Lux­u­ri­ante et lumineuse, Intran­Qu’îl­lités, la revue dirigée par James Noël (poète/écrivain) et Pas­cale Mon­nin (artiste plas­ti­ci­enne), con­sacre ce numéro dou­ble à Haïti et porte à son som­maire un bel hom­mage à Jacques Stephen Alex­is, ain­si que des con­tri­bu­tions de nom­breux auteurs : Franké­ti­enne, Dany Laf­fer­rière, Lyonel Trouil­lot mais égale­ment H. Had­dad, Car­ole Zal­berg, Vénus Khoury-Gha­ta, Jacques Lacar­rière, René Depestre, etc.…

Cette belle revue, tant esthé­tique­ment que par son con­tenu fait aus­si une place majeure à la poésie lui con­sacrant une grande sec­tion inti­t­ulée « De la poésie avant toute chose ». On trou­vera d’ailleurs à l’in­térieur de cette sec­tion un texte du regret­té Hen­ri Pon­cet qui nous a quit­té cette année, inti­t­ulé Com­ment se pré­par­ent les révolutions : 

 

Les hommes
retroussent les manches
regar­dent le vin la femme
et l’au­tomne qui rougit la fenêtre… »

 

ou encore Jacques Tau­rand, Bernard Noël, René Depestre, par­mi près d’une trentaine de propositions.

On lira avec un plaisir évi­dent le mag­nifique texte de Franké­ti­enne dont toute l’oeu­vre est une ode au lan­gage, lan­gage au cen­tre de son œuvre et de sa théorie du « Spi­ral­isme », dont voici par exem­ple, un extrait tiré de Mûr à crev­er (Hoëbeke, 2013) :

« Chaque jour j’emploie le dialecte des cyclones fous. Je dis la folie des vents con­traires. Chaque soir j’u­tilise le patois des pluies furieuses. Chaque nuit je par­le aux îles Caraïbes, le lan­gage des tem­pêtes hys­tériques. Je dis l’hys­térie de la mer en rut. Dialecte des cyclones. Patois des pluies. Lan­gage des tem­pêtes. Déroule­ment de la vie en spirale. »

Dans un dossier con­sacré à Borges, où plus exacte­ment, il a été demandé à quelques auteurs de par­ler de leur pre­mière ren­con­tre avec ce grand homme, on lira par exem­ple sous la plume de Dany Lafer­rière que « Borges est un livre » qui ne le quitte pas, qui ne quitte pas sa table de chevet : « Quand je l’ai assez lu, je le rem­place par un autre du même Borges ». 

On lira avec curiosité et plaisir la « Con­ver­sa­tion avec Borges » entre Ramon Chao et Igna­cio Ramon­et, un ensem­ble plein d’hu­mour et de bonne humeur.

Un autre dossier con­sacré au « Che comme métaphore » dans lequel Gary Vic­tor con­fiera les orig­ines de sa « véri­ta­ble com­préhen­sion » du Che :

« Entre les murs, mon Che, tu es la brise qui ani­me les vagues. Entre les murs, mon Che, tu resteras l’é­toile traquée par les nav­i­ga­teurs per­dus en pleine mer, en proie à toutes les bourrasques ».

Quant au dossier con­sacré à l’im­mense fig­ure de Jacques Stephen Alex­is, il était basé sur une invi­ta­tion faite à plusieurs écrivains et poètes d’écrire une let­tre à un de leurs enfants réel ou imag­i­naire sur le mod­èle de J. Stephen Alex­is, celle qu’il avait écrite à sa fille Florence :

« Je n’au­rais pas beau­coup de temps hélas ! Pour con­tin­uer, du loin­tain où je me trou­ve, mon impre­scriptible tâche pater­nelle… Je puis te don­ner vois-tu, ma petite fille, quelque chose que je con­nais bien, pour l’avoir éper­du­ment cher­ché et trou­vé, tout en con­tin­u­ant à le chercher, c’est le sens de la pureté du cœur, de l’amour de la vie, de la chaleur des hommes… Oui, j’ai tou­jours abor­dé la vie avec un cœur pur. C’est sim­ple, vois-tu, Flo­rence… ».

 

En fin d’ou­vrage une belle galerie de por­traits com­plète un ensem­ble déjà rich­es en images, entre autres por­traits, ceux de : Franké­ti­enne, Dany Lafer­rière, Arthur H., Ernest Pignon Ernest, Michel Lebris, Gary Vic­tor, Yanik Lahens, Anan­da Devi.…

« Ce présent hors-série réu­nit les meilleurs moments des deux pre­miers numéros qui sont épuisés ou presque » nous dit James Noël dans son éditorial.

Un numéro assuré­ment qu’il m’é­tait des­tiné de tenir entre les mains, tant pour Haïti et ses auteurs dont Franké­ti­enne, qui depuis longtemps m’ac­com­pa­gne, que pour les thé­ma­tiques poé­tiques et/ou révo­lu­tion­naires qui le composent.

« Ecrire, dessin­er, penser, dire, pein­dre, rêver, en prose ou en poème sont un régime qui con­duit au fonde à une forme d’ex­i­gence du regard ». James Noël.

 

 

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Laurent Maindon

Lau­rent Main­don est met­teur en scène et auteur par pas­sion, fils de pein­tre en bâti­ment et de cais­sière, plutôt vian­des que légumes, et durable­ment hédon­iste. Il a fondé et dirige le Théâtre du Ric­tus, com­pag­nie de théâtre con­ven­tion­née, depuis 1996 et défend tout par­ti­c­ulière­ment les écri­t­ures dra­ma­tiques con­tem­po­raines (Syl­vain Lev­ey, William Pel­li­er, András Forgách, Hein­er Müller, Edward Bond…).

En tant qu’auteur, il a pub­lié plusieurs ouvrages de poésie (récem­ment Chroniques berli­nois­es, Soudain les saisons s’affolent, La Mélan­col­ie des Carpathes…) et quelques nou­velles et réc­its (récem­ment La col­lec­tion, Voivo­d­i­na Tour, Par delà les collines…). Il col­la­bore avec les édi­tions E‑Fractions et le Zaporogue et pub­lie égale­ment dans dif­férentes revues (Le Zaporogue, Terre à ciel, Revue des Ressources, Recours au poème)