(ho) ancora l’illusione condivisa che , nonostante ciò che accade – in Italia ma anche nel mondo,
proprio in ciò che sembra più “inutile”, troveremo nuove risorse…1je conserve l’illusion partagée que, malgré tout ce qui arrive — en Italie, mais aussi dans le monde, c’est justement dans ce qui semble le plus “inutile” qu’on trouvera de nouvelles ressources…
Elisa Pellacani
J’adapte pour cette rencontre le titre du colloque “Poesia vestita di poesia, itinerari nella poesia contemporanea” organisé le 14 décembre 2018 à Reggio-Emilia, auquel a contribué notre invitée à différents titres – graphiste de l’événement, auteure, éditrice et responsable de collection pour les éditions Consulta… Il me semble en effet que la poésie — et la force de changement qu’elle propose et que nous soutenons — se trouvent aussi hors des mots, ainsi que ce portrait devrait le démontrer.
On comprendra que réaliser un entretien avec Elisa Pellacani – artiste, écrivaine, éditrice (outre la belle collection de poésie, « Allaluna », mise en valeur lors du colloque, et qui édite le poète Daniele Beghè publié au cours de l’année sur nos pages, ou la gestion du concours de poésie “Luciano Serra”) ainsi qu’ organisatrice d’événements culturels dont nous allons parler — est à la fois très simple – car c’est une personne remarquablement chaleureuse et disponible – et très compliqué – car son implication dans ces nombreux projets et sa modestie naturelle sont un frein aux questionnements d’une interview. Ce portrait doit donc beaucoup aux échanges à bâtons rompus que nous avons eus lors de la dernière exposition Libri d’artisti à Reggio Emilia, en octobre 2018, aux préfaces des livres dont nous parlons par ailleurs, consacrés aux expositions de livres d’artistes, et à une interview télévisée réalisée en juillet 2017 et accessible en suivant le lien indiqué en note 2 émission “Detto tra noi”, TRC, Rossana Caprari intervista Elisa Pellacani su editoria e libro d’artista, sul “Festival del Libro d’artista e della piccola edizione” di Barcellona, sull’edizione italiana “Fare libri”, e sull’attività della Scuola Itinerante del Libro : https://www.youtube.com/watch?v=ciLVtGM1ZtI.
Les illustrations retracent en partie la visite de l’exposition des livres d’artistes découverts dans le cadre prestigieux du musée d’histoire et d’archéologie, en septembre 2018 : Fare Libri — avec le désir de partager avec vous la magie de ces créations. Mais donnons la parole à l’artiste :
“Je participe depuis 10 ans, avec l’association culturale ILDE, au festival de Barcelone qui se tient chaque 23 avril, journée mondiale du livre et du droit d’auteur mais aussi fête de Saint Georges, saint protecteur de la ville, qui se couvre de livres à cette occasion.
Plus de 100 artistes et auteurs du monde entier participent à ce « festival du livre d’artiste et de la petite édition », au cours duquel nous organisons des rencontres autour de la recherche des matrices anthropologiques de l’image et de la communication, ou sur les formes de narration. La recherche sur la fabrication des livres implique autant d’envisager des techniques diverses que d’attendre d’être surpris par des résultats bien différents.
La tradition à Barcelone dit que le dragon vaincu par Saint Georges perdit son sang, donnant ainsi naissance à une rose avec laquelle le saint conquit la princesse, et rendit la liberté à la Catalogne – sa victoire est aussi une métaphore politique évidemment. Ce jour-là les hommes offrent aux femmes une rose, et les femmes répondent avec un livre, acheté à cette occasion.
Comme nous nous demandions comment intéresser le public à la production délicate de livres d’artistes, nous avons profité de cette journée dédiée massivement au livre pour imaginer un espace où les créateurs puissent s’exprimer, faire connaître leur forme d’art, en sortant des ateliers où ils passent des heures solitaires à leur table, projetant, dessinant, réalisant leur projet, et créant des histoires qui souvent n’atteindront pas le grand public, ou ne trouveront pas d’éditeur. Pour certains artistes, en effet, il s’agit de tout petits tirages, voire même d’exemplaires uniques.
