Margo Tamez : un langage enraciné dans la mémoire — la mémoire du corps et son histoire.
Traductions de Béatrice Machet
Au 19ème siècle, le Texas étant envahi par de nouveaux colons, les Lipan Apaches furent durement chassés et exterminés au point que beaucoup s’enfuirent se réfugier dans les montagnes du nouveau Mexique chez les Apaches Mescaleros.
Née en 1962 à Austin, au Texas, Margo Tamez a vécu sur les terres Lipan Apaches à proximité de la frontière avec le Mexique. Née à la période des mouvements pour les droits civiques des noirs américains, à une époque où la guerre du Vietnam divisait l’opinion américaine, témoin de combien ses parents avaient de difficultés avec les groupes de populations blanches tant l’intolérance, l’injustice sociale et l’hostilité envers eux étaient féroces, Margo se souvient qu’à l’âge de 7 ans, sa mère l’a encouragée à s’éduquer et à se familiariser avec la culture dominante afin d’utiliser ses connaissances acquises pour ensuite donner voix aux luttes de son peuple.
Elle a fait des études universitaires jusqu’à obtenir un doctorat et aujourd’hui elle enseigne dans le département des études indigènes à l’université Okanagan de Colombie Britannique (Canada).
Margo Tamez, Raven eye, University of Arizona Press, 2007, 92 pages.
S’étant pour un laps de temps éloignée de l’université, Margo s’est rapprochée de milieux artistiques qui l’ont amenée à rencontrer et à travailler avec des personnalités marquantes telles la figure de la résistance Indienne, le poète John Trudell, un temps leader du mouvement des Indiens d’Amérique, mais aussi l’écrivain Chilien Juan Tejeda et l’auteur-compositeur-interprète de country Butch Hancock. Ces influences la conduiront à l’écriture d’une plaquette de poèmes intitulé Alleys & Allies (Saddle Tramp Press) en 1991. Ce petit recueil est le résultat d’expérimentations formelles à partir des traditions orales Indiennes, du « corrido» mexicain (sorte de ballade populaire), le tout plongé dans le contexte socio-politique du sud-ouest American. De plus, Margo est l’auteure de plusieurs livres dont deux de poésie, publiés aux éditions University of Arizona : Naked Wanting (vouloir nu, 2003) et Raven Eye (Œil de corbeau, 2007). Ce dernier a été sélectionné pour le prix Pulitzer de poésie et a reçu le prix Cather de poésie. Margo est aussi l’auteure de textes historiques, dont l’un retrace la lutte des femmes Lipan Apaches depuis les années 1524 jusqu’à aujourd’hui, une histoire de résistance, de frontières, et même de luttes contre la construction du mur entre Mexique et Etats Unis. Une autre publication est consacrée à la mémoire du peuple Lipan Apache et renferme des poèmes relatant le génocide et la mémoire ancestrale. Voici les références :
“My Mother in Her Being (Ma mère telle qu’en elle-même)–Photograph ca. 1947,” Callaloo, Vol. 32, No. 1, hiver 2009, pp. 185–187.
“Restoring Lipan Apache Women’s Laws, Lands and Strength in El Calaboz Rancheria at the Texas-Mexico Border,” (Restituer les lois des femmes Lipan Apache, territoires et Force dans la rancheria El Calaboz à la frontière Mexico-texane) Signs, Vol. 35, No. 3, 2010, pp. 558–569.
“Our Way of Life is Our Resistance”: Indigenous Women and Anti-Imperialist Challenges to Militarization along the U.S.-Mexico Border,” “(Notre mode vie est notre résistance : Femmes indigènes et les défis anti-impérialistes contre la militarisation le long de la frontière mexicaine) dans Works and Days,
Invisible Battlegrounds: Feminist Resistance in the Global Age of War and Imperialism (Travaux et jours, champs de bataille invisibles : résistance féministe à l’ère du monde globalisé de la guerre et de l’impérialisme), Susan Comfort, Editor, 57/58: Vol. 20, 2011.
Margo dans sa jeunesse à souffert de déficience auditive dont, et je la cite, la cause est la pauvreté, une fièvre élevée, un climat d’anxiété due aux traumas que les effets de la colonisation sauvage et cruelle ont générés. Très tôt elle remarque que la société des colons est terriblement irrespectueuse de son environnement, allant jusqu’à « mener une guerre contre la terre ». Cette agression est vécue jusque dans son corps d’indienne, elle qui appartient à une communauté méprisée, ignorée, maltraitée. Elle n’avait pas les mots pour exprimer cela à l’époque, mais avait l’intuition que c’est ce qui la rendait malade.
