes reins

Qui de nous se perd
dans l’océan de la natte
y met­tra la patte

                                                          A deux pas dans la chaumine
                                                         la rime des écolières

Le jus des papayes
sur la pointe de tes seins
de lave et de lait

                                                          Témoign­er la som­bre plainte
                                                         du hibou rompu par l’âge

Sur ta nuque d’ombre,
le val que la dent imprime,
tout le rut du monde

                                                          Dans le suc de ta tendresse
                                                         je refleuri­rai mes rides

 

 

 

***

 

 

Haïk­ous (*) au choix

 

Lilas citadelle
de bucol­ique candeur
te voilà drapé.

L’herbe est court-vêtue
face au muguet clandestin :
nudité d’un jour.

Le hâle, le cerne
sur l’écorce de tes joues
comme un brou de noix

D’aucunes trop vertes
il en est de farineuses
telles femmes : pommes.

La braise grimace
nous irons ravir les mûres
aux rouges limaces.

Ta lèvre mi-close
j’y lisais à lit ouvert
éro­tique prose.

A la nuit tombée
nous partagerons ta natte
aux cris des mainates.

Le soleil lascif
a cou­vert ton corps d’albâtre
d’un bain d’or mussif.

Tu m’avais dit : songe
entre les draps esseulés
l’odeur des violettes…

La sauge, la menthe
et l’iris noir : fleurs tombales
au creux de tes reins.

A midi minuit,
per­dues entre chien et loup,
la mort ou la vie

Tu allais volage
j’avais l’humeur vagabonde :
nous voilà plantés !

 

(*) Orthographe volon­taire­ment francisée

 

 

 

***

 

 

Pause

 

Ils hissèrent
sur la mon­tagne de velours lactée
où la pul­sa­tion de l’aube
prend sa source
des grains blonds pour par­fumer ta jambe

Ils per­cèrent
sous la caresse capricieuse de la lave
qui inondait ce soir-là ta couche
un mur de miel et de safran

Ils mou­rurent
sur le sen­tier où la sueur se fait chêne
noyés par les tor­rents acides
de ta salive
et broyés par l’écume victorieuse
de ta hanche drapée d’eau bleue

Ils naquirent à nou­veau ma
belle
c’est trop ! les draps se font car­cans la crypte
est un cheval d’argile
dont le crinière se mêle au vin fou
la flu­id­ité même de ton rire
se mue sans cesse en tocsin
et des larmes de corail
emplis­sent goutte à goutte
la paume de ta main glacée

Aux fenêtres de ton délire
il n’est plus d’écorce lustrée
les nuages ont labouré la mélodie
de tes reins nus
et entre tes seins pointus…

Ils ger­mèrent

 

 

 

***

 

 

Etreinte

 

La nuit serpentine
tapie dans les douves
sur l’horizon des arbousiers

La lucarne est moite
fondent nos racines
le soleil plombe les moissons

Ta salive est mauve
la nuit volcanique
brise la houle des draps blancs

Roulés en cloporte
moi et toi ma mousse
dans l’haleine des palmeraies

Treize heures bourdonnent
au clocher des mouches
la nuit sec­oue ses grands jupons

Jonchées de jachères
comblées de congères
tes jambes sont ruissellement

La nuit serpentine
tapie dans les douves
sur l’horizon des arbousiers

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Poèmes

Par | 18 janvier 2016|Catégories : Blog|

L.

                                  

 

                                   C’est notre anx­ieux babil,
                                  Tout deux mau­gréant la ville,
                                  Je par­lais de ce bonheur.

                                   C’était mon désir puéril,
                                  L’exil un peu trop facile
                                  D’un de tes bais­ers de sœur.

                                   M’as-tu donc nour­ri, idylle,
                                  La ligne de tes faux cils
                                  Close sur mon front rêveur ?

                                   Ce fut toi, Lilith, nubile,
                                  Qui négo­cia ce deal ;
                                  Moi j’y lais­sai tout honneur.

 

 

***

 

 

                                               L’auberge verte

 

 

                                                     Voir couler le sable,
                                                    Chercher un coupable.
                                                    – Un bon somnifère,
                                                    Et au lit cher frère !

                                                     Plus jamais le rire
                                                    Entê­tant d’Elvire.
                                                    – Une veine ouverte,
                                                    Vers l’auberge verte ?

                                                     Nous étions heureux,
                                                    Heureux d’être tristes.
                                                    Si c’est être triste
                                                    Qu’être triste à deux.

                                                     Et un soir, alerte,
                                                    Vers l’auberge verte…
                                                    – Tirons la lumière.
                                                    Bonne nuit, cher frère.

 

 

 

***

 

 

 

                                             Marine sans alcool 

 

 

            La crique où j’embrassai ta bouille
                      A la forme d’un œil ;
           Ce jour, la mer monte à son seuil,
                      La vue veuve s’y brouille. 

            – Hosan­na ! Ton rire s’est tu !
                      Et l’océan sonore
           Se rue dans l’encore et l’encore
                      De l’écume, – entends-tu ?

 

 

***

 

 

                       L’ombre rose

 

 

            Le matin nié dans nos rideaux,
                      Le réveil à midi,
           Et l’après-midi som­bre ainsi
                      Qu’une ombre sur ton dos.

            Cette ombre rose, chère amie,
                      Nous devin­ions sa fin.
           La lumière sur ce défunt
                      Jour se fit : vint ma nuit.

 

 

***

 

 

                       1982 – 2002

 

 

J’ai trop de peine,
Petite sœur.
J’ai trop de peine
A ressasser

L’aube loin­taine,
Les jours passés ;
C’en est assez
Pour ce vieux cœur.

J’ai tant de peine,
Et j’ai bien peur,
Petite mienne
Au sang glacé,

Que tout se meurt ;

L’aube loin­taine,
Les jours passés
A ressasser
L’horreur.

 

 

 

***

        

 

 

                Lézards filants

 

 

         Je dors encor
        A l’ombre des
        Idées et corps,
        Jetant mes dés,

         Comme des morts !

         Comme des sorts,
        Flétris d’hasards,
        Est-ce raccord ?
        Sont-ce lézards 

         Filants ? – Trop tard !

         Je crois à l’or,
        Aux plus-values
        Qui font du tord,
        Aux chants sans plus,

         Aux vers sans mors !

         Pas­sant décor,
        Coquet très vain,
        L’amour m’endort,
        Comme ce vin

        Crû tôt divin.

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Poèmes

Par | 9 janvier 2016|Catégories : Blog|

1.

 

 

Il y a tant de silence
dans ta pho­to floue
que j’en perds le Nord.
Et je fixe ce papi­er glacé
que tu ne voulais pas
je guette un signe
dans l’Immobile.

 

 

 

***

 

 

 

2.

 

 

« Nous le voulons, nous l’aurons l’au-delà de nos jours ! » André Breton

 

 

Un jour
des mains croisées

enfin

tresseront
des couronnes
pour des rois et des reines
qui ne régneront
sur personne

 

 

 

***

 

 

 

3

 

 

 

 La pleine saison

 

 

Des femmes marchent
Et passent dans nos vies
Ou demeurent en nous
Comme un souf­fle au cœur

On dort sur le sable
De l’espace partagé
Mais le temps du plaisir
Est trop court

Et le cha­peau vole
Emporté par le vent
D’été ou d’hiver

Tout est clair
Tout est là
Effacé et présent

Pour vain­cre
     L’aigreur la tristesse
Attein­dre la nostalgie
    Des vieux jours peut-être
Tout ce qui peut
                         Etre encore
Vivre pleine­ment aujourd’hui

 

 

 

***

 

 

 

4.

 

 

 

Sans rien dans mes poches 

 

 

 

Sans rien dans mes poches
Je tourne en rond
Je perds mon temps
A marcher en rêvant
Som­nam­bule éveillé
Cher­chant ce que je suis
Peut-être rien du tout

Juste un cri
                  Mais non
    juste             un grognement
          Dans la houle du Temps
Près de femmes connues
Dans les souf­fles qui s’épuisent
A la même cadence
Dans les notes oubliées
De musiques jouées
Dans les paroles échangées
 Dans les mots perdus

Un jour un jour
Il y aura du sang partout
Ce jour
Il y aura de la douleur
Et le vent toujours
Qui emporte le Tout.

 

 

 

***

 

 

 

5

 

 

 

Le jour miroitant
            les lueurs d’un monde plié
        dans  les jardins
      des gens   marchent  l’hiver
  en  traî­nant de gros sacs
      et se parlent
                      en silence grelottant.

 

 

 

***

 

 

 

6

 

 

 

Que voir que voir
Qu’attendre de l’autre
L’animale aux aguets
Atten­tive et chaude
Putain et pucelle
Assoif­fée en silence

Le sexe la tendresse
Son ven­tre et ses mains
Ses seins et sa bouche
Tous les plaisirs
Des mer­veilles de l’autre
Et le froid de l’absence

 

Le tout pour apprendre
Une écoute nouvelle
De ses pleurs de son souffle
La tristesse et le manque
La joie d’une attente
Pleine comme des cuisses

 

Le tout pour bricoler
Un dernier combat
La dernière image
Vic­toire du mourant
Dans le saut terminal
De l’instant fatal

 

 

 

***

 

 

 

7

 

 

 

Buttes de Paris où le ciel passe
Silence du print­emps qui commence
Sourires d’eau pure cock­tails colorés
Lèvres gour­man­des d’instants chavirés

J’ai rué dans ton corps et dans ta vie
Jeté la fiche d’hôtel
        et gardé le reste

          la douceur de tes cuisses
          la chaleur de ta bouche
          l’accueil de tes seins
          les caress­es de tes mains
          et le goût de ton sexe
             dia­mant de ta vie

   Quelques heures d’éternité
    mar­quées de nos chairs
          reviendront
  Si je viens de loin
     avec ma peur
      et
       un nœud à faire
         dans ta mémoire

          notre désir
                   simplement

              (         envoi :

         Tu m’as par­lé et ta voix claire
         Tes yeux noirs ton corps tremblant
          Etaient là rien d’autre à faire
          Que de  t’aimer comme un dément

                                                   )

 

 

 

***

 

 

 

8

 

 

 

       Réveil 

 

 

Silence humide aux paupières collées
Brumes mati­nales sur la terre alourdie
Un rai de lumière dans la cham­bre froide
Dehors les oiseaux pépient
                          Salu­ent déjà le jour

Ici
   l’idée de ton corps s’insinue
     et ta chevelure noire en fusion
       tes yeux anthracite intense
       ani­ment les charmes obscurs
        des faubourgs d’une province
          que tu ne con­nais pas

Demain quand je serai  très vieux
je ver­rai encore ton visage
beau et triste comme une civilisation

Nous descen­dions l’escalier des catastrophes
 Et j’avais la con­vic­tion passagère
  d’une ques­tion infor­mulée mais résolue
       (un secret
    qui m’a gardé
      quelque temps)

Silence humide
 l’idée de toi
   rai de lumière
     dans la chambre
       s’insinue.

 

 

 

***

 

 

 

9

 

 

 

Les peu­ples tombaient en cavalcade
  sous les regards
des puis­sants
et ça faisait
cris désor­dres et catastrophes
Ils se met­taient en terre
 et descendaient
au garde-à-vous
  (ou même pas )
et d’autres continuaient
 oubliant ce qu’ils furent.

