Ces mémoires que nous livre Raymond-Jean Lenoble, sauvées de l’oubli, toutes dédiées sans doute à la vie, à l’ami, aux amis et à tous ceux qui un jour, s’en sont allés, sont souvenirs pêle-mêle gravés au cœur des survivants. Le poète, ici, fait appel à sa mémoire pour convoquer le souvenir de chacun de ses amis et proches, avec une invitation au lecteur à passer la porte de l’amertume, celle d’une vie qui vous met au monde et vous oublie à peine êtes-vous nés.
Tantôt prose poétique : « une vaste zone de perturbations s’étend sur l’enfance et menace nos amours »
Tantôt très classique, très rythmée, alexandrins avec rupture à l’hémistiche, bouts rimés (ab/ab) : « Pour habiller le rêve/Une envie suffirait/Si l’envie qui se lève/Emportait le regret… », cette poésie déconcerte et trouve en même temps tous les thèmes qu’aborde une poésie intemporelle.
Parfois encore très moderne, un brin moqueur, proche d’une poésie sonore : « Quiz, Big, Buzz, Blog, Bug/Web, iphone, ipod, ipad,/ Smartphone, Blackberry…
Allo ?.… Allo ?…
Je voudrais parler à la /Langue française, s’il vous plait ! »
Une poésie qui ne se prend pas au sérieux mais qui use de mots simples, de pensées délicates, pour une réflexion sur la vie qui passe…
« Chaque peau se destine au parfum qui l’honore.
L’un s’y ferme et s’y noie, l’autre s’épanouit.
Tous ils voudraient ouvrir de nouvelles aurores
Mais chacun porte en lui l’essence de l’oubli.
De la sauge scarlée au santal de Mysore
En pasant par le musc, la rose et l’ambre gris
Ayez pour ces parfums le respect de vos pores.
Laissez-leur une chance au moins pour une nuit. »
Au milieu de cette grande disparité, on trouve encore quelques moments de grâce avec ce très beau poème par exemple :
« La neige
Elle éblouit son image, son miracle. Merveilleusement illisible, elle n’imprime que sa fugacité. On reste piégé, captif de l’éphémère, de l’indicible, condamné la défaite, à l’abandon.
Au mieux peut-on parfois ‑mais si peu- échapper à soi-même. Ainsi, la neige du bonheur quand elle fond sous nos pas.
Et puis, surtout, cette blancheur, cette insupportable blancheur, quand elle a cessé d’être. »
In mémoriam Louis Daubier (14–03-1924/30–11-2000)
Né à Charleroi le jour des Saints-innocents 1940, Raymond-Jean Lenoble, futur médecin gynécologue, a succombé au virus poétique dès l’âge de 11 ans. Il publie son premier recueil (prix Marin) à 18 ans. De poète, il devient revuiste, auteur de théâtre et auteur compositeur de plusieurs albums de chansons poétiques.
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