Une Revue des revues que nous devons à Gwen Garnier-Duguy, fondateur de Recours au poème, parue en décembre 2012.
∗∗∗
L’ultime opus de la métamorphique revue NUNC vient de paraître. Depuis sa naissance, l’adjectif qualificatif définissant la revue change à chaque n°. Aussi NUNC évolue-t-elle de livraison en livraison, et après être née agonale, elle est devenue poétique, spirituelle, anthropologique, pérégrine, verticale, charnelle, vagabonde, nocturne, patiente, passagère, accordée, disponible, vigilante, naissante, liturgique, originelle, ardente, singulière. Et, en son 28ème numéro, elle se présente comme silencieuse. Ainsi, comme l’être humain en évolution, NUNC se refonde de l’intérieur sur ses anciennes bases à chaque renaissance, pour les dépasser. En son être renouvelé, cette 28ème apparition est donc silencieuse, mais toujours riche de tous les adjectifs qui l’ont en réalité toujours constitué depuis le départ. Mouvement juste d’une revue juste, et à chaque fois inédite.
Une revue silencieuse, à l’heure du tumulte pornographique commandant à chacun de se vendre sur le marché de la Loi, voici qui donne le ton. Ce silence convient aux mémoires de Carlo Maria Martini et de Henry Bauchau, à qui ce n° est dédié. Puis s’ouvre la revue, par un liminaire ironique et armé de Réginald Gaillard, intitulé : Deux pages vierges pour une prière du cœur — à l’occasion de la rentrée littéraire. in memoriam John Cage. Formidable entrée en matière, qui recueille sur le seuil le silence afin que le lecteur en soit pénétré avant de commencer sa lecture.
Nous entrons ensuite dans le dossier consacré à Erri De Luca. Riche dossier où nous trouvons les voix de Colette Nys-Mazure, de Jean Mattern, de Robert Scholtus, de Eddy Devolder, pour ne citer que quelques noms ayant contribué à ce dossier, et, bien sûr, la voix elle-même de Erri De Luca. Le choix de cet écrivain est expliqué par Réginald Gaillard en raison de la relation que l’italien entretient avec la Bible. De Luca a appris l’hébreu pour pouvoir lire l’Ancien Testament dans le texte. Démarche inouïe pour celui qui se définit comme un non-croyant, même s’il ne se reconnait pas non plus comme un athée. Apprendre l’hébreu. Lire la Bible dans le texte. Et en traduire un extrait chaque matin de sa vie. C’est cet espace, entre la croyance et la non-croyance, qu’occupe Erri De Luca comme écrivain, et cette distance fait de lui un poète majeur de notre temps. Du bel entretien que mène Gemma Serrano avec lui, nous comprenons son regard sur le monde, tellement atypique que respire jusqu’à nous l’esprit de cet homme de parole forcément à part. Un dossier profond, duquel nous extrayons simplement un poème de De Luca, histoire de se mettre en appétit :
Piero Della Francesca
Piero Della Francesca mourut l’année hendécasyllabe du débarquement
mille quatre cent quatre-vingt-douze
de Colomb à l’occident, un orient raté.
Isabelle envoyait au diable les Juifs d’Espagne.
Piero mourut à l’abri des dernières nouvelles.
Il avait peint sur enduit frais les croix et l’insomnie chrétienne
de posséder la ville des sangs et des messies
Jérusalem.
Que pouvait lui importer la découverte d’une Amérique indienne ?
Il laissa sur une douce épaule d’Arezzo,
dans l’air circulaire d’une église,
son voyage en orient, qui est origine, source.
Extraits du recueil L’Ospite incallito, Einaudi, 2008.
