Roberto Marzano, poète sans cravate

Roberto Marzano, "poliedrico esecutore di pensieri ", ainsi que le définit la préface de son recueil de poésie, Dialoghi scaleni - ou bien "poète sans cravate" comme le désigne sa bio, est bien un poète-compositeur-interprète de textes et de chansons où son art aux multiples facettes débusque les travers et les du monde contemporain, à travers les objets les plus variés, les avancées technologiques… avec un sens de l’humour mêlant grotesque et surréalisme : que dire de l’aubergine amoureuse qui « grille » pour son objet, ou des fourmis élisant domicile dans les chaussures du poète (qui font penser aux fameux souliers du pauvre Van Gogh).

Un monde hétéroclite, d’où le sérieux et le sentiment ne sont pas bannis, mais protégés par cet humour grinçant qui soulève un coin du réel apparent pour dévoiler ce que l’humain aurait de meilleur en lui. C’est enfin une chanson composée pour le projet Hair in the wind, Capelli al vento, que soutient Recours au poème, qui présentera les textes de l’anthologie réunie par jeudidesmots.com – Cheveux au vent, Femmes d’Iran - pour cette action en soutien aux femmes en lutte pour leur liberté, déjà présentée à Piacenza, où a été effectuée la captation de la chanson.

*

 

traductions : Marilyne Bertoncini

Downlove – L’amore ai tempi di Facebook

 

Ti prego taggami

lungo la schiena un browser

copia ed incollami

i file tuoi nell’anima

tesoro mio modificami

sarò il tuo umile server

il tuo disco fisso

la perdizione in bluetooth

io, piccolo mouse che non fugge

sto connesso ed anelo

a loggare i tuoi giga

ammorbidendo il firewall...

 

Ma il downlove non si avvia

non resettarmi la ram

forse il software è obsoleto

s’imporrebbe un upload

ma amor mio mi accontento

di un pdf (anche piccolo)

un media player d’annata

un viaggio su google earth

basta che tu mi dia

la tua mail od un brivido

un sorriso zippato

e che clicchi “mi piace”

condivida il mio post

ma fa presto se no

mi si arresta il sistema

e davvero non so

se poi mi riavvierò…

Downlove - L'amour au temps de Facebook

 

Tague-moi, s’il-te-plaît

le long du dos d’un navigateur

copie-colle moi

tes fichiers dans l'âme

mon chou change moi

Je serai ton humble serveur

ton disque dur

la perdition en bluetooth

moi, petite souris qui ne fuis pas

Je reste connecté et je désire

loguer tes giga

en attendrissant le pare-feu...

 

Mais le downlove ne démarre pas

ne reboote pas ma mémoire vive

le logiciel est peut-être obsolète

il faudrait retélécharger

mais mon amour je me contente

d'un pdf (même tout petit)

un lecteur média vintage

un voyage sur Google Earth

il suffit que tu me donnes

ton email ou un frisson

un sourire compressé

et que cliquant sur "like"

tu partages mon post

mais fais vite sinon

mon système plante

et vraiment je ne sais pas

si je pourrai redémarrer...

 

*

 

Il conguaglio

 

E' stato proprio il conguaglio dell’acqua

a farci annegare la vita

a infradiciare il nostro povero amore

a renderci naufraghi tra le bollette

le nocche nervose dei creditori insistenti

alla porta ferita da gragnuole di pugni

con noi dietro, muti, senza emettere un fiato

confidando sulla loro stanchezza.

 

A nulla è servito barcamenarsi

tra gli sconti e le offerte sempre più audaci

dei supermercati in guerra perenne

per ottimizzare il costo del lavoro

licenziati in tronco da una crisi bastarda

tranciati da un taglio che ci ha mozzato la testa

ora siam qui di fronte alla finestra

indecisi se aprirla e buttarci nel vuoto

o chiuderla bene ed aprire il fornello

trovando nel gas un qualche rimedio

ma facciamolo subito

prima che taglino anche quello!

La régularisation

 

C'est bien la régularisation de l'eau

qui a noyé notre vie

trempé notre pauvre amour

nous naufrageant sous les factures

les jointures nerveuses d’insistants créanciers

à la porte blessée par des grêles de poings

et nous derrière, muets, retenant notre souffle

escomptant leur fatigue.

 

Il n’a servi à rien de naviguer

entre les remises et les offres toujours plus audacieuses

des supermarchés en guerre permanente

pour optimiser le coût du travail

virés sans préavis par une crise bâtarde

tranchés d'une taille nette qui nous a coupé la tête

maintenant nous sommes devant la fenêtre

hésitant si l'ouvrir et se jeter dans le vide

ou plutôt la fermer et ouvrir la gazinière

trouvant dans le gaz une sorte de remède

mais faisons vite

avant qu'ils ne le coupent aussi !

 

*

 

La melanzana innamorata

 

Prendimi, strizzami

scompigliami il peduncolo

vìola il mio corpo viòla

col tuo pugnale adunco

affettami, trafiggimi

intrugliami con l'aglio

riducimi in cubetti

confondimi il cervello

e, dopo, aspergimi

di sale, di prezzemolo

spadellami nell'olio

sfrigolerò d'amore

io, solanacea timida

dei tuoi occhi cotta

oserei dir... son fritta!

se non fosse che per te

qui me ne muoio…

L'aubergine amoureuse

 

Prends-moi, serre-moi

ébouriffe mon pédoncule

viole mon corps violet

de ton poignard crochu

tranche-moi, perce-moi

mélange-moi à l'ail

réduis-moi en petits cubes

embrouille-moi le cerveau

puis, arrose-moi

de sel, de persil

fais-moi sauter dans l'huile

je grésillerai d'amour

Moi, timide solanacée

amoureuse de tes yeux

oserais-je dire... pour toi je grille !

si ce n'était que pour toi

ici je me meurs...

 

*

 

Formiche nelle scarpe

 

Ho le formiche nelle scarpe!

Hanno perso la ragione

e si son convinte

- nessuno glielo leva dalla testa -

che siano, ahimè, la loro casa.

S’inventano così percorsi arzigogolati

tra tomaia, calze e gli alluci perplessi

per tutto quel traffico frenetico

“ti prendo e non ti prendo”

nella penombra umidiccia...

 

Un improvviso movimento sussultorio

mi induce a  procedere a passo di danza

e a supporre che nella loro opaca lucidità

si stiano, lì, accoppiando

avendo probabilmente scambiato i miei piedi

per un… pied-à-terre!*

 

  • en français dans le texte

Des Fourmis dans les chaussures

 

J'ai des fourmis dans les chaussures !

Elles ont perdu la raison

et sont convaincues

- personne ne l’ôte de leur tête -

que c’est, hélas, là qu’elle habitent.

Ainsi elles s'inventent des parcours tortueux

entre tiges, chaussettes et gros orteils surpris

de tout ce trafic frénétique

"Je t'attrape et je ne t'attrape pas"

dans la pénombre moite...

 

Tout à coup un mouvement saccadé

m'incite à engager un pas de danse supposant que dans leur opaque lucidité

elles soient, là, en train de s'accoupler

ayant probablement échangé mes pieds

pour un… pied-à-terre !

 

*

 

Cheveux au vent