1.
A l’ombre de la chandelle
Le marron pâlit
Les cailloux de sang de l’automne
Frappent
Aux fenêtres dépouillées
J’ai peur
J’ai froid
Je ne peux pas
2.
Un matin
Il y eut le bruit d’un papier que l’on froisse
Ouvrant les yeux, nous
Sommes devenus muets
Nos yeux ouverts sur le grand noir :
L’argus piégé dans un verre obscur,
Entre deux briques, le ciel,
Une rose cernée de marbre rose,
La douce-amère sous le joug du soleil
Nos muses, des murs,
Des lointaines prisons,
Des horizons carcéraux
Il y eut aussi
Ces deux hivers
Et d’autres,
Moins silencieux
Il eût fallu
Que la neige fonde,
Que les cendres absorbées,
Que la chair des noms
Soient adressées,
Par nos lèvres noires, creuses,
Que le silence soit rendu
3.
Sur le bas-côté,
L’horizon bleuâtre
Bridé par d’obscures lignes
Tournées vers l’enfer
La mue humaine
A perte de vue
Semble un ciel embourbé,
Un diamant de poussière
D’hier, l’horizon était un sac d’orange
Sur un vélo qui passait,
Un infini de poche,
Des livres dans une chambre,
Et dans cette chambre
Une fleur blanche à la fenêtre
Aussi reculé
Que les bogues d’automnes,
Qu’une fleur de muguet dans les ombres
Ton sourire, toujours
Un pli de boue,
Une pluie qui va d’est en ouest,
M’accompagnait vers quelques gouffres de fleur
De nuit sur le chemin,
Le visage creusé
Du soir, ton visage
En grève noire de sourire
De nuit sur le chemin
Aux ongles noirs de la terre :
L’inavouable séjour
Chaos bleu du soir
Je serais mort
S’il ne m’avait ravi
Aux serres de la seule vue
Quelques morceaux de miroir
Sous des pas. Aux prières crissaient
Le silex noir et proche,
Le noir grouillement des rêves
Dans une haie flammée
Epars reflets sous les bottes
Trouées de l’écriture
Que les astres étiolaient, silencieux
D’une vague impossible, d’une rive amère, ces mots sont passés des pâles cailloux du ruisseau jusqu’au coquelicot au rebord de la nuit ; une réponse à l’ombre : que la mort soit une réponse, que demain soit la maison, une voix sans savoir, et ce visage entre les murs, et ce visage étreint de brume et de feuillage.
4.
Désert de veiller au silence
L’effort du mot
Vacille
Les murmures de la braise
A l’heure du chant cadet,
A l’heure des bûches blêmes
Et des bouquets pourpres
Je fuis
Des cailloux blancs
Sous une robe rouge sang
Sur la barque rosée du rameau
Sous une pluie fine de cendre
Vers un sourire
Une ruine ajoutée à l’histoire
Mais je n’ai fait, ce soir-là, qu’effleurer
L’autre sourire,
Plus opaque, plus tardif,
Porteur d’une rumeur
Plus sombre qu’une fenêtre d’été
Le voir
Je ne peux
Mais un sifflement dans un brasier,
Un éclat au-dessus du gouffre
5.
Je regardais le ciel
Et ses ombres sur la terre
Les averses gâtaient mes fruits
Mais ce n’était pas grave
Je les laissais tomber
Comme des étoiles dans l’herbe
Vous les regardiez comme on regarde
Les yeux ou le sourire
De quelqu’un qui s’en va,
Vous regardiez cette chute bénite,
Vous souriiez au sourire d’été de cette ruine
Les tertres qu’ils formaient
Etaient comme autant de fêtes,
Autant de concerts dans les squares en fleurs,
C’était leur dernière danse
Avant d’être cueilli par la mort
Jusqu’aux prochaines chansons de mai
Des étoiles sous un pommier
Comme des refrains de feu
J’ai peur et froid, je ne peux pas. La nuit m’ouvre son regard noir, mes doigts s’y posent sans y laisser leur ombre, à pas de loup, comme un duvet, comme une fleur sur un banc de neige. Parfois, avec le tranchant emprunté d’une étoile, je coupe les plis de ses pages brunes. Mais son cœur est de craie et s’écrit avec du vent, et c’est moi qu’elle coupe, et c’est moi qu’elle brûle, et comme l’éphémère, entre jour et nuit, je ne peux, de ce peu de lumière.