La suite de la revue fait place à ce que NUNC nomme Oikouménè, c’est à dire la terre civilisée par ce que nous pourrions nommer l’esprit poétique, et nous trouvons les poètes et les textes de Claire Vajou, Florian Michel, Amélie Collet-Hoblingre, Stéphane Barsacq, Paul Guillon et Pascal Boulanger. Florian Michel évoque la canonisation de Kateri Tekakwitha, Claire Vajou nous emporte avec un brio hors du commun dans un voyage fabuleux, à la recherche d’une énigme d’alchimie homérique, quant à Pascal Boulanger, il nous livre des poèmes de son prochain livre à paraître aux éditions Corlevour, Au commencement des douleurs, et nous sentons déjà à travers ces extraits une manière de procéder comme par concrétions de langage, le temps du Christ et la langue des écritures, du moins certains de ses termes, venant s’écrire aux côtés ou sur la violence langagière contemporaine, dotant la parole d’un dynamisme qui d’une part actualise la langue poétique et la rend fortement opérative d’autre part. En voici un aperçu :
L’abandon
L’axe du monde sur qui
les broussailles épineuses
n’avaient pas de prise
recueille et déplie nos silences.
Sous la voute d’une abbaye déserte
trente pièces d’argent
lèchent la poussière.
Saul
Jour après jour ils ignorent tout
les pantins des rivalités mimétiques
aux trajets punaisés
aux sommeils indigestes.
Leurs yeux s’enfoncent sur les touches d’un clavier
quand ceux de Saul
morts au monde et livrés au vent
comme deux voleurs dans la nuit
suivent l’hypothèse d’un livre
pour qui l’âme de toute chose
est la sang.
S’ensuit l’Axis Mundi, consistant en un cahier consacré à cinq poètes expressionnistes allemands, dont Trakl, Georg Heym, Gottfried Benn, Else Lasker-Schüller et Ernst Stadler. Poètes actuels tant ces expressionnistes se levèrent contre la Belle Epoque bourgeoise qui sévissait alors en Allemagne, et, non sans rapport avec notre propre époque, ces poètes se revendiquèrent du réel de la vie, qui donna naissance au lyrisme moderne.
Voici donc la dernière livraison silencieuse de NUNC qui fera, dans le temps, parler d’elle.
NUNC, revue silencieuse n°28, 144 pages, 22 euros
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Dissonances, n°23
Nous avons reçu le n°23 de la revue Dissonance, revue pluridisciplinaire à but non objectif (c’est le sous-titre). Revue semestrielle de création littéraire thématique dont les objectifs sont la découverte et la promotion de la littérature francophone actuelle dans tous ses états. Ce n° d’hiver est consacré à la notion de “superstar”, et, dixit Christophe Esnault, “il va être super difficile de passer inaperçu et celui qui traversera son existence sans sa dose de célébrité sera un véritable et authentique héros du quotidien, une superstar, en somme…” Dans cette livraison, nous retenons — il faut bien faire des choix — le texte de Arnaud Bourven (dont nous trouverons des poèmes dans Recours au Poème en 2013), et qui nous parle de “Ce qu’elle dit d’Elvis” ; ainsi que le texte-poème de Laura Vazquez intitulé “Déjà”. Une revue variée, illustrée, déjantée, sérieuse, intervieweuse (Jude Téfan en ce n°). À connaître.
Dissonances, n°23, hiver 2012, 40 pages, 4 euros
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Comme en Poésie n° 51
La revue Comme en Poésie vient de sortir son 51ème numéro, sous la protection du Pierrot Lunaire. Revue trimestrielle. Son n° précédent rendait hommage à Jean L’Anselme. Ce n° rassemble pléthore de poètes, comme Gérard Lemaire, Arnaud Talhouarn, Béatrice Machet, Jean-Jacques Nuel, Luce Guilbaud pour n’en citer que quelques uns. Cette revue mêle poésie et regard humoristique sur la langue, avec, ici, de petites définitions amusantes que la revue souhaiterait ajouter au Larousse Benjamin, comme : Titeuf : ce qui sort de la tite poule, où Monter un meuble Ikéa : expression moderne signifiant “passer un week-end de merde”.
Hormis ces amusettes, nous évoluons dans le poème, au gré des inspirations diffuses. Florilège :
Les relever
Un hanneton a tant saigné
Qu’il a senteur de l’hôpital
Telle une vie hors de son gré
Violence ou pas tous les deux
Tombent mais la nuit en potence
Les rêve pour les relever
Jeanpyer Poëls
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Ce qu’il faut
De joies et de douleurs
Pour assembler
Les grains d’un visage !
Franchir et franchir encore
Et dire enfin : me voilà !