 

Un grand silence
Dans les habitations
La terre craque
Bouche l’horizon

L’air empoi­sonne
Les poumons fatigués
Une parole calme sonne
Mais peu pour écouter

Un vieux sage médite
Dans un champ il s’assoit
Pau­vre petit moustique
Nous rap­pelant la Loi

Il n’est qu’un zigouigoui
Pour les grandes tribunes
« Par­le, mais il suffit
Tu comptes pour des prunes. »

Les petits colibris
Gen­tilles gouttelettes
Arrosent  l’incendie
Mais ne sont qu’Impuissance

Ils vont mourir aussi
Car c’est la grande vague
D’autres naîtront à demi
De pau­vres  somnambules

C’est l’air qui empoisonne
Nos poumons fatigués
Des mots sages résonnent
Per­son­ne pour écouter

Et d’autres ont décidé
Les poi­sons dans nos corps
Pour leur avidité
Et cen­dres pour les autres

 

Nous n’irons plus au bois
Les arbres sont coupés
Nous n’irons plus au bois
Trop d’hommes ont déserté

Et d’autres ont décidé
Pour leur sécurité
Les poi­sons dans nos ventres
Et le feu et les cendres

Pour eux l’homme est de trop
Vivants ils sont factices
Et jouent au bonneteau
Avec de belles actrices

 

Nous n’irons plus au bois
Les arbres sont coupés
Nous n’irons plus au bois
Les hommes ont déserté

Les habi­tants de Pâques
Ont pu fuir par les mers
Mais l’espace est opaque
Plus de caches sur terre

 

 

 

***

 

 

 

10

 

 

 

Tout est usé tout est usé
Le marcheur saigne des pieds

Tout est fam­i­li­er et futile
Tous les détours  sont inutiles

Ignoré le fondamental
« Penser glob­al agir local »

Ils tuent la terre des enfants
Pas de couteaux entre les dents

 « Penser glob­al Agir Local »
Toutes tous dans le même bocal

« Penser glob­al Agir Local »
Dis­ent aus­si les multinationales

Mais c’est surtout pour leurs poches
Et tant pis pour les mioches

De là-bas d’ici ou d’ailleurs
On ne sème que du malheur

Et Cas­san­dre est fatiguée
De n’être jamais écoutée

« Plus jamais ça plus jamais ça »
Pau­vre slo­gan de trop de foi

Que de dra­peaux et de flammes
En route pour un dernier drame

Tout est usé tout est usé
Et l’homme saigne des pieds

Bien­tôt ne restent que des soldats
Mer­ce­naires ou pau­vres gars

Pour mater tant de révoltes
Stérilis­er tant de récoltes

Affamer les pau­vres et les vieux
Dans un fra­cas silencieux

Tout est usé tout est usé
Et l’homme saigne des pieds

Tout est cassé et stérile
Et tous les pleurs sont inutiles

Les sur­vivants vont défiler
Une occa­sion de parader.

Voilà les tueurs de la Terre
A qui la foule est étrangère

 

 

 

 

Quand des hommes s’acharnent
sur la longue durée
pour frein­er l’hécatombe
on reste assis là
atterré
sous un ciel bleu profond
qui cache
la tristesse immense
qui se répand
dans les poitrines sans écho

 

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Poèmes

Par | 8 janvier 2016|Catégories : Blog|

Si je ne t’ai encore rien dit de moi-même
C’est que j’ignore qui est cet homme
Qui sou­vent par­le pour du vent
Et souf­fre d’une impuis­sance native
Pour ce qui est de savoir
                s’il existe vrai­ment quelque part

 

 

                                   *

 

Ce qui remue entre les roseaux de ton être
Vogue sans bruit à la sur­face d’un mouvement
Venu fab­ri­quer con­tre la mort
Des morceaux de temps encore vivants

                                  

                                   *

 

À peine souf­fle le vent
Qu’un poème remue les doigts
Graisse les rouages d’une langue
Qui voit des choses hors du temps
                        hors du champ de l’espace
Et vit jour après jour avec la seule pensée
De ren­dre le monde vis­i­ble une sec­onde fois

 

                                   *

 

Le jour est cette pas­sion dangereuse
Cette perte d’équilibre qui n’a pas de nom
Et s’abreuve de la mer­veille d’un geste
Aigu­isant à grande vitesse les couteaux de la vie

 

                                   *

 

Ce qui en toi vole et désire
Chante d’un regard qui s’offre au monde
Et rêve à genou dans le possible
                                     d’un chemin illisible

 

 

                                   *                                

 

Quel bon­heur d’être ici
Pro­jeté dans une dimension
              sans nom ni vis­age certain
En train d’essayer d’attraper les oiseaux en plein vol
Et de trac­er la carte d’un temps
Dont le cœur frag­ile imag­ine tout l’amour du monde

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Poèmes

Par | 8 janvier 2016|Catégories : Blog|

Le sen­tier du Train Jaune (extrait)

 

 

Croisé ombres furtives, enten­du coups de pattes pour fuir, com­pris lapin sans voir per­son­ne. Le cœur pal­pite. Le corps rebrousse chemin devant trois pos­si­bil­ités de lapins.

 

Hier soir, sur un ver­glas inat­ten­du, vers le nœud angois­sant de l’être, des cris ani­maux, végé­taux, minéraux. Indistinctement.
Le bour­don­nement d’un silence.

 

Trois sons de cloches ani­males remon­tent le pré jusqu’au ruisseau.
Pour­suivi tout droit jusqu’au croisement.
Pris en face, sen­ti traces de tracteur, terre humide.
Vu aucune mon­tagne, aucun ruis­seau, aucun chemin.

 

Cher­ché Scorpion.
Trou­vé Grande Ourse, trou­vé Ori­on et Chevelure de Bérénice.
Lu dans les étoiles comme dans un livre, allongé dans le pré, aban­don­né à mon corps. Dor­mi avec une nuit dans la nuit habitée. Autour, les formes de l’égarement.
C’est un chemin par­fait où l’homme puisse s’enfoncer en lui-même.
Etre seul ici et voir ce qu’il y a dedans.

 

Voir que quelque chose se brise. Que les murs tombent. Que le réel et l’imag­i­naire coulent l’un dans l’autre. Que les mon­stres et les désirs jail­lis­sent, tout à fait là, debout, bien droits et bien réels,  bien plus que beau­coup de fauss­es présences.
Vac­ille­ment au cœur de la nuit.

 

Il faut venir ici le soir, après dîn­er, goûter le ciel étoilé et la pro­fondeur du monde.
On voit les fan­tômes et les loups mon­ter lente­ment vers la maison.

 

On ne les voit pas vrai­ment, mais ils appa­rais­sent au fond, quelque part. On ne peut pas réelle­ment dire où.
L’im­age est là comme sur une paroi.
Il ne reste qu’à la dessiner.

 

Eloigné du vil­lage, on glisse dans l’in­finie petitesse des sur­faces. Les ombres nous par­lent, l’église sonne au loin. Tout ce qui est enfoui marche et broute dans le pré. Tout ce qui n’ex­iste pas laisse enfin dépass­er sa tête du ter­ri­er, et voy­ant qu’il fait noir, com­mence à sortir.
Le lieu, aban­don­né un temps, nous abandonne.
C’est cela, l’espace : l’oubli du lieu.

 

 

 

***

 

 

 

Vision de Nax­os (extrait)

 

 

Nos yeux écar­quil­lés à notre arrivée dans l’île. A notre arrivée dans toute île. Un soir.

 

La mer est noire et sans lumière.
Restons assis. Que la nuit passe et que le reste continue.

 

L’eau n’a pas beau­coup mon­té cet après-midi-là.
La plage est restée la même. Bar­ques amar­rées et craquantes.
Le soleil a dis­paru der­rière la falaise du Cap Pounta.
Te dire que j’aimais le chemin.

 

Bor­dant la plage, un bruit de dents quand les galets furent pris par les vagues.
Il y avait des lumières la nuit. Les bateaux. Les restaurants.
Et der­rière, tout au fond, l’obscurité. Celle où nous marchions.
Où nous parlions.
Nous nous asseyions dans le sable.
Un bateau appor­tait des pastèques et des journaux.

 

Le vent souf­flait dans les cit­rons vivants.
Nous ramas­sions sans rai­son un cail­lou plutôt qu’un autre.
Nous voulions saisir un objet, une idée et c’était comme les saisir en rêve : nous nous réveil­lons les mains vides, et surpris.

 

 

*

 

 

Il y avait une crique sans nom. J’aurais voulu qu’elle n’en ait pas.
Il y avait des angles, dans les rochers, qui n’avaient pas de nom.
Des rideaux qui volaient aux portes.
Des choses pour lesquelles il n’y a pas de mots.

 

Il y avait des algues noires qui te fai­saient peur.
Elles étaient au fond de l’eau.
Des mass­es som­bres et qu’on n’identifiait pas. Le flou. Le vague.
Le bord du discernement.
Il y avait au bout une petite plage de cail­loux puis de sable.
Dans la baie.

 

On s’est désha­bil­lés. Nus, on s’est assis.
Ta peau s’est assise con­tre les choses. Sur les choses.
Il y avait le retour à la nage. La mer entre nos jambes.
Les pois­sons invisibles.
Il y avait ce chemin et cette femme. Ce creux. Ces bateaux.

 

Je m’endormais au soleil.
Dans mon repos se con­sumaient de loin­taines inquié­tudes et je les oubli­ais en brûlant avec elles.
Je for­mu­lais en mots les sons qui m’environnaient et en dres­sais intérieure­ment la liste, celle d’un paysage exquis de figu­iers, de vagues, d’insectes et d’oisiveté.
J’oubliais ma joie à tra­vers elle, je nageais dans le bruit même de l’eau s’abattant sur les galets.
Les bavardages tran­quilles, la chaleur, les mon­tagnes, les bruits de tout cet espace ouvert et vivant, je les entendais, passif.
Il me sem­blait que je mourais d’un excès de musique.

 

Nax­os était en face, à quar­ante kilomètres.
Quar­ante kilo­mètres de quoi ? D’eau. De mer. De sel et de pois­sons. Quar­ante kilo­mètres de ques­tions et de bateaux. De nage. D’amour. Ce que voulait dire quar­ante kilomètres.

 

 

 

***

 

 

 

L’atelier le dehors (extrait)

 

 

1.

 

 

Il soupçonne secrète­ment les mots de lui ôter une part du vis­i­ble. Dessous, lui sem­ble-t-il, est un monde plus large, sans limite.
Il ne le dit pas mais pense le lan­gage comme une obstruction.
Il étouffe dans les mots.

 

 

2.

 

 

Pour éprou­ver le lieu, le mot est un obsta­cle, croit-il.
Mais qui n’a jamais cher­ché, face à un paysage, à en for­muler l’in­finie éten­due ? Et le lan­gage ne peut-il pas, lui seul, ren­dre vis­i­ble les puis­sances mêlées de l’in­stant et du lieu ?

 

3.

 

Lorsqu’il voy­age en train, la tra­ver­sée des petits vil­lages le lais­sent sans voix. Dans les hameaux entourés de terre, dans les espaces ten­dus entre églis­es et mairies, il inter­roge l’e­sprit du lieu, fugi­tive­ment. Déjà le train l’a amené ailleurs.
Mais quand il lui arrive d’apercevoir, sur un pan­neau proche de la voie, le nom d’un vil­lage qu’il aurait volon­tiers dit sans nom, n’est-ce pas comme s’il l’empoignait, comme si le vil­lage, insai­siss­able tout à l’heure, tenait main­tenant dans sa main ?

