Roger Gonet : La Voie Haute

 

Quand on ferme La voix haute de Roger Gonnet, paru aux éditions « sac à mots », on reste un moment à s'interroger sur le titre : de quelle voie haute s'agit-il, quand au contraire le recueil nous emmène dans les voies du très bas, sur les chemins boueux de ce monde terre-à-terre où nous sommes invités à marcher temporairement ?

C'est par cet écart, dans cette tension que doit se lire ce recueil. De la tension qui entre-ouvre comme les deux bords d'une blessure, se crée cet espace qui est celui du sens que cherche la poésie. Le titre donné à la seconde section du recueil « incisure », le goût pour les images de la frontière, du déchirement (par l'éclair - du ciel, par le souffle - du papier de soie, par le souvenir - de la conscience) s'originent tous, on ne peut en douter, dans cette attention chez Roger Gonnet concentrée et tendue à ce qui s'ouvre sans s'offrir, se dit en silence, glisse au cœur de l'immobilité des choses et des lieux. Faut-il s'arrêter aussi à l'impression parfois d'incohérence, de superpositions dans les images de ce recueil construit autour de répons brefs, échanges de voix matérialisés par la typographie et le mètre ? L'économie de moyens, la brièveté aphoristique des vers contribuent à brouiller les repères du lecteur. De ce désordre, de ce malaise, cet in-équilibre qui dérange puisque nous voilà sans assise, le recueil cherche à produire dans la lecture ces opérations de glissement, de ruissellement, cet univers labile qui est le lot commun et unifie ici les différents poèmes de l'ensemble.

 écoute une voix qui ne parle plus ».

les branches dessinent / la première lettre / du poème » page 19) ; mais Roger Gonnet n'emprunte les chemins errants ni des moines Chan ni des maîtres Zen. Le brouillard sur le parc, le petit jour qui « s'adosse au jardin », le « sable » et l'estran, la forêt, ou même une « cathédrale détruite » voilà ce qui peu à peu dessine le décor du recueil. Décor à hauteur de l'ordinaire.

Non, c'est de changements, des métamorphoses, de fugacité, du glissement, de ruissellement dont le regard s'effraie, s'étonne, s'émerveille parfois aussi.

 (page 64).

voie haute », jusqu'au silence. Nous voilà invités à un cheminement où « la beauté et la peur [nous] accompagnent ».