Marc Bernelas
***
Entre les barbelés électrifiés
Je ne peux pas passer
On met la tête dedans
Et c’est même le plus difficile
J’ai lu une page (de journal) épouvantable
Sur l’horreur inimaginable
Des camps de travail
En Corée du Nord
Ce n’est pas bien pour dormir la nuit
Et personne aujourd’hui
Dans aucun pays du monde
Ne peut passer la tête entre ces barbelés
Electrifiées — visibles ou invisibles
On devient tellement ébahi
Gérard Lemaire
***
Le poil pubien
Le féminisme est sur le dos
Avec les lèvres bien lissées
Par l’intégrale des pornos
Qui se répand dans les lycées.
Le poil pubien décapité
Par le rasoir ou par la cire,
Laisse libre propriété
Aux conquérants du bel empire.
Le corps modelé par la cour
De la mode et de l’apparence,
Fabrique des culs pour l’amour
Et jette les cœurs au silence.
Ludovic Chaptal
Comme en Poésie, n°51, 72 pages, 3 euros.
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Littérales n°9
La revue Littérales, emmenée par Patrice Fath, en est à sa 9ème livraison et se concentre sur la poésie. Revue d’aspect noir et or, elle interroge ici le lien entre écrire et être. L’ouverture de ce numéro est confiée à Béatrice Bonhomme, qui, au gré d’un entretien, nous donne entre autres propos une définition de la poésie en ces termes : “La poésie, si elle est quelque part, réside pour moi avant tout dans l’acte d’écrire, dans l’écriture comme acte physique, travail manuel, engagement physique. C’est le corps qui écrit ; le texte est comme un corps projeté sur le papier, ou l’image d’un corps.” S’ensuit un entretien fouillé, puis une prose poétique de Béatrice Bonhomme intitulée Variations autour du visage et de la rose, dont nous ne citerons aucun extrait pour ne pas briser la belle unité de cette parole qu’il faut lire d’une traite. Nous croisons ensuite Gaston Marty, dont la voix poétique joue d’expérience :
Il doit exister des oiseaux aveugles
qui fixent nos yeux aimantés
survivent à façades et réverbères du soir
L’ombre sous leur corps si la grêle les épargne
peut éluder le vertige mortel des balcons
Voici un ciel émacié encore piquant
une noirceur cérémonieuse
Ai-je omis en eaux limpides ou marécages
ceux qui sans le dire émettent la clameur
et de leur bec s’évertuent à transpercer les vitres
Plus loin nous tombons avec bonheur sur les haïki de Béatrice Arnaud-Gorecki, forme japonaise prisée par des auteurs occidentaux comme Kérouac par exemple.
*
Jaillissante soif
Ta fontaine s’est tarie
Dans mes veines d’encre
*
Les bateaux n’ont pas besoin
De se cacher pour
Périr. La mer brûle
*
Les îles sont filles
De la solitude
Quel taux de fécondité ?
*
Le froid bûcheron
Retire sa hache
De l’écorce du matin
*
Une rubrique nommée “Poésie à double voix” nous fait ensuite entendre les poèmes espagnols (et traduits en français) de Geneviève Novellino : “Bouge et sors./Sors de ta pauvreté, sors de ton enfance./ Pour te clouer en amour” ; puis ceux, anglais (traduits en français) de Béatrice Machet.
La rubrique “Poésie à deux voix” lui succède, avec ici des poèmes bulgares de Keva Apostolova traduits par Anélia Veleva :
Les paroles vénéneuses
dites à genoux.
Ainsi commence
la perdition humaine.
*
Nouvelle :
une abeille est venue
me voir
et a chanté pour moi
avec une joie organique
*
Ce chemin est droit
mais pour qu’il puisse devenir pur
il doit passer
par le feu.
*
Dans les petites profondeurs du matin
un chant si ardent
que l’abeille a fondu en larmes.
*
Viennent alors les “Nouvelles voix”, celle de Marc Kerjean et de Jean Cloarec. Brestois, Marc Kerjean nous dit ceci :
Au mitan des pluies
La nuit secoue ses cloisons de pénombre
Où se joue déjà la perplexité des pluies ;
Là, le jour en suspens des camps d’ombre
Se divise… puisque le ciel en lavis
Ouvre enfin ses ravines,
Et débonde.
Le final de la revue est un cahier de lecture de quelques recueils contemporains.