 

4.

 

Son irrup­tion (bri­sait-il, mal­gré lui, la tran­quil­lité du lieu ?) dans un café d’Is­tan­bul, avait un jour retenu son atten­tion. Out­re cet espace presque flot­tant, fumant au-dessus du Bospho­re, ce qui l’avait intrigué surtout, c’é­tait d’être à ce point inca­pable de nom­mer les objets, les formes, les matières qui com­po­saient et habitaient le lieu. Etait-il autant inter­pelé par le lieu qu’il l’é­tait par son inca­pac­ité à le dire ? A dire ce lieu ?

 

5.

 

Il n’emporte jamais son appareil. Ce qu’il a longtemps cher­ché à com­pren­dre dans la pho­togra­phie l’in­ter­roge encore.
A quoi bon, se demande-t-il ; les car­tons rem­plis d’im­ages et de négat­ifs s’a­mon­cel­lent. Ce qu’il croy­ait tenir n’a jamais cessé de lui échapper.
Mais, il le sait aujour­d’hui, ce qu’il espérait alors, c’é­tait que par­lent les images, qu’elles lui per­me­t­tent, autant que pos­si­ble, d’échap­per à sa pro­pre parole.

 

6.

 

De ses prom­e­nades le long des quais, des après-midi de print­emps, allongé dans le pollen, de l’odeur des figu­iers, il garde des sou­venirs exquis. Mais le plus grand plaisir à l’oisiveté n’a jamais pu l’ar­racher à un sen­ti­ment plus pro­fond : qu’en­trent dans le livre les paysages où il marche, et que le lieu du livre devi­enne leur seul lieu.

 

 

 

***

 

 

 

Epipha­nies (extrait)

 

 

     L’heure de l’ou­ver­ture approche ; sur le trot­toir du cab­i­net médi­cal, le nom­bre de patients, remar­que une femme, ne cesse d’aug­menter. C’est son pre­mier ren­dez-vous ; elle ne con­naît ni le médecin ni les lieux ; elle attend, comme cha­cun, que le médecin arrive.
     Dans la rue en face sort soudain d’une voiture un homme d’une cinquan­taine d’an­nées, por­tant des lunettes et un sac en cuir usé. Il marche en direc­tion du cab­i­net. La femme l’ob­serve un instant, écrase sa cig­a­rette, se recoiffe et com­mence à s’a­vancer vers la porte. L’homme arrive près du cab­i­net et, sans même y jeter un œil, pour­suit sa route.
     Au loin, la femme aperçoit main­tenant un nou­v­el homme : plus déten­du, sif­flotant même, l’al­lure légère, il est néan­moins d’une apparence sérieuse. C’est notre médecin, pense-t-elle, presque sûre d’elle quand elle le voit, non loin de là, sor­tir de sa servi­ette noire un trousseau de clés.
     L’homme arrive près de la porte, ralen­tit et, comme le précé­dent, dépasse l’attroupement  pour ouvrir, à quelques pas, une autre porte.
     Et rapi­de­ment, chaque homme qui appa­raît et s’ap­proche du cab­i­net devient le médecin que tout le monde attend. Dans chaque vis­age, dans chaque détail, elle finit par voir un médecin, des vête­ments de médecin, des lunettes de médecin, une démarche, une coif­fure, une sil­hou­ette de médecin.
     L’ex­péri­ence se répète, et le médecin n’ar­rive pas, quand, comme pour la sur­pren­dre encore, on entend une clé ouvrir la porte de l’intérieur.

 

 

*

 

 

     À un repas de famille, une jeune femme se sou­vient à haute voix de son chat qui, alors qu’elle n’était encore qu’une petite fille, était par­ti, un jour, et n’était jamais revenu. Elle se sou­vient avoir passé les jours suiv­ants à regarder sur les chemins, entre les rangs de vigne, si elle n’apercevait pas sa petite mous­tache et son doux pelage noir taché de blanc. Elle avoue même que des années après, presque par sim­ple curiosité, mais peut-être encore meur­trie, elle obser­vait les chats des autres en essayant de le reconnaître.
     Son père lui apprend alors, mais il avait fal­lu ce temps pour le lui dire, qu’en réal­ité le chat s’était fait écras­er et qu’il l’avait enter­ré au fond du jardin. Qu’elle avait joué, tout ce temps, sur sa tombe.

 

 

*

 

     Assise à la ter­rasse d’un café, une jeune femme voit arriv­er un homme avec des bracelets plein les bras. L’homme s’approche d’elle, se mon­tre ami­cal, la tutoie rapi­de­ment et ils enta­ment une con­ver­sa­tion agréable. Très vite, il lui pro­pose d’acheter ses bracelets. Elle refuse, un peu gênée, mais ça ne l’intéresse pas. L’homme insiste encore un peu tout en plaisan­tant, elle refuse à nou­veau, souri­ante mais désolée. Comme en signe de capit­u­la­tion, il pose alors sur la table un bracelet, lui dit, esquis­sant un clin d’œil, tiens, il est pour toi, et entre dans le café à la recherche d’un nou­veau client.
     La jeune femme est sur­prise un instant, regarde le bracelet sur la table, le prend dans ses mains, l’essaye à son bras. Enfin quelque chose d’agréable, se dit-elle, heureuse de son nou­veau bijou, heureuse d’être celle à qui le cadeau était destiné.
     L’homme sort du café quelques min­utes plus tard, revient vers la jeune femme et lui demande : alors, tu le prends ? La jeune femme se défait du bracelet et, pleine de con­fu­sion, lui rend l’objet. Non mer­ci, dit-elle, totale­ment aba­sour­die, et l’homme s’en va.
     Et la femme reste là, dépos­sédée de l’objet, triste d’admettre qu’un peu de sa naïveté a dis­paru avec le bracelet.

 

 

*

 

 

     En fin d’année, un petit garçon décou­vre chez un copain un tout nou­veau jou­et, le meilleur de tous les jou­ets et très vite lui vient l’idée d’en faire la com­mande pour Noël. Il ne pense plus qu’à ça, compte les jours sur son petit cal­en­dri­er et fatigue ses par­ents avec une ténac­ité toute infan­tile pour qu’il lui achète le fameux jou­et. Mais il coûte très cher et ses par­ents, qui n’ont pas vrai­ment les moyens et leur enfant le sait bien, hési­tent un peu. Au prix de mille plaintes et prières, les par­ents finis­sent par céder. Mais après deux jours à se délecter sans trêve du même jou­et, celui-ci finit par per­dre de sa saveur orig­inelle et l’enfant, qui com­mence à se lass­er, se sent aus­sitôt rongé par les regrets et la culpabilité.
     Ain­si il décou­vre, mais avec quelle amer­tume, les tra­vers du désir.

 

 

 

***

 

 

 

L’autre rive

 

 

Vous habitez une ville
et cette ville vous habite si bien
que vous êtes à la fois
le con­tenu et le contenant.
Vous vous déplacez dans deux plans distincts
sur des quais intérieurs
essayant de résoudre une sorte d’énigme
ten­due entre Saint-Michel et les Chartrons.

Où allez-vous, quand vous quit­tez la maison,
sinon, par quelque chemin que ce soit,
vers la mai­son elle-même ?

À mesure que vous tournez en rond,
chaque espace de la ville
des­sine une voie d’accès
sur la carte de votre pen­sée sans fin
et offre une issue possible
à vos rêves irrésolus.
Chaque ques­tion non élucidée
trou­ve son écho
au croise­ment d’une rue
ou der­rière une porte
qu’il vous faut ouvrir
pour rejoin­dre l’autre rive.

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Poèmes

Par | 22 décembre 2015|Catégories : Blog|

 

Où sont tes mots scribe
Dis­per­sés dans le sable ?

Tu deman­des au silence une trace
Familière

Dans ta solitude
tu rêves de l’éponge
qui lav­erait tes doutes
et les peurs de ce monde ancien

Tu reviens à la ville
por­teur de mots nouveaux

Le désert a enrichi ta mémoire

Le sou­venir des com­pagnons évanouis
germe de désirs neufs
te lave des douleurs inutiles

Que l’aile de l’oiseau éveille l’oracle

 

***

 

Je dirai les mon­des enfouis
les guer­res les soleils éteints
l’as­saut des marées
dans la rage du temps

Rien n ‘échap­pera à mon stylet
Il n’est plus l’heure d’inscrire
les trou­peaux les récoltes

Le monde va trop vite

L’homme a oublié
la paix des plaines

L’air glacé et
les som­mets ont réveil­lé l’acide de ses dents
Mor­dre le fruit est trop doux
Il lui faut d’autres nourritures
Le sang des butins a d’autres saveurs

Je n’ou­blierai pas les corps vio­lés dépecés
les pleurs de la mère et de l’amante
Les livres n’y suf­firont pas
J’in­scrirai le sang à même le sol des chemins

J’écrirai le passage
les mots du silence
où vient échouer
le fra­cas des séparations

L’ab­sence ren­dra le poids de son vide
la phrase se fera dure
Des bribes du passé
ne reste qu’une amande sèche
avare de son suc

Je n’ou­blierai pas cet hiver
où l’aci­er du gel
creusa ses sillons

 

***

 

 

Pourquoi cette obsti­na­tion à repren­dre les out­ils pour réin­ven­ter, réécrire, redire ?
Le scribe, sans relâche, recomp­tait, recen­sait. A quels comptes était-il tenu?
Et quelle parole le libérera?
A l’o­rig­ine, il y a le chaos, le bouil­lon­nement de la matière et nous voudri­ons y inscrire un ordre, maîtris­er par quelques inscrip­tions la force de la coulée de la lave. Espoir aus­si vain qu’une nou­velle Babel. Il n’est de com­bat qu’avec la nuit et celle-ci est éter­nelle. Recours ultime de toute chose, elle nous retient dans sa résis­tance opiniâtre.

 

***

 

De Babel nous attendions
paroles et sym­bol­es communs

Le résul­tat fut dispersion
divi­sions et guerres
A nou­veau l’avenir fut crucifié

Et nous nous reconnûmes
seule­ment humains
aban­don­nant dans les livres
la pous­sière de nos espoirs déçus

 

***

 

 

Le temps était venu d’entendre les signes, d’apprendre leur sens caché. Le monde, opaque, livrait quelques lueurs à qui savait écouter et voir. Rien ne pour­rait se réduire aux ombres du passé. Devant nous s’ouvraient des feux jalon­nant le chemin. Etait-il per­mis d’espérer ?

Tout à coup cha­cun excel­lait dans l’art d’inventer une nou­velle terre. La main renou­ve­lait le geste ; de quelles colères se nourrissait-elle ?

A nou­veau la taille dans la matière brute, la somme des éclats au pied du bloc ; de quelles vérités sommes-nous déten­teurs pour per­sévér­er ? Le temps des polis­sages de la forme était révolu, de nou­velles exi­gences nous sol­lic­i­taient; le besoin d’horizons vierges se fai­sait sen­tir mal­gré les brumes incer­taines qui entouraient ces nou­velles plaines. Quel vent acide les dispersera?

Nous avons l’envie de mor­dre des fruits incon­nus de nos palais. Loin de la décom­po­si­tion des traces anci­ennes, nous traquons les sen­teurs nou­velles. Ce monde est clos, nous en dis­perserons les murailles, nou­veaux Prométhéess que la crainte des défaites ne fera pas reculer.

