MER


Des mois entiers de marche
à dis­siper le printemps

Les cam­pagnes fleurissaient
du marais de nos deuils

Nous nous arrêterons disions-nous
nous nous arrêterons

Aux dernières pierres
du dernier sommet

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La val­lée disparaissait
dans les nuages en contrebas

Il ne res­ta bien­tôt à gravir
qu’une roche humide et grise

L’air se chargeait d’embruns
ceux pensions-nous

Des soirs de renoncement

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Au som­met  
l’horizon

Et dans nos gorges
et dans nos larmes

La mer le bleu
le bleu immense

Nous détachâmes nos cheveux

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Elle par­don­na l’hiver
elle par­don­na les morts

Leurs noms solitaires
abîmés de néant

Elle par­don­na la colère
étouf­fée de nos pleurs

L’écume sur ses mains
for­mait un banc de cyprès

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La mer prit nos corps
jusqu’au soir

L’été flot­tait
dans nos têtes

Nous l’accrochions
pour goûter

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Ici l’eau s’arrête
lorsque les pier­res crient

Elles claque­nt dans
un lit d’orage

Pour ces jours d’avant
qu’on ne rever­ra plus

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L’as-tu jamais entendue
la voix de cette mer qui danse

L’as-tu jamais écoutée
sous mes mains de corail

Sur ce corps salé sur ce nu
que j’arrache aux grands fonds

Il faudrait s’asseoir là seuls
pen­dant que le mau­vais bruit s’éloigne

Cette marée que l’on connait
n’est pas ce que tu crois

Le rivage s’habille
d’une nou­velle couleur

À chaque lever de mer

°°°

 

 

ELLE DIT


Elle peint
dans le vent du large

Toiles offertes
au chant ramuré de la vague

Couchée dans un essaim
de baies rouges elle dit 

Les voici
les couleurs

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Porte-moi
face au soleil

Vers cet autre rivage
où l’océan perd ses vagues 

Dan­sons sur l’été
de mon corps

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Sur l’ébauche
tamisée du seuil

J’ai vu l’enfance
j’ai vu l’arbre

J’ai vu le ciel bleu
par-dessus les nuages

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Ce jardin
dans mon ventre

C’est elle
je le sais c’est elle

C’est le monde
qui cherche à naître

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Les arpèges d’avril

Je sens leur couleur
de matins frais

Courir sur
tes robes fleuries

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Ces robes retirées
sous une porte de verre

Un arbre
perd ses feuilles dans le noir

Je veux toucher
la ten­dresse de tes mots

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Com­bi­en faut-il d’hivers
de nuits lourdes
au bout de soi

Com­bi­en de sentiers
de rideaux effacées

Pour com­pren­dre
pour voir
pour voir enfin

L’aurore com­mence toujours
par un demi-tour de terre

°°°

 

 

Nous achevons la publication de Quantique de l’Insoumise, écrit en février 2015 à Rangoun.

 

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