Poésie Lusophone — troisième épisode : Pedro Belo Clara

Par |2025-01-06T16:11:18+01:00 6 janvier 2025|Catégories : Essais & Chroniques, Pedro Belo Clara|

Présen­ta­tion et tra­duc­tion Stéphane Chao

Tout en suiv­ant des études de com­merce, Pedro Belo Clara a grif­fon­né ses pre­miers poèmes à l’âge de 17 ans, accom­pa­g­né de sa guitare.

C’est seule­ment après avoir ter­miné son cur­sus uni­ver­si­taire qu’il a pu davan­tage se con­sacr­er à la lit­téra­ture. Il par­ticipe à dif­férents pro­jets artis­tiques et à des revues tant por­tu­gais­es que brésiliennes.

Son pre­mier livre, paru en 2010, donne à lire une poésie quelque peu exis­ten­tielle et intro­spec­tive. Il enchaîne avec un livre d’intervention, à car­ac­tère social, suivi de son pre­mier ouvrage en prose, « Paroles de lumière ». Com­posé de brèves réflex­ions qui, mis­es bout à bout, révè­lent les étapes d’un par­cours de vie, ce livre retrace un chem­ine­ment vers la décou­verte de soi, qui aboutit au cœur de l’être.

En 2013, « Le vieux sage de la mon­tagne » voit le jour, né à la jonc­tion de deux gen­res, la poésie et la prose, et suiv­ant la même inspi­ra­tion médi­ta­tive que le livre précédent.

Après un inter­lude d’un an paraît Cristal, où il com­mence à explor­er une veine lyrique, jusqu’alors reléguée à ses tiroirs, où ses poèmes dor­maient, en rêvant de con­naître la lumière du jour. Il s’agit d’un texte qui nous ren­voie à l’innocence des pre­mières pas­sions, tout en soulig­nant la fugac­ité des choses en général. Il inau­gure ain­si un cycle poé­tique dont les thèmes et les formes se pro­longeront dans les livres suiv­ants – un par­cours évo­lu­tif et comme tel, ascen­dant, mar­qué au final par le dépouillement.

En 2016, Quand les matins étaient une fleur réu­nit poésie et prose, ouvrage que l’auteur a la faib­lesse de con­sid­ér­er comme l’un de ses plus réus­sis. Il s’agit d’un livre de mémoires plein de nos­tal­gie qui, à tra­vers un voy­age cathar­tique, enseigne com­ment se puri­fi­er (sans vrai­ment y aspir­er) des traces lais­sées par un amour passé.

Deux ans plus tard paraît son plus grand recueil de poésie lyrique : Lydia  — un livre dont le titre est à lui seul un hom­mage à l’hétéronyme de Fer­nan­do Pes­soa, qui l’a inspiré. Cette fil­i­a­tion s’affirme encore davan­tage dans le deux­ième opus de ce pro­jet, mis sous presse en 2021. On peut dire qu’avec ce livre se ter­mine le cycle poé­tique men­tion­né plus haut, lequel cul­mine avec la décou­verte de ce qui reste des choses du passé.

L’année suiv­ante, il pub­lie Jours de chaux dont sont tirés les poèmes présen­tés ici. Il réu­nit pour la pre­mière fois des poèmes en vers absol­u­ment libres, sans titre, ni ponc­tu­a­tion : un livre au fort par­fum esti­val, inspiré par la blancheur dont la lumière revêt cette sai­son, et qui pro­pose une poésie légère et con­cise, une poésie qui célèbre et donne à réfléchir, entière­ment focal­isée sur le moment présent.

En 2023, il a pub­lié Presque rien (poèmes épars, 2012 – 2022), un recueil de poèmes dis­per­sés jusqu’alors, où s’affirme la teneur médi­ta­tive et réflex­ive de l’auteur.

Sans déflo­r­er ses pro­jets ou révéler des secrets abso­lus, Pedro Belo Clara prévoit la pub­li­ca­tion d’un autre recueil réu­nis­sant des poèmes écrits au fil de onze années.