 

 

***

 

 

Lisez lisez
Cri­ait le scribe

Toute vérité s’inscrit
Dans la trace de mes clous

Le vent dans l’instant
Effeuil­la la vérité

Et le scribe dans son désespoir
Laboura l’argile
D’un chant unique
*
A quoi rêve le scribe
quand plus rien
ne fait vibr­er son stylet

Il repose
dans l’om­bre qui le recouvre

Le peu de jour qui reste
éteint ses derniers désirs

Ses pages inutiles
se défont dans l’obscur

Il ne reste au matin
qu’un peu de poussière
livrée aux vents

 

***

 

 

Compt­able du monde
Ten­ant le réel dans ses livres

Le scribe
Croy­ait en sa puissance

D’un regard
Il jugeait de toutes choses

Le temps n’avait pour lui d’attrait
Que dans l’alchimie des chiffres

Que dans ces min­utes où les pages
Se noir­cis­saient de l’encre de ses roseaux

L’arbre ne valait que stères
La mois­son quintaux

Où l’odeur des tisons
Et du pain sor­tant du four

Jour après jour
Le scribe repous­sait le doute

 

***

 

A quelles promess­es s’abandonner
A cela aucun signe ne répondait

Le scribe inter­ro­geait sa mémoire
Elle s’avérait confuse

Con­fi­ait son angoisse
A quelques maîtres bien intentionnés

Aucun ne se risquait
A livr­er une réponse

Compt­able des jours et des nuits
Il arpen­tait le temps

Tel le vagabond
Sans repères ni certitudes

Le chemin le séparait de son but
Il s’abandonna entre les pages de son destin

 

***

 

 

Le scribe s’inquiétait
Du devenir de la trace
Ain­si laissée

Du sable posé là
par le vent

Cette mou­vance frag­ile du monde
Jamais ne s’arrêterait

Dans ses yeux
Un souf­fle passa

Et le regard humide
Il rangea son calame

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Poèmes

Par | 3 novembre 2015|Catégories : Blog|

 

SONO

 

Sono l’apostolo las­ci­a­to fuori dall’Ultima Cena
Sono il garibaldino arriva­to trop­po tar­di allo scoglio di Quarto
Sono il Mes­sia di una reli­gione in cui nes­suno crede
Io sono l’escluso, l’outsider, il maledet­to che non cede

Sono il pro­tag­o­nista che muore nel­la pri­ma pagina
Sono il gat­to guer­cio che nes­suna vec­chia vuol carezzare
Sono la bes­tia idro­fo­ba che morde la mano tesa per pietà
Io sono l’escluso, l’outsider, il maledet­to sen­za età

Sono l’onda anom­ala che por­ta via asci­uga­mani e radioline
Sono il mal­in­te­so che fa litigare
Sono il diavo­lo che ha schi­va­to il cala­maio di Lutero
Sono la pel­li­co­la che si strap­pa sul più bello
Io sono l’escluso, l’outsider, un chio­do nel cervello

Sono la pal­li­na del flip­per che cade un pun­to pri­ma del record
Sono l’autorete all’ultimo secondo
Sono il bim­bo che ghigna con­tro le sber­le del­la madre
Sono la pau­ra dell’erba che sta per essere falciata
Io sono l’escluso, l’outsider, ques­ta pag­i­na strappata

 

JE SUIS

Je suis l’apôtre exclu de la Dernière Cène
Je suis le garibal­dien arrivé trop tard au rocher de Quarto
Je suis le Messie d’une reli­gion en qui per­son­ne ne croit
Je suis l’exclu, l’outsider, le mau­dit qui ne cède pas

Je suis le héros qui meurt à la pre­mière page
Je suis le chat borgne qu’aucune vieille ne veut caresser
Je suis la bête enragée qui mord la main ten­due par pitié
Je suis l’exclu, l’outsider, le mau­dit sans âge

Je suis la vague défer­lante qui emporte les servi­ettes et les transistors
je suis le malen­ten­du qui sème la discorde
Je suis le dia­ble qui a esquivé l’encrier de Luther
Je suis le film qui se déchire au mau­vais moment
Je suis l’exclu, l’outsider, un clou dans le cerveau

Je suis la balle du flip­per qui tombe un point avant le record
Je suis le but con­tre son camp à la dernière seconde
Je suis l’enfant qui ricane aux claques de sa mère
Je suis la peur de l’herbe qui va être fauchée
Je suis l’exclu, l’outsider, cette page déchirée.

(tra­duc­tion Viviane Ciampi)

 

 

LA MARCIA DELL’OMBRA

Stan­no caden­do corde dal cielo
e gelide catene ti dan­zano attorno
E’ un mon­do di nodi da sciogliere al buio
tra un lam­po e l’altro di fos­foro e grida
E’ un groviglio di corde che rifi­u­tano forbici
E un pet­tine che s’incastra den­tro chiome che non pensano

E’ ombra… ombra
E’ un bat­ti­to di ciglia ancora

Mi guar­do attorno e vedo muri
persi­no il mio spec­chio è diven­ta­to un muro
sui tuoi seni è cresci­u­ta una pelle di muro
il mio cuore, i miei sen­si rein­car­nati in muri
E con­tin­u­ano a pio­vere preghiere e bestemmie
che evap­o­ra­no appe­na toc­can la sabbia
e con­tin­u­ano a striscia­re in un silen­zio velenoso
avver­bi, agget­tivi,  parole sen­za suono

E ombra… ombra…
e un bat­ti­to di ciglia ancora

Del sole vedo solo il suo riflesso
nelle pozze iri­des­cen­ti di acqua piovana,
del­la luna indovi­no la pre­sen­za nel buio
dal lon­tano abba­iare dei cani legati
La mia pace non è la man­can­za di guerra
La mia pace è l’assenza del con­cet­to di guerra

Non ombra… ombra…
ma un bat­ti­to di ciglia ancora

 

LA MARCHE DE L’OMBRE

Les cordes tombent du ciel
et de froides chaînes te font la ronde
C’est un monde de nœuds
à défaire dans le noir
entre un éclair et l’autre
de phos­pho­re et cris
C’est un enchevêtrement de cordes
qui refusent les ciseaux
C’est un peigne qui se coince
en cheveux qui ne pensent.

C’est l’ombre… ombre
C’est un bat­te­ment de cils encore

Autour de moi je ne vois que des murs
mon miroir aus­si est devenu un mur
sur tes seins a poussé une peau de mur
mon cœur, mes sens, réin­car­nés en murs
Et il pleut sans cesse des prières et des jurons
qui s’évaporent dès qu’ils touchent le sable
et ram­p­ent sans cesse dans un silence toxique
adverbes, adjec­tifs et des mots d’aucun son

C’est l’ombre… ombre
c’est un bat­te­ment de cils encore

Du soleil je ne vois que le reflet
dans les flaques iri­des­centes d’eau de pluie,
de la lune je sai­sis la présence dans le noir
par l’aboiement loin­tain des chiens attachés
Ma paix n’est pas le manque de guerre
Ma paix est l’absence du con­cept de guerre

Pas l’ombre… ombre…
mais un bat­te­ment de cils encore

(Tra­duc­tion Viviane Ciampi)

 

 

A MIA MADRE

Ti ho vis­to in fac­cia in quel­la stanza
io sporco di sangue e muco
tu stra­vol­ta e curiosa
Ho ten­ta­to di dirti
che non ero sicuro di vol­er restare fuori di te
ma le parole che ave­vo in testa
nel­la mia boc­ca si impas­ta­vano male
Ave­vo appe­na imparato
che tut­ta la vita sarebbe sta­ta ipocrisia e paradosso:
ti ave­vo appe­na fat­ta soffrire
ti ave­vo fat­ta sanguinare
eppure ero io a piangere
e tu a sorridermi
Ti ho vis­to in fac­cia in quel­la stanza
men­tre mi por­ta­vano via
C’era trop­pa con­fu­sione per dirti quan­to fos­si felice
di pot­er final­mente dare un viso
al ven­tre che mi ave­va ospitato
E più tar­di con i miei colleghi
si dis­cute­va di reincarnazione,
di eter­no ritorno, dei cicli di Vico,
ma non vede­vo l’o­ra di rivederti
e di conoscere il tuo uomo e vostro figlio
dei quali sen­ti­vo la voce ovat­ta­ta e lontana.
Ti ho vis­to in fac­cia in quel­la stanza
e darei tut­to quel­lo che ho
per ricordarmene.

 

A’ MA MÈRE

Je t’ai vue en face dans cette salle
moi, souil­lé de sang et de mucus
toi, boulever­sée et curieuse
J’ai essayé de te dire
que je n’étais pas sûr de vouloir rester en dehors de toi
mais les mots que j’avais dans ma tête
dans ma bouche se pétris­saient mal
Je venais juste d’apprendre
que toute la vie aurait été de l’hypocrisie et paradoxe :
je t’avais faite souffrir
je t’avais faite saigner
et pour­tant c’était moi qui pleurais
et toi qui souriais
Je t’ai vu en face dans cette salle
tan­dis qu’ils m’emportaient
Il y avait trop de con­fu­sion pour te dire com­bi­en j’étais heureux
de don­ner enfin un visage
au ven­tre qui m’avait accueilli
Et plus tard avec mes collègues
on dis­cu­tait de réincarnation
d’éternel retour, des cours et recours de Vico
mais j’avais hâte de te revoir
et de con­naître ton homme et votre fils
dont je sen­tais la voix ouatée et lointaine
Je t’ai vu en face dans cette salle
et je don­nerais tout ce que j’ai
pour m’en souvenir

(tra­duc­tion: Charles Petit)

 

 

 

APERITIVO IN CENTRO
                                             

Il mio cuore è una sedia vuota
dove nes­suno si vuol sedere
e il cervel­lo una spugna fradicia
che gli angeli striz­zano nel tuo bicchiere
E quel tuo sguar­do d’os­sid­i­ana rovente
che ti scivola lun­go il naso fino a far­si bacio
e più giù, fino alle nos­tre ginocchia
che si toc­cano, si evitano
scam­bian­dosi desideri d’os­sa e sinoviti
Aper­i­ti­vo in centro
e non so che cosa dire
Tavoli­no, piat­ti­ni, seni sot­to il maglione, orlo di bicchieri:
è un delirio di roton­dità che sfugge
e fale­na sbat­te con­tro i vetri del tuo silenzio
La stra­da bal­la veloce sul­la coda dei nos­tri occhi
Le dita sono gan­ci per appen­dere i tuoi sorrisi
Dam­mi una paro­la da incor­ni­cia­re stasera sopra il mio letto
ché è stu­fo, sai,
delle lacrime di madonne
e del­lo stil­li­cidio di stig­mate perenni
Dam­mi i tuoi piedi
e mag­a­ri sdoppiali
così che li pos­sa far calzare al tavo­lo di cucina
e bacia­r­li ad ogni pri­ma colazione
inginoc­chi­an­do­mi in orazione laica e carnale
Oppure alza­ti, andiamo.
Apri quel com­pas­so abbronzato
che fu usato per trac­cia­re l’equatore
Con­tro il tramonto
il tuo pro­fi­lo nero
s’in­trec­cia con la stenografia delle cime di colline
e ogni tuo pas­so è un pun­to esclamativo.
Las­ci­a­mi essere camicia
sot­to il fer­ro rosso del­la tua lingua
Las­ci­a­mi essere mare
per le tue mani seppie
gon­fie d’inchiostro e certezze
E ques­ta notte ascolterò il gio­co d’arpa dei tuoi pie­di sottili
tra le lenzuo­la e le fiamme
e chi­ud­erò i tuoi palmi
dopo aver­ci letto
l’ultimo indi­men­ti­ca­bile capitolo
del­la mia giornata.
Las­cia che sia io ad aprire la por­ta dei tuoi sogni
pri­ma di posare
i miei occhi sul comodino
e il mon­do sulle spalle di Atlante.

