Romain Mathieux, poèmes

Par |2019-09-06T19:00:10+02:00 6 septembre 2019|Catégories : Poèmes, Romain Mathieux|

 

 

comme si la langue natale des poètes
approchait de ce jour des grands avortements

on n’a jamais tant ri de ces vieux protecteurs
on n’ose pas trembler

Rilke avait-il rai­son de douter :
« les arbres sont-ils meilleurs ? Ne sommes-nous qu’engendrement
et matrice de femmes, qui se don­nent abondamment ?
Nous nous sommes pros­ti­tués avec l’éternité1
« sind Bäume bess­er ? SInd wir nur Geschlecht
  und Schoß von Frauen, welche viel gewähren ?
  Wir haben mit der Ewigkeit gehurt… »

 

 

 

 

« sind Bäume bess­er ? SInd wir nur Geschlecht

  und Schoß von Frauen, welche viel gewähren ?

  Wir haben mit der Ewigkeit gehurt… »

 

 

aimer pour con­naître la littérature
ou bien
con­naître le livre pour aimer

et le soleil qui trem­ble au bout de ta main
comme une mèche de chair tendre
est lumière menue qui me per­met de lire

et la lampe qui éteint le jour
comme un livre ouvert
éclaire ton visage

« le soir se referme comme un livre
et l’âme est dans les feuilles comme un mar­que-page »2
« Se-nchide înser­area ca o carte
 Şi sufle­tul în foi, ca o zăloagă. »

 

écriv­it Tudor Arghezi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un sim­ple jour d’abondance :
le don con­tre l’Histoire.
(il paraît que l’Histoire existe)

une herbe fleuris­sant au vent de mer
la beauté s’ouvrant sans égard -

et ta présence sans raison
que la beauté des contingences

com­ment ne pas songer alors à Silesius :
« la rose est sans pourquoi.»3« die Rose ist ohne Warum ».

 

 

 

 

A lire Proust, quelques arbres
au bord d’un chemin
sont beaux de tout un passé retrouvé :

« Fal­lait-il croire qu’ils venaient d’années déjà si loin­taines de ma 
vie que le paysage qui les entourait avait été entière­ment aboli 
dans ma mémoire et que, comme ces pages qu’on est tout d’un
coup ému de retrou­ver dans un ouvrage qu’on s’imaginait n’avoir
jamais lu, ils sur­nageaient seuls du livre oublié de ma première 
enfance. (…)

 Je crus que c’étaient des fan­tômes du passé, de chers 
com­pagnons de mon enfance, des amis dis­parus qui invoquaient
nos com­muns sou­venirs. Comme des ombres ils sem­blaient me 
deman­der de les emmen­er avec moi, de les ren­dre à la vie. »

A lire Pes­soa, l’arbre n’est beau
que sans notre pensée :
« J’aime les arbres parce qu’ils sont des arbres, sans ma pen­sée »4« Eu amo as árvores por serem árvores, sem o meu pen­sa­men­to. »
Celui qui décou­vri­ra pourquoi
ils ont rai­son tous les deux
pour­ra me dire, sans doute
pourquoi ces arbres devant moi
au début de l’été
sont si pleine­ment beaux.

 

 

Présentation de l’auteur

Romain Mathieux

Romain Math­ieux est né en 1973. Après une maîtrise de let­tres à la Sor­bonne, et de nom­breux séjours dans les pays du nord, il traduit des poètes finnois, sué­dois, norvégiens, féringiens, islandais, danois et mêmes groen­landais pour divers­es revues : Poésie pre­mière, Décharge, les Cahiers de l’approche, Poésie 64. Il traduit un recueil de mythes sames (du finnois) écrit par Eli­na Helander Ren­vall, pro­fesseur à l’université de Rovanie­mi, pub­lié en Finlande.

Il réalise aus­si pour Décharge un arti­cle sur Daniel Abel, poète sur­réal­iste, et ami.

En 2017 il prononce une con­férence sur la poésie islandaise au Salon du livre insu­laire à Ouessant.

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