Il vit actuelle­ment à Lis­bonne (tant qu’il ne réu­nit pas son courage pour aller vivre à la cam­pagne), en com­pag­nie de sa chat­te, dans un quarti­er qui le cap­tive par son pit­toresque et par ses fréquen­ta­tions par­ti­c­ulières, lui rap­pelant ce que les petits vil­lages ont de meilleur.

∗∗∗

tu t’endors

quelque part
dans l’immensité du monde
une larme
est dev­enue rivière

ici
dans le silence de ton sommeil
toutes les fleurs
sont pos­si­bles

 

adorme­ces

algures
na vastidão do mundo 
uma lágri­ma
faz-se rio

aqui
no silên­cio do sono 
todas as flores 
são pos­síveis

∗∗∗

 

je viens m’abreuver à tes fontaines
maîtresse de toutes les eaux
appor­tant dans ma main
la ten­dresse des matins
sans con­naître le bruyant secret
des sources lumineuses

et je ne recueille que des roses
– rosaire que j’effeuillerai
sur la riv­ière de ton corps

 

ven­ho beber de fontes tuas
sen­ho­ra de todas as águas
trazen­do pela mão 
a ter­nu­ra das manhãs 
sem saber o rumor­oso segredo 
das nascentes luminosas 

e só rosas tenho 
– rosário que desfolharei 
sobre o rio do teu corpo 

∗∗∗

 

remar­que comme le ciel
a la douceur
du chemin qui mène à l’aube

regarde comme le silence
le prend par la main
et vient frap­per à notre porte
avec la promesse d’éteindre
le cœur con­tre un horizon
de lumière claire

– ô extase de l’ivresse solaire

 

repara como o céu 
tem a lisura 
dum cam­in­ho de madrugada 

olha como pela mão 
o silên­cio traz 
e vem bater à nos­sa porta 
com a promes­sa de apagar 
o coração num horizonte 
de lume claro

 – o êxtase da bebe­deira solar 

∗∗∗

ces hort­en­sias
plan­tés
à l’orée du matin :

les porter au visage
plonger les rêves
dans cette riv­ière de couleurs

– et laiss­er un oiseau
chanter sur les cimes
des intimes silences

 

estas hortên­sias
plan­tadas
nas orlas da manhã: 

levá-las ao rosto 
mer­gul­har os sonhos 
nesse rio de cor 

– e deixar um pássaro
can­tar no cume
dos ínti­mos silêncios 

∗∗∗

 

vien­nent les nuits obscures
vien­nent les fines dagues
les épines cachées
au détour des chemins déserts

oiseaux aux présages
de mort sous leurs ailes
les brouil­lards de glace
les grif­fures des branches
où les fruits sont absents :

elle ne s’éteint pas cette lumière
d’être riv­ière avec toi
au fil des heures blanches

 

ven­ham as noites escuras 
ven­ham as ada­gas finas 
os espin­hos ocultos 
nas cur­vas dos cam­in­hos vazios 

pás­saros com vaticínios 
de morte sob as asas 
as nebli­nas de gelo 
as agruras dos ramos 
na ausên­cia dos frutos: 

não se apa­ga este lume
de con­ti­go ser rio
no pas­sar das horas brancas 

 

Poèmes tirés de “Dias de Cal” (« Jours de chaux »), 2022.

 

 

Présentation de l’auteur

Pedro Belo Clara

Pedro Belo Clara est né à Lis­bonne. Il est actuelle­ment col­lab­o­ra­teur et édi­to­ri­al­iste de divers­es pub­li­ca­tions lit­téraires brésili­ennes et por­tu­gais­es, comme Phi­los et Sub­ver­sa dont est tiré ce texte. Son dernier livre, un recueil de poésie inti­t­ulé LYDIA, est paru en 2018. Il ani­me les blogs Recortes do Real, Uma Luz a Ori­ente et The beat­ing of a celtic heart.

 

 

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