Paru en 2007, Raven Eye (œil de corbeau) est considéré comme un ouvrage qui « indigénise » la forme poétique américaine. Margo Tamez mêle des récits traditionnels de la création des nations Athabascanes (dont les Apaches font partie) avec des narrations du génocide des Lipan Apaches perpétré par les colons et des épisodes autobiographiques. La forme poétique qui en résulte garde la structure narrative traditionnelle propre à son peuple et l’importe (ainsi que parfois les écrits pictographiques qui les fixent) jusque dans l’esthétique littéraire occidentale pour en faire une écriture de résistance. Dans ses proses comme dans ses vers elle examine en détails les problèmes de genre, de violence, d’identité, en évoquant les camps, les marches forcées, l’exil, les murs aux frontières. Elle réfléchit aux effets de la colonisation (dépossession, l’invisibilité des peuples Indiens en Amérique, l’effacement historique de leur présence, le déni de leur existence), effets qui perdurent. Elle les fait résonner dans ses écrits pour montrer comment ils sévissent encore dans les régions où les populations Indiennes résident, a fortiori si elles vivent près, ou à cheval sur des frontières (Canada, Mexique), ce qui les empêche de pleinement exercer leur souveraineté de nations.
Voici un exemple de poème qu’on trouve dans ce recueil :
Après la collision, Corbeau se souvient : Où tous nous commençons (After colliding, Raven recalls : Where We All Begin).
Je suis le sexe entre les épines senteur
Et une pulsation
Logée dans les lèvres des captifs violés sous contrat
Esclaves Lipan paysans espagnols refugiés Jumanos
Fertilité possibilités questions piégeage
Engendrent ce souvenir pareil à un manuel d’utilisation :
les haïr vous haïr vous-même serrer la visse plus fort répéter
Mes ailes reviennent … une … deux
Au cri humide glissant un os et mémoire récupération
Où l’univers commence
Où l’univers commence où l’univers commence
Où nous commençons tous
Les Jumanos sont des Indiens Apaches du sud-ouest des Etats-Unis dont le territoire d’origine se trouve en grande partie dans l’actuel Texas. Les Lipans avaient, eux également, leur territoire au Texas mais aussi au Nouveau-Mexique, dans le Colorado et de l’autre côté de la frontière avec le Mexique dans les états du Chihuahua, Coahuila, et Nuevo Léon. (N.d.T)
Par ailleurs, Margo est une militante très active. En 2004, par exemple, elle a co-organisé, à Tucson en Arizona, un symposium sur la globalisation, la justice environnementale et les mouvements toxiques. Au plus près des problèmes rencontrés par les Indiens d’Amérique aujourd’hui est son engagement pour défendre les droits des populations Indiennes non reconnues par l’état. Le scandale est que les nations Indiennes ne sont reconnues par l’état fédéral qu’à la condition d’avoir par le passé accepté de se rendre sur une réserve et d’y avoir été enregistré. Que les Indiens sachent qui ils sont et d’où ils viennent n’a aucune valeur légale, selon l’état vous n’êtes Indien que si le nom de vos ancêtres est bien noté sur les registres d’une réserve. Ceci prive de droits de nombreuses personnes, droits par ailleurs accordés par traités aux Indiens. Ceci les signale comme descendants d’Indiens « hostiles », ceux ayant combattu, ayant refusé de céder leurs territoires, qui ne voulaient pas marchander leur souveraineté, qui n’ont jamais voulu se rendre. Les voilà donc à présent effacés, inexistants au regard de la loi. Je reproduis ci-dessous les réflexions qu’elle partageait le 19 novembre 2020 sur un réseau social :
“You don’t have to understand someone’s identity to respect it. Some people haven’t heard a lot about [xxxx]” Federally Non-Recognized Tribal “identity, or have trouble understanding what it means to be” Non-Recognized, and tend to uncritically believe and perpetuate the colonizers’ false myths, fictions, and narratives about us. Before you perpetuate ignorance, do your research first , ask yourself why it’s easy for you to dehumanize a whole group and potentially contribute to enabling the settler state to enact more violence and genocide against a specific group.” (Il n’est pas besoin de comprendre l’identité de quelqu’un pour la respecter. Certaines personnes n’ont pas entendu beaucoup parler de l’identité tribale non reconnue par l’état fédéral, et ont tendance à croire et à perpétuer, sans les remettre en cause, les faux mythes, fausses fictions, faux récits à notre sujet. Avant de répandre l’ignorance, faites des recherches d’abord, demandez-vous pourquoi il vous est si facile de déshumaniser un groupe et à contribuer potentiellement à autoriser l’état colon de perpétrer plus de violence, de perpétrer un génocide, contre un groupe spécifique.) «All people, even those whose identities you don’t fully understand, deserve respect. » (Tous les gens, même ceux dont vous ne comprenez pas bien l’identité, méritent le respect.)