 

 

APÉRITIF AU CENTRE

Mon cœur est une chaise vide
où per­son­ne ne veut s’asseoir
et mon cerveau une éponge imbibée
que les anges pressent dans ton verre
Et ton regard d’obsidienne brûlant
qui glisse le long de ton nez jusqu’à devenir baiser
et plus bas, jusqu’à nos genoux
qui se touchent, qui s’évitent
s’échangent des désirs d’os et de synovites
Apéri­tif au centre
et je ne sais pas quoi dire
Table, soucoupes, seins sous le mail­lot, bor­ds de verres :
c’est un délire de ron­deur qui fuit
et comme une phalène se cogne aux vit­res de ton silence
La rue danse rapi­de au coin de nos yeux
Les doigts sont des cro­chets pour pen­dre tes sourires
Donnes-moi un mot à encadr­er ce soir au-dessus
de mon lit
qui est las, tu sais,
des larmes de madone
et de la stil­la­tion de stig­mates éternelles
Donnes-moi tes pieds
et même dédoubles-les
que je puisse les faire chauss­er sur la table de la cuisine
et les embrass­er à chaque petit déjeuner
m’agenouillant en orai­son laïque et charnelle
Ou alors lèves-toi, partons.
Ouvres ce com­pas bronzé,
qui fut util­isé pour trac­er l’équateur
Con­tre le soleil couchant
ton pro­fil noir
s’entrelace à la sténo­gra­phie du som­met des collines
et cha­cun de tes pas est un point d’exclamation.
Laisse-moi être une chemise
sous le fer rouge de ta langue
Laisse-moi être la mer
pour tes mains-seiches
gon­flées d’encre et de certitudes
Et cette nuit j’écouterai le jeu de harpe de tes pieds menus
entre les draps et les flammes
et je refer­merai tes paumes
après y avoir lu
l’ultime et inou­bli­able chapitre
de ma journée.
Fass­es que moi seul puisse ouvrir la porte de tes rêves
avant de poser
mes yeux sur la table de chevet
et le monde sur les épaules d’Atlas.

(Trad. Marc Porcu)

 

 

LA DONNA DALLE LACRIME DOLCI

Sei la don­na dalle lacrime dolci
Ogni tuo gesto è una fiamma leggera
Sei l’om­bra, sei il gat­to che fugge e poi ritorna
Sei l’im­pat­to del treno con­tro i rami sporgenti

Un alam­bic­co pieno di mer­cu­rio e di zolfo
bolle di notte tra i tuoi seni perfetti
Quan­ti alchimisti han­no per­so i polmoni
inseguen­do i fumi del tuo cor­po sudato!

Sei la don­na che det­ta il rit­mo delle stagioni,
che dimez­za l’at­te­sa tra un mio bat­ti­to e l’altro
Sei Venere che sorge da una cola­ta di lava
Sei Psiche che tiene sem­pre acce­sa la luce

Calpesti la ter­ra e neanche ti accorgi
che ad ogni tuo pas­so prende vita un giardino
Per i tuoi capel­li il ven­to sta ringrazian­do Dio
per aver­gli dona­to uno scopo di vita

 

LA FEMME AUX LARMES DOUCES

Tu es la femme aux larmes douces
Tous tes gestes sont flammes légères
Tu es l’om­bre, le chat qui s’en­fuit puis revient
Tu es l’im­pact du train sur les branch­es qui dépassent

Un alam­bic plein de soufre et de mercure
bout de nuit entre tes seins parfaits
Com­bi­en d’alchimistes ont per­du leurs poumons
en suiv­ant les vapeurs de ton corps en sueur!

Tu es la femme qui dictes le rythme des saisons,
qui coupe l’at­tente entre mon bat­te­ment et l’autre
Tu es Vénus jail­lie d’une coulée de lave
Tu es Psy­ché ten­ant allumée la lumière

Tu foules la terre sans même t’apercevoir
que cha­cun de tes pas fait naître un jardin
Dans tes cheveux le vent rend grâce à Dieu
d’avoir don­né un but à sa vie.

(trad. Charles Petit)

 

 

 

ANTININNANANNA

Chissà cosa c’è al piano di sopra
Ara­tri di sedie e rim­balzi di grida
men­tre veli di tende mi nascon­dono il sole
in questo salot­to dove il nul­la m’assale

Ho prova­to a bus­sare con la sco­pa al soffitto
sono anda­to più volte a suonare alla porta
ma solo suoni oscuri dal­la dub­bia coerenza
sono sta­ti la rispos­ta ai miei tentativi

Sem­bra­vano preghiere con scop­pi di risa
e sibili, sonagli e sospiri sommessi
voci molti­pli­cate come ci fos­se una folla
e fas­tidiosi ronzii di radiointerferenze

Cosa diavo­lo ho sopra la mia testa
una scat­o­la mag­i­ca che con­tiene l’inferno
una por­ta da cui non esce mai nessuno
Un sof­fit­to mi sep­a­ra da un mon­do che non so

E le not­ti son lunghe se la pau­ra m’incalza
se le voci di sopra mi sca­v­ano dentro
se uno stra­no pre­sa­gio m’in­duce a pensare
che se ora chi­u­do gli occhi, giammai li riaprirò.

 

 

ANTIBERCEUSE

Qu’est-ce qu’il y a à l’é­tage au-dessus
Char­rues de chais­es et rebonds de cris
tan­dis que voiles de rideaux me cachent le soleil
dans ce salon où le néant me déborde

Avec le bal­ai j’ai frap­pé le plafond
Je suis allé mille fois à son­ner à cette porte
mais seule­ment des sons obscurs et sans cohérence
ont répon­du à mes tentatives

Ils sem­blaient des prières avec des éclats de rire
et des sif­flets, des grelots, des soupirs étouffés
des voix mul­ti­pliées comme s’il y avait une foule
et des agaçants bour­don­nements de radio-interférences

Que dia­ble y a‑t-il au-dessus de ma tête
Une boîte mag­ique qui con­tient l’enfer
Une porte d’où ne sort jamais personne
Un pla­fond me sépare d’un monde inconnu

Et les nuits sont longues si la peur me pénétre
Si ces mau­dites voix me ron­gent au-dedans de moi
Si un étrange pressen­ti­ment me con­duit à pense
que si je ferme les yeux, plus jamais je les rouvrirai

(Trad. Charles Petit)

 

 

 

EPICEDIO

Non sen­to orti
den­tro me
solo step­pa e tundra
Nes­sun frus­cio di cresci­ta o di vita
Nes­suna trasformazione
Nes­sun organo di luce
Soltan­to scie grigie
come vor­ti­ci di numeri di roulette
e lampi magri
come radi­ci di pianta carnivora
che divo­ra angeli e aerei
al di sopra delle nubi

Non sen­to porti
den­tro me
solo navi bombardate
Nes­sun formi­co­l­io di pul­sante gioia attiva
Nes­sun trasporto o sollevamento
Nes­sun roteare di fari
Soltan­to vor­agi­ni e ban­chine sbrecciate
solo gan­ci di gru abbandonate
che don­dolano al ven­to come donne impiccate

Non sen­to morti
den­tro me
solo scheletri e silenzi
Nes­sun ricor­do spezzato
come un ombrel­lo dal temporale
Nes­suna ernia da soll­e­va­men­to lapidi
Nes­sun cac­ciavite a inchi­avar­dare bare
Soltan­to un asin­deto di visioni amare
solo semafori lam­peg­gianti grigio
in incro­ci deser­ti orfani di clacson

Non sen­to forti
den­tro me
solo tende strappate
Nes­suna don­na che si fa sull’uscio
a salutare l’uomo che va via
Nes­suna casa dal­la schiena di pietra
Nes­suna chiesa con le cro­ci intere
Soltan­to ombre impresse sui muri
e pon­ti che per­corre solo il vento
e solo il ven­to un giorno potrà ritornare.

 

 

EPICEDE

Je ne sens pas des potagers
en moi
mais seule­ment la steppe et la toundra
Aucun frémisse­ment de crois­sance ou de vie
Aucune transformation
Aucun organe de lumière
Seule­ment des sil­lages gris de vor­tex de numéros de roulette
et des foudres minces comme des racines d’une plante carnivore
dévo­rant anges et aéro­planes au-dessus des nuages

Je ne sens pas des ports
en moi
mais seule­ment des navires bombardées
Aucun four­mille­ment de pal­pi­tante joie active
Aucun trans­port ou soulèvement
Aucune rota­tion de phares
Seule­ment des gouf­fres et des quais ébréchés
seule­ment des cro­chets de grues abandonnées
qui dansent dans le vent comme des femmes pendues

Je ne sens pas des morts
en moi
mais seule­ment des squelettes et des silences
Aucun sou­venir cassé comme un para­pluie dans la tempête
Aucune pierre tombale en forme de cerf volant
Aucun tournevis pour fer­mer les cercueils
Seule­ment une asyn­dète de visions amères
Seule­ment des feux gris clignotant
dans des car­refours déserts et orphe­lins de klaxons

Je ne sens pas des forts
en moi
mais seule­ment des tentes déchirées
Aucune femme qui se mon­tre sur le seuil
pour saluer l’homme qui s’en va
Aucune mai­son avec le dos de pierre
Aucune église avec des croix encore entières
Seule­ment des ombres gravées sur les murs
et des ponts vides tra­ver­sés par le vent
Et seule­ment le vent, un jour, pour­ra retourner

(Trad. Charles Petit)

 

 

VENGO A PORTARTI UNA POESIA DI NERUDA

Ho un galop­po nel cuore
e onde al guinzaglio
Di questo mare insepolto
impasterò ven­to e sabbia
per costru­ire i tuoi pie­di rumorosi
e sen­tir­li dan­zare den­tro i miei occhi
Per rag­giunger­ti salgo
dal mare alla collina
La mia tes­ta si ridis­eg­na stella
per chia­mare le tue voci
Le mie lab­bra si arcuano stanche
in sor­risi autunnabon­di e distratti
E io sono qui,
su questo auto­bus che scuote il mio corpo
come un dado
come un tappeto
arran­can­do su polverose strade
rese mute dal­la piog­gia improvvisa
Le far­falle applaudono al mio passaggio
sbat­ten­do le ali
sopra le poz­zanghere che ingoiarono Narciso
Ho un galop­po di onde
nel mio cuore al guinzaglio.
Por­ta­mi dove si pos­sa dimenticare
questo sec­o­lo che ci vede esiliati,
questi temporali
che non riescono più a rinfrescarci,
queste cel­e­brazioni e abbracci
che sem­bra­no inutili coro­ne di fiori.
Il mare è laggiù
lon­tano come un prog­et­to abbandonato
le ruote spara­no sas­si e ricordi
sul­la sali­ta che la tua casa mi sro­to­la davanti
Sono l’in­taglia­tore di foglie di carciofo
e ti por­to in dono sagome di nubi
A te,
bic­chiere dal­l’or­lo sbeccato
che non pos­so bacia­re sen­za ferirmi
A te,
orec­chio reciso e get­ta­to su un prato
per ascoltare i seg­reti delle formiche
A te,
por­to in dono la mia giac­ca logora,
la mia resistenza
e ques­ta poe­sia smar­ri­ta di Pablo Neruda.

