Rossano Onano : carnet de poèmes inédits
Cela te suffit-il, si je te dis merci ?
.
textes recueillis par Giancarlo Baroni,
traduction de Marilyne Bertoncini
Ce sont des inédits absolus, même en Italie, que nous vous proposons : issus d'un "carnet à la couverture ornée de petites corolles aux couleurs délicates comme une prairie fleurie" contenant environ 130 poèmes inédits en volume de l'écrivain Rossano Onano que Giancarlo Baroni ( qui nous avait déjà offert une large sélection de poèmes publiés, édités par ses soins et traduits en français par Marilyne Bertoncini, le 6 novembre 2020 dans Recours au poème) nous donne à découvrir en avant-première, grâce à Erminia (Emy, protagoniste d'un texte affectueux ici) , la femme du poète, que Giancarlo Baroni a le plaisir de connaître.
"Dans le cahier se trouvent des textes de différentes longueurs, comme c'est généralement le cas dans les nombreux livres d'Onano publiés de son vivant" nous écrit Giancarlo Baroni. "J'en ai choisi quelques-unes parmi les plus concises : Rossano était un maître des formes courtes. Dans la succession des pages, surtout dans les dernières avec l'aggravation de la maladie, l'écriture manuscrite révèle une plus grande incertitude qui rend son interprétation plus compliquée.
Rossano Onano nous a quitté en avril 2019 ; donc plus de 5 ans se sont écoulés depuis son décès, mais son souvenir reste indélébile chez ceux qui ont eu la chance de le connaître."
.
Intelletto
Nel suo tendere alla perfezione
era sulla buona strada, prossimo all’arrivo.
Sollevò lo sguardo, vide un’immobile
landa fiorita, un’alba temperata.
Fortunatamente accorse l’urlo
della lupa, capì come il percorso
fosse infinito, proseguì il cammino.
Intellect
Dans sa quête de perfection
il était en bonne voie, sur le point de l’atteindre.
Il leva les yeux et vit immobile
une terre fleurie, une aube tempérée.
Fort heureusement, lui parvint le cri
de la louve, il comprit que le chemin
était infini, il poursuivit sa route.
*
Tav
Tutti i binari, in lontananza, convergono.
Per questo coltiva le lontananze
con umiltà. Aspetta timido l’ultima
convergenza, fioca, nella speranza.
TGV
Tous les rails, à l’horizon, convergent.
C’est pourquoi il cultive les distances
avec humilité. Timide, il attend l’ultime
infime convergence, pleins d'espérance.
*
Io
Dimmi, Signore, da quali inopportune vie
mi sopraggiungi, quale meta proponi, quale ingaggio?
Sappi che mi rammarico, nel tiepido calore
dell’accampamento, io, pauroso che termini il viaggio.
Moi
Dis-moi, Seigneur, par quels chemins inopportuns
Tu viens à moi, quel but tu me proposes, quel engagement ?
Sache que je regrette, dans la douce chaleur
du campement, moi qui suis peureux, la fin du voyage.
*
Fobica
Il silenzio rompeva da tutte le fessure
non dava tregua. Finalmente una lama di luce
ferì la stanza nel costato. Ci riversammo
nei vicoli, ancora una volta sopravvissuti.
Phobique
Le silence se brisait par toutes les fissures
sans répit. Enfin une lame de lumière
perça le flanc de la chambre. Nous nous déversâmes
dans les ruelles, encore une fois survivants.
*
Adriatico
Nulla vedi più calmo di questo mare
vedi rosse bandiere sui pennoni dondolare.
Quale pericolo incombe non devi sapere
un corvo bianco (un albatro) guarda dalle scogliere.
Adriatique
Tu ne vis jamais plus calme que cette mer
tu vois de rouges drapeaux flottant sur les mâts.
Quel danger plane, tu ne dois pas le savoir
un corbeau blanc (un albatros) regarde depuis les falaises.
*
Rosa rosae
Un giardino rivolto ad occidente
le madonne coltivano le rose
vengono e vanno le tribù terrestri
nel giardino si piantano le rose.
Rosa rosae
Un jardin tourné vers l'occident
les madones cultivent des roses
les tribus terrestres vont et viennent
dans le jardin des roses sont plantées.
*
Rossano e Emy
Non sapevo che cosa raccogliere
di quanto ho tenuto per me
di quanto non ho speso,
cosa portare via.
Ti basta se dico grazie? Il ricordo
della tua mano, il viaggio
leggero o greve, nel giorno, comunque?
.
Rossano et Emy
Je ne savais pas quoi rassembler
de ce que ce je m’étais tenu
ce que je n'ai pas dépensé,
quoi emporter.
Suffit-il que je te dise merci ? Le souvenir
de ta main, le voyage
léger ou grave, ce jour-là, en tout cas ?
(a cura di Giancarlo Baroni e con la traduzione di Marilyne Bertoncini)