Le congrès CALACS 2012 présente des entretiens avec certaines des personnes impliquées dans le programme CALACS, qui partagent leurs domaines de recherche, leurs intérêts et ce que le congrès CALACS 2012 signifie pour elles.
Et Margo concluait de cette façon « hashtagisée » pour mettre en lumière les mots clés qui désignent les problèmes et les souffrances auxquels font face les Indiens d’Amérique :
#genocide #génocide
#truthandjustice #véritéetjustice
#truthing #fairelavérité
#Indigenousepistemology #épistémologieIndienne
#landback #rendrelesterres
#settlerlying #mensongedecolon
#colonizersandcolonized #colonsetcolonisés
#whencolonizedbecomecolonizers #quandlescolonisésdeviennentcolons
#stuffyouhatetodealwith #gavetoidehainepourlagérer
#evasion #évasion
#avoidancebehaviours #comportementsdévitement
#colonizeddysfunction #disfonctionnementcolonisé
#StockholmsyndromeUSA #syndromedeStockholmUSA
#peaceisnotsurrender #paixnestpasreddition
#treatiesthatdidntgoaway #traitésquinesontpaspartis
#refusingtogoaway #refusdepartir
#resistingsettlerviolenceeveryday #chaquejourrésisteràlaviolencedescolons
#stoptheshaming #arrêterd’humilier
#stopignorance #arrêterl’ignorance
Le travail de Margo Tamez, selon Joni Adamson dans son article Todos somos Indios : Imagination révolutionnaire, modernité alternative et organisation transnationale dans l’œuvre de Silko, Tamez et Anzaldua, se combine au travail des femmes écrivains indiennes qui imaginent un nouveau futur en rassemblant, en coalisant toutes les forces constructives et bâtisseuses des groupes indigènes au-delà de l’identité tribale. Ces groupes dits indigènes pouvant intégrer des non-Indiens dont les préoccupations pour la justice sociale et la protection de l’environnement recoupent les revendications Indiennes. Il s’agirait de repenser un nouveau tribalisme, qui fait naturellement suite au mouvement pan-tribal, cette émergence dans les années 1980 d’une identité transnationale au sein des nations Indiennes d’Amérique. La poésie de Margo Tamez est le résultat de l’histoire longue de plusieurs siècles, histoire de luttes pour la reconnaissance, pour l’auto-détermination, pour le droit des peuples autochtones auxquels les institutions coloniales ont voulu refuser toute existence légale. La mère, les grands-mères et arrière-grands-mères etc, de Margo Tamez ont tenu des registres et des archives, aussi bien familiales et « secrètes », que des documents tels que testaments, actes de mariages, titres de propriétés, photos, articles de journaux, cartes, … et ce depuis 1546 jusqu’en 1919. En 2005 les tensions dans la communauté familiale de Margo aux abords de la frontière avec le Mexique ont augmenté, et ce à cause de l’attentat du 11 septembre 2001 à New-York avec la construction du mur qui en a découlé. Margo Tamez a décidé alors de faire de ces archives et documents le sujet de son doctorat en philosophie. En cela Margo prenait la succession de ses ancêtres, ces gardiennes de la communauté Lipan-Apache qui avaient continuellement dû se battre contre les envahisseurs Espagnols, les Mexicains, puis ensuite les Etats Unis, tous voulant exterminer ces communautés dont le seul nom d’Apache faisait frissonner d’horreur les colons blancs.