Diana Isa Vallini, Felonica (Mantova), Italie,
Canto d’amore (2017), livre objet unique 13 x 6x 4 cm
Daniela Kasimir, Allemagne, Reading the keys, 2017,
édition de 20 exemplaires 11?5 x 18 x 5,5 cm
(collage, transfert, photos, clés)
Toutes les interventions internationales proposées pour le festival sont rassemblées dans des catalogues réalisés avec les éditions Consulta3voir dans ce numéro l’article correspondantet comportent une fiche technique raisonnée, afin de créer, au fil des années, comme un fil rouge subtil, un dialogue autour du livre d’artiste et des techniques de fabrication contemporaines. Ce livre édité est un véhicule qui permet un catalogage durable, et un meilleur « rendement » du matériel exposé. Chaque année nous avons un thème général, et en 2017, 10ème année, Game book soulignait le côté ludique du livre-objet – en 2018, le livre est considéré comme porteur de secrets ou d’intimité – journaux intimes, confidences qu’on ne dit pas généralement en public, langage poétique un peu cryptique aussi, avec lequel se fait la communication non verbale, à travers le choix des matières, du format, le type de pliage, pour dire quelque chose sans les mots.
A Barcelone, la plate-forme que nous fabriquons depuis une dizaine d’années, avec bien des difficultés, fonctionne d’une façon qu’on pourrait dire un peu « alternative », grâce à l’engagement bénévole des membres de l’association, et à l’enthousiasme de l’éditeur. Cette plate-forme est devenue intéressante pour les auteurs qui peuvent se rencontrer, et motivante car elle permet de rencontrer le public. Il me déplaisait beaucoup qu’elle n’existe pas en Italie, pays traditionnellement sensible à la recherche dans l’imprimerie, la gravure, l’image. Je voulais aussi créer une situation utile, non seulement pour ceux qui travaillent déjà dans le secteur éditorial et artistique, et que conforte cette manifestation, mais aussi pour impliquer le public : je crois que de nos jours, une manifestation artistique doit toucher la société, contribuer – dans la mesure modeste de ses moyens — à son changement. Nous avons donc commencé , il y a 5 ans, avec le soutien de la ville de Reggio-Emilia et les Musei Civici, à importer ce festival, à date plus ou moins fixe en automne.
Pietro Antolini, Bologna, Italie, La Grande Murène
technique mixte sur papier
.
Marilena Torlai, Collagna (Reggio Emilia, Italie)
Strappo, 2018
livre objet unique 20 x 20 x 6 cm
coton, soie, papier, acrylique, fils, ruban, boutons à pression.
Je crois que le livre — et le livre d’artiste renforce la valeur du message, par-delà les capacités artistiques personnelles – possède une grande force, qui le distingue, comme « langage », de la peinture, du dessin, et toutes les autres formes d’expression. Ainsi avons-nous créé L’école itinérante du livre pour porter en des lieux divers cette pratique et susciter des moments de rencontre, d’étude et d’expérimentation. Nous intervenons auprès des écoles, des centre éducatifs ou, comme avec la coopérative L’Ovile, auprès de publics de jeunes extrêmement créatifs mais dont certains ont des handicaps mentaux, si bien que pour eux, se confronter à la production créative, en s’intégrant à un projet coordonné, était un objectif important. Afin de dépasser les handicaps manuels, les matrices d’impression du livre ont été réalisées de façon collective pour créer un livre ludique. Ainsi, ce dernier devient-il un instrument pour impliquer la collectivité quel que soit le niveau de pratique, même dans des situations apparemment éloignées de la pratique artistique.
Mais qu’est-ce qu’un « livre d’artiste » ?
Ce terme générique et pompeux désigne une autre façon de concevoir et penser l’objet-livre, par rapport à un projet éditorial soumis à des exigences commerciales et économiques : il s’agit de « livre » comme forme de narration, séquence d’images, textes, formes aux langages artistiques multiples, libres, inventés par l’artiste, parfois aussi en collaboration avec d’autres. C’est un objet, avant tout, qui s’ouvre, raconte, pour le public, à travers un langage qui n’est pas seulement narratif, simplement décodable.
Cette façon de penser le livre donne une grande liberté expressive à laquelle participent aussi la diversité des matériaux, le format, le pliage, et la forme de la narration.
Au fil des rencontres, des ateliers pratiques de fabrication de livres, on voit s’impliquer de plus en plus de groupes avec des formations très variées, et bien qu’on utilise toujours majoritairement le matériau papier, en réalité, le livre dit d’artiste échappe à une définition – il peut même être une manifestation purement performative, on pourrait dire « virtuelle » ( mot à la mode de nos jours) enfin, une création qui ne ressortisse pas forcément au monde des objets.
El Templio sagrado, Elisa Pellacani, 2018, livre objet, exemplaire unique.