 

 

JE VIENS TE PORTER UN POEME DE NERUDA

J’ai un galop dans le cœur
et la marée tenue en laisse
Je pétri­rai vent et sable
de cette mer sans sépulture
pour sculpter tes pieds sonores
et les enten­dre danser dans mes yeux
Pour te rejoin­dre je grimpe
de la mer à la colline
Ma tête se redes­sine étoile
pour rap­pel­er tes voix
Mes lèvres lass­es se tendent
en sourires dis­traits et automnaux
Et je suis là,
dans cet auto­bus qui sec­oue mon corps
comme un dé
comme un tapis
en se traî­nant sur des routes poussiéreuses
ren­dues muettes par la pluie inattendue
Les papil­lons applaud­is­sent à mon passage
bat­tant des ailes
au-dessus des flaques de boue qui engloutirent Narcisse
J’ai un galop de marée
dans mon cœur tenu en laisse.
Emmène-moi où l’on puisse oublier
ce siè­cle qui nous voit exilés,
ces orages
qui ne por­tent aucune fraîcheur,
ces célébra­tions et ces embrassades
qui ne sont que d’inutiles couronnes de fleurs.
La mer est là-bas
loin­taine comme un pro­jet abandonné
les roues lan­cent des pier­res et des souvenirs
sur la pente que ta mai­son déroule devant moi
Je suis le sculp­teur de feuilles d’artichaut
et je t’offre des sil­hou­ettes de nuages
A toi,
verre ébréché
que je ne peux embrass­er sans me blesser,
A toi,
oreille coupée et jetée sur un pré
pour écouter les secrets des fourmis
A toi,
j’offre ma veste usée,
ma résistance
et ce poème per­du de Pablo Neruda.

(Trad. Marc Porcu)

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Poèmes

Par | 19 octobre 2014|Catégories : Blog|

 

Les choses claires

Nu, je t’ai délaissé
dans ma paume la cendre
et les noyés se sont reproduits
devant moi sans eau.

 

***

 

Accueil avec honneur

Nous allons loin
pour ne pas accueillir
avec un peu d’honneur
les lieux.

 

***

 

 

La vérité confuse

La face de la glace
n’est qu’un tour dans l’eau
qui ne se voit pas.

 

***

 

 

Papotage

La hache dit : com­ment changer
le vis­age de l’assassin ?
Le fos­soyeur dit : mourez,
oh noyés par l’assassinat !
Le cimetière dit :
vous êtes tous mes morts
et toutes vos âmes
sont des charognes qui m’inspirent.
Les morts ont par­lé : rendez-nous
nos morts pour que soient égales
les con­doléances de cha­cun de nous.

L’éclipse qui nous a abandonnés
fait dis­paraître par son frémissement
notre désoeuvrement
qui l’a fait disparaître

 

***

 

 

voy­age

Pour tra­vers­er le fleuve
il fal­lait que nous nous noyions
et que nous par­tions là
où per­son­ne ne va.

 

***

 

Soulage­ment

Un coup dans mes os suffisait
pour qu’il habite la blessure
des coups restants.

 

***

 

Cet espace

Elle a ouvert ses portes ouvertes
per­son­ne n’y entre
sauf ceux qui sont dedans.

 

***

 

 

Tes­ta­ment

Ne vous dés­espérez pas mes camarades !
l’intérieur sera meublé par la soif
et dénon­cé par les nus de ma nudité.

 

***

 

Un spec­ta­cle surréaliste

La blancheur de cette noirceur est telle
que je ne com­prends pas
le secret de ce chaos.

 

***

 

Prophétie

L’ange m’a dit :
rends-moi mon visage
pour vex­er les poètes.

 

***

 

 

Le silence

Nous tombons
pour saisir l’envoûtement du tapage
qui ne bouge pas.

 

***

 

 

Rêve

J’ouvre mon vis­age don­nant sur moi
dans l’espoir de m’approcher de ma perte
en pure perte.

 

***

 

Dia­logue

L’eau à l’eau :
n’enflamme pas les assoiffés
de mes entrailles
mes cama­rades ne con­nais­sent point la nage.
 

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Poèmes

Par | 19 octobre 2014|Catégories : Blog|

 

Pour Mémoire
(extrait)

On voit mieux…

nos yeux scru­tent  étreignent le velours de ce peu d’om­bres nacrées   se par­lent et nous  devi­nent  comme  un point de con­ver­gence loin­taine   on songe la tan­gente hor­i­zon­tale croisant la ver­ti­cale   ain­si s’éloigne un point de vue immergé dans la focale la plus douloureuse qu’il soit pos­si­ble d’ad­met­tre   Darlinghissima…

fait  de  l’éloigne­ment  la rançon  de  l’œil  et  sa  tourbe sem­piter­nelle  clig­nant à l’af­fût du rab céleste  d’où la horde voi­sine touchant du feu la vie féconde  quand un   sou­venir  vous  claque entre les doigts rameu­tant des restes d’os qu’on aurait lais­sé  se  dis­soudre  dans  l’acide  de l’amour   mais qui ose détri­cot­er   qui rogne l’an­guleux     l’in­ef­fa­ble  est  un  jour  éloigné   et  sans  âme   comme  un  de  ces inou­bli­ables con­casse­ments d’êtres rat­i­boisés la ren­con­tre des oubliés  revenants  pas trop éloignés   viens à moi  dis-moi tout  Darlinghissima…

 

*

 

L’Autre Mort
(extrait)

Quand quelqu’un d’irremplaçable s’en va, son monde la suit…
Et vous êtes seul à la comprendre…

le monde  s’est tu  dans  la  gorge  qui  cri­ait au loup   rien ne sera comme  j’avais prévu  qu’il  soit  avant  j’é­tais calfeu­tré dans la cohue du corps  ens­ablé de désirs inopinés et cou­vrants de miel  et si demain je foutais le camp ? le jour avancerait sa  langue du  jour  à  la  langue  morte  de  ma nuit passée  je désire ce qui ne va
 qu’à  l’en­vers  de  vous  j’aimerais  pos­séder  une  fois  la pous­sière  de  l’endroit
 d’où  je  suis né  dis­pers­er  sa  malle  d’air  ses pier­res  ponces  que le ciel ondoie dans mes yeux fer­més  même la présence d’océans vétustes  aux pieds des arbres
 dis­parais­sent  aus­si  une  bonne  fois  pour  toutes  je  dis ce que je suis  devenu 
 au  près  de  vous  le  dis­paru  appar­ent  qui  passe  sa  vie à refaire le monde qui n’ex­is­tera pas…

 

*

 

Creuser
(extrait)

s’imaginer  par­fois  quand  la  bouche  n’a  pas  d’issue    ni  d’écho valide  et ne  peut  pas  sor­tir  un  mot  en plus  de  ce  qui  a été énon­cé  en aval  de  la  parole

quand bien même  le  souf­fle aurait une présence  un  esprit   un  cail­lé d’ombres

mais qu’est-ce  que  la taille  philosophique  d’une  révolte  sans  thème  quand il fau­dra  met­tre  noir  sur blanc  à nu   le vide  juste  pour que la mémoire fasse du deuil et de la syn­thèse une idée ou même l’ode première…

tout poème  con­verge  en  dernier  ressort  dans  le  laminoir  du temps parce que quand on se met à penser  tout  recom­mence à fil­tr­er dans le tamis du début de la fin   et  si on  voit  quelque  chose   c’est un paysage de der­rière la chair que l’on s’imagine per­dur­er dans l’espace de devant…

 

*

 

La Ques­tion
(extrait)

 

voir ou revoir si la vie est un palier ou des march­es à mon­ter ou à descen­dre il ne man­quent que les portes les ver­rous l’œil de bœuf la tar­gette  la gâche rouil­lée un lieu d’av­ilisse­ment de retraite un rec­tan­gle de ronces de doigts un lieu de vipères  d’éc­ume sans bouch­es mais ce qui m’in­trigue c’est l’a­vant du posthume  et l’après de l’a­vant du posthume presque le pen­dant n’est qu’un corps ou lune comme fruit mûr et inac­ces­si­ble   sinon  la  migraine  de  feuilles agitées  par  un noir désir de con­vul­sion ou pro­cras­ti­na­tion   la mort est blanche…

 

*

 

Joutes
(extrait)

Pros­es vindicatives…

Il aimait sa sœur   sa sœur ne l’aimait pas   sa sœur savait  qu’ils  n’avaient  pas le même sang   il ne savait pas  que sa sœur savait   elle  savait  qu’il  ne  savait pas  qu’elle savait  qu’ils  n’avaient  le  même  sang   un  monde par­faite­ment  linéaire pour l’un  un monde déstruc­turé défait pour l’autre  s’ils avaient pu avoir le même sang ça aurait été dif­férent  ils s’aimeraient comme frère et sœur  mais  l’un aime  l’autre  déteste   com­ment savoir  ce  qu’il  faut  pour  qu’il  soit  bon  pour  l’un et l’autre l’un aime parce que il ” sent ” d’aimer son sang  l’autre  la sœur n’aime pas parce  que  qu’elle ” sent ”  que  ce  n’est  pas  son  sang    la  sœur  prob­a­ble­ment n’aime  per­son­ne   et  n’aimera  qu’elle-même  et encore  le frère  aime  autant les autres  que  lui-même      il  ne  sait  faire  que  ça    aimer   autrui     pour   aimer paci­fique­ment sans con­di­tions au préal­able  elle ne peut pas aimer  il lui manque un jus­ti­fi­catif  avec  preuve à l’ap­pui   elle aimera  si…  elle aimera…  à con­di­tion quelque chose de puis­sant lui noue l’e­sprit  quelque chose  qui ne vient pas d’elle même   dis­ons qu’elle en  hérite par procu­ra­tion  elle voudrait… lui veut tout  tout  lui fait ven­tre   amasse tout ce qu’il peut engranger…               l’amour l’allège…

 

 

***

 

 

 

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Poèmes

Par | 13 septembre 2014|Catégories : Blog|

Débou­ton­ner le soir
Lui ôter un à un
Son vête­ment de feuilles
Pour en vêtir nos mains

*

L’aube se déplisse
L’om­bre boit son ombre
Et l’odeur des muguets
Donne un corps à la paix

                   *

Aux lèvres du jardin
L’avril pose un baiser
Suis seule à saisir
La fer­tile émotion

                       *

Offer­toire des roses
Génu­flex­ion de la lumière
L’été ondoie L’ombre a du vert
Au bord de l’étonnement

*

Il y a dans le vent qui passe
Une odeur d’au­tomne enseveli
Sous les linges humides
D’un pre­mier amour

*

Main­tiens-moi comme un jardin
Libre sous toi de retourn­er la terre
De boire à sa semence et de laver
Nos vies à la pluie du silence

*

Immo­biles clartés
Nour­ries d’immobiles ombres
Un puits con­stru­it en nous
Sa fer­veur verticale

*

Les sil­lons ten­dent au ciel
Leurs lignes de vie
Il y a peu de l’in­fin­i­ment petit
À l’in­fin­i­ment grand

                       *

Poète vit­ri­er de la ques­tion originelle
Tu lis sur le sable
Pris­on­nier de la transparence
La lib­erté de penser à tra­vers tout

                       *

Emprunter à l’oiseau
Sa part d’éternité
Pour que le poème tienne
Dans la main de l’enfant

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Poèmes

Par | 19 mai 2014|Catégories : Blog|

tra­duc­tion en français : Alice-Cather­ine Carls

Les myoso­tis
(saga)

Tout est resté à Lviv
ville de ma mère et de mon père
tous les vivants sont morts
mais le cimetière
a cessé d’être un cimetière
tout est resté
à Lviv
sur un cin­tre l’habit presque neuf
la table et le lit
et peut-être une chaise
au mur une pho­to dans un cadre
sur ce cadre des myosotis
gravés au canif par mon père
pour ne pas oublier
pour ne pas oublier
pour ne pas oublier
Lviv
même en Amérique.

