Revue Traversées n°101

Un numéro consacré en grande partie à Anne-Lise Blanchard. Un panorama de son écriture à travers différents regards, de ses engagements poétiques et bénévoles en Irak en particulier. L’écriture poétique est en soi un engagement humain et politique, Anne-Lise Blanchard en est un exemple.

Nos cœurs

peuvent-ils trembler du poids

de l’hiver

en même temps que

ceux qui dorment

sous le vent

Traversées n°101, février
2022, 15 €.

Le jour pousse la fenêtre
m’accordant la grâce
de sa splendeur et demain
me visitera
singulier aussi
un autre jour qui suppliera
plus grande présence
entre la mésange du matin
et la résonance de la nuit

Parmi les regards portés sur le travail d’Anne-Lise Blanchard, on trouve Florence Noël, Angèle Paoli, et Jacqueline Persini qui lui consacre un long et bel entretien, au plus près du quotidien.

D'autres poètes enrichissent ce numéro 101 de Traversées : j’ai eu plaisir à retrouver Nadine Travacca, Chantal Couliou que nous avons publiées dans Cairns. J’ai découvert à quelques poèmes Fidèle Mabanza :

 

mot du voyage

une brume émerge de la terre
comme une île au milieu des eaux
la nuit enflée dissémine ses ténèbres

la tristesse demeure en moi
comme la pluie du ciel demeure dans la terre
traversant les couches de mes accablements

mes souvenirs chargés de supplices et d’angoisses
ressemblent à la nuit de dunes géantes
où le vent vient effacer les sillages du voyage

entre le rêve d’enfant et la nuit du voyage
comme un passé recouvert dans un linceul
s’interpose le vélum des nuages ombreux

*

la guerre est un jeu

il était là,
parmi les feuilles
accrochées au corps des branches
parmi ceux combattaient.
Il torturait la brume et les ténèbres
entre les formes et le silence des mers
entre la chair et l’os
sous l’effroyable
l’incroyable tempête des cris à mi-vois.

C’était un enfant de mon quartier
il était devenu le soldat
dont l’arme avait un visage,
un langage et un pouvoir.

Lui, l’enfant soldat du peuplé
n’avait pas de drapeau à défendre
ses jours étaient sans regard
son ennemi n’avait pas de visage.

Ses nuits inutiles
se passaient sur des corps mutilés.
Du fond de la vacuité
la guerre était un jeu,
le jet de grenade
était un jeu d’enfant.