Les amateurs et défenseurs de vraie poésie, au nombre desquels je m’efforce de figurer, ne manqueront pas de se convaincre de la nécessité de lire le dernier recueil de Richard Rognet, dont il est question ici.
Je me souviens en d’autres temps avoir relevé quelque part dans une revue de poésie contemporaine pilotée par un poète ami, que trop de recueils sont inutiles. Dont acte. L’auteur du présent ouvrage, rompu depuis des décennies à l’exercice de l’intime et de l’authenticité, fait encore une fois la démonstration du contraire, tant son propos sonne juste et clair. Les habitués de son œuvre seront sans doute quelque peu déroutés, davantage par la forme que par le fond. Quatrains et tercets en vers libres s’enlacent pour tisser un maillage de lignes de forces qui convergent vers le ciel, comme une évidence qui nous dépasse. Une grandeur qui procède à la fois de l’écriture et s’en absout, ne serait-ce que par la beauté heureuse des fleurs. Nous ne sommes pas très loin du vers fulgurant d’Arthur Rimbaud : La main d’un maître anime le clavecin des prés et de ses résonnances qui traversent toute la poésie moderne. De page en page, nous suivons Richard Rognet dans sa pérégrination intérieure, où son verbe exprime sa pleine maturité. Porté par un temps qui fait et défait le monde, le poète se fait messager / des étreintes amères sans renier pour autant les enchantements clairs / de l’enfance. Et c’est cette oscillation permanente entre le clair et l’obscur, cette lucidité précise, aussi nette que l’acier, qui convainc sans peine le lecteur qu’il a affaire à du grand art. Nul propos qui ne soit pesé à l’aune de ce qui fait l’essentiel de notre existence, que les frôlements indicibles du silence rendent habitable. Richard Rognet sait à quel point la disparition et l’absence sont à l’œuvre au sein de la vie elle-même, et combien elles en délivrent toute la saveur.
Richard Rognet, Le Porteur de nuages, éditions de Corlevour, 2022, 80 p, 15€.
Il demeure d’ailleurs sans illusion sur la vanité de l’écriture et l’impuissance des mots, leur préférant une sorte de détachement apaisé. Alors oui, lire un poète comme Richard Rognet est nécessaire. Non pour passer le temps ou consommer des mots, mais pour se confronter, par la grâce d’une écriture des plus raffinées, à la réalité de la vie et au mystère d’être au monde.
Présentation de l’auteur
- Alain Dantinne, Chemins de nulle part - 6 décembre 2023
- Philippe Mathy, Derrière les maisons - 29 octobre 2023
- Alain Dantinne, Chemins de nulle part - 5 octobre 2023
- Max Alhau, Entretenir le feu - 5 septembre 2023
- Max Alhau, Entretenir le feu - 20 avril 2023
- Gilles Lades, Ouvrière durée - 29 décembre 2022
- Richard Rognet, Le Porteur de nuages - 21 décembre 2022
- Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur - 6 octobre 2022
- Alain Dantinne, Amour quelque part le nom d’un fleuve - 21 septembre 2022
- Alain Dantinne, Amour quelque part le nom d’un fleuve - 20 mai 2022
- Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur - 3 mai 2022
- Marie Alloy, Ciel de pierre - 20 avril 2022
- Olivier Vossot, L’écart qui existe - 5 avril 2022
- Isabelle Lévesque, En découdre - 31 octobre 2021
- Claude Albarède, Buissonnières - 21 septembre 2021
- Claude Albarède, Buissonnières - 21 juin 2021
- Béatrice Marchal, Élargir le présent suivi de Rue de La Source - 5 avril 2021
- Jean Pierre Vidal, Passage des embellies suivi de Thanks - 6 décembre 2020
- Gérard Bocholier, Une brûlante usure - 6 octobre 2020