 

Nieza­pom­i­na­j­ki
(saga)

I zostało wszys­tko we Lwowie
mieś­cie mojej mat­ki i ojca
wszyscy żywi stali sie umarłymi
ale cmentarz
przes­tał być cmentarzem
i zostało wszystko
we Lwowie
na wiesza­ku praw­ie nowe ubranie
stół i łóżko
może jakieś krzesła
fotografia w ram­ce na ścianie
na tej ram­ce niezapominajki
wyciął ojciec mój scyzorykiem
żeby nie zapomnieć
żeby nie zapomnieć
żeby nie zapomnieć
Lwowa
nawet w Ameryce.

(Indi­an sum­mer, Sig­ma Press, Albany, N.Y., 1982)

 

La ville

Aiguë, la lumière vespérale
me frappe les paupières
elle était autre, la vue des fenêtres
de mon enfance
d’un côté les jardins
déployés à perte de vue
de l’autre l’en­filade de la rue
plan­tée de tilleuls touffus
leurs cîmes en baldaquin
la lumière quelque part au bout
du tun­nel, ronde
et prometteuse
ce n’é­tait pas notre ville
prise à d’autres
enfuis dans l’épouvante
de la guerre, lais­sant leurs biens
enter­rés au jardin
ou sous les décombres
ou encore sur la table
dans des ver­res de cristal
dont le vin rouge
avait giclé
sur les murs
ce n’é­tait pas notre ville
mais elle fleuris­sait pour nous
lilas et pommiers
dans mille jardins
vio­lettes et muguets
à l’om­bre des haies vives
la ville fleuris­sait au bord de la rivière
gon­flée à ras bord
en ville on entendait
des langues variées
bou­tures transplantées
d’est en ouest
un gars de Vil­no fumait
un de Lvov fai­sait le
baise-main, un autre à mi-voix
con­tin­u­ait à par­ler allemand
le yid­dish des survivants
chan­tait dans les rues
et déjà sur les rives
le jar­gon portuaire
pous­sait comme l’herbe
entre les pierres
c’est cette image-là
qui me reste en mémoire
tan­tôt som­bre puis
débor­dante de touf­feurs estivales
enfumée au print­emps et en automne
par les feux de bois
ville de mon enfance prise à autrui
pour que l’enfant d’autrui
gran­disse ailleurs.

Mias­to

Ostre zachod­nie światło
uderza w powieki
inny był widok z okien
mojego dzieciństwa
z jed­nej strony ogrody
rozpięte daleko
z drugiej – wylot ulicy
lipą obsad­zonej tak gęsto
że korony bal­dachim tworzyły
światło jak w tunelu
gdzieś na końcu okrągłe
i obiecujące
mias­to nie było nasze
tylko ode­brane innym
co stąd uciek­li w wojennym
popłochu i wszys­tko zostawili
albo zakopane w ogrodach
lub gruzem przysypane
albo wprost na stole
krysz­tałowe kieliszki
w nich czer­wone wino
niedo­pite pla­ma­mi przyschnięte
do ścianki
mias­to nie było nasze
ale kwitło dla nas
bza­mi i jabłoniami
w tysiącznych ogrodach
fiołka­mi  konwalią
w cie­niu żywopłotów
kwitło mias­to nad rzeką
rozlaną u granic
i słysza­ło się w mieście
tym różne języki
– jak krzewy – przesadzone
na zachód ze wschodu
ktoś z wileńs­ka zaciągał
ktoś z lwows­ka całował
rącz­ki –  ktoś półgłosem
wciąż mówił po niemiecku
i jidysz niedobitków
rozbrzmiewał w ulicach
a nad brzega­mi rzeki
już por­towa gwara
wyras­tała jak trawa
spomiędzy kamieni
i taki obraz właśnie
trwa w moim wspomnieniu
chwil­a­mi mroczny to znów
pełen let­nich skwarów
wios­ną jesienią w dymach
palonych gałęzi
mias­to mego dziecińst­wa komuś odebrane
aby czy­jeś dzieciństwo
mijało gdzie indziej.

(Który las, OPiM, Lon­don, 1986)

L’Alhambra

Le Mau­re sauvage s’aventura jusqu’ici
et trou­va de l’eau dans ces montagnes
sous ses pas au lieu de sable
une féconde pous­sière rouge
l’eau apprivoisa le Maure
mais alan­gui par sa beauté
il lui érigea  des autels
car elle était
la plus belle des épouses.

Alham­bra

Maur przy­wędrował tutaj dziki
I znalazł na tych wzgórzach wodę
a zami­ast piachu pod stopami
czer­wony życio­da­jny pył
i woda Mau­ra oswoiła
a pię­kność go rozleniwiła
i zaczął wodzie staw­iać chramy
bo była
najpiękniejszą z żon.

 

(Który las, OPiM, Lon­don, 1986)

 

x   x   x

Ô ma ville je con­tem­ple tes lumières
courbes hiéro­glyphiques dorées
sur le vaste canevas de la nuit
et je respire ton secret
ton air lourd d’avant l’orage

les lam­pi­ons blancs sont déjà allumés
par mil­liers aux branch­es des arbres
les lumières trem­blo­tent sous la pluie
leur reflet brille sur la chaussée

plus bas dans les entrailles de l’asphalte
les sans-abris s’en­dor­ment sur les bancs
des souter­rains de la métropole
la lumière y perd son éclat et une ampoule
lasse clig­note à tra­vers le sin­ueux lit
souter­rain de cette étrange rivière
rem­plie à ras-bord par un flot humain
con­tinu et quar­ante tonnes d’acier
qui passent l’une après l’autre

bâtie sur le roc embrassée par les rivières
tu offres un logis à tes sans-abris
endormis dans les tours sous les nuages
et sur les trot­toirs cou­verts de journaux
enveloppés
dans le vent noc­turne de décembre
éclairés par les étoiles et les bou­gies de Noël
d’autres vien­nent ici attirés
par la force de tes vents de tes pierres
par l’é­clat de tes mil­liards de fenêtres
à peine dans tes portes
négligents
ils bâtis­sent sur le granite
de nou­velles Amsterdam
de sable.

* * *

O mias­to, w światła two­je patrzę
jak w złote skrę­ty hieroglifów
na noc­nej roz­postarte płachcie
i tajem­nicą twą oddycham
powi­etrzem ciężkim jak przed burzą

już zapalono białe lampki
tysiące lam­pek na gałęziach
i drżą świateł­ka w kro­plach deszczu
latarnie lśnią odbite w jezdniach

a niżej w brzuchu pod pokładem
bez­dom­ni  się na ławkach kładą
do snu w podziemi­ach metropolii
gdzie światło traci blask i mętna
żarówka mru­ga wśród pokrętnych
podziem­nych łożysk dzi­wnej rzeki
którą wypeł­nia wciąż po brzegi
tłum i czter­dzieś­ci ton żelaza
prze­myka­jące raz za razem

mias­to na skale w rzek ramionach
ty jesteś swych bez­dom­nych domem
gdy śpią w wieżow­cach pod chmurami
i na chod­nikach gaze­ta­mi okryci
w noc grud­niowym wiatrem
owiani
pod gwiazd i świec świątecznych światłem

a inni ciągną tu zwabieni
mocą twych wia­trów i kamieni
mil­iar­da okien twoich blaskiem
i led­wie wejdą w two­je bramy
niebaczni
nowe amsterdamy
staw­ia­ją na granicie
z piasku.

(Ogro­dem i ogrodze­niem, Czytel­nik, Warsza­wa, 1993)

La vis­i­bil­ité à Vancouver

Les nuages cachent les montagnes
puis ils les décou­vrent en se levant
sur les mon­tagnes : des tach­es blanches
dans les nuages : les sommets
les voilà qui se séparent
les mon­tagnes restent sur la terre
les nuages mon­tent au ciel.

jan­vi­er 1991

Widoczność w Vancouver

Zza chmur nie widać gór
aż pod­niosły się chmury i odsłoniły góry
na górach białe plamy chmur
w chmu­rach wierz­choł­ki gór
ale już rozdziela­ją się
na zie­mi zosta­ją góry
Niebo odpły­wa­ją chmury.

sty­czeń 1991

(Ogro­dem i ogrodze­niem, Czytel­nik, Warsza­wa, 1993)

 

La salle des enfants au mémorial
     de Yad Vashem à Jérusalem

 

Voici la tombe de mes cousins
ici dans cette terre inconnue
repose leur mémoire anonyme
ici ils trou­vèrent une tombe
où qu’ils aient péri
à Lviv à Cracovie
là où naquirent les pères
de leurs pères
là où leur étonnement
se dis­si­pa en fumée
s’infiltra sous terre
là où les pluies de l’oubli
effacèrent leur trace enfantine
ils sont revenus ici
par l’écho de leurs noms

juin 1991

.….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….….

 

Les poèmes ci-dessous provi­en­nent du vol­ume (Łodz­ią jest i jest przys­tanią, For­ma, Szczecin, 2013)

Allons‑y

Le canyon de Broad­way sud
canyon amical
drag­on qui dort encore
pour un moment
allons‑y
ain­si traverse-t-on
la vie
qu’elle soit finie
est notre seul étonnement.

25 juil­let 2001

Prze­jdziemy tędy

Kan­ion dol­nego Broadwayu
ten przy­jazny kanion
smok śpi i nie obudzi się
jeszcze przez chwilę
prze­jdziemy tędy
tak jak się przechodzi
przez życie
że minęło
tylko się zdziwimy.

25 lip­ca 2001

La douleur

Les flèch­es de ses tours
de ses ponts crucifiés
per­cent le brouil­lard gris
New York ville mystique
assu­jet­tie à cette douleur pour quelques sacs de haricots

c’est ain­si que la gloire 
fait souffrir

 

Tak boli

W niebo strzela wieżami
za szarą mgłą
ukrzyżowany mostami
misty­czny Nowy Jork
za kil­ka worków fasoli wydany na ten ból

wielkość
tak boli

 

New York

Cette ville est à moi
et je suis à elle
dans l’air cristallin
nous voguons le long de ses rives
est-elle belle? Peu importe
l’important est qu’elle soit une barque
et une station.

29 juil­let 2001

 

Nowy Jork

To mias­to jest moje
i ja jestem jego
w krysz­tałowym powietrzu
płyniemy wzdłuż brzegów
czy jest piękne? – to mało istotne pytanie
ważne że łodz­ią jest
i jest przystanią.

29 lip­ca 2001

Les très hautes tours

Cette nuit le vent du sud
apporte une odeur de brûlé
ce n’est pas Godzilla
qui se penche sur les gratte-ciels
ce n’est pas King Kong
sur l’écran de télévision
ni fic­tion ni film
là où s’élevaient les tours de béton et de lumière
– la poussière
désor­mais des tours plus hautes se dressent
elles ne sont pas en verre
ces douloureuses tours cette colonne de feu
cette amère brume

15 sep­tem­bre 2001

 

Wyższe wieże

Tej nocy wia­tr z południa
przy­wiewa swąd
to nie Godzilla
zza wieżow­ców się wychyla
to nie King Kong
na szk­le ekranu
to nie fikc­ja ani film
tam gdzie z betonu i ze światła stały wieże
— dym
a ter­az wyższe sto­ją wieże
nie ze szkła
bolesne wieże słup ognisty
gorz­ka mgła

15 wrześ­nia 2001

 

Cette ville

Ailes amputées
encore béquillante
elle fait ses pre­miers pas
dans les rues

elle lave ses blessures
dans les eaux de ses vastes rivières

le vide ne sera plus comblé
l’espace d’après
cloue les yeux
attire à lui le regard
– il est –
et déjà déjà
il se dresse à plomb
sur le moignon de l’imagination

9 févri­er 2002

To mias­to

Po amputacji skrzydeł
jeszcze o kulach
staw­ia niepewne kroki
wzdłuż ulic
w wodach sze­ro­kich rzek
obmy­wa rany
już nie wype ni się brak
miejsce po
przykuwa oczy
ciąg­nie za sobą wzrok
– jest –
i już już
wzniesie się wzwyż
na pionowym
kiku­cie wyobraźni.

9 lutego 2002

Sans réponse

Déjà la Californie
dis­paraît de la carte
il y a de plus en plus de blancs
mais quand tombe la nuit précoce
je téléphone
per­son­ne ne répond là-bas
les col­ib­ris et les cor­morans dorment
dans les ténèbres infinies
tapies dans
le silence des palmiers.

août 2002

Bez odpowiedzi

Już zni­ka z mapy
Kalifornia
i coraz więcej białych plam
ale gdy wczes­na noc zapada
dzwonię
tam nikt nie odpowiada
koli­bry śpią i kormorany
w mroku
co mil­czy nieprzebrany
w ramionach palm.

sier­pień 2002

 

En rêvant à Lviv

Maman rêve à la rue Sixte
qui se sou­vient du 14, rue Sixte
d’après la grande guerre
et d’avant le déluge
qui se souvient
qu’y habitait un menuisier
un veuf pauvre
avec ses six enfants
qui se souvient
du coup de feu perdu
qui fit sauter la cas­quette de David
Arcadie d’échoppe exigüe
faim et coups
pas de lit à soi
de l’autre côté de l’océan
sur l’autre rive de l’existence
maman rêve à la rue Sixte

Sen o Lwowie

Mamie mojej śni się Sykstuska
kto pamię­ta Syk­s­tuską 14
już po wielkiej wojnie
przed potopem
kto pamięta
że tam mieszkał stolarz
bied­ny wdowiec
z szóstką swoich dzieci
kto pamięta
jak zbłąkany pocisk
Daw­id­owi czap­kę strą­cił z głowy
ta Arka­dia w cias­nej oficynie
głód i bicie
brak włas­nego łóżka
po prze­ci­wnej stron­ie oceanu
na prze­ci­wnym brzegu egzystencji
mamie mojej śni się Sykstuska.

1 wrześ­nia 2003

 

A l’arrêt de bus

Journée
de novembre
l’humidité se lève
mais ne retombe pas
nous atten­dons à l’arrêt
un grand jeune homme,
deux femmes
dont une dans un fau­teuil roulant
et moi
le vent du sud vient de l’East Riv­er et de l’océan
l’autobus n’arrive pas
les gens sont de plus en plus nom­breux à l’arrêt
la femme ingambe donne à sa compagne
un bon­bon du chew­ing gum
ou peut-être une pastille
l’autre la met en bouche d’un geste lourd
je pense au corps
quand il cesse de servir
il exige tou­jours qu’on le serve
il exige encore
que la saveur du bonbon
fonde sur sa langue

je pense au corps

qua­tre auto­bus arrivent.

novem­bre 2006

 

Na przys­tanku

Co za dzień
listopadowy
w powi­etrzu unosi się wilgoć
ale nie opada
czekamy na przystanku
wyso­ki młody mężczyzna
dwie kobiety
jed­na w wózku inwalidzkim
i ja
wia­tr połud­niowy od Wschod­niej Rze­ki i oceanu
auto­bus nie nadchodzi
coraz więcej osób na przystanku
zdrowa kobi­eta poda­je swej towarzyszce
cukierek a może lukrowaną gumę
a może jak­iś lek
tam­ta ociężałym ruchem wkła­da to do ust
myślę o ciele
kiedy przes­ta­je służyć
wciąż doma­ga się aby służyć jemu
wciąż doma­ga się
żeby słody­cz cukierka
rozlała się po języku

myślę o ciele

przy­jeżdża­ją cztery autobusy.

listopad 2006 r.

 

À Lublin

        À Bogusław Wróblewski

Les murs se sont de nou­veau couverts
de lierre
de nou­veau l’oubli a recou­vert la mémoire
le rideau s’envole de la fenêtre
vers où – qui sait
et sur les march­es de pierre
des traces
usées ineffaçables
con­tin­u­ent à mener
vers les profondeurs.

Lublin, le 12 juin 2008

 

W Lublin­ie

        Bogusła­wowi Wróblewskiemu

Mury znów porosły dzikim
winem
pamięć znów porosła niepamięcią
firan­ka wyb­ie­ga z okna
nie wiado­mo dokąd
a na kami­en­nych schodach
wytarte niezatarte
ślady
wciąż jeszcze prowadzą
wgłąb.

Lublin 12 czer­w­ca 2008

 

Les pommes de terre

 

On ne sait com­ment ni d’où
le vent apporte une odeur
aigre de pommes de terre pourries
c’est octo­bre il est vrai
mais ici on est loin
des champs de pommes de terre
il en reste sûre­ment quelques-uns
sur Long Island – la Longue Ile
jadis cou­verte de pommes de terre
peut-être était-ce l’odeur
de la Grande Dépression
dont on par­le sans arrêt
peut-être était-ce l’odeur de la terre
avant qu’on ne découvrit
que cette petite tubéreuse brune
se cui­sait et se mangeait
et qu’elle pou­vait nourrir
les trou­peaux et les nations

peut-être était-ce l’odeur de l’Amérique
avant qu’elle ne fut découverte.

17 octo­bre 2008

Kartofle

Nie wiado­mo dlaczego i skąd
wia­tr przynosi kwaskowatą
woń zgniłych kartofli
jest październik to prawda
ale daleko stąd do
kartoflanych pól
pewnie jeszcze zostały jakieś
na Long Island – Długiej Wyspie
która była kiedyś jednym
wielkim kartofliskiem
a może tak właśnie pachniała
Wiel­ka Depresja
o której mówi się nieustannie
może tak pach­ni­ał ten ląd
zan­im odkryto
że ta mała brunatna bulwa
daje się upiec i zjeść
że moż­na nią nakarmić
trzody i narody

może właśnie tak pach­ni­ała Ameryka
przed odkryciem.

17 październi­ka 2008

 

La faim de l’homme

 

A l’arrêt, con­tre le mur
un homme pleure
il a faim

il mangerait une boulette de pommes de terre

froid est le printemps
nerveusement
nous cher­chons notre porte-monnaie
j’ai une pomme dans mon sac

l’autobus arrive
nous nous y jetons comme dans l’avenir
par la fenêtre je le vois mordre
dans la peau som­bre de la pomme
il ne pleure plus

l’autobus tourne au croisement
l’homme dis­paraît de notre vue
sa faim fait route avec nous.

Avril 2009

 

Jego głód

Na przys­tanku pod murem
płacze człowiek
bo głodny
zjadł­by klops z kartoflami

zim­na wiosna
nerwowo
port­mon­etek szukamy
jeszcze jabłko mam w torbie
już nad­jeżdża autobus
jak do cza­su przyszłego wskaku­je­my do niego
z okna widzę jak jabłka
ciem­ną skórkę nadgryza
już nie płacze

auto­bus skrę­ca na skrzyżowaniu
człowiek zni­ka nam z oczu
jego głód jedzie z nami.

kwiecień 2009 r.

En route

Les nuages se découpent
en gris-violet
sur le ciel qui s’assombrit
nous avons déjà dépassé
New York, le Connecticut,
dans le cré­pus­cule nous coupons le Massachussetts
les frondaisons virent au noir
devant nous sur l’autoroute
le rouge des feux arrière

Ver­mont — la mon­tagne verte
som­bre déjà sûre­ment dans l’obscurité

peu à peu les routes se vident
l’un après l’autre quelqu’un sort vers
un vil­lage situé en bord d’autoroute
se gare entre dans sa maison
se pré­pare un cock­tail ou
se fait une tasse de thé
allume la télé et est
chez soi

à tra­vers colline nuages
et cimes brille une
seule et unique étoile
–  du Nord
et nous continuons
vers le nord
dans la nuit.

28 mai 2010

 

Jedziemy

Chmury odbi­ja­ją się
szarosinym odcieniem
od dogasającego nieba
prze­jechal­iśmy już
Nowy Jork, Connecticut,
przeci­namy w mroku Massachussetts
zieleń drzew prze­chodzi w czerń
przed nami na autostradzie
czer­wone ogni­ki świateł

Ver­mont – zielona góra
tonie już pewnie w ciemności

powoli pus­tosze­ją drogi
coraz ktoś skręca
do leżą­cych wzdłuż szosy miasteczek
parku­je samochód wchodzi
sporządza kok­tail albo
zaparza herbatę
włącza telewiz­or i już jest
w domu

przez wzgórza przez chmury
przez korony drzew prześwieca jedna
jedy­na gwiazda
— Północy
a my jeszcze dalej
na północ
w noc.

28 maja 2010 r.

 

x x x

 

Après, la peau s’amincit
comme du papi­er du parchemin
déchiré
impos­si­ble de le recoller
impos­si­ble de la recoudre
c’est ce qui arri­va à la peau
de ma mère
lorsque, exas­pérée par la vie
elle se blessa à la jambe en s’enfuyant
d’elle-même
et pour­tant toute sa vie elle avait cousu
à l’aiguille soie laine
coton et même
des morceaux de peaux de toutes les couleurs
de son sty­lo elle avait cousu
Lviv la Kirghizie et Szczecin
par le sou­venir elle ten­tait de recoudre
les deux bor­ds de sa vie
mais eux
comme deux bor­ds de mer
ne se lais­sent pas coudre

les rives s’écartent
les sur­jets se déchirent
l’aiguille se casse
et le stylo
puis la mémoire s’amincit
de plus en plus
comme du papier
comme du par­chemin déchiré.

29 octo­bre 2011

***

A potem skóra sta­je się coraz cieńsza
jak papi­er jak zleżały
pergamin
i już nie może się zrosnąć
i nie moż­na jej zszyć
tak stało się ze skórą
mojej matki
kiedy mając już dość tego wszystkiego
zraniła nogę uciekając
przed samą sobą
a prze­cież szyła całe życie
igłą zszy­wała jed­wab wełnę
płót­no i nawet
far­bowane kawał­ki skóry
piórem zszywała
Lwów Kir­gizję i Szczecin
pamię­cią starała się zszyć
dwa brze­gi życia
ale te
jak dwa brze­gi oceanu
zszyć się nie dają

roz­b­ie­ga­ją się brzegi
rozry­wa­ją się ściegi
łamie się igła
i pióro
a pamięć sta­je się
coraz cieńsza
jak papier
jak zleżały pergamin.

29 październi­ka 2011
 

 

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