Littérales, n°9, 98 pages, 14 euros, 64 boulevard Gambetta, Brest.
***
An Amzer, n°50
Je ne sais si ma résidence brestoise attire à moi les revues nées à Brest, mais il me faut dire un mot sur An Amzer, qui signifie “Le Temps”, en breton. Belle revue au format A4, dont on doit le logo de couverture au talentueux Jean-François Guével. An Amzer livre son 50ème n°. La revue est à l’image des bretons, brestois de préférence : joyeuse, de bonne humeur, un brin chafouine, blagueuse, ouverte, accueillante. Ici, on fait de la poésie sans se prendre au sérieux, mais avec sérieux quand même. Le modèle est communément le vers rythmé et rimé, c’est ce qui apparaît en premier lieu. “Je ne suis qu’un tout petit ver/Qui rêvait d’un bel univers…/Je l’ai trouvé en Armorique,/Pays de danses et de musiques.” nous chante Dông Phong, et ces vers sont à l’image de la revue. Marc Ross, dans des quatrains de même forme, commence : “C’est juste une missive/Ecrite de Rodez/Et douée d’invectives/Pour survivre au malaise”.
Joëlle Kervinio rend quant à elle un hommage à Julien Gracq, en un poème aux vers libres et non rimés. Et nous croisons ainsi des poètes de tous les courants du Ponants, des vers en breton, des cantiques sur la mer, des voix chantant, depuis Gouesnou, la joie d’Etre heureux en novembre (Loeiz Grall). Un dossier spécial envisage le thème de la cuisine alliée à celui de la poésie, et c’est alors un feu d’artifices de vers et de strophes montées en neige : “Froide dans une marinade/Chaude dans l’eau de sa coquille/En beignet, dans une panade/Deux baguettes pour qu’elle se plie/Assis par terre, ne déplaise/Le goût de l’huître japonaise”(Jean-Pierre Anguill). Nous terminerons cette évocation d’An Amzer par la double page intitulée Fort de fromage ! , représentant des couvercles de camembert au centre desquels sont imprimés des quatrains humoristiques de Bernard Trébaol, car la Bretagne, ce sont les crêpes et le cidre, mais la France, ma foi, ce sont les fromages, signe émancipateur et discret des ambitions d’An Amzer :
Un camembert dans sa gondole déchantait
Ses effluves ringards le faisaient mépriser
De ses pâtes voisines à peines fermentées
Tes tommes corsetées aux airs pasteurisés
*
Comme il ne se sentait pas en odeur de sainteté
Il approcha les vins pour se réconforter.
Un brouilly cramoisi se boucha la trompette
D’autres, ne vit que les culs de renommées clairettes.
An Amzer, n°50, 2012, 7 euros
***
Inuits dans la jungle, numéro 4
Nous terminerons cette revue des revues par l’évocation du numéro 4 de la revue Inuits dans la jungle, revue éditée par les éditions Le castor Astral, et dirigée par Jacques Darras, Jean Portante et Jean-Yves Reuzeau. Forte d’avoir publiée l’intégralité de l’œuvre de Tomas Tranströmer, le Castor Astral permet un numéro d’Inuit dans la jungle s’ouvrant par un entretien rare du prix Nobel 2011, entretien daté de 1973, assorti d’un poème inédit de Tranströmer recueilli par un fidèle de son œuvre, Jacques Outin.
De cet entretien d’une vingtaine de pages, passionnant, dans lequel, dixit Jacques Oudin, le poète “nous livre plus d’un secret”, nous ne révèlerons pas un mot. Voix rare que celle de Tranströmer, connue en France grâce au travail du Castor Astral, nous vous invitons à vous procurer d’urgence ce numéro avant qu’il ne soit trop tard. Car les revues comme les livres, et comme les hommes, n’ont pas un tirage illimité. Cette rareté et cette éminence de la parole de Tranströmer, il faut donc aller la chercher dans Inuits dans la jungle.