Exemplaire ancien démonté, dévernis et réassemblé. Charnières, ouverture
et détails décoratifs en feuille d’argent taillée et modelée. 15 x 10 x 3 cm (fermé)
Gwen Diehn, Secret, 2017. Livre objet unique, rouleau 18 x 21 x 10 cm
tricot sténographique, argile séchée à l’air, blanchie à la gouache, cirée,
pierre, tissus, boîte en carton de Davey reliée avec des joints de papier.
En réalité, on est souvent confronté au matériau physique, mais certains de ces livres — et c’est ce qui me semble novateur et très contemporain — se prêtent à la reproduction : ce sont des expérimentations, des recherches personnelles, avec des exigences créatives ou artistiques, permettant une reproduction, une série, une édition, tout en préservant l’innovation, l’originalité de celui qui a pensé et voulu matérialiser un message.
Elisa Pellacani, Il Seme della discordia (2015/2018),
Ex voto de amor (2016) incision l’eau-forte sur argent et émaux,
Livre-joyau (2018), pendentif en argent et émaux pour La Biblioteca dei sogni
Les artistes, les créateurs jouent avec des matériaux — plastique, métal, étoffes — et des processus qui ont peu de rapport avec le monde de l’édition tel que nous l’entendons habituellement. Ainsi, pour moi, avec une formation graphique et des années de pratique photographique, donc de communication, de type « bidimensionnelle », paradoxalement, c’est justement à travers le livre et l’objet ‑livre (pas seulement le projet graphique éditorial mais le fait de créer une petite édition, même de manière artisanale, ou en utilisant les extraordinaires systèmes de reprographie actuels ) que je me suis rapprochée de techniques et de langages qui n’étaient pas les miens à l’origine : la joaillerie, par exemple, la gravure, le fait de forger une couverture de cuivre, ou de penser qu’un livre puisse tout à coup devenir un objet si petit et si précieux qu’il se pare plutôt d’émaux que d’aquarelles, se porte comme un bijou, renouant ainsi avec les antiques petits livres-cadeaux que portaient les dames attendant le retour des guerriers… ou qu’il évoque encore les carnets de voyage… je joue sur toutes ces possibilités…
Le tout petit livre-accordéon, « La première fois que j’ai volé », imprimé en offset sur papier aquarelle, a été imaginé et réalisé directement, au crayon et aquarelle sur papier. Pendant la phase de projet, je pensais à une possible édition – reproductible. Dans ce cas, c’est assez facile, le format le permet, avec une manipulation ultérieure pour faire les plis, réunir les différentes bandes, mais on peut dire qu’il s’agit d’un « produit éditorial » pas trop différent des livres-accordéons déjà existants sur le marché de l’édition. C’est sous cette forme qu’est né aussi « Le pingouin sans frac » — un livre pour enfants de Silvio d’Arzo, mis en forme et illustré pour les éditions Consulta, et déjà à la troisième édition : j’ai pensé à la taille originale des pages, réalisé les illustrations directement sur le format de chaque double page, en pensant à la mise en espace du texte et à la place qu’occuperait le texte avec les illustrations. Le fait qu’on ait choisi un papier blanc, pour évoquer l’étendue blanche dans laquelle se déplace le pauvre pingouin, la relation entre les couleurs de l’illustration et le texte, tout ceci peut concerner un projet éditorial dans lequel une recherche artisanale faite avec des matériaux sur le « livre d’artiste » peut avoir une influence.
Les livres Carta Luna et Una Notte, qui sont nominés pour le prestigieux Fredigoni Top Award sont tous deux des leporellos modifiés, avec des pliages alternés qui provoquent des mouvements différents des pages, et donc des résultats différents. Dans Carta Luna, à travers les échos entre les textes poétiques de Lia Rossi et les images ; dans Una Notte, avec des coutures et des parties retaillées pour créer un effet de tridimensionalité. L’un est un livre à feuilleter et lire, l’autre, un livre à ouvrir et regarder. Chacun a été conçu pour permettre une ouverture à 360 degrés, évoquant la forme des pétales d’une fleur, occupant ainsi, une fois ouvert, l’espace d’un objet vertical — comme une sculpture. ”
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- BARRY WALLENSTEIN - 29 septembre 2015
- Eric Dubois, Le Cahier, Le Chant Sémantique - 13 septembre 2015
- La poésie de Jan Owen - 5 décembre 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (3) - 30 septembre 2014
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- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (2). Géraldine Monk présentée par Steven J. Fowler et traduite par Marilyne Bertoncini - 16 juin 2014
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Notes