Dans Naked Wanting, son premier recueil de poèmes, Margo Tamez donne voix à la nature, elle montre les effets désastreux de la pollution de l’air, des eaux, avec son chapelet de drames, fausses-couches dues au DDT, cancers… Elle écrit : « l’air est lourd de chaleur et d’humidité/ mais sent le diesel et les désherbants ». Elle écrit aussi : « la terre est un courant érotique qui lie entre eux tous les êtres ». Dans ce recueil elle aborde la question de la militarisation de la frontière et ces effets toxiques sur les communautés Indiennes dont les membres allant d’un côté et de l’autre puisque territoire tribal établi à cheval sur les deux pays, sont soupçonnés sans cesse d’être des « alliens », des migrants sans papiers, quand ils ne sont pas arrêtés et molestés. Dans son poème Witness of Birds Margo nous montre le contraste entre son statut de femme universitaire éduquée et celui des migrants Mexicains sans papiers qui prennent le risque de l’exploitation, des coups, de la faim, qui viennent chercher le minimum décent pour un humain : travail, abri, nourriture et dignité, et qui ne manquent pas de se moquer d’elle quand un oiseau nommé vacher à tête brune (cowbird) vient se poser sur la tête de la poétesse et lui emmêle les cheveux. Quand elle se débat pour faire partir l’oiseau ils la pointent du doigt : celle avec une jolie robe… sans savoir qu’elle aussi, tout comme eux, est issue des classes défavorisées, elle est « indigène ». Sa communauté connaît le même sort de pauvreté et de non reconnaissance que ces travailleurs illégaux.
Dans Raven Eye Margo Tamez insiste, persiste à montrer les dommages faits à l’environnement. Dans un poème que l’on pourrait qualifier d’épique, intitulé « Addiction to the Dead » (addiction aux morts) elle relie le meurtre et le viol de femmes Lipan-Apaches, de paysannes Espagnoles, de réfugiées, aux pulvérisations de produits chimiques qui font que pas un organisme humain sur la planète n’est exempt de produits toxiques dans son sang. Dans un poème intitulé Bringing Back the Birds, elle constate la disparition des espèces dans un brouillard toxique mais en appelle aussi à la création d’une « possible earth, /One that we love. / Where we are liable / for the damages / freighted on her. » (terre possible, / une que nous aimons. / Où nous sommes responsables / des dommages / accumulés contre elle.)
Malgré tous les efforts consentis pour protéger les terres que la famille Tamez possède depuis 1605 jusqu’au 21 avril 2009, le gouvernement américain évoquant « le droit éminent » de l’état, a commencé la construction du mur au milieu de la propriété de Margo Tamez. En dépit de cela, elle garde un esprit positif, elle écrit : « by the will of indigenous Peoples and our global partners », par la volonté des peuples Indiens et de nos partenaires mondiaux, la confiance grandit dans le pouvoir des alliances qui « strengthen, empower and reclaim the long-term spiritual, physical and emotional bonds between humans and Mother Earth for the life of our future generations » ; c’est-à-dire alliances qui renforcent, donnent pouvoir et récupèrent les liens établis depuis très longtemps entre les humains et la Terre Mère, qu’ils soient spirituels, physiques et émotionnels, pour la vie des futures générations.
Voici un poème qui illustre (encore) à la fois la réalité, la profondeur du traumatisme, mais aussi la volonté d’être positive, la certitude d’une mission à accomplir pour un effet de guérison collectif :
Buvant sous la lune elle se met à rire (dans Raven Eye) (Drinking Under the Moon She Goes Laughing).
Quand la fin fut proche
Il menaça les mains tremblantes
Il n’y a pas de fin jamais ses mains atteignant mon visage
Tu ne peux pas partir il enlève sa chemise poursuit son geste vers son pantalon
Des gouttes de sueur perlent sur son nez
Vapeur d’orbe lunaire luisance métallique amourmalade
Ombres de nuit engourdie trébuchante
Corbeaux perchés sur un lampadaire
Nous sommes des fourmis terrestres vivant dans la précarité
Sur le sol sacré de Huhugam
Jarre de nos morts
Comme des chats en lambeaux mes fantômes et moi
Bavardons dans l’allée derrière un bar
Mes yeux captent les leurs une étincelle révolution
pieds sans empreintes sur le gravier
Notre existence effacée lointaine
D’entrechoquer des bouteilles de bière et vanité
Sur le banc à l’extérieur d’une librairie
Nous sommes éliminés vois les nouvelles de la rue
La résistance se fait broyer
Mes fantômes favoris et moi nous appliquons plus fort nous nous donnons naissance
Sur le banc à l’extérieur d’une librairie
un vent glacé veut arracher nos secrets
Hey nay ya na ya na ya na
Je vous remercie merci de votre présence
Mes fantômes je vous remercie de votre présence
Hey nay ya na ya na ya na ya na
Ce dilemme oh ancêtres
O ! ancêtres !!!! je vous remercie merci merci
Hey nay ya na ya na ya na ya na
Je suis encore la bâtarde de la concession Lipan Jumano
Personne ne voit personne ne reconnaît une invisibilité
Filant passant à travers tous les checkpoints
Villes frontières voies ferrées pesticides de passage queues de l’assistance publique
Ailes aux formes changeantes
Venin de scorpion à moi inoculé pour la nuit
Spasmes de lumière verte dans le clic clic clic supprime coupe passe
putain fais quelque chose fais quelque chose de différent
Un orgasme de lumière sur le bord glissant
Un bon moment pour mourir
Et la vie se répandant comme une osmose
Grand-mère lapin trébuche sur la lune
Toujours avec sur son visage cet air chagriné
Fabrique le remède
Sois artiste
Fais ce qui est nécessaire
Margo Tamez (chemise rose et jeans) accompagnée des membres
de la communauté Lipan Apache à El Calaboz, territoire tribal
au Texas, au long du mur frontière avec le Mexique.
(Huhugam : nom des ancêtres des Indiens O’Odham mais aussi nom d’une civilisation préhistorique ayant produit des poteries remarquables et ayant vécu sur un vaste territoire allant de l’état de l’actuel Arizona en englobant le Texas et jusqu’au nord du Mexique, donc terre ancestrale des Lipan Apache également. N.d.T.)
En conclusion, voici ce qu’exprimait Margo (dans un entretien accordé lors du festival de Medellin en Colombie en 2018) : « So, poetry for me is and always has to be connected to the material. I spent too much time in ‘poetry workshops’ and was violated by the student loan indentured slave system for too long [paying for my MFA] to allow what I write to be relegated to ‘poetry for poetry’s sake’. What is that? There’s no oxygen for that, period. I come from the most hyper-militarized spaces in the North American continent, outside of Chiapas. Poetry has to be connected on the ground to communities, period”. (La poésie pour moi doit et a toujours été connectée au matériel. J’ai passé trop de temps dans des ateliers d’écriture de poésie et j’ai été violentée par le système qui fait des étudiants des esclaves (j’ai dû emprunter pour payer les droits d’inscription afin d’obtenir ma maîtrise), trop pour permettre à mes écrits d’être relégués à la “poésie pour la poésie”. C’est quoi? il n’y a pas d’oxygène pour cela, Point final. Je viens d’un des endroits les plus militarisés du continent Nord-Américain excepté le Chiapas. La poésie doit être connectée au sol des communautés, point final.) Elle poursuit ainsi : “What is not connected to witnessing and disrupting the violence perpetrated upon our communities is oppressing us. Poetry workshops have to get grounded in historicizing instead of ahistoricizing the privileges of the elites. A $50,000 graduate degree in creative writing that focuses primarily on ‘literature’ of white writers is another form of white supremacy and white violence against writers of color. $50,000 in student loans is a serious chattel and de-capitalizes writers of color. If the majority of the literatures that a writer of color gets exposed to in that 3–4 years are Euro-American ‘canons’ which exceptionalize ‘American’ and/or U.S. writers, with just a few ‘multicultural’ writers sprinkled into the pot, then we have to seriously challenge the system which reproduces colonial power relationships within that context.”(Ce qui n’est pas connecté au témoignage de la violence perpétrée contre nos communauté et à son démantèlement, nous oppresse. Les ateliers d’écriture de poésie doivent s’enraciner dans l’historisation et non dans l’anhistorisation des privilèges des élites. 50 000 dollars de droits d’inscription pour une maîtrise qui se concentre d’abord sur la littérature écrite par les auteurs blancs est une forme de suprématie et de violence blanche exercées contre les auteurs de couleur. L’emprunt de 50 000 dollars pour un étudiant est une somme importante qui dé-capitalise les écrivains de couleur. Si la majorité des littératures auxquelles un écrivain de couleur est exposé pendant ses 3–4 années d’études est le canon euro-Américain avec les quelques exceptions faites de la présence d’auteurs “multiculturels” saupoudrés dans la marmite, alors nous devons sérieusement défier le système qui reproduit les relations du pouvoir colonial dans ce contexte.) Margo Tamez ne se rendra jamais, vous l’aurez compris! ET tant que la situation des nations Indiennes en Amérique subit de plein fouet les délétères effets de la colonisation, de l’esprit colonialiste et raciste, de l’ultralibéralisme qui en découle, une grosse majorité d’auteurs Indiens auront à coeur de répandre leurs écrits pour défendre les droits et pour répandre la réalité de leur condition, pour affirmer leur identité et la vitalité de leurs cultures.
L’animateur de Fronteras, Edmundo Resendez, discute avec Margo Tamez, membre du Lipan Apache Band of Texas, de son enfance au Texas en tant qu’amérindienne.
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