Après cette ouverture consacrée à Tomas Tranströmer, un dossier rassemble huit poètes chinois contemporains. Un dossier magnifique où vient jusqu’à nous le chant des maîtres du verbe chinois. Hommes et femmes, ces poètes ont entre quarante et cinquante ans, donc une maturité existentielle évidente. Les conditions politiques de la Chine nous font entendre ces poèmes par le prisme de notre liberté d’opinion ne connaissant pas la censure. Par exemple ce poème de Pan Xichen :
Extinction
Une lampe derrière moi
éclaire les ans passés
J’en veux à sa lueur
qui m’empêche souvent d’agir
et de me cacher
A présent derrière moi
elle s’est doucement éteinte, éteinte
Ce noir subitement m’a saisi
De crainte j’ai ouvert grand la bouche mais je reste muet.
Huit poètes, avec un choix copieux de poèmes pour chacun d’entre eux, assorti d’une présentation synthétique. Mais sans aucun autre commentaire. Seuls leurs poèmes. Il y a tout à comprendre par ces huit voix. Tout à ressentir. Tout à imaginer de l’autre monde que représente pour nous, Français, la Chine aujourd’hui. Les poétiques ne sont guère semblables aux nôtres. Les prospectives non plus. Le chant est là, et la poétique, ouverte.
Nous poursuivons ensuite notre découverte de ce beau n°4 par la lecture de Desert Music, de William Carlos Williams, traduit de l’anglais (américain) par Jacques Darras. Une pièce unique de l’un des pionniers de la modernité dans la poésie américaine, avec Ezra Pound et Gertrude Stein. Desert Music fut écrit par Williams au lendemain de son attaque cérébrale en 1951. Un poème qui “conjugue la narration, le déplacement dans l’espace (la frontière avec le Mexique), le journal de voyage, les changements d’allure et de rythme, la tendresse et l’autodérision.”
Succède à ce beau poème hors norme la voix magique d’un des plus grands poètes américains vivants, Jérome Rothenberg, et nous vous engageons à lire à haute voix “La petite sainte de Huautla”.
Puis les poèmes de Durs Grünbein, poète allemand traduit par Jean Portante, dont le magnifique “Transit Berlin”.
Ce numéro touche à sa fin avec la suite du dialogue entre Jacques Darras et Gabrielle Althen sur la Situation de la poésie française contemporaine. Nous pouvons retranscrire ici quelques extraits, significatifs :
“Le monde de la poésie, comme le reste du monde, est pris par l’individualité. À chacun son langage, à chacun sa chose à dire.” Gabrielle Althen
“Qui est pure apparence d’individualité, tant les gens ressassent le même langage.” Jacques Darras.
“J’ai tendance à croire que nous aurions un public si nous arrivions à nous fédérer.” Gabrielle Althen.
“Il s’agit de reconstruire une scène poétique. C’est tout à fait à portée de voix et d’action. (…) C’est bigrement difficile de sortir de ce que j’appelle notre enkystement poétique. Qui est pourquoi nous n’arrivons pas à réunir dans notre poésie la scène mondiale, la scène esthétique et la scène métaphysique.” Jacques Darras.
“Une toute petite lueur d’optimisme (ironique) consisterait à remarquer que la poésie est sans doute entrée la première dans cette période transitoire du renouvellement des technologies d’impression ou de reproduction. Entre le livre traditionnel d’un côté, le livre électronique et internet de l’autre. Et que cette crise éditoriale que connaît la poésie dans les grandes maisons d’édition la place sans doute en position pionnière dans l’édition à venir.” Jacques Darras.
“Ce que nous constatons aujourd’hui, ce sont des hommages à des poètes individuels. Je suis bien placé pour le savoir. Comme si nous allions, de plus en plus souvent, nous faire les thuriféraires les uns des autres, à la fin de nos existences, le troisième quart de nos existences. J’appelle cela la promotion des poètes par ancienneté.” Jacques Darras.
Il y a fort à penser dans ces extraits de leur dialogue, et Recours au Poème en prend acte, tout à fait positivement.
Le final de la revue est confié aux poèmes de Jacques Outin, et nous terminerons sur ses mots :
BORD DE LAC
Flammèches
Au-dessus de tombes
Qui jamais ne verront
Le granit
Quelques œufs
Déposés pour les morts
Que de nuit vient voler
Un enfant
Et en bord de lac
Une dame parée
Voit la brume
S’en aller
Inuits dans la jungle, numéro 4, 164 pages, 12 euros.
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