Revue Alsacienne de Littérature, Elsässische Literaturzeitchrift, “Le Temps”
Je dois à l'amitié d'Eva-Maria Berg, poète humaniste dont plusieurs textes figurent dans cette livraison, de découvrir, avec beaucoup d'intérêt, cette revue trilingue ((des informations à l'adresse suivante - http://larevue-ral.blogspot.fr/)) (français, allemand dialectal et haut-allemand) dont je ne puis apprécier l'intégralité des textes offerts, mais dont l'esprit résumé dans la présentation : "défense et illustration d'une identité ouverte. Elle affirme sa spécificité régionale pour d'autant mieux assurer sa vocation transfrontalière, notamment dans l'espace rhénan", ne peut que séduire un lecteur de Recours au Poème.
Revue Alsacienne de Littérature, Elsässische Literaturzeitchrift, "Le Temps", n. 127,
1er semestre 2017, 152 p., 22 euros
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On y trouve en effet, regroupés dans les 5 volets qui la constituent, et que ponctuent les photos en noir et blanc prises en Chine par Anne-Marie Soulier, des textes passionnants. Dans la partie "Patrimoine", 4 articles sur Réforme et Contre-Réforme complétant la précédente livraison, consacrée à la Réforme en Alsace dont on peut imaginer l'intérêt, à la lecture des textes de Bernard Xibaut, Rémy Valléjo, Jérôme Schweitzer et Gabriel Brauener, qui retracent aussi les sources de ce mouvement religieux, capital dans la constitution de l'identité européenne.
Des poèmes trilingues (pas tous traduits, beaux à voir, mais quel dommage de n'en pouvoir saisir le suc) déclinent le thème du temps dans le "dossier central", présenté par Anne-Marie Soulier - thème qui imprime aussi sa teinte aux poèmes réunis dans les "voix multiples", amplifiant encore ce que le regroupement donne à lire : l'impossible saisie d'un concept, la victoire jamais acquise sur le temps, que les mots piègent parfois, dans ce qu'Anne-Marie Soulier définit si joliment comme "les ruses inattendues du langage, la danse des conjugaisons, l'improbable futur antérieur d'un bal chez Temporel". A défaut de pouvoir tout citer, je retiens le "temps dévorant" d'Alain Fabre-Catalan, une série de petites proses de Jean-Claude Walter consacrée aux saisons, les trains de Claire Krähenbühl, et le "temps de neige au bord de la nuit" de Roselyne Sibille, la beauté graphique des poèmes – pour moi illisibles - en norvégien de Hanne Bramness, page 56, traduits par A-M Soulier sur la page suivante, où l'on découvre la beauté des traces sur la neige-mémoire... 25 poètes réunis pour cette ode au temps mutiple.
Parmi les "voix multiples", on repère six poèmes de Denise Mützenberger, des proses de Marie-Yvonne Munch sous le titre "J comme jours", l'émouvant récit bilingue du "Petit Fritz" évoquant les morts de la première Guerre Mondiale, par Jean-Christophe Meyer, et "Le Corps du silence", d'Yvan de Montbrison, nous entraînant avec lui et toute la charge d'émotion suscitée par sa vision baroque – réponse poétique aux thèmes de la Contre-Réforme évoquée dans le volet historique de la revue :
A la surface de la mort
il y a posée la citadelle du désastre
et ton corps épluché
comme un fruit de sa peau
laisse entrevoir son cœur(...)
mes deux jambes et la multitude des autres jambes coupées
ont par ailleurs pour finir atteint le rivage
et s'enfoncent sans plus attendre silencieusement dans la mer
pour que nous y disparaissions à jamais noyés dans notre sang
Le numéro présente aussi, dans la rubrique fixe "chroniques", outre des textes en langue germanique, un article de Jean-Claude Walter sur Nicolas de Staël, une passionnante note de Jean-François Biellmann sur le sens caché du monogramme d'Albrecht Dürer, ou une présentation de l'écrivain lorrain quadrilingue Eugène Jolas par Claude Fisera. Des "notes de lectures" abondantes et soignées complètent la livraison, largement ouverte sur le monde.