EN FACE
Murs translucides
Boites empilées
Trou noir le jour
Soleils ébréchés
De mes soirées
La vie défile
ET MOI JE ME TAIS
Tapie dans l’ombre, en face
Assise dans la pénombre
JE REGARDE
Ça s’illumine
Ça et là
À droite
À gauche
En haut
En bas
Simultanément
Alternativement
Ça raconte
L’histoire des ombres
La nuit
Les ombres
Petites grandes
Noires raides
Souples voluptueuses
Ombre unique
Fenêtre unique
Deux ombres
Une fenêtre
JE RESTE SEULE
IMMOBILE
JE ME TAIS ET JE REGARDE
Une ombre marche vers la droite
Elle se déplace
S’arrête
Pivote sur sa gauche
Ouvre la baie vitrée
Sort sur le balcon
L’ombre a délaissé
La lumière
Son corps naît dans la nuit
Le temps passe
JE REGARDE
Un instant floue
L’image surgit
Nette tranchante
Une femme sourit
Et me dit :
BONSOIR
***
INONDATION
L’eau ruisselle sur les pans de la nuit
Elle rôde autour de la lune
Spectre glacé revenu d’entre les morts
L’eau s’infiltre dans les murs de ma chambre
Elle décolore mes rêves
Imbibe mes mots
Et renie ma vie
L’eau dessine des étoiles sur le plancher de ma chambre
Elle danse avec mes souvenirs
L’eau balaye les temps du monde
Elle détrempe nos corps ensommeillés
Elle s’insinue dans nos baisers
Elle est le froid de l’été
Le murmure incessant d’un oubli
L’eau glisse le long de nos bras
Le long de nos jambes
L’eau dissout nos bouches
Dissèque nos yeux
Enlace nos bras
Noie nos mains
Elle ruine nos larmes
Et renie nos prières
L’eau s’évapore au petit matin
Nous n’y pouvons rien
***
LA BOMBE
L’enfant ne peut pas dormir
La bombe est tombée près de sa maison
L’enfant hurle
Il n’entend plus rien
Ne voit plus rien
Seul couché dans le noir
Maintenant il habite le grand silence
Ni père ni mère
Ni frère ni sœur
Pas même le cri d’un oiseau
La nuit s’est emparée de lui
La lune s’est teintée de noir
Son corps est là
Accueillant les larmes du ciel
Ivre des cris de la terre
Lui ne pleure pas ne crie pas
Il fait tout noir dehors
La nuit se fait linceul
Le blanc de l’absence
